Désormais, le drone n’apparaît plus comme une technologie futuriste mais comme un véritable outil dont les possibilités restent encore à explorer. Qu’ils soient aériens, aquatiques ou subaquatiques, dans le domaine de l’eau, ces engins autonomes ou télécommandés à distance, connaissent également un essor remarquable lorsqu’il s’agit de cartographier, surveiller, inspecter ou collecter des données dans le domaine de l’eau, dans le cadre d’une gestion des ouvrages ou de la ressource. Zoom sur les dernières technologies déployées à bord.
Propulsés par des moteurs à hélices
(jusqu’à 8 sur certains modèles),
ce qui leur permet de se déplacer
dans toutes les directions, latéralement
ou même, de maintenir leur position
pendant plusieurs heures pour l’observation à 360 °, les drones sous-marins du spécialiste des interventions par
drones aquatiques ou subaquatiques,
Bathy Drone Solutions (BDS), peuvent
aller jusqu’à une distance ou profondeur de 300 m. Images, prélèvements
et même manipulations sous l’eau, les
applications sont nombreuses et parfois très utiles lorsque les accès sont
difficiles voire impossibles pour des
personnes. «Des puits d’eau potable
aux châteaux d’eau, en passant par les
citernes à incendie, le drone est une solution très intéressante pour nos clients qui
évitera une intervention dangereuse et
couteuse, voire même, la vidange de leur
citerne», explique Pierre-Yves Lempire,
dirigeant de BDS.
UNE NOUVELLE APPROCHE
En évitant d’exposer les personnes
aux risques de noyade, intoxications
ou même, à la pénibilité de tâches
répétitives, les drones aquatiques ou
sous-marins répondent à l’une des
problématiques majeures, la sécurité.
Et puis, il y a aussi le gain de temps,
la rapidité d’exécution en toute autonomie, la précision des données… les
drones ont aussi un intérêt en termes
de productivité, même si l’investissement est important. C’est pourquoi,
les missions sont souvent confiées
à un prestaire expérimenté, capable
d’équiper le drone des technologies en
fonction des besoins. Par ailleurs, avec le
drone électrique ou sur batterie, aucun
risque de pollution aux hydrocarbures.
Facile à piloter en mode radiocommandé, beaucoup plus qu’un drone
aérien, il sera capable en mode autonome, d’effectuer les différents relevés
sur la zone programmée et enregistrée
de manière à pouvoir répéter avec précision les prélèvements au même endroit,
des semaines plus tard.
DE LA BATHYMÉTRIE AUX PRÉLÈVEMENTS ET INSPECTION
Depuis sa création en 2018, le spécialiste de la bathymétrie BDS qui s’est notamment doté de quatre drones de surveillance d’eau de surface développés et fabriqués par l’entreprise CT2MC, a vu la demande s’orienter vers les prélèvements et l’inspection aquatique et subaquatique d’ouvrages, écluses, barrages, palplanches, berges et canaux, canalisations (chargées ou non en eau) du diamètre 500 jusqu’au visitable. Aujourd’hui, BDS intervient dans tous types de milieux, naturels, industriels. «Sous l’eau, nous travaillons avec différents types de drones dont le choix sera conditionné par l’environnement et les missions.
Un modèle lourd et robuste de
10 kg pour des manipulations et prélèvements. Un modèle de 5 kg sera plus facile
à manier pour réaliser des images», souligne Pierre-Yves Lempire. Dotés d’une
caméra 360° et d’un éclairage puissant,
jusqu’à 16000 lumens si nécessaire pour
un meilleur rendu de l’image en eaux
troubles (écluses, ouvrages immergés,
bassins portuaires), BDS pourra adapter pour la manipulation sous-marine,
des pinces et systèmes de prélèvements
d’eau ou de sédiments.
DU SUR-MESURE EN ASSAINISSEMENT
Créée en 2022 pour compléter la gamme de services proposée par le groupe Séché Environnement, la filiale dédiée aux métiers de l’assainissement développe ses propres outils répondant aux problématiques des gestionnaires d’ouvrages d’assainissement, notamment en Ile-de-France où le réseau est particulièrement complexe et tentaculaire. C’est donc dans le cadre d’une prestation d’inspection et de télégéoréférencement d’un double siphon de 150 m situé sous la Seine à Paris, sans autre accès qu’une chambre de chaque côté du fleuve que le spécialiste de l’assainissement a mandaté CT2MC pour développer un robot roulant sur-mesure répondant à un cahier des charges précis. Outre ces seuls accès, la canalisation de Æ600, en eau, présentait également une forte plongée à la verticale sur 15 m en fond de siphon, puis plat sur 80 m et une remontée de nouveau sur 15 m.
Un
contexte qui ne permettait pas l’utilisation de matériels traditionnels (réservés aux diamètres en dessous de 400),
ni d’un drone volant (à partir du Æ800).
« Il y avait une zone grise entre 400 et
800, explique Renaud Andrieux, directeur technique Séché Environnement.
L’idée c’était de créer un matériel associé en développement pour réaliser cette
opération inédite et complexe puisque
l’ouvrage d’assainissement n’avait pas été
inspecté depuis sa construction dans les
années 50. »
À mi-chemin entre le géomètre et l’assainissement, seules quelques entreprises spécialisées comme Séché
Environnement sont aujourd’hui
capables de réaliser ce type de missions.
UNE INSPECTION SOUS TOUTES LES COUTURES
Il aura fallu un an à Séché Assainissement pour concevoir ce robot roulant en collaboration avec CT2MC, une start-up spécialisée en robotique et mécanique pour la partie programmation mais aussi pour la partie conception de la coque résinée étanche, «un défi de développement pratico-pratique», souligne le responsable. Le robot devait rester léger (15 kg au final) et être capable d’évoluer en forte pente, passer les colonnes et rouler directement au fond du siphon. Les roues ont donc été sous-gonflées et motorisées afin d’améliorer l’adhérence aux parois de la canalisation, et pour lui permettre de remonter la pente, 4 ventilateurs, telle une soufflerie, propulsent le robot jusqu’à une pente de 45°. Équipé d’un éclairage Led suffisant pour une vidéo à 360 ° diffusée en direct avec une mesure de distance directement associée au câble, même si le robot reste autonome grâce à sa batterie. Séché Assainissement a ainsi pu remettre un rapport précis prouvant que le collecteur était toujours étanche et qu’il ne polluait pas la Seine. «En combinant inspection 3D, mesure de la distance et repérage des défauts, mesure d’inclinométrie, nous combinons plusieurs technologies pour apporter des certitudes à notre client», assure Renaud Andrieux.
UNIQUE MAIS ÉVOLUTIF
Capables d’effectuer des mesures de débits de rivières, les drones de surface sont largement utilisés pour des mesures bathymétriques et cartographie des fonds marins, lacs ou rivières. D’autres applications comme les prélèvements d’eau aux fins d’analyse en laboratoire, actuellement effectués avec des moyens humains se démocratisent également. Spécialiste des instruments de mesure, le français ADCPro a développé une gamme de drones de surface, radiocommandés ou à pilotage autonome, la gamme WiBoat. Décliné sur une structure monocoque, catamaran ou trimaran, en fonction de la charge utile maximale embarquée et de la vitesse de surface sur l’eau. «Selon la conception du drone, si c’est un trimaran ou un monocoque on aura des résistances différentes, reprend le responsable. Un monocoque va résister à des vitesses de surface de 2,5 m/s, alors que le trimaran va pouvoir résister à des vitesses de 4, 5 m/s», explique Dany Engel, dirigeant d’ADCPro. Pour le français qui distribue un large panel de marques d’équipements, profileurs doppler acoustiques, débitmètre bathymètre, mais aussi, échosondeurs ou sondes multi paramètres, il n’y a pas de limites en termes d’adaptation. Chaque modèle est unique mais reste évolutif en fonction des besoins.
DE L’INSPECTION PORTUAIRE…
Le drone de surface peut être utilisé
pour faire de l’inspection vidéo en temps
réel sur les ports. De manière autonome,
il pourra gérer lui-même les obstacles
en navigation grâce à des capteurs à
ultrasons. S’il ne peut pas éviter l’obstacle, il informe alors l’utilisateur qu’il
doit reprendre la main pour le débloquer. «Nous avons dernièrement adapté
des sondes multiparamètres Aqua TROLL
ainsi que des sondes Exo, reprend le
dirigeant d’ADCPro. Aussi, l’évolution
des drones suit en permanence celle
des technologies. Au tout début des drones
aquatiques par exemple, ils avaient des
moteurs à hélice. Aujourd’hui, on est sur
des propulseurs water jet, les mêmes qui
sont utilisés sur les jet-skis, beaucoup plus
performants, notamment pour évoluer
dans les herbiers.»
… À L’EXPLORATION SOUS-MARINE
Conçu et développé par l’entreprise
française Alseamar, le glider SeaExplorer
est un drone de type planeur sous-marin utilisé notamment dans le domaine
océanographique pour des mesures et
analyse hydrographique ou de l’environnement acoustique. Il se différencie par
une forme allongée telle une fusée et
dont la particularité est de se déplacer, non pas grâce à des hélices, mais
par l’action d’un ballast et d’une masse
mobile. Le ballast permet de couler ou
flotter, alors que la masse mobile permet de piquer du nez vers le haut ou
le bas et même de tourner. Des déplacements ainsi contrôlés dans des eaux
allant jusque 1000 m, en toute autonomie et discrétion. «Le planeur est
modulable selon les besoins des clients,
instituts de recherche océanographiques
par exemple, explique Morgane Ruiz,
responsable marketing et communication Alseamar. Notre bureau d’études
analyse la demande et propose alors du
surmesure pour la charge utile.»
CARTOGRAPHIE EN EAUX PROFONDES
Durant plusieurs jours (et jusqu’à 3 mois), selon le plan de mission qu’il a reçu, le SeaExplorer remontera à la surface de manière périodique pour envoyer les données qu’il aura collectées via une connexion satellite. Une fois réceptionnées sur le logiciel dédié Glimpse, les données sont analysées soit par les équipes scientifiques du client soit par celles d’Alseamar dans le cadre d’une prestation complète. Entre autres, le SeaExplorer permet de récupérer des données in situ permettant d’améliorer la précision des modèles météo. Récemment, Alseamar a déployé à Mayotte plusieurs SeaExplorer pour une mission qui devait cartographier les échappements de gaz provenant d’un volcan sous-marin récemment découvert, le tout grâce à l’analyse des gaz présents dans l’eau.
Pour l’industrie pétrolière, l’entreprise est également intervenue pour venir détecter la
présence de fuites naturelles de pétrole
avant le forage des puits, et fournir ainsi
avec précision la cartographie de la
concentration d’hydrocarbure.
Du côté d’Esri France, spéciale en systèmes d’informations géographiques,
«une expérimentation menée avec la
société Cadden a permis d’exploiter les
données d’un levé bathymétrique et LIDAR
dans les solutions ArcGIS, au moyen d’un
drone marin bathymétrique Usv Geod.
La lecture des données brutes 3D a permis une visualisation instantanée dans
ArcGIS Pro et offre la possibilité d’exécuter de nombreux traitements sur le nuage
de points, tels que l’export en LAS, classification, ou encore l’export en TIN»,
explique Régis Becquet, Ingénieur
Commercial Marché chez Esri France.
L’IA AUX COMMANDES POUR LA DÉPOLLUTION
Utilisé dans plus de 25 pays, le Jellyfishbot développé par IADYS (Interactive Autonomous Dynamic Systems), start-up française spécialisée dans l’intelligence artificielle et la robotique au service de l’environnement, s’est fait une place sur le marché des drones de surface depuis le lancement du projet en 2016. Initialement conçu pour collecter les déchets et les hydrocarbures à la surface des eaux notamment dans les ports et éviter ainsi leur dispersion dans les cours d’eau, les mers et les océans, le robot, léger, compact et robuste (70 X 70 X 48 cm pour 20 kg), peut désormais répondre à des besoins en matière de dépollution des secteurs de l’industrie et de l’antipollution (hydrocarbures) avec le gamme Expert.
Adapté aux exigences d’une utilisation dans des environnements industriels, le Jellyfishbot Expert peut être équipé d’un écrémeur et d’une plateforme de stockage de 120 L, faisant de lui un système unique au monde: le Mobile Oil Skimmer (MOS). Le MOS permet de collecter les hydrocarbures en toute autonomie, de façon sécurisée et sans utiliser de consommables, pour une réduction des coûts d’utilisation.
DÉPOLLUTION EN INDUSTRIE
À l’aise dans des zones étroites et à faible tirant d’eau, et surtout, totalement autonome, le Jellyfishbot s’avère être une solution efficace pour la surveillance, l’inspection et l’entretien des bassins et canaux de distribution d’eau grâce à la réalisation de relevés bathymétriques, de mesure de la qualité de l’eau (température, salinité, turbidité, oxygène, cyanobactéries, phytoplancton), et par la collecte d’espèces invasives (lentilles d’eau). Aux États-Unis, plusieurs industriels de la plasturgie et de la pétrochimie comme Dow Chemical utilisent le Jellyfishbot afin de réduire la quantité de déchets organiques et inorganiques présents dans les systèmes d’adduction d’eau pluviale de leurs sites.
La combinaison de leur capacité d’autonomie et de la technologie avancée des capteurs permet à ces robots de naviguer
et d’opérer avec précision dans les systèmes d’évacuation d’eaux pluviales, en
minimisant les collisions potentielles
avec les murs, les actifs existants et
les berges inclinées. «L’autonomie est
une fonctionnalité qui suscite beaucoup
d’engouement de la part de nos clients.
C’est un véritable gain d’efficacité pour
les acquéreurs du Jellyfishbot car ils
peuvent effectuer d’autres tâches pendant
ce temps-là», explique Nicolas Carlési,
fondateur et CEO de IADYS. Le robot
ouvre ainsi la voie à de nouvelles applications tels que le nettoyage de bassins
industriels ou de chantiers navals qui
nécessitent un nettoyage régulier ou
des interventions rapides.
INSPECTION FLOTTANT
Pour répondre à l’inspection de canalisations en eaux très chargées, Séché Assainissement a recours à un drone flottant conçu et fabriqué CT2MC. Le chantier, très contraint, consistait à inspecter un intercepteur de Æ 3300 sur 1600 m avec des accès compliqués tous les 250 m, des zones grises, et à 30 m de profondeur après avoir cheminer quelques galeries ovoïdes d’accès au collecteur en plein cœur de Paris avec des problématiques de placement dans les rues. Outre la vidéo à 360°, le client souhaitait une mesure de distance en cas de dépôt, un relevé d’encrassement, ainsi qu’une modélisation géoréférencée structurée en 3D de l’ouvrage. Séché Assainissement a ainsi doté le drone de différentes technologies. Relié à 2 valises pour se situer dans l’espace en continu et doté d’un éclairage puissant, le drone autonome non relié par câble restitue l’image en direct.
Pour le relevé d’images et de points géoréférencés tout au long de l’inspection, il a été équipé de liDARS, mais également d’un sonar faisceau immergé qui va permettre, via un calcul simple entre distance du fond, niveau d’eau et taille de la canalisation, d’évaluer l’encrassement du collecteur et de le modéliser. «De par la vidéo et par reconstruction photogrammétrique, nous sommes capables d’aller rechercher directement les données de géoréférencement du système et ensuite de les recoller sur un système d’information géographique (SIG)», explique Renaud Andrieux. Pour une utilisation en eaux stagnantes, il pourra être équipé de souffleurs commandés de chaque côté pour lui permettre d’avancer, ou bien, de moteurs pour l’autocentrer dans la canalisation et éviter qu’il dérive. Pour une modélisation plus fine, il pourra également être équipé d’un sonar rotatif capable de mesurer les données sur l’ensemble du collecteur.
SOLUTION COMPLÈTE DE TÉLÉ-SURVEILLANCE
Les drones aquatiques de Xylem sont
généralement utilisés par les Directions
régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), pour
mesurer la vitesse, le débit en canal,
cours d’eau, rivière ou fleuve, puis transmettre les informations à la plateforme
Vigicrues. Monté sur une plateforme
flottante Torrent Board avec une portée
de 100 m, le système RS5 de Xylem a été
conçu pour la mesure des faibles débits
d’eau, notamment lors des périodes
d’étiage jusqu’aux moyennes eaux (6,5
m). Xylem a ainsi développé une solution ADCP complète la plus compacte et
légère du marché (12 kg) qui comprend la
Micro HydroBoardII pour une mesure de
haute qualité́ et rapide, le SmartPulse+
de la marque SonTek, qui intègre des
méthodes de traitement acoustique
BroadBand et Pulse Coherent suivant
un algorithme qui ajuste les paramètres
de l’instrument en fonction des conditions environnementales. «Ces données
sont utilisées pour aider les planificateurs à prévoir les besoins des communautés en matière d’approvisionnement
et de consommation d’eau, se protéger
contre les dangers environnementaux
extrêmes qui pourraient entraîner des
pénuries d’eau et des inondations critiques. Car pour nous, les prochains défis
de l’utilisation des drones aquatiques se
trouvent au niveau de la collecte de données», explique-t‑on chez Xylem.