La nouvelle réglementation environnementale doit s’appliquer depuis le 1er janvier. Les systèmes d’assainissement non collectifs doivent s'y soumettre comme toutes les différentes parties de la construction des bâtiments. Cela avance avec un peu de retard.
Les élections passées, le thème de l’environnement ne va pas disparaître pour autant. C’était en partie le cas lors du quinquennat précédent, même si ce ne sautait pas aux yeux. Pour preuve, la Réglementation Environnementale 2020 (RE2020) qui s’est substituée à la Réglementation Thermique de 2012 (RT2012), issue du Grenelle de l’Environnement. Avec la RE2020 c’est la chasse aux gaz à effet de serre qui est ciblée.
Or, en France, le secteur du bâtiment représente 44 % de la consommation d’énergie et près de 25 % des émissions de dioxyde de carbone (CO2 ). C’est pour réduire cette empreinte carbone que des nouvelles dispositions sont en place depuis le 1er janvier de cette année. Elles sont régies par le décret du 29 juillet 2021, suivi une semaine plus tard d’un arrêté relatif aux exigences de performance énergétique et environnemental des constructions de bâtiments. L’ensemble de la composition physique des bâtiments est concerné, en particulier, dans le lot 1 qui regroupe la voirie et les réseaux divers (VRD), les systèmes d’assainissement autonome, ce que nous appelons habituellement les ANC (assainissement non collectif). Avec environ 100000 systèmes installés chaque année, la France est le premier pays européen du traitement des eaux usées à la parcelle.
Parmi ces systèmes, plusieurs techniques sont agréées par l’État qu’il s’agisse des micro-stations, des filtres compacts ou des filtres plantés.
Tous les fabricants sont donc sur le pied de guerre, mais pas forcément en même temps. Pour se trouver en conformité avec la RE 2020, il faut pouvoir évaluer l’empreinte d’un produit “ du berceau jusqu’à la tombe”, à travers son analyse de cycle de vie (ACV) effectuée par le fabricant quand il a les reins assez solides ou, la plupart du temps, confié à un bureau d’étude spécialisé.
« Cette ACV est multicritère, explique Jean-François Vanhecke, responsable certification et normalisation chez Eloy. Elle prend en compte, outre les émissions de dioxyde de carbone pour atténuer le changement climatique, l’impact sur la couche d’ozone, sur l’eutrophisation des milieux, l’acidification des sols et des eaux des sols, et même la formation d’ozone troposphérique et l’épuisement des ressources abiotiques comme le sol, l’eau ou les roches ». C’est donc dans une analyse globale à laquelle les fabricants de systèmes d’ANC doivent se lancer.
Ensuite le fabricant rassemblera ces résultats sur des fiches de données environnementales et sanitaires (FDES), documents normalisés et vérifiés par un organisme indépendant. Il y en a de deux sortes : la FDES individuelle qui donne toutes les données sur un produit ou bien collective quand elle est établie sur la base d’une collecte de données issue d’un échantillon de produits dont l’impact sur l’environnement ne dépasse pas 20 %. Toutes les FDES sont compilées dans la base de données Inies, base qui recueille depuis près de 20 ans toutes les données environnementales de référence pour le bâtiment. Fin avril 2022, 2914 FDES y étaient comptabilisées dont seulement 12 en ce qui concerne les ANC: ce sont des FDES individuelles d’une seule société, Premier Tech Eau et Environnement.
Pourquoi ? « S'il n'y a pas de FDES, une valeur par défaut est définie dans la base INIES et c'est cette valeur qui sera utilisée dans le cadre du calcul (cette valeur est supérieure à celles calculées dans le cadre d'une FDES) », explique Akim Khalili, responsable produits chez Premier Tech. Cette déclaration environnementale par défaut évite la réalisation d’une ACV mais elle défavorise les systèmes n'ayant pas de FDES en augmentant l'empreinte carbone du produit. « Il n’y avait pas urgence à déposer les FDES », assure Martin Werckmann, président d’Aquatiris et trésorier de l’ATEP. « Il vaut mieux qu’on se mette tous d’accord sur la méthodologie afin que nos produits soient réellement comparables ». À la demande de la Direction Générale des Entreprises (ministère de l’Économie et des Finances), l’ATEP a entrepris dès 2019 d’élaborer des critères acceptés par tous les fabricants.
C’est l’Inrae Transfert, une filiale de l’Institut National de Recherche pour l’agriculture, l’Alimentation et l’Environnement, qui s’en est chargé. Parmi ces critères, il faut par exemple choisir d’un commun accord quelle est la longueur des fils d’eau d’entrée, du réseau amont et aval, à quelle distance moyenne sont les centres qui accueillent les boues issues des vidanges des ANC (50 km), quelle distance parcourt le prestataire pour sa visite de contrôle (25 km), quelle durée de vie prendre en compte, ainsi que quelle puissance électrique (puissance induite totale plutôt que puissance nominale). La liste est longue, les négociations aussi, mais les travaux touchent à leur fin. « A l’issue de notre dernière réunion de fin mai, nous avons un document qui sera le livre blanc de l’établissement d’une ACV. Chacun a jusqu’à la fin de l’année pour l’accepter », déclare Martin Werckmann.
Restera alors à lancer les ACV sur des bases communes et éditer les FDES correspondantes. Pour les organismes de vérification, ce sera aussi plus clair car en l’absence de ces normes communes, le vérificateur ne peut que se rendre compte si les calculs effectués par le fabricant sont plausibles. C’est ce qui s’est passé pour les premières FDES déposées par Premier Tech. Il faut donc encore attendre quelques mois avant de voir la base Inies se remplir des FDES des ANC. « On voit des maîtres d’ouvrages, des architectes commencer à nous demander des FDES avec des durées de vie de 50 ans, convient Sébastien Atlan, responsable eau France chez Kingspan. Mais pour l’instant nous ne pouvons y répondre ». « Dans le cadre de la RE2020, Simop est amené à utiliser les FDES "type" mises en ligne par le Ministère », explique Delphine Durand, chef de produits assainissement. « Et en tant qu'adhérent de l'ATEP, nous suivons ses travaux sur l'ACV et les FDES, pour qu’un nouveau format commun soit validé pour les produits ANC ».
Autre avantage, la comparaison des produits en sera facilitée et le cercle vertueux de l’éco-conception sera mis en route. Avec, en corollaire, la baisse de l’empreinte environnementale des ANC, en particulier de leur empreinte carbone. Car la RE2020 prévoit de limiter les seuils de carbone au cours du temps à travers l’indicateur IcConstruction qui exprime l’impact de l’ensemble de la construction (dont l’ANC) sur le changement climatique. De 640 kg eq CO2 /m2 jusqu’en 2024, il doit diminuer à 530 kg eq CO2 /m2 jusqu’en 2027, à 475 kg eq CO2 /m2 jusqu’en 2029 et 415 kg eq CO2 / m2 à partir de 2031. Reste qu’actuellement, la RE 2020 prévoit une modulation qui plafonne l'IClot1 à 20 kg eqCO2 /m2.
« Le problème est que ce plafond est assez bas et sera systématiquement atteint. A ce jour, l'utilisation de n'importe quel dispositif d'ANC (ayant une FDES individuelle ou non) aura le même impact d'un point de vue des seuils réglementaires de la RE 2020.L'objectif de la RE 2020 n'est pas de punir les fabricants par un seuil trop contraignant mais de les inciter à s'inscrire dans une démarche d'écoconception sur le long terme », estime Jean-François Vanhecke. « Pour nos produits d’ANC, il faut aussi tenir compte du volume d’eau usée traité. Cela doit donc aussi se compter en mètres cubes », pense Sébastien Atlan, manager France pour l’eau chez Kingspan. Ces seuils sont modulés par divers coefficients tenant compte de la surface du projet, de l’impact des infrastructures, de la zone géographique, ou de l’utilisation importante de données par défaut.
A-t-on une idée de la technologie qui obtiendra le meilleur indicateur IcConstruction? Quid des filières à cultures fixées Aquameris de Sebico ou Necor® de Remosa? Des medias synthétiques mis en œuvre par Rikutec avec Actifiltre®, Graf avec Biomatic®, Bionest avec Bionest MD? Des filtres compacts à laine de roche proposés par Biorock et Assainissement autonome? Des fibres de coco utilisés par Tricel (Seta® et Seta® Simplex), des coquilles de noisettes privilégiées par Simop avec Bionut®, du Xylit, une fibre naturelle organique riche en liaisons carbonées extraite du lignite, exploité par Eloy Water (X-Perco®), de l’écorce de pin maritime comme vient de le lancer Premier Tech? Les jardins plantés tels les jardins d’assainissement d’Aquatiris auront-ils la meilleure note?
Ce n’est pas si évident. « Le transport par bateau est impactant pour l'empreinte carbone mais compte tenu de la quantité de coco transporté et compressé nécessaire à la fabrication d'une filière Ecoflo, l'empreinte carbone du coco est minime résume Akim Khalili. En revanche il faut beaucoup de sable dans un filtre à sable même si le lieu où il est pris est proche ». « L’ACV des filtres à sable n’est pas forcément la meilleure, même si l’État favorise nettement ces techniques », renchérit Hugues Rault, président-fondateur d’Innoclair et président de l’association des professionnels des micro-stations (APMS). « Chaque famille de produit a sa raison d’être, suivant la nature du sol, la surface disponible ou que le traitement est continu ou non » appuie Sébastien Atlan. De toutes façons, ce n’est pas le but de la RE2020. « C’est l’innovation environnementale et l’éco-conception qui sont visées. Cela nous tire tous vers le haut », pense Martin Werckmann.
Kingspan a déjà intégré cette nouvelle demande sociétale. Effectivement une analyse de cycle de vie ne sert pas seulement à établir une FDES, mais aussi de passerelle vers des démarches de qualité comme la norme NF. Les fabricants d’ANC en sont convaincus. « Nous avons anticipé la RE2020 en faisant évoluer nos micro-stations Bioficient+, reconnaît Sébastien Atlan. Le design des produits prend désormais en compte cette contrainte d’une ACV peu gourmande en matériau et énergie ». Surtout que la mise en place de ces ACV et des fiches déclaratives qui leur sont associées n’est qu’un premier volet de cette révolution environnementale qui s’amorce dans le bâtiment. Le recyclage obligatoire fait partie de la philosophie de la RE2020. Mais rien n’est encore prêt pour la mettre en place.
« Un décret devrait bientôt paraître », rappelle Hugues Rault. « Il lancera l’établissement des éco-organismes chargés de collecter les déchets de la construction, et donc des ANC, comme il en existe déjà pour les pneus ou le mobilier ». En prélevant leur dîme chez les fabricants, ces organismes devront aller chercher chez le particulier ou les entreprises les produits de vidanges des fosses toutes eaux, des filtres compacts ou des micro-stations. L’APMS a déjà pris contact avec ces futurs éco-organismes (Ecominero ou Valobat) qui attendent le décret pour déclarer leur existence et recevoir l’agrément des pouvoirs publics.
À partir du 1er janvier 2023, il faudra en effet savoir recycler non seulement les boues de vidanges des fosses, mais aussi les médias filtrants des filtres compacts (fibres de coco, bois, noisettes, laines de roche, PE) ou les supports de bactéries des micro-stations à cultures fixées. Sans compter, lors du changement de cuve, les anciennes cuves en PE/PP ou béton, le matériel électromécanique, le PVC ou les graviers. Or rien n’est prêt au jour d‘aujourd’hui.
De plus, le coût supplémentaire de l’établissement d’une ACV et de la redevance aux éco-organismes chargés des déchets va soit gréver les fonds des entreprises d’ANC soit ceux des contribuables. En cette période de forte inflation, il n’est pas certain que cela soit vu d’un œil amical. Il y a encore du travail avant que l’entièreté du cycle de vie des produits soit gérée en France