La recherche de fuites dans les canalisations ou la traque de la mauvaise qualité de l’eau demande d’analyser finement les données issues des compteurs ou des différents capteurs. Plusieurs applications web permettent l’amélioration du rendement d’un réseau.
Des données disparates
Ce sont les consommations d’eau des usagers ou des poteaux incendies, les débits en différents points des canalisations, la hauteur d’eau dans les réservoirs, la qualité de l’eau (chlore, température… etc), l’énergie consommée par les capteurs. Elles ont toutes des unités différentes et sont récupérées selon une fréquence différente. Pas facile de les comparer et les analyser. Mais les programmeurs informatiques ont des ressources. Ils proposent un mode de gestion par API (Application Programming Interface), des logiciels gérés sur le web et non pas sur les ordinateurs des opérateurs. Ces Saas (Software as a service) se basent sur le SIG (système d’information géographique) de l’opérateur sur lequel est posée une couche représentant le réseau et ses différents secteurs.
De nombreuses API
A travers Sofrel Web LS, Lacroix propose également une offre d’hébergement des données transmises par les data loggers Sofrel LS et LT, simplifiant ainsi la gestion et l’analyse des données des exploitants de réseau. « Plus de 22 000 data loggers remontent quotidiennement leurs données vers la plateforme » précise Jérôme Floch, chef de produits chez Lacroix. « En plus de la centralisation, notre solution SaaS WEB LS offre de nombreuses fonctions de traitement des données et permet à l’utilisateur de les exploiter en définissant ses propres vues d’analyse, comme par exemple la mise en place d’un tableau de bord sur la sectorisation. web LS propose également des webservices permettant de transférer les données des data loggers vers des applications tierces de type data analytics. Ce partage sécurisé permet ainsi aux exploitants d’aller encore plus loin dans l’analyse de leurs données de sectorisation ».
De son côté, Business Geografic (Ciril Group) édite toutes sortes de technologies, solutions SIG et géo-décisionnelles parmi lesquelles la solution SIG métier Geo Eau Potable. « Geo Eau Potable est l’une des Geo Solutions SIG full web intégrée au cœur de la plateforme Geo Software de Business Geografic qui permet de cartographier, piloter, superviser et diagnostiquer des réseaux d’eau potable. Geo Eau Potable est en mesure de collecter des données issues de capteurs et d'objets connectés, à l’aide d’API, de Web Services ou en accédant directement aux bases de données, pour permettre aux élus, services techniques, exploitants, etc. de connaître et de gérer encore davantage leur patrimoine, de mesurer les performances des réseaux d'eau potable et de mieux intervenir en cas d'anomalie », explique Nicolas Angénieux, directeur commercial - marchés Collectivités et Smart Cities chez Ciril Group. L’ensemble des solutions de la plateforme Geo Software sont interopérables : Geo Eau Potable s’interconnecte notamment avec les modules Geo Mobilité, Geo DT-DICT, GEO Interventions, Geo PCRS, etc., et Geo Key. « Les mesures exploitées dans Geo Eau Potable - à l’aide d’objets connectés (IoT), hyperviseur, SCADA, etc. - permettent ainsi de piloter efficacement l’organisation des interventions sur le référentiel patrimonial et d’optimiser la résilience et le ROI des réseaux d’eau potable ».
Quand un capteur ou un compteur d’eau est défaillant (problème de batterie, de communication, de blocage), le logiciel a deux solutions : soit il récupère l’historique et donne une valeur moyenne des dernières années, soit un algorithme effectue un lissage des données afin d’assurer une continuité des mesures. « Le client paramètre lui-même son modèle ArcGIS, c’est son “workflow personnel”, explique Régis Becquet, responsable Eau chez ESRI. Le premier outil est le Data Reviewer qui vérifie qu’on a bien saisi le réseau sur le SIG. Un validateur vérifie la traçabilité des données des dessinateurs. Si la géométrie n’est pas parfaite, l’opérateur redemande au géomètre un nouveau plan de recollement ». D’autres outils tel l’Utility Network permettent d’isoler un tronçon sur lequel il faut envoyer une équipe de maintenance. C’est ce qu’utilise Mathieu Rescan pour le gestionnaire de réseau Sogedo : « nous avons une base de données techniques commune aux différents services d’exploitation et de support. Elle recense les ouvrages, leur attribue un code et gère l’ensemble des éléments techniques associés (abonnement EDF, télécom, etc.). Cette base technique est en connexion avec les bases de données des autres applications métiers, à savoir l’application de télégestion interne qui rapatrie les données des appareils de mesures télégérés et établit les analyses préconfigurées (évolution de débit des dernières 48h, consommation énergétique des pompes, …) et le SIG, qui recense une couche pour représenter les ouvrages de sectorisation comportant un attribut reprenant l’identifiant de la base technique ainsi que les canalisations identifiées par leur numéro de sectorisation. L’application de télégestion interne, de type Web, fait appel à l’API ArcGIS pour Javascript pour appeler des éléments cartographiques du portail ArcGIS et requêter les linéaires de canalisation afin de pouvoir calculer des indices de performance (indice linéaire de perte, objectifs contractuels ou saisonniers) ».
Certains constructeurs offrent davantage. Le groupe Claire, avec Sense, propose un point d’accès unique de recueils de données pour une supervision du réseau. Le Sense envoie ses données par radio, GPRS, GSM ou LoraWan sur la plate-forme web Watercloud qui les analyse et avertit des anomalies pour optimiser au mieux les interventions « Comme les réseaux d’eau potable sont enterrés, les terrassements nécessaires pour y installer différents capteurs coûtent cher. Le Sense est un branchement donnant l’accès à l’eau à un client/consommateur et devient un point d’accès réseau dans le même temps qui pourra accueillir différents types de capteurs, notamment hydrophone et de pression, tout ceci pour une meilleure gestion patrimoniale des réseaux (amélioration et suivi des rendements et surveillance du vieillissement patrimonial) et un suivi de la qualité de l’eau, prône Pascal Beautour, responsable produits du groupe Claire. Les données recueillies par le Sense sont confrontées au SIG du client ».
Autre exemple, la solution Spoutleak d’Ax’eau conçue pour diagnostiquer en une seule fois les conduites de transport, même profondes et sans point de contact. L’analyse des données collectées permet de localiser précisément les fuites, les anomalies ainsi que de définir le profil en long et d’évaluer le taux d’encrassement de la conduite. Mais au-delà de la recherche de fuites, Spoutleak permet aussi l’enrichissement du SIG et contribue ainsi à une meilleure gestion patrimoniale des conduites sensibles.
D’autres s’y mettent progressivement, tel Endress+Hauser qui se prépare à proposer son Netilion Water Networks avec son nouveau débitmètre autonome Promag 800, Insights après avoir sorti son nouveau débitmètre lancé en juin cette année. Ou Lacroix, avec la nouvelle version du superviseur PCWin2 V4.50 qui propose un module d’analyse métier permettant d'exploiter les données de télégestion via des vues et axes d’analyse complètement personnalisables pour faciliter l’analyse des données et permettre d’identifier immédiatement les sites où porter son attention en priorité.
Et des travaux de recherche, comme le projet Sphereau (Solutions de Programmation Hiérarchisée pour l’Efficience des Réseaux d’EAU) (EIN 430), tentent d’y mettre de l’intelligence artificielle, mais ils se basent sur l’écart avec les données de base, qui ne sont pas toujours fiables. Le Syndicat Intercommunal des Eaux de Pulligny (Meurthe-et-Moselle), choisi comme site pilote, a installé l’appareillage et attend ces mois-ci l’analyse des données effectuée par le délégataire, la Saur.
Surveiller la qualité de l’eau
Les heures d’arrivée des polluants dans le cours d’eau sont évaluées et permettent de fermer les captages à titre préventif, de calculer l’approvisionnement des sites prioritaires et avertir le public des restrictions par un portail web. L’application Fusion de Birdz permet aussi la surveillance des sondes Kapta qui analysent le chlore, la conductivité, la pression et la température en tous points du réseau. « Cela permet de créer des alertes aussi bien de nature physique, en cas de gel par exemple, que chimique », déclare Thierry Lafue, en charge des applications métiers chez Birdz.
En collaboration avec les services publics d'eau britanniques, Ovarro a également développé un nouveau service basé sur le cloud qui s'aligne sur les normes mondiales de gestion des alarmes, les directives de l'Engineering Equipment & Materials Users Association (EEMUA191) et la norme International Society of Automation. (ISA18.2). « Les tableaux de bord d'AlarmVision donnent une mesure du contrôle des alarmes sur la base des indicateurs de performance clés EEMUA191 et ISA18.2. Ils permettent de prendre des mesures pour aider les opérateurs à maintenir ou à prendre le contrôle. La possibilité d'obtenir une analyse en temps réel ou rétrospective du fonctionnement de la salle de contrôle par rapport aux deux normes permet de savoir si des alarmes critiques risquent d'échapper à la salle de contrôle », explique Kathryn Langley, responsable marketing Ovarro.
Tout serait parfait si les données remontaient quotidiennement à la supervision. Or la relève des compteurs, si elle ne se déroule plus par des releveurs qui viennent une fois par an à votre domicile, se fait par radiorelève, un véhicule passant une à deux fois par an près du compteur et recueillant l’index que celui-ci communique par radio. La télérelève quotidienne par des compteurs intelligents se développe mais est encore très minoritaire.
Ce sont donc les débitmètres et autres capteurs qui envoient leurs données le plus fréquemment. Mais l’abondance de transmission a des revers. « Il faut faire attention à l’énergie dépensée par les batteries des capteurs, avertit Pascal Beautour. Il faut donc réfléchir au cas par cas. Un réseau rural qui a peu d’usagers pour de grands linéaires de canalisations sera plus difficile à traiter qu’un réseau urbain beaucoup plus dense. Il nécessite un nombre plus important de capteurs alors que les branchements sont moins nombreux et les canalisations sont très souvent en plastique. La recherche de fuite sera donc plus délicate et nécessite des capteurs plus adaptés comme l’hydrophone du Sense, plus sensible sur les canalisations plastiques, et particulièrement efficace pour trouver les fuites à grande distance et surveiller les réseaux plastiques anciens ». Ce n’est qu’à la condition d’un changement intégral des compteurs d’eau que ces applications prendront toutes leurs valeurs. Cela devrait prendre une dizaine d’années.