L’aération des bassins de traitement biologique des eaux usées représente plus de la moitié de l’énergie consommée par une station d’épuration. Peut-on faire des économies en changeant de surpresseurs ou compresseurs d’air ? Est-il possible d’optimiser le rendement des équipements dont on dispose déjà ? Quels gains peut-on espérer ? Eléments de réponse...
À l’origine, l’aération des bassins était le plus souvent assurée par des surpresseurs à lobes (également appelés roots) ou des soufflantes à canal latéral. Ces appareils “poussent” l’air au fond de la cuve, le forçant à lutter contre la colonne d’eau pour remonter vers la surface. Mais les fabricants – de Aerzen à Sulzer, en passant par Atlas Copco, Bauer, MPR Industries, Continental Industries, FPZ Blower, Gardner Denver ou Kaeser - ont développé d’autres technologies qui se sont révélées, selon les cas, plus efficaces ou simplement plus adaptées. Il s’agit notamment des compresseurs à vis ou à becs qui, avant de pousser l’air sous la colonne d’eau, le compriment en réduisant la chambre dans laquelle il passe.
On peut aussi citer les turbocompresseurs, dont les moteurs à haute vitesse permettent de traiter de gros débits avec moins d’énergie. Mais, ces appareils présentant sans surprise un surcoût important, comment savoir si un investissement de ce type sera intéressant ? Et comment choisir le bon ? « Il n’y a malheureusement ni vérité établie, ni solution universelle, le choix doit se faire au cas par cas », répondent, unanimes, tous les fabricants.
C’est pour cette raison que les compressoristes étudient au cas par cas, voire adaptent leurs machines (performances, design de l’installation existante pour installation en lieu et place d’un matériel existant) hors des standards habituels. « C’est le cas chez MPR Industries qui adapte la majorité de ses machines, afin de trouver le meilleur compromis (prix/encombrement/performances/durée de vie) en fonction des cahiers de charges et des budgets sur des débits allant de 5 à 6.000 m³/h en machine à palettes mono étage », comme le souligne Charlie Herblin.
Entre 600 et 1.000 mbar, un choix au cas par cas
Lorsque les besoins sont inférieurs à 600 mbar, les surpresseurs roots et les soufflantes, surtout s’ils sont équipés de moteurs IE3 ou IE4, restent souvent plus intéressants car le gain énergétique potentiellement lié aux autres technologies n’est pas suffisamment important pour justifier un remplacement anticipé. Au-delà de 1 bar, ils doivent laisser la place à des compresseurs à vis ou à becs.
« Ce changement de technologie est dû à l’incapacité des surpresseurs à travailler au-delà de 1 bar en raison d’un design inadapté, explique Charlie Herblin chez MPR Industries. Aux alentours de 850/900 mbar, les fuites internes dans un surpresseur deviennent équivalentes au débit aspiré, il en résulte un débit nul en sortie machine, un échauffement pouvant conduire à une casse machine si les éléments de sécurité ne sont pas adaptés et à une consommation d’énergie maximum, d’où le passage à une technologie plus adéquate : vis, bec, ou palettes ».
Entre 600 mbar et 1 bar, le choix s’avère plus compliqué. Il dépend également des besoins du bassin de traitement : quel débit d’air faut-il pour répondre à la demande biologique en oxygène ? combien d’heures la machine sera-t-elle utilisée par jour ? Plus il y a d’air à produire, plus les économies potentiellement réalisables seront importantes. Ainsi, « bien qu’ils soient 40 à 50 % plus chers à l’achat, nos compresseurs à vis Delta Hybrid permettent d’économiser 15 à 30 % d’énergie par rapport à des surpresseurs à lobes, précise Brice Ladret, président de Aerzen France. Sur une grosse machine consommant plusieurs centaines de kWh, cela fait une grande différence. En revanche, si la station n’a besoin que d’un petit débit d’air, inutile d’investir dans un compresseur à vis plus onéreux pour gagner quelques kWh ». De même, l’investissement sera plus rapidement rentabilisé si l’appareil est utilisé douze heures par jour que s’il ne tourne que ponctuellement.
Les pompes à becs de la gamme Mink, chez Busch, promettent également 20 % d’économies d’énergie par rapport à des surpresseurs roots. Même chose avec les surpresseurs à vis de la gamme ZS, chez Atlas Copco, dont « les performances énergétiques sont améliorées par la présence d’un entraînement direct, en lieu et place du système poulie/courroie classique », comme le précise Emmanuel De Baerdemaeker, chef de produits basse pression chez Atlas Copco.
Turbo-compresseurs : pour de gros débits
« L’investissement est d’autant plus rentable s’il est envisagé dès la conception de l’usine, ajoute Karine Bannier. Unité compacte et générant peu de bruit (max 80 dB), l’installation des turbocompresseurs nécessite en effet moins de génie civil (plusieurs machines dans une même salle ; sans embase béton), ou d’isolation phonique ». Une attention particulière est à apporter aux conditions d’installation (air ambiant, poussières et gaz corrosifs, protection contre les intempéries) en raison de l’électronique embarquée qui assure le contrôle du turbocompresseur et son auto-protection en permanence.
Optimiser sa consommation grâce à la vitesse ?
Sur certains modèles, le variateur de vitesse est directement intégré à l’appareil. Cela ne pose pas de problème sur un turbocompresseur, puisque ce dernier est systématiquement installé dans un local à part, loin de l’air process chaud et poussiéreux qui entoure les bassins. Mais il est plus souvent proposé à part, de manière à pouvoir être placé dans la pièce dédiée à l’électronique. En outre, « quand le moteur et le variateur sont séparés, ils peuvent être remplacés indépendamment en cas de défaillance, ce qui coûte moins cher », indique Joël Benard, directeur commercial & marketing chez Busch France. Et d’ajouter que la technologie ne fait pas tout : « Nous proposons des surpresseurs à lobes et des pompes à becs performants, avec des moteurs IE3 et de bons variateurs de vitesse. Mais les économies d’énergie ne seront optimales que si ces appareils sont bien dimensionnés par rapport aux besoins et utilisés intelligemment. Parfois, il ne suffit pas de changer un modèle pour un autre. C’est pourquoi, quand des clients nous interrogent, nous allons sur leur site, voir comment fonctionne l’installation, avant de leur proposer une réponse adaptée ».
Gardner Denver a fait le choix privilégier les compresseurs à vis équipés de moteur à aimants permanents. L’association du variateur et du moteur à aimants permanents du compresseur à vis Robox permet de proposer des niveaux d’efficacité élevés même à basse vitesse de rotation. Dans l’ensemble, ces caractéristiques permettent une efficacité du moteur supérieure à la classe de rendement IE4.
Acheter ou louer ?
Que l’on décide de travailler ou pas avec le même fabricant, il n’est pas nécessaire de renouveler tous les appareils d’un coup autour d’un bassin. La plupart des exploitants préfèrent en effet planifier leurs investissements et remplacer les appareils un à un, en commençant par ceux dont le potentiel d’économies d’énergie est le plus important.
En cette période ou les budgets sont très contraints, de nombreux services optent pour la location qui permet également de tester avant d’acheter. Logiquement, tous les fabricants de surpresseurs et compresseurs d’air proposent leur service de location. Non seulement, cela permet aux clients hésitants, de valider un choix technologique avant de faire évoluer plus progressivement leurs installations, mais cela peut aussi être utile en cas de pics de fonctionnement importants, lors d’un afflux touristique saisonnier par exemple.
Il existe aussi des solutions mobiles de secours. En cas de casse, le service Atlas Copco Rental, allié à un service après-vente très présent, peut ainsi fournir un nouveau surpresseur en moins de 24 heures. De son côté, Sulzer s’apprête à déployer un parc locatif d’appareils en containers. « Ces derniers, déjà proposés en Grande Bretagne, vont être développés sur toute l’Europe, annonce Karine Bannier. Contenant un compresseur et tous les accessoires nécessaires à son fonctionnement, ces “kits” sont prêts à être utilisés, même sur des sites qui ne disposent pas encore de local ou qui n’ont pas encore délogé la machine à remplacer ».