07 janvier 2019Paru dans le N°417
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Rédigé par : Antoine BONVOISIN
Le repérage des réseaux d’eau en vue de leur cartographie est une opération souvent délicate mais indispensable pour une collectivité territoriale, afin de pouvoir mener à bien les opérations d’entretien et entreprendre de nouveaux chantiers. Si les techniques actuelles ont largement fait leurs preuves, elles évoluent régulièrement et facilitent l’accès aux équipements de détection. La détection des réseaux d’eau, par rapport aux autres réseaux, semble plus accessible mais requiert à l’évidence de l’expérience et une bonne connaissance des ouvrages ce qui incite souvent les collectivités à recourir à des prestataires de service. Explications.
L' intérêt de détecter les réseaux d’eau et d’assainissement pour les collectivités est de pouvoir identifier facilement où se trouvent les canalisations. « Les réseaux d’eau et d’assainissement sont un patrimoine précieux qu’il faut inventorier et entretenir, explique Christophe Serresseque, Responsable des marchés détection chez Leica Geosystems. Des enjeux sécuritaires et économiques peuvent être liés à une méconnaissance de cet inventaire. De plus, pour éviter d’endommager ce patrimoine lors d’excavations, il est impératif de connaître son emplacement tout en prenant en compte la complexité des réseaux voisins déjà présents dans le sol. La sécurité, la qualité, les compétences professionnelles sont les maîtres mots de la géodétection. C’est dans le but d’obtenir une cartographie précise et à jour, que la détection des réseaux est liée à leurs géoréférencements ». La connaissance de l’emplacement des réseaux par les collectivités est aujourd’hui très variable : certaines ont identifié et cartographié les emplacements depuis un grand nombre d’années, d’autres n’ont par contre pas ou peu d’informations dans ce domaine. Aujourd’hui, 42 % des collectivités font le constat d’un déficit de connaissance des réseaux d’eau et d’assainissement, si l’on en croit la consultation nationale réalisée à l’occasion de la première séquences des Assises de l’eau.
Améliorer la connaissance
Bien que les collectivités soient tenues d’établir un inventaire de leur patrimoine réseaux et de définir un plan d'actions lorsque le rendement est inférieur à 85 % pour les collectivités urbaines et entre 65 et 80 % pour les collectivités rurales, la réglementation n’imposait pas, jusqu’à très récemment, que les réseaux d’eau potable ou d’assainissement soient cartographiés. Les choses viennent de changer à l’occasion de la publication de l’arrêté du 28 octobre 2018 portant modification de plusieurs arrêtés relatifs à l’exécution de travaux à proximité des réseaux. « Ce texte impose que les réseaux d’eau potable ou d’assainissement soient cartographiés dans la classe de précision A, à l’horizon du 1er janvier 2026 dans les unités urbaines au sens de l’INSEE et au 1er janvier 2032 sur tout le territoire, explique Damien Skaky, Président de la FNEDRE, la Fédération nationale des entreprises de détection des réseaux enterrés. Le chantier est considérable, mais nous pouvons compter sur des technologies performantes et en constante évolution ».
« L’obligation de répondre en classe A aux DT-DICT est donc étendue aux réseaux dits non sensibles, confirme Nicolas Braleret, directeur commercial France & Dom-Tom chez Radiodetection. Mais au delà de ces obligations légales à l’horizon 2026 ou 2032, les régies et service de l’eau et de l’assainissement auraient tout intérêt à identifier dès maintenant leurs emplacements systématiquement pour pouvoir les repérer plus facilement par la suite ». La filiale française de Radiodetection, qui fête ses 40 ans d’expérience cette année, fournit du matériel de détection de réseaux dans tous les domaines d’activité, notamment à destination les gestionnaires de réseaux, prestataires de services ou collectivités.
« L’idée directrice de la réforme était de connaître l’emplacement les réseaux dits sensibles en amont d’un chantier, ceci afin d’éviter des accidents potentiels » explique Philippe Capon, co-fondateur de My-NDS. « Depuis ce décret, de nombreuses sociétés ont été créées pour faire de la prestation de localisation de réseaux enterrés. Ce sont des sociétés que nous avons accompagnées, en leur fournissant des équipements, des formations adaptées, et parfois même un financement ou une location de matériel ».
La société My-NDS a été lancée en 2014, avec comme objectif de réunir en une seule entreprise l’ensemble des solutions de détection des réseaux enterrés. Elle utilise pour cela principalement deux technologies, des méthodes électromagnétiques et le géoradar. « Nous fournissons essentiellement des entreprises qui font de la prestation de détection, mais également les concessionnaires de réseaux comme GRDF. Nous ne travaillons pas avec les collectivités directement. Nos clients sont surtout des sociétés qui font de la détection de réseaux enterrés au quotidien » explique Philippe Capon.
Des techniques diversifiées
La technologie “détection électromagnétique” est souvent employée, et est utilisée par un grand nombre de sociétés, dans la mesure où les équipements permettent de détecter tous les réseaux conducteurs, donc, dans le domaine de l’eau, toutes les canalisations métalliques : les canalisations en acier, en fonte notamment. Leur champ d’application est large. Elle permet de déterminer depuis la surface une succession de points (x, y) avec la profondeur (z) représentant le tracé du réseau souterrain recherché. Le principe de la détection électromagnétique consiste à envoyer un signal électrique à une certaine fréquence dans le matériau conducteur que l’on souhaite détecter, à l’aide d’un générateur. Le courant électrique, en circulant le long du conducteur, génère un champ électromagnétique qui pourra être détecté et utilisé en surface pour localiser et mesurer la profondeur des canalisations.
Cette technique présente l’avantage de permettre la détection de réseaux sur de très grandes distances, et permet de mesurer avec précision la profondeur des canalisations.
Le RD 7100 ou 8100 de Radiodétection, l'Ultra Advanced de Leica Geosystems, l’UtiliTrac de Sewerin, le C-Scope MXL de TD Williamson, vLoc 3 de Vivax-Metrotech ou encore le Dynatel 2550 de 3M commercialisé par VonRoll Hydro, reposent sur le principe de la détection électromagnétique.
Autre technologie souvent employée : le géoradar. Celle-ci repose sur l’émission d’ondes radar dans le sous-sol, pour détecter des réseaux conducteurs ou non conducteurs. Elle présente donc le gros avantage de pouvoir repérer les canalisations en thermoplastiques, utilisées notamment pour l’adduction d’eau et le gaz.
Les géoradars proposés par Georeva, Leica Geosystems, Radiodetection, MDS, 3M, ou My-NDS fonctionnent de manière comparable à l’échographie : des ultrasons sont émis et réfléchis par les obstacles dans le sous-sol, ce qui permet de détecter les canalisations. Cette technique est efficace mais elle nécessite du personnel formé pour que ses potentialités soient pleinement utilisées. Elle présente en revanche l’avantage de pouvoir être mise en œuvre sans qu’un accès direct au réseau soit nécessaire.
Il existe enfin des techniques acoustiques, habituellement employées pour la détection de fuites dans les réseaux. Elles consistent à générer, par l’intermédiaire d’un vibreur, une onde sonore à la surface de la conduite pour la détecter à l’aide de micros sensibles. Sewerin qui fabrique des matériels de détection de fuite sur les réseaux d’eau et les réseaux de gaz enterrés a également développé des équipements permettant de localiser les réseaux. « En complément de nos solutions classiques électromagnétiques, nous proposons la détection acoustique de réseaux, confirme Maxime Kieffer, Responsable commercial et marketing chez Sewerin. Nous générons un bruit dans les réseaux d’eau grâce à un générateur d’impulsions et nous utilisons des détecteurs acoustiques pour localiser les canalisations. La profondeur reste inconnue mais la précision de localisation est très bonne ».
Des techniques matures mais qui évoluent régulièrement
Ces technologies ont largement fait la preuve de leur efficacité depuis longtemps. Bien que pleinement matures, elles ont été régulièrement optimisées et de nombreuses innovations ont vu le jour ces dernières années.
Les appareils de détection utilisent généralement un seul mode d’affichage à l’écran du récepteur, qui va fournir un certain nombre d’informations lors de la détection. Mais avec le vLoc-3, Vivax-Metrotech a poussé plus loin la précision des informations recueillies par l’appareil. Sur le vLoc3-Pro, l’utilisateur a la possibilité de choisir parmi 5 écrans différents selon la détection qu’il aura à réaliser. Un premier écran correspond au mode classique et traditionnel, celui avec lequel tout le monde travaille : un bargraphe avec un code couleur pour la distorsion, des flèches directionnelles gauche/droite, une intensité, une profondeur.
Un deuxième écran correspond à un mode 3D appelé “vectoriel déporté”, qui permettra, où que l’on se situe, de mesurer et voir en 3 dimensions le câble ou la canalisation, sans avoir besoin d’être à l’aplomb. Sur l’écran, le récepteur indique la distance au câble, l’orientation et la profondeur.
Un 3ème écran avec un mode en 2 dimensions permet de visualiser le câble/ou la canalisation sous forme d’une barre, qui va se matérialiser à l’écran dès que l’utilisateur entre dans le champ d’affichage. Avant cela, l’opérateur est guidé par une flèche directionnelle.
Le 4ème écran est dédié à la recherche de sonde : une recherche qui est habituellement assez compliquée, mais qui avec cet appareil a été largement simplifiée. Ainsi, en allumant le détecteur en mode sonde, une flèche sur l’écran indiquera simplement la direction à prendre, et la sonde apparaîtra ensuite sur l’afficheur dès que l’opérateur arrive au-dessus. L’affichage de la profondeur se fait en direct, il s’agit là de l’innovation majeure qui a été réalisée sur le détecteur.
Enfin, un 5ème écran va permettre de valider s’il y a de la distorsion ou pas, grâce à des codes couleur, en mesurant l’intensité du signal, plus ou moins perturbé en fonction de la présence de pièces métalliques à proximité ou de réseaux adjacents.
« La technique de détection électromagnétique des réseaux enterrés date des années 60, et le principe est toujours le même, explique-t-on chez Vivax Metrotech. Mais ce qui change aujourd’hui, c’est l’ergonomie du produit et l’interface utilisateur. Ainsi nous avons travaillé sur un mode en 3 dimensions : 3 bobines triangulées en haut et 3 en bas qui permettent de voir le champ magnétique et de le représenter en 3D ».
Côté géoradar My-nds distribue le géoradar tri-fréquences “Quantum”, qui a notamment été sélectionné par GRDF pour la détection de réseaux, et des branchements », PE comme l’explique Philippe Capon. « Celui-ci utilise trois gammes de fréquences différentes qui permettent de travailler à différents niveaux de profondeurs avec différentes résolutions. Le radar contient une antenne qui émet à 250 MHz, et qui permet d’aller jusqu’à 3 ou 4 mètres de profondeur, souvent pour les gros réseaux assez profonds. Une seconde antenne à 500 MHz permet de détecter jusqu’à 2 ou 3 mètres de profondeurs, pour localiser une grande partie des réseaux enterrés. Enfin, une troisième antenne à 1 GHz permet d’aller à une profondeur d’1 ou 1,50 mètres pour détecter les petits réseaux avec une bonne résolution. Pendant des années nous avions des radars mono-fréquence, il était donc nécessaire de s’équiper de plusieurs types d’antennes pour travailler, il y a eu ensuite des radars bi-fréquences, mais notre modèle est le premier permettant d’émettre trois gammes de fréquences avec un seul bloc de trois antennes pour optimiser la détection des réseaux ».
Côté Georadar, le DS2000 de Leica Geosystems a la particularité de pouvoir désaxer et désolidariser le bloc antenne afin de toujours répondre aux impératifs du milieu étudié et d’épouser tous types de terrains accidentés. « On le retrouve sous sa forme deux roues ou quatre roues, précise Christophe Serresseque. Pour obtenir un résultat optimal par rapport au réseau recherché ,vous pouvez travailler soit avec deux radargrammes simultanés avec corrélation des résultats, soit en sélectionnant le radargramme de surface ou de profondeur pour une acquisition ciblée ».
Chez MDS, le tout dernier géoradar compact et léger GSSI est construit autour d’une antenne de fréquence centrale 350 MHz avec technologie Hyperstacking permettant d’atteindre des profondeurs de pénétration de l’ordre de 4 à 5 m, tout en ayant une excellente résolution dans le premier mètre. Il s’agit d’un géoradar compact et léger (15 kg) permettant de passer dans les plus petites rues et entre les véhicules stationnés. Il intègre de plus une connexion sans fil WiFi entre la tablette et l’antenne (connexion par Ethernet possible). L’Hyperstacking procure une résolution à faible profondeur supérieure, une profondeur d’investigation optimisée et améliore nettement la protection aux interférences radio comparativement aux antennes radar classiques. Il s’agit d’une technique brevetée d’échantillonnage améliorant les performances tout en conservant les vitesses d’acquisition et en optimisant les énergies émises. Cette technique utilise une sommation (stacking) multiple pendant les mesures afin de réduire le bruit aléatoire et améliorer la qualité des données. De plus cette gamme, sélectionnée par GrDF, est la seule sur le marché à intégrer le Linetrac, un détecteur électromagnétique intégré au géoradar permettant d’optimiser les interprétations sur le terrain.
Sewerin propose également un dispositif innovant ces dernières années, avec l’UtiliTrac. « L’UtiliTrac est un outil de tracé de réseau, qui a l’avantage d’avoir une grande simplicité d’utilisation » précise Maxime Kieffer. Celui-ci donne en effet un affichage en 3D de la canalisation, qui permet de visualiser sur un écran comme si on se plaçait sous terre. Pour un utilisateur qui ne fait pas cela tous les jours cet appareil simplifie grandement l’usage et l’analyse des résultats. Au lieu d’avoir juste un signal qui montre la direction d’une canalisation, celle-ci est dessinée en 3D.
Autre avantage, le récepteur se plie et se range dans le générateur, le tout tient dans une seule valise et le dispositif est très compact.
« Nous voyons par contre les matériels s’améliorer au cours du temps, avec plus de fiabilité et de précision » ajoute Nicolas Braleret. « L’évolution de l’électronique a permis de grandes améliorations des appareils dans ce secteur. Radiodetection a lancé au mois d’Octobre 2018 trois nouveaux appareils de détection de réseaux, gamme RD5100, spécialement dédiés au marché de l’eau car nous croyons fortement au développement dans ce secteur. Ils fonctionnent sur des fréquences propices à la détection sur de la fonte et le repérage des sondes pour les canalisations non conductrices. Leur ergonomie, simplicité et leur prix attractifs vont attirer un grand nombre d’utilisateurs ».
Pour la partie électromagnétique, Leica Geosystems met l’accent sur son émetteur de fréquences caractérisé par une puissance de 12 watts, très utile pour la détection des canalisations conductrices type fonte, ainsi qu’une relation directe Bluetooth permettant d’être contrôlé directement depuis le détecteur. « Cela permet de changer la fréquence ou la puissance du signal sans que le technicien ne soit obligé de retourner à l’émetteur » précise Christophe Serresseque.
S’équiper ou recourir à la prestation de services ?
Sur la base de ces différentes technologies, les collectivités qui souhaitent travailler sur la détection des réseaux doivent-elles s’équiper elles-mêmes ou plutôt privilégier la prestation de services en faisant réaliser ces chantiers par des prestataires spécialisés en détection comme Ingrid, Geowest, Ax’eau ou DDR.
Pour Philippe Capon chez My-NDS, « Il y a deux cas de figures. Le plus souvent, une petite collectivité aura plutôt intérêt à passer par un professionnel bien formé à ces techniques plutôt que de chercher à le faire elle-même, pour une meilleure qualité du rendu et plus de sécurité. En revanche, de grandes collectivités ou communautés d’agglomérations ont un intérêt direct à se former et à s’équiper, en raison de la grande quantité de réseaux à surveiller et cartographier ».
« Aujourd’hui, la vulgarisation des produits permet à une collectivité locale de s’équiper elle-même et de faire des travaux » explique Nicolas Braleret, chez Radiodetection. « La technicité des produits a énormément évolué et nous avons des matériels aujourd’hui très simples d’accès. Ce n’est pas qu’une affaire de spécialistes, mais plutôt une affaire d’expérience : plus on réalise d’analyses plus on acquiert de l’expérience. Certaines collectivités aujourd’hui ont les ressources et le temps en interne de s’équiper et de faire ces travaux elles-mêmes, mais d’autres passent par des prestataires de service si elles n’ont pas les moyens de faire autrement ».
Pour Maxime Kieffer, Sewerin, « Il faut différencier deux usages : s’il s’agit de savoir où se situe le réseau et les fuites, la collectivité aura besoin de matériel simple, et dont l’utilisation est à la portée des techniciens sans formation conséquente. En revanche, s’il faut faire un relevé GPS cela nécessite du matériel qui sera manipulé a priori par des spécialistes. Donc la partie cartographie implique du matériel plus sophistiqué, et dans ce cas, il sera sans doute nécessaire de faire appel à un prestataire ».
Malgré le fait que ces deux activités soient complémentaires, et souvent réalisées par la même société, elles restent bien distinctes dans leurs techniques de réalisations et ont chacune leurs spécificités.
« Cela est même distingué en une certification Détection et une certification Géoréférencement » conclue Philippe Capon. « C’est d’ailleurs préférable pour faire les choses correctement. Il faut d’abord détecter les réseaux en classe A avant de les cartographier avec une solution de précision centimétrique ».
Les chemins de la connaissance reposent sur une démarche itérative constituée de plusieurs étapes successives incontournables.
Alors, faire ou faire-faire ? Pour Damien Skaky, Président de la FNEDRE, « La question de faire ou faire-faire reste très subjective. Je dirai qu’il importe surtout de "faire bien" ou de "bien faire-faire". C’est la raison pour laquelle un des axes prioritaires de notre fédération est la formation dont une enquête menée auprès de nos adhérents a montré que cette priorité se plaçait en seconde position de leurs préoccupations. L’offre de formation, actuellement trop disparate, est assurée par les bureaux d'études prestataires, des fournisseurs, quelques consultants ainsi que certaines écoles des Travaux Publics. Il incombe alors à la FNEDRE d’établir un cahier des charges de la formation à la détection des réseaux enterrés en prenant compte les conditions d’accès aux réseaux et de rassembler l’ensemble des acteurs pour mener à bien cette montée en compétence. Il serait question de plus de 300 collaborateurs à accompagner dans un cycle de formation “Expert”, susceptible de donner lieu à un titre d’habilitation. C’est l’un des projets qui sera confié à notre chargé de mission dès janvier 2019 ».
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