Moins onéreuse que le renouvellement, la réhabilitation des réseaux d’assainissement vieillissants gagne les faveurs de collectivités. Un large éventail de solutions techniques permet de répondre, durablement, à de nombreuses situations. Diagnostic préalable et préparation du chantier restent essentiels à sa réussite. Malgré les incitations récentes, le marché reste poussé essentiellement par les programmes de réfection de voirie plutôt que par l’obligation de gestion patrimoniale.
La perspective de travaux sans tranchée, désormais possible sur beaucoup de technologies de réhabilitation, constitue de fait un argument de poids. Deux possibilités se présentent, selon l’état du réseau et l’occasion des travaux : d’une part la réparation de défauts ponctuels, qui relève de l’entretien courant en exploitation, d’autre part la rénovation/remise à niveau de tronçons entiers, qui dépend plus d’une logique de programmation à long terme, voire de gestion patrimoniale, et peut être cofinancée par l’Agence de l’eau.
Le marché est porteur, même si les acteurs font parfois état de perceptions différentes. Pour Philippe Lagubeau, Directeur Adjoint de SADE Travaux Spéciaux, « les techniques sans tranchée répondent aux besoins de gestion patrimoniale des réseaux. Elles ont d’ailleurs été mises en avant à l’occasion des Assises de l’eau ». Guillaume Valade, responsable des ventes Ile-de-France pour Amiblu, estime pour sa part que « la gestion patrimoniale est stable pour la région parisienne. Un autre volet nous fait travailler beaucoup plus : le détournement de tronçons pour la construction du réseau de transports (métro et tram) du Grand Paris ». Arnaud Stienne, directeur général délégué de Telerep, confirme : « la gestion à long terme existe dans certaines agglomérations mais elle n’est pas généralisée. Nous intervenons plutôt dans le cadre de travaux de voirie ou de réaménagement (voies de métro ou de bus par exemple). Globalement, le marché est en hausse… même si les prix baissent ». Daniel Walther, responsable de l’agence AXEO TP Alsace dresse le même constat : « les communes programment des travaux de voirie et en profitent pour inspecter l’état des réseaux en dessous. Elles peuvent alors, si nécessaire, lancer des travaux de réhabilitation ».
Le diagnostic, un passage obligé
Les reports d’ITV, l’âge et les matériaux des conduites sont autant d’éléments que le SIG peut ingérer pour proposer des notes de renouvellement à un opérateur. « Certains de nos utilisateurs de SIG peuvent utiliser plusieurs dizaines de critères pour les aider à noter leurs réseaux », note Thierry de Tombeur chez 1Spatial.
Car chaque intervention pour réparation ou rénovation d’un tronçon d’assainissement doit s’appuyer sur un diagnostic souvent réalisé par une société spécialisée à la demande du maître d’ouvrage ou du bureau d’études qui conçoit l’appel d’offres. Les entrepreneurs de travaux, qui utilisent des robots, peuvent certes procéder à des inspections vidéo, mais plutôt à “usage interne” pour préparer leur propre intervention. Les sociétés spécialisées vont nettement plus loin. Un diagnostic complet comprend en effet toute une batterie de tests exigeant des équipes spécialement formées : inspection visuelle (ou vidéo) mais aussi radar (pour repérer d’éventuels vides à l’extérieur de la canalisation), prélèvements de sol autour de l’ouvrage (argile, gonflement, compression, etc.), essais de vérinage (résistance mécanique résiduelle de la canalisation), relevé de niveau de la nappe phréatique, etc. Il s’agit non seulement d’établir l’état du réseau mais aussi de préciser les contraintes qui orienteront les choix des techniques d’intervention.
Techniques de rénovation : l’embarras du choix
Quelle que soit la technique choisie, chaque intervention commence par une phase de préparation, à la main ou avec des robots multifonction selon le diamètre. « Les travaux préparatoires consistent à supprimer les racines, enlever les branchements pénétrants, adoucir les déboîtements, repérer les embranchements pour pouvoir les ouvrir et les raccorder ultérieurement…. Cette phase est déterminante pour la qualité du résultat final », insiste David Veltz, directeur commercial France et Belgique pour Reline Europe. Par l’intermédiaire de sa filiale Pipetronics, Reline fournit des robots de réparation multifonctions. L’éventuelle injection de coulis dans le sol, via des tubes traversant la paroi de la canalisation, se fait également à ce stade.
Tronçons non visitables : la rénovation en continu
Mais pour les réseaux gravitaires, soit une bonne partie de l’assainissement, le chemisage est en passe de s’imposer comme le choix premier en matière de rénovation. Il s’agit d'introduire dans la canalisation existante, via un regard, une gaine souple imprégnée d’une résine époxy ou polyester. Elle est ensuite plaquée contre la paroi et polymérisée, donc durcie, une fois en place. Deux grandes familles coexistent. Première venue : l’application par réversion de gaines en feutre de polyester, suivie d’une polymérisation thermique à l’eau chaude ou la vapeur. Dans ce cas, le fluide de polymérisation plaque lui-même la chemise contre la paroi. Nouvelle venue : l’utilisation de gaines armées de fibre de verre, introduites par traction puis gonflées à l’air comprimé et durcies par UV. Un “train” de lampes UV assure la polymérisation, et souvent l’inspection finale grâce à une caméra placée en tête.
Selon David Veltz, « certains pays ont mis l’UV en avant depuis quelques années. La technologie est en plein essor et prend des parts de marché en France comme en Allemagne ». Reline Europe s’est spécialisé dans l’UV avec sa gamme de chemises Alphaliner®, disponibles en diamètres de 150 à 1.800 mm pour des “tirs” pouvant atteindre 350 mètres linéaires. Avec une particularité : elles sont fabriquées par enroulement hélicoïdal de bandes de fibres de verre, imprégnées de résine de polyester. « Cet enroulement hélicoïdal, et non longitudinal, évite toute couture ou point faible » souligne David Veltz. De plus, Alphaliner® peut s’appliquer dans des conduites de section non circulaire (ovoïdes). Pour les chantiers d’assainissement communal sans contrainte particulière, Reline préconise AlphalinerUP. Il existe une version AlphalinerEco, imprégnée d’une résine sans styrène, pour certains chantiers devant obéir à des normes strictes d’émission. Pour l’assainissement industriel, Reline propose l’Alphaliner VE, imprégné de résine de vinylester. Les gaines “traditionnelles” n’étant pas étanches sous pression, Reline se prépare à lancer sur le marché, via sa filiale Reline Aptec, la version AlphaLinerPN. Toujours basée sur des bandes hélicoïdales de fibre de verre, sa construction en sandwich lui permet de résister à une pression de service de 16 bars. Elle sera disponible du 150 ou 1.200 mm. Des chantiers pilotes ont déjà été réalisés ainsi, dont un de 600 mètres linéaires au Havre.
Même son de cloche chez les applicateurs. « Aujourd’hui, 70 % des réhabilitations se font en UV et 30 % en réversion, alors que c’était l’inverse il y a 5 ans », remarque par exemple Daniel Walther, responsable de l’agence AXEO TP Alsace. AXEO TP met en œuvre les produits Reline. « Nous savons faire de la réversion, bien sûr, mais privilégions l’UV car il permet un contrôle visuel avant la polymérisation (alors que la réversion se fait à l’aveugle). En plus, cela dure moins longtemps, est plus économique, et plus respectueux pour l'environnement », ajoute Daniel Walther. Son agence vient par exemple de réaliser deux chantiers en Alphaliner®, l’un à Haguenau (650 mètres linéaires de canalisation ovoïde), l’autre à Strasbourg (690 mètres avec des diamètres allant de 300 à 1.600 mm). Certains applicateurs considérés comme des “partenaires Reline Europe” - par exemple AXEO TP ou Subterra - utilisent les machines UV de durcissement de la marque. « D’autres applicateurs, eux-mêmes bénéficiant de certification qualité, peuvent utiliser des systèmes conventionnels de polymérisation. La différence ne réside pas dans le produit fini mais dans la durée de mise en œuvre : avec nos équipements, vous durcissez 2 à 3 fois plus vite », souligne David Veltz.
Même Insituform, pionnier de la technique de chemisage, qui a introduit la réversion il y a plusieurs décennies avec ses solutions désormais classiques Insituform Polyester (150-2.500 mm) et Insitufom Epoxy (150-600 mm), vient de lancer un produit en UV. « Le IPlus Glass a vocation à devenir le fer de lance d’Insituform », explique ainsi Christophe Goasdoué, responsable d’exploitation chez Video Injection. Cette société de travaux met en œuvre les techniques Insituform, dont elle a également l’exclusivité de distribution pour la France. Autre nouveauté : le I-Flex, une chemise de faible diamètre (de 50 à 250 mm) particulièrement souple. Installée par réversion et polymérisée à la chaleur, elle est destinée à la rénovation des embranchements. Pour ces même embranchements, Telerep propose In-Tec® (80-300 mm), un chemisage en résine époxy posé par réversion ou traction selon le nombre d’accès et de coudes, et polymérisé par UV.
La SADE met également en œuvre les deux familles de chemisage. « Nous utilisons l’une ou l’autre selon la configuration du chantier. Dans les deux cas, nous avons fait le choix d’être certifiées NF 390 », assure Philippe Lagubeau. En réversion, SADE propose Rétroflex®, une marque maison. Pour l’UV, SADE travaille avec les gaines armées de fibre de verre Saertex, BKP et Reline Europe. Telerep propose aussi les deux techniques. « Le résultat final est comparable. Le premier choix est l’inversé mais, si la canalisation initiale est trop abîmée, on ne peut utiliser que le tracté et l’UV », précise Arnaud Stienne. En réversion, que la polymérisation se fasse à l’air chaud (Eryx®) ou à l’eau chaude (Eaunyx®), Telerep fabrique lui-même son matériau en composant le mélange de résine sur place. Pour la traction, qu’il s’agisse du procédé Anjou® (feutre polyester et résine époxy, polymérisé à l’air chaud) ou Uvyx® (chemise fibre de verre, résine polyester polymérisée à l’UV), la société applique des composites achetés chez un fournisseur.
Soigner les branchements
AXEO TP propose de son côté une technique de traitement structurante des regards de visite existants par chemisage UV. Ceci permet d’obtenir un ensemble « canalisation-regard » en fibre de verre donc homogène, continu, résistant aux attaques d’H2S et structurant.
Primus Line propose une solution innovante disposant de 20 années de retours d'expérience dans les réseaux pression assainissement avec sa gaine souple armée Kevlar. Elle permet de réhabiliter des réseaux de plusieurs km, avec des longueurs supérieures au km en un seul tenant sur touret, du DN 150 au DN 500 (jusque 1 km de DN 500 sur 1 touret). Il s’agit d’une solution de retubage qui permet de passer plusieurs angles jusque 45°. « Ce n'est pas une réparation ponctuelle, mais une solution de gaine armée Kevlar qui a une durée de vie minimale de 50 ans, avec une perte hydraulique minime par rapport aux solutions concurrentes, explique Philippe Ferrer, directeur France chez Primus Line. Sa vitesse de pose sans concurrence de près de 600 m/h lui a permis de se développer à travers le monde. Elle est par ailleurs capable d’encaisser des niveaux de pression sans commune mesure (jusque PN82 en PN150) avec une épaisseur de seulement 8 mm ». Autres avantages : une emprise moindre sur les chantiers et une grande rapidité de mise en œuvre par rapport aux tubages traditionnels.
Tronçons visitables : un autre monde
Amiblu propose deux types de tubes (du 200 au 3.600 mm) pour ce genre d’application. « S’il n’est pas nécessaire d’optimiser la section hydraulique, nous proposons un tuyau standard avec manchons débordants, qui dépassent de 1-2 cm. Plus, bien évidemment, l’épaisseur du coulis. Si l’on veut rester plus près de la section d’origine, on utilise des tuyaux usinés dans l’épaisseur pour pouvoir intégrer une manchette de raccordement, donc sans débordement », explique Guillaume Valade. Les deux peuvent être fabriqués selon deux technologies différentes. L’armature du Flowtite est constituée d’une fibre de verre continue qui vient s’enrouler sur l’extérieur d’un moule alors que le Hobas est centrifugé à l’intérieur d’un moule en rotation. « En principe, nous réservons le Hobas aux applications gravitaires et le Flowtite aux conduites sous pression », précise Guillaume Valade. Avec des exceptions puisqu’Amiblu peut adapter l’épaisseur des parois du Hobas (de 20 mm à 150 mm si le diamètre le permet) en cas de demande particulière. Ainsi pour le chantier du collecteur Lajaunie, à Bordeaux, un groupement d’entreprises (SADE, GTM et Sogea) a assemblé des tronçons de Hobas aux parois épaisses capables de résister à 3 bar de pression externe. Explication : « le maître d’ouvrage souhaitait injecter le coulis de remplissage en surpression pour accélérer le chantier ». Des tubes Amiblu ont été récemment utilisés dans différentes configurations. Par exemple à Louvigné, pour un passage d’eau pluviale sous l’A 81, une buse Armco corrodée et risquant l’effondrement a été tubée avec une section de Hobas de 3.600 mm de diamètre, un record pour la France.
Telerep préfère utiliser une solution originale : le tubage par pose hélicoïdale d’éléments se présentant en bandes déployées et clipsées sur place. Le Damby® est un profilé en PVC posé avec un vide annulaire empli de coulis. « Le Damby peut être structurant ou non. Si on a juste besoin d’étanchéité, on positionne le profilé et on injecte un coulis sur 2 cm. Si on doit être structurant, l’épaisseur de coulis atteint 5-6 cm, donc il faut caler le profilé. Dans les parties très abîmées, on peut également ferrailler au préalable », précise Arnaud Stienne. Damby® a par exemple été récemment utilisé à Saint Germain en Laye. A partir du 800 mm et jusqu’au 1.400 (on parle alors de “semi visitable”), Telerep propose également ses solutions Rotaoc® et Ribline® : des profilés PVC posés de manière hélicoïdale par un robot – plus précisément une “cage d’assemblage” pilotée de l’extérieur. Le profilé, nervuré, possède une résistance mécanique suffisante pour être structurant sans injection de coulis. « Nous pouvons aussi poser de la même manière un produit non structurant, le SPR® » précise Arnaud Stienne. Comment choisir ? « Si nous devons faire 800 mètres linéaires en ligne droite dans une canalisation circulaire, nous pouvons utiliser le Rotaloc®. Pour une section ovoïde avec peu d’accès, ou en centre ville, nous préfèrerons le Damby®. Pour de grands profils avec des distances importantes, ce sera du SPR® ».
Réparer : à la main ou par robot
Si un opérateur peut pénétrer, il appliquera les techniques et outils traditionnels (marteau piqueur, application de mortier, etc.). La réhabilitation ou des réparations ponctuelles reposeront sur les techniques traditionnelles de maçonnerie (enduits, bouchage fissures) ou par la projection d’enduits à base de ciments, de bétons structurants ou de formulations chimiques. Hermes Technologie développe ainsi depuis 25 ans des matériaux et des techniques adaptés aux spécificités de réseaux d’assainissement permettant de répondre aux phénomènes de corrosion et à la nécessité d’imperméabiliser ces ouvrages tout en améliorant les performances mécaniques. Il s’agit de produits spécifiques, conformes à la norme EN 1504-3 relative aux mortiers de réparation, capables de répondre à des niveaux d’exigences élevés.
De son côté, Weber a conçu un mortier de réparation, weberep VM 265 et 266, renforcé de fibres métalliques amorphes qui dispense de la pose laborieuse de treillis. La suppression de cette phase induit une réduction du temps sur chantier estimée jusqu’à 40 %, appréciable pour les entreprises de mise en œuvre (optimisation de la rentabilité) comme pour les riverains (diminution des nuisances visuelles et sonores).