Aération des bassins : quels compresseurs choisir?
02 novembre 2021Paru dans le N°445
à la page 85 ( mots)
Rédigé par : Patrick PHILIPON
Compresseurs à lobes, à vis, turbocompresseurs ? Chaque technologie a ses avantages. L’exploitant se décidera en fonction de la performance énergétique, de la souplesse d’utilisation… et de ses capacités d’investissement.
Le traitement aérobie des eaux usées – ainsi que la production d’eau potable – nécessite de l’oxygène, apporté par divers systèmes d’aération (voir EIN 438).
Proposés par des spécialistes, ces systèmes sont eux-mêmes alimentés en air par des surpresseurs ou compresseurs fabriqués par… d’autres spécialistes comme Aerzen, Atlas Copco, Bauer, Continental Industrie, Kaeser ou Sulzer. Les fournisseurs de matériel d’aération spécifient le débit et la pression dont leurs systèmes ont besoin mais ne s’avancent pas sur la technologie des compresseurs. Il revient donc à l’exploitant ou au bureau d’étude de faire son choix parmi les solutions disponibles. Trois grandes technologies se disputent le marché de l’aération de bassins : les surpresseurs à lobes, les compresseurs (et parfois surpresseurs) à vis et, derniers venus dans ce domaine, les turbocompresseurs. Ce qui n’exclut pas certaines propositions particulières, comme les surpresseurs centrifuges. Une fois satisfaits les critères quantitatifs (débit et pression), le choix des utilisateurs se fera sur de multiples critères. « Le choix relève toujours d’un compromis entre l’investissement et des considérations comme le temps de fonctionnement, la facilité d’exploitation et d’installation, la flexibilité, et bien sûr la consommation énergétique » souligne Karine Bannier, responsable ingénierie Grands Comptes chez Sulzer. « La durée quotidienne de fonctionnement est un facteur de choix important en regard de la consommation électrique. Sans compter les certificats d’économie d’énergie (CEE) attribués aux clients qui achètent des compresseurs à vis ou des turbocompresseurs » explique pour sa part Thierry Depléchin, responsable de l’activité basse pression chez Atlas Copco.
Des exigences particulières
Pour les constructeurs de compresseurs, le marché du traitement de l’eau relève de la “basse pression”. Il s’agit en effet d’alimenter en air (donc en oxygène) des bassins, ce qui signifie surmonter la contre-pression due à la hauteur d’eau dans le bassin plus les résistances inhérentes au système (aérateurs, conduits). Considérant qu’un mètre d’eau équivaut environ à 100 millibars (mbar), la plage de surpression nécessaire est assez étroite. « Dans les métiers de l’eau, les bassins ne dépassent pas 6 à 9 mètres de profondeur car, au-delà, l’aération par fines bulles perd toute efficacité. Le compresseur doit vaincre 600 à 900 mbar de pression d’eau, plus 100 à 200 mbar de résistance du système d’aération. Il lui faut donc fournir une pression différentielle – par rapport à l’air ambiant aspiré à une atmosphère, soit un bar - de 700 à 1100, voire 1 500 mbar dans certains cas. En dessous de 1 bar, le surpresseur convient parfaitement, au-delà il faut passer au compresseur à vis ou au turbocompresseur » explique ainsi Brice Ladret (Aerzen). De basses pressions, donc, mais de forts volumes : les débits peuvent se compter en centaines de Nm³/h par machine…
Étant donné le poids de l’aération dans le bilan énergétique global d’une STEP, le rendement des machines fait l’objet d’améliorations constantes de la part des constructeurs qui agissent sur trois leviers : la conception même des machines, en particulier les parties tournantes (lobes, vis ou aubes de turbines), la classe des moteurs et les possibilités de variation de la vitesse pour adapter le débit à la demande. « La variation est de plus en plus utilisée, quasiment toutes les machines en sont aujourd’hui équipées. On améliore aussi le design des roues. De plus, les moteurs sont tous de classe IE3 au moins, même si les IE4 restent rares dans le traitement des eaux » confirme Aurélien Bourgeaux, ingénieur d’affaires chez Continental Industrie. « Pour la variation, nous fournissons des automates. Ce sont des coffrets soit tout prêts soit développés au cas par cas pour les besoins particuliers » ajoute-t-il. Même constatation pour Thierry Depléchin : « la régulation est de plus en plus demandée. Le temps du marche-arrêt n’est plus. La vitesse est asservie à des paramètres du process, comme la quantité d’oxygène dans le bassin. Toutes nos machines sont pour cela équipées du module de gestion Elektronikon ».
Autre exigence : l’absence d’huile dans l’air insufflé, pour éviter d’encrasser les diffuseurs. Les compresseurs seront donc non lubrifiés (pour les parties en contact avec l’air).
Lobes et vis : les grands classiques
Aerzen, qui se présente comme un pure player dans le traitement de l’eau, propose les trois technologies. « Le surpresseur à lobes est une machine simple, fiable, très robuste. Il a toujours sa place mais il a atteint certaines limites car la température dans les salles des machines dépasse parfois les 35 °C aujourd’hui. La dilatation des matériaux peut bloquer les lobes. Sans compter un rendement inférieur aux autres technologies et une pression maximale limitée » explique Brice Ladret (Aerzen). Atlas Copco propose également l’ensemble des technologies. « Le surpresseur à lobes n’est pas obsolète pour les petites STEP. Je viens d’en proposer pour répondre à un appel d’offre exigeant 0,7 bar et 350 Nm³/h » affirme pour sa part Thierry Depléchin.
Continental Industrie se distingue en proposant des surpresseurs centrifuges étagés, fonctionnant sur un principe totalement différent puisque l’air est aspiré et rejeté par des aubes tournantes. « Ils sont adaptés aux très gros volumes, avec un débit pouvant dépasser 7 000 Nm³/h » explique Aurélien Bourgeaux. Travaillant souvent avec Suez, Continental Industrie a par exemple récemment installé plusieurs de ses “soufflantes” à Doha Ouest (Qatar).
Les compresseurs à vis représentent cependant le gros du marché. « Nous constatons une tendance à l’augmentation de leurs ventes » note Thierry Depléchin (Atlas Copco). En cause : les pressions atteintes supérieures et un meilleur rendement énergétique (de 20 à 30 %) qui les rend éligibles au CEE. Les subventions qui en découlent compensent au moins en partie le surcoût à l’achat. Atlas Copco a lancé fin 2020 une nouvelle gamme de ces appareils : les ZS5 (55 à 160 kW) au rendement amélioré grâce au design des vis. Elle intègre des éléments de compression ultramodernes dans lesquels la technologie est associée aux moteurs à haute performance IE4, refroidis par huile et ne nécessitant aucune maintenance. Le nouveau régulateur Elektronikon® Touch, avec écran tactile et algorithmes intelligents, réduit également la consommation énergétique. « C’est une machine à entraînement direct, plus efficace et dotée d'un moteur IE4 refroidi à l’huile. Sur demande, elle est équipée d’un variateur de notre conception, plus simple et fiable que ceux du marché » détaille Thierry Depléchin. La machine arrive chez le client déjà capotée, se pose directement sur le sol sans fixation grâce à des silent blocs intégrés et se branche directement, d’où de sérieuses économies d’installation.
Aerzen, qui a longtemps fabriqué des compresseurs à vis pour de fortes pressions, a lancé une gamme spécialement adaptée au marché de l’eau, les Delta Hybrid, pouvant atteindre 1,5 bar de surpression. « Nous les appelons hybrides car ce sont des compresseurs à vis « basse pression » placés dans l’environnement de nos surpresseurs à lobes (capotage, format, connexions, etc.). « Ils sont 50 % plus chers que ces derniers mais ont un rendement supérieur de 20 à 30 % et sont éligibles au CEE » argumente Brice Ladret.
Turbocompressseur : le nouveau venu
A la différence des deux précédents, qui sont des compresseurs volumétriques (ils emprisonnent un volume d’air déterminé pour le pousser), le turbocompresseur est une machine dynamique qui capte l’air par une aube et lui donne de la vitesse. Le moteur tourne à plusieurs dizaines de milliers de tours/minutes (contre quelques milliers pour les compresseurs volumétriques). « Ce sont des machines au rendement élevé, éligibles au CEE. De plus, comme il n’y a pas de pièces mécaniques en contact (lobes ou vis), il n’y a pas d’usure, de bruit ou de vibrations, et la maintenance est plus légère » estime Karine Bannier (Sulzer).
Sulzer propose sa gamme HST, des turbocompresseurs à entraînement direct, dotés de moteurs à aimants permanents montés sur des paliers magnétiques (donc sans contact), refroidis par air (un ventilateur est lui aussi monté directement sur l’axe moteur) et totalement exempt d'huile.
« Avec notre plage de fonctionnement large entre 1 000 et 16 000 Nm²/h, le coût d'investissement plus élevé d'une telle technologie peut-être un frein pour les STEP inférieures à 30 000 EH ; mais nous poursuivons nos développements pour optimiser la rentabilité de nos plus petites machines afin que les petites collectivités puissent bénéficier des avantages de cette technologie, qui répond en bien des points à une démarche plus globale de développement durable », ajoute-t-elle. Fin 2020, Sulzer a remplacé par trois HST 20 (débit 2 500 à 6 500 Nm³/h, 190 kW unitaire) les surpresseurs à lobes de la STEP d’Orléans - La Source. Leur débit est asservi à la concentration en oxygène des bassins. « Le critère de choix principal de l’exploitant était le gain énergétique, ainsi que la partie pilotage avec la facilité de régulation par rapport aux besoins des bassins. Le bilan n’est pas encore arrêté mais dans ses premiers retours, le client estime avoir économisé 50 kW, ce qui fait un gain énergétique de 25 % environ » révèle Karine Bannier. Sur la station d’épuration de Chartres, exploitée par Aqualter, l’installation de 4 turbocompresseurs HST et d’une unité de secours a permis notamment de baisser de 20 % la consommation d’énergie depuis 2017. Actuellement, Sulzer installe des HST 30 (6 000 à 9 000 Nm³/h par machine) dans la STEP du Havre.
Dans les stations d’épuration municipales et industrielles qui requièrent un dispositif d’aération, Xylem propose le Turbocompresseur TurboMAX. Grâce à l’emploi de la technologie de paliers aérodynamiques NSTB+, les turbocompresseurs TurboMAX bénéficient d’une garantie de haut niveau avec 55 000 cycles marche/arrêt au minimum.
La large gamme de 13 centrales (15 à 600 kW) délivrant unitairement entre 700 à 41 000 m³/h permet de satisfaire la demande en oxygénation des stations de 5 000 à 1,5 million d’équivalent-habitants (EH) et plus. Avec l’emploi de turbocompresseurs à double cœur, la capacité de traitement peut être encore accrue (800 kW). La pression disponible peut atteindre 1.5 bar relatifs.
Avec le variateur de vitesse intégré, chaque turbocompresseur peut directement être piloté et positionné sur le point de fonctionnement souhaité, soit localement, soit à distance par l’installation de supervision.
La présence du moteur synchrone à aimants permanents intégré permet au client de bénéficier d’une prime (Certificat d’Economie d’Energie, IND-IUT 114) en complément de celle qui concerne le compresseur basse pression centrifuge (IND-IUT-120).
Le faible niveau sonore et la compacité élevée des turbocompresseurs les rendent facilement compatibles avec les installations existantes et permettent d’optimiser la taille et l’équipement des nouveaux locaux pour les travaux neufs.
Aerzen dispose également d’une gamme de turbocompresseurs. « Ce sont des machines à air non lubrifié, au niveau de performance très élevé, comparable aux compresseurs à vis. L’appareil est totalement intégré, avec son variateur, un moteur spécifique à aimants permanents, un variateur et paliers sans contact à air comprimé. Contrairement aux paliers magnétiques, ils ne consomment pas d’électricité et sont plus simples, donc présentent moins de risques de panne. L’empreinte au sol est divisée par 2 ou 3 par rapport à un compresseur à vis. Reste qu’il s’agit d’appareils plus sophistiqués, sensibles à la chaleur et la poussière car pourvus d’électronique. Ils ne s’adressent pas aux mêmes clients : il faut du personnel apte à les piloter » prévient Brice Ladret.
Atlas Copco propose également des turbocompresseurs. « Nous avons installé des machines de 150-200 kW dans la STEP de Bordeaux (500 000 EH). Et d’encore plus gros à Tours et au Havre » énumère Thierry Depléchin. Continental Industrie vient d’entrer sur ce marché « Nos surpresseurs à étage sont limités à un bar environ de pression, donc nous avons développé en interne des turbocompresseurs à un étage pour les exigences supérieures » précise Aurélien Bourgeaux.
Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le