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Valorisation du biogaz : des stratégies aussi techniques qu’économiques

30 janvier 2025 Paru dans le N°478 à la page 46 ( mots)

La méthanisation gagne du terrain, en STEU ou sur les territoires. Pour valoriser leur biogaz, les exploitants peuvent opter soit pour la cogénération de chaleur et l’électricité, soit pour l’injection de biométhane dans le réseau. Les technologies sont au point, ce sont les tarifs et les débouchés qui détermineront le choix.

Les stations de traitement des eaux usées (STEU) avec leurs boues, comme les territoires avec leurs déchets de provenances diverses espaces verts, restauration, ménages doivent quotidiennement se débarrasser d’importantes quantités de matières organiques, avec les frais que cela suppose. Or, ces déchets peuvent produire du biogaz par digestion anaérobie. Il y a donc là l’opportunité de transformer un poste de dépense en source de revenu, tout en créant de l’énergie renouvelable. Plus qu’à la technologie de digestion elle-même, nous nous attacherons ici aux modes et aux conditions de valorisation du biogaz, autrement dit à ce qui se passe «en aval» du réacteur.

UNE TARIFICATION ENCORE EN ÉVOLUTION

Une installation de méthanisation, qu’elle soit territoriale ou dédiée aux boues d’une STEU, représente un investissement important. À cela, il faut ajouter les besoins en personnel et la consommation d’énergie pour chauffer le digesteur. Cette dernière est souvent récupérée sur place, par exemple sur les eaux usées traitées via une pompe à chaleur ou, le cas échéant, sur le four d’incinération des boues. Sans quoi il faut brûler une partie du biogaz produit. Au total, le temps de retour sur investissement se compte en années, les acteurs avançant généralement des délais de 5 à 7 ans. L’équilibre financier peut même se révéler délicat à atteindre, en particulier pour les «petites» installations. 

Les tarifs de vente du biogaz seront donc déterminants dans les choix techniques et la voie de valorisation. À l’heure actuelle, la tarification peut donc encore sembler complexe à appréhender, d’autant que l’État intervient pour soutenir l’émergence de la filière. En cogénération, par exemple, l’État oblige EDF à acheter l’électricité ainsi produite à un tarif garanti. «Ce tarif d’achat existe depuis 2002 et a été revu fin 2016. Il est garanti pendant 20 ans. Le dispositif est cependant limité car il ne concerne que les installations d’une puissance maximale de 500 kW, soit (100-120 Nm3 /h biogaz), ce qui est très peu pour une STEU» explique ainsi Luc Budin, délégué général du Club Biogaz de l’ATEE. 

Les installations de plus de 500 kW non desservies en gaz donc dans l’impossibilité d’injecter du biométhane dans le réseau peuvent toutefois profiter des appels d’offres annuels organisés par la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE). De plus, ces contrats de rachat ayant une durée limitée, les premières installations de cogénération doivent maintenant trouver d’autres moyens de valoriser leur biogaz. Les études de faisabilité se multiplient à ce sujet mais il est trop tôt pour dégager une tendance. L’exploitant peut choisir de rester en cogénération mais avec d’autres modèles économiques, par exemple en produisant uniquement pendant les heures où EDF rachète à un tarif de pointe, ou en se concentrant sur la chaleur. Il peut aussi se doter d’une installation de purification du biogaz en biométhane et valoriser ce dernier, soit sous forme de GNV, de GNL ou de gaz «porté» (injecté dans le réseau à distance de son lieu de production), soit «basculer» en injection directe de biométhane si le réseau passe à proximité. 

Les installations importantes ont d’ailleurs tout intérêt à se tourner d’emblée vers l’injection de biométhane. Les STEU ou les plateformes de méthanisation territoriale étant situées près des agglomérations, elles n’ont en général aucun problème d’accès au réseau. En injection, les mécanismes de soutien financier sont similaires mais plus récents puisque le dispositif de rachat du biométhane date de 2011. Ce tarif, garanti pendant 15 ans, varie selon, entre autres, la nature des intrants et la taille des installations, et concerne les installations fournissant au maximum 25 GWh annuels, ce qui est déjà important pour une STEU. 

«Les nouveaux tarifs d’injection publiés4 le 10 juin 2023 ont plutôt rassuré les acteurs, mais ils sont assortis d’une condition d’efficacité énergétique. L’installation de méthanisation ne doit pas consommer plus de de 0,15 MWh d’électricité par MWh PCS de biométhane injecté. Au-delà, le tarif d’achat est recalculé à la baisse. La logique d’ensemble est certes compréhensible mais ce seuil est un peu délicat à respecter pour les STEU. Les bureaux d’étude travaillent sur cette nouvelle donne. Etant donné les délais d’étude et de construction, aucune installation prévue pour fonctionner sous ce nouveau tarif n’a encore vu le jour» précise Luc Budin. 

Au-delà de 25 GWh annuels, et comme en cogénération, il est possible de répondre aux appels d’offre annuels de la CRE, qui sont lancés lorsque les capacités de production de biogaz destiné à être injecté dans le réseau de gaz ne répondent pas aux objectifs chiffrés de la programmation pluriannuelle de l’énergie. Par ailleurs, un mécanisme similaire aux Certificats d’économie d’énergie a été mis en place pour le biogaz: les CPB ou Certificats de production de biogaz. Prévus dans le cadre de la loi Climat et Résilience du 24 août 2021, ils sont régis par le décret 2024-718 du 6 juillet 2024 «relatif à l’obligation de restitution de certificats de production de biogaz»

Ce dispositif extra budgétaire impose aux distributeurs de gaz (GRT Gaz, GRDF, R-GDS ou autres) d’incorporer une partie de biogaz dans leur méthane, ce dont ils peuvent s’acquitter en soutenant financièrement l’installation de producteurs tiers. «Cela ne concerne pas les sites bénéficiant déjà de tarifs d’achat. Une grosse STEU ou une unité territoriale peut s’intéresser aux CPB. Le système est dès maintenant très recherché et nous sommes très sollicités. Nous avons d’ailleurs mis en place un annuaire pour faciliter la mise en relation des demandeurs et vendeurs de CPB», atteste Luc Budin. 

Enfin, sans chercher à s’inscrire dans un dispositif réglementé, il est toujours possible de s’entendre directement, de gré à gré, avec le distributeur de gaz pour passer un contrat de vente de gaz (souvent appelés BPA pour Biogas Purchase Agreement). Pour accompagner les acteurs concernés par ces différents paramètres en évolution constante, la société Nevezus intervient ainsi avec sa solution baptisée Biogaz-IA® sur des installations de méthanisation de boues primaires et de process en filière aérobie, et de traitement des eaux usées. 

«Nous mettons en place sur ces outils de valorisation des boues notre solution Biogaz-IA® dédiée à la filière méthanisation dans son ensemble, ce qui permet d’optimiser les coûts d’exploitation (OPEX) des installations, grâce à la solution de pilotage intelligent des différents organes, comme l’incorporation, l’agitation, et l’épurateur», explique Joël Tanguy, Président fondateur de Nevezus. Pour optimiser les performances des installations concernées, Biogaz-IA® assure notamment le suivi en continu des indicateurs (KPI), de la consommation énergétique, ou encore le pilotage intelligent des équipements. Cet outil vise également à maximiser la production de biométhane par l’intégration de données (intrants, biologie, qualité du gaz, etc.).

COGÉNÉRATION : LA PREMIÈRE VENUE

Le biogaz sortant d’un digesteur est un mélange de méthane (CH4 , environ 65%), de dioxyde de carbone (CO2 , environ 35%), avec des traces d’hydrogène (H2 ) et de sulfure d’hydrogène (H2 S), ainsi que de la vapeur d’eau. Après un prétraitement destiné à en retirer l’humidité et les polluants, en particulier l’H2 S, corrosif, il peut être utilisé tel quel pour produire de la chaleur, de l’électricité ou, le plus souvent, les deux par cogénération. Un prétraitement à base de lavage chimique ou biologique donne des résultats suffisants, en termes d’abattement de polluants, pour protéger les installations de valorisation. La société Baker Hughes souligne ici: «La production de biogaz et de biométhane nécessite des mesures de débit. Le biogaz en sortie de digesteur peut présenter des condensats avant son traitement en fonction de sa pression et de sa température. Panametrics, une société de Baker Hughes, propose des solutions de comptage en ultrasons à temps de transit pour la mesure de ce gaz humide avec une compensation en pression, température et humidité (saturation en eau) permettant de calculer la concentration en méthane grâce à l’algorithme spécifique de son transmetteur. Basée sur plus de quatre décennies d’expérience en mesure de débit de gaz de torche, cette technologie est particulièrement bien adaptée aux conditions de faible pression et d’humidité du biogaz»

La cogénération d’électricité et de chaleur permet d’augmenter significativement le rendement global par rapport à l’utilisation d’une chaudière seule pour produire de la chaleur ou une turbine gaz-vapeur seule pour de l’électricité. C’est la première méthode de valorisation du biogaz apparue à grande échelle en France. Selon la page des Ministères du Territoire, de l’Écologie et du Logement, «fin septembre 2024, 1096 installations produisent de l’électricité à partir de biogaz, correspondant à une puissance installée de 601 MW»

Outre quelques STEU, ce total comprend des unités industrielles et, surtout, agricoles. Pour l’équipement, des sociétés comme Tedom, 2G Energy AG ou Clarke Energy proposent des groupes consistant, pour résumer, en un moteur à gaz entraînant un alternateur, lequel produit de l’électricité. Le moteur peut être une unité à combustion interne (apparentée à un moteur de camion) fournie, par exemple, par Man ou Jenbacher. Il est aussi possible, en particulier pour les plus fortes puissances, d’opter pour une micro turbine à gaz. Dans les deux cas, la chaleur est récupérée sur les gaz d’échappement et utilisée soit sur place soit envoyée dans un réseau de chaleur urbaine. 

Moteur de cogénération installé par SARPI ThinkTech sur une STEP dans le Var pour une double valorisation électrique et thermique.

En tant filiale de SARP Industries (Groupe Veolia) spécialisée dans la gestion, le traitement et la valorisation du biogaz, SARPI ThinkTech intervient depuis l’ingénierie en amont des projets jusqu’à l’exploitation et la maintenance d’unités de traitement et/ou de valorisation. Ainsi, elle propose des solutions de cogénération de petite puissance (< 300 kW) sur des stations d’épuration de petite ou moyenne taille. C’est le cas par exemple sur une station d’épuration dans le Var où elle a installé un moteur de cogénération de 64 kW pour une double valorisation électrique et thermique. La production électrique annuelle attendue couvre 16% de l’énergie consommée par la station et 100% des besoins en chaleur. Les bénéfices sont donc multiples. D’autres projets de ce type ou à plus grande échelle sont en cours de construction ou d’installation par les équipes SARPI ThinkTech partout en France, preuve que la cogénération reste une voie de valorisation du biogaz pour les Collectivités, leur assurant autonomie énergétique et décarbonation des outils de traitement des eaux usées.

L’INECTION, VOIE DOMINANTE AUOURD’HUI

Depuis l’apparition des tarifs de rachat du biométhane, l’injection dans le réseau a supplanté la cogénération. En septembre 2024, toujours selon les Ministères du Territoire, de l’Ecologie et du Logement, 710 installations injectaient du biométhane dans les réseaux de gaz naturel, correspondant à une capacité installée de 13,8 TWh PCS/ an. Parmi elles figurent la quasi-totalité des installations de grande taille dont une cinquantaine de STEU (sans compter une vingtaine actuellement en projet), ce qui explique la capacité totale de ce parc, bien supérieure à celle du parc en cogénération. Pour Luc Budin, il n’y a pas à hésiter: «La plupart des projets de méthanisation qui se montent aujourd’hui prévoient l’injection. La Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) comme la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) favorisent clairement ce type de valorisation. Les maîtres d’ouvrage y ont de plus un intérêt économique évident car la rentabilité à la tonne de matière organique méthanisée est bien plus élevée qu’en cogénération.» 

Injecter du biométhane suppose évidemment de l’extraire du biogaz: c’est la purification. «En aval, cela suppose un prétraitement plus poussé qu’en cogénération car les distributeurs de gaz refusent toute présence d’H2 S dans leur réseau», prévient toutefois JeanRené Pouzin, Business Developer chez Prodeval. La filtration au charbon actif aussi est une technologie efficace et reconnue qui permet de purifier le biogaz: «Elle est pratiquement obligatoire pour descendre en-dessous de la limite maximale de 5 mg/Nm3 d’H2S, comme requis par les gestionnaires de réseaux de gaz. Les filtres mobiles, tels ceux que nous proposons chez Desotec, sont une solution flexible et sûre, grâce aux échanges de filtres sécurisés, sans manipulation de matières dangereuses par les opérateurs sur site et sans perte de production pour l’exploitant. En outre, une usine de pointe en matière de recyclage du charbon actif saturé en soufre, conséquence de la purification du biogaz chargé en H2S, permet de réutiliser ces charbons actifs en boucle fermée dans l’industrie du biogaz pour encore plus de durabilité», explique Bérangère Lemaire (Desotec). 

Le mélange de méthane et CO2 peut alors partir vers l’épuration. Diverses technologies existent: lavage à l’eau ou aux amines, adsorption par variation de pression (Pressure Switch Adsorption), cryogénie… Les techniques membranaires, qui retiennent le méthane et laissent passer le CO2 , dominent cependant le marché. Des constructeurs d’installations de purification comme Prodeval, Arol Energy, Biothane, Aristot, Eisenmann ou Gaseo, par exemple, utilisent surtout les membranes. «Les membranes offrent un rendement épuratoire inégalables par les autres technologies : nous atteignons 99,5%. De plus, ces solutions sont facilement évolutives si la capacité de la STEU vient à augmenter, ce qui est en général un objectif des collectivités» argue Jean-René Pouzin (Prodeval). 

La société Arol Energy propose aussi à ses clients deux technologies pour l’épuration du biogaz: la technologie membranaire (séparation physique) et la technologie de lavage aux amines (séparation chimique), avec une large gamme de produits lui permettant d’intervenir aussi bien sur des sites de taille restreinte que sur des projets plus vastes, comme pour des collectivités : «La station d’épuration Eauvitale située à Dijon (Côte d’Or) a fait le choix de valoriser ses boues en biogaz ; Arol Energy, en partenariat avec Sogedo (mandataire du groupement) et Cabinet Merlin ( pour la maîtrise d’œuvre intégrée), a réalisé l’unité d’épuration du biogaz, utilisant pour cette unité la technologie membranaire pour la séparation du méthane et du dioxyde de carbone (CO2 )», détaille Arol Energy. 

Unité d’épuration Eauvitale d’Arol Energy à Dijon (21).

Et de fait, la quasi-totalité des STEU de France pratiquant l’injection utilisent ce procédé d’épuration, à l’exception de l’usine de Bègles-Clos-de-Hilde (Gironde, 410000 Eh) qui a opté pour le lavage aux amines, ou encore la STEU du Mans qui a recours à une solution de type PSA. Les membranes dominent également chez les unités de méthanisation territoriale. Prodeval a équipé des STEU comme, entre autres, celles de Marseille (pour la Seram), d’Aix- la Pioline (Régie des Eaux du pays d’Aix), du Carré de Réunion (à Saint-Cyr-l’École et Bailly, 340000 Eh), de Villiers-SaintFréderic ou des Mureaux. 

La qualité du gaz circulant dans le réseau est, en France, de la responsabilité du distributeur (GZRDF, GRT Gaz …), ou du transporteur (GRT gaz, ou Teréga dans le Sud-Ouest). Raison pour laquelle c’est ce dernier qui met en place le dispositif d’injection. Ce poste analyse le gaz en ligne et procède – ou non – à son injection, après l’avoir odorisé. L’exploitant de l’installation de méthanisation loue le poste d’injection auprès du gestionnaire de réseau. 

La société Vogelsang intervient également dans le domaine du biogaz en fournissant des technologies avancées pour maximiser les performances des installations de méthanisation. Parmi ses contributions principales, le système RedUnit se distingue comme une solution de broyage performante, spécialement conçue pour traiter les intrants organiques variés et complexes.

 «Ce système de broyage robuste et modulaire combine plusieurs fonctions pour répondre aux exigences des installations modernes : grâce à ses rotors et sa technologie avancée, il réduit la granulométrie des intrants solides, qu’il s’agisse de végétaux, de restes alimentaires ou de déchets agro-industriels, et assure l’homogénéisation des substrats en offrant un mélange homogène des intrants. Le système favorise une digestion optimale et réduit les risques de formation de couches flottantes dans le digesteur. Compatible avec diverses configurations d’installations, le RedUnit peut aussi être associé à d’autres technologies de Vogelsang, telles que les pompes à lobes rotatifs des séries VX ou IQ, pour une gestion complète des substrats», explique l’entreprise. 

À l’instar de Prodeval sur les stations d’épuration urbaine, Micr’Eau s’associe volontiers aux grosses unités de traitement des eaux usées en proposant des équipements de stockage, de torchage et de prétraitement du biogaz. «Ces unités sont indispensables pour réguler les flux de biogaz qui sont forcément variables à la sortie du méthaniseur. Micr’Eau travaille à ce titre avec plusieurs fournisseurs internationaux tels que Sattler/Agrotel, Ecomembrane, Hofstetter ou Greenkeeper. Les stations que nous ciblons sont souvent de grande taille (plus d’un million d’habitants): Valenton ou Achères avec le SIAAP à Paris, ou bien dans d’autres capitales comme Bruxelles, Santiago du Chili ou Buenos Aires», explique Pascal Guasp, Président du groupe Micr’Eau, présent en Europe et en Amérique Latine. 

En France, Micr’Eau s’intéresse aussi aux grands industriels du secteur agroalimentaire ou de la papeterie, gros utilisateurs de méthanisation dans le traitement de leurs eaux usées : «Des groupes comme Haagen Dazs (General Mills), Mc Cain ou bien Smurfit Kappa font partie de notre clientèle. Micr’Eau répond notamment à leurs besoins en termes de réactivité, de capacité d’ingénierie et de mise en œuvre de services associés à la réalisation et à la maintenance des unités installées. Enfin par le biais d’alliances internationales avec les groupes BKT en Corée du Sud, et Tomorrow Water aux États-Unis pour la méthanisation et la thermolyse, mais aussi avec Biokona en Lituanie pour l’épuration du biogaz par voie membranaire, nous avons élargi notre gamme de produits pour traiter la totalité de la filière du biogaz», explique Pascal Guasp.

VALORISER LE CO2 ? 

Une fois le méthane extrait du biogaz, reste le CO2 . Qu’en faire ? Solution la plus simple, et la moins chère : le rejeter à l’atmosphère. Puisqu’il n’est pas d’origine fossile, cela ne contribue pas au réchauffement climatique - le même raisonnement s’applique d’ailleurs à la combustion finale du biométhane. 

Il existe cependant des possibilités de le valoriser lui aussi, que ce soit sous forme liquide ou comprimée. 

Anna Ourliac, Ingénieur TechnicoCommercial chez Veolia Water STI, souligne : «Veolia, à travers son centre de compétences Biothane, spécialiste des traitements anaérobies des eaux usées industrielles et du biogaz, propose des solutions éprouvées spécialement conçues pour valoriser les effluents en biogaz, garantissent une empreinte environnementale réduite. Notre gamme comprend notamment le réacteur Biobed EGSB qui permet de travailler à de fortes charges organiques. Il est très compact et idéal en cas de contraintes d’espace. Nous avons également le Memthane, un réacteur anaérobie couplé à des membranes de séparation, qui maximise la production de biogaz tout en fournissant un effluent de haute qualité pour réutilisation. Sans oublier le Biothane UASB, une référence avec plus de 400 installations dans l’agroalimentaire à travers le monde ». 

«Beaucoup de projets de méthanisation étudient des voies de valorisation du CO2 pour des usages industriels, voire dans l’agroalimentaire. Plus d’une dizaine de sites en France récupèrent et valorisent déjà leur CO2 et cela va croissant. La rentabilité de l’opération dépend surtout du débouché : il faut trouver un utilisateur à proximité » estime Luc Budin (Club Biogaz ATEE).

Un paysage que confirme Benoît Wernette, directeur de Méthavos. «Le CO2 issu de la purification du biogaz est majoritairement relargué dans l’atmosphère. Des fournisseurs commercialisent cependant des équipements de collecte et de liquéfaction. Les techniques sont maîtrisées, souvent par les acteurs de la purification du biogaz qui se diversifient ainsi. La difficulté est de trouver un exutoire pour ce produit » explique-t-il. 

« Il est possible de liquéfier le CO2 - et récupérer ainsi au passage le restant de méthane qui aurait échappé à la purification du biogaz, ce qui donne finalement un rendement épuratoire de 100%. Le CO2 peut être utilisé pour faire de la neige carbonique, acidifier des bassins de STEU… ou partir en industrie, y compris agroalimentaire pour gazéifier des boissons, même s’il faut pour cela surmonter un problème psychologique d’acceptabilité étant donné sa provenance…» précise pour sa part Jean-René Pouzin (Prodeval), dont la société peut fournir le dispositif d’épuration membranaire du biogaz comme celui de liquéfaction du CO2 .

Clarke Energy, entreprise spécialisée dans les solutions d’épuration du biogaz et de liquéfaction du bioCO₂ en France, intervient ainsi sur 17 sites d’épuration et 8 sites de production de bioCO₂ liquéfié. Vincent Ringuenet, Responsable Marché Biométhane & BioCO2 chez Clarke Energy, explique: «Notre expertise ne se limite pas à la fourniture d’équipements : elle inclut un service de qualité, essentiel pour garantir la continuité d’exploitation de ces installations, qui jouent un rôle majeur dans la protection de l’environnement. Les sites où nous intervenons produisent annuellement 49 millions de m³ de biométhane et 40000 tonnes de bioCO₂, contribuant ainsi activement à la transition énergétique. Grâce à un réseau de plus de 80 techniciens hautement qualifiés, répartis sur tout le territoire français, Clarke Energy accompagne ses partenaires 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Que ce soit pour l’épuration du biogaz, la fabrication de glace carbonique, ou la fourniture de bioCO₂ de qualité alimentaire destiné aux brasseurs, l’entreprise reste un acteur clé pour des solutions». 

L’entreprise Verdemobil Biogaz, spécialisée dans la valorisation de gaz d’origine renouvelable, a quant à elle mis en service sa première installation de captage et de valorisation de bioCO2 sur un site de méthanisation en 2020. Depuis, elle a mis en service10 installations supplémentaires et en exploite 8. Carole Couhert, Responsable Développement chez Verdemobil Biogaz, explique: «Capter le BioCO2 sur les sites de méthanisation permet de proposer une alternative au CO2 d’origine fossile dans de nombreux secteurs, tout en renforçant l’économie locale et circulaire. En effet, la répartition des unités de méthanisation sur le territoire permet un approvisionnement en continu et en circuit court, partout sur le territoire». 

Il n’est toutefois pas forcément nécessaire de liquéfier le CO2 pour le valoriser. Certains sites choisissent par exemple de l’envoyer sous pression à des serristes installés à proximité, puisque le CO2 favorise la croissance des plantes. Cela suppose évidement la présence d’un serriste à proximité, ou l’existence d’un réseau de distribution. «Le club Biogaz réécrit actuellement le guide de canalisation du CO2 sur la voie publique. La prochaine étape pourrait être de construire des réseaux pour massifier le déplacement du CO2» envisage Luc Budin (ATEE). 

Solution Memthane® AnMBR de Veolia Water STI utilisée dans l’usine de la coopérative laitière Arla Foods au Royaume-Uni.

«La valorisation du biogaz permet de transformer un déchet en une source d’énergie renouvelable et réutilisable sur site. Que ce soit par cogénération pour l’électricité et la chaleur, ou par injection dans les réseaux, cela contribue à la transition énergétique et à l’économie circulaire. Pour leur nouvelle usine à Aylesbury au Royaume-Uni, Arla, une coopérative laitière dano-suédoise, avait l’ambition de créer la première usine laitière zéro émission de carbone. Nous avons installé notre solution Memthane® AnMBR pour traiter 500 m3 /jour d’eaux usées contenant 5,4 tonnes de DCO. Ce réacteur anaérobie couplé à des membranes d’ultrafiltration permet d’éliminer jusqu’à 99% de la pollution organique tout en valorisant le biogaz produit. Le biogaz est utilisé pour alimenter une unité de cogénération sur site. Couplé à d’autres technologies de recyclage, cela permet à l’usine Arla d’être autosuffisante en énergie et neutre en carbone», explique Anna Ourliac (Veolia Water STI). 

La question de la rentabilité se pose toutefois car les serristes ne consomment du CO2 que durant quelques mois dans l’année. D’autres voies plus complexes existent, techniquement au point mais sans réalité économique actuellement. Il est par exemple possible de minéraliser le CO2 pour l’intégrer dans des enrobés ou des bétons. La méthanation, qui consiste à combiner le CO2 avec de l’hydrogène (H2 ) pour en faire du méthane est elle aussi techniquement au point mais la question de la provenance - et du prix - de l’hydrogène reste entière. La rationalité environnementale de l’opération est également discutable. 

A l’échelle industrielle, l’hydrogène est en effet produit soit par hydrolyse de l’eau, avec la consommation énergétique que cela suppose, soit… par reformage (ou craquage) du méthane, ce qui rendrait l’opération absurde.