Des automates programmables capables de communiquer, des postes locaux de télégestion en mesure de gérer des automatismes, des RTU dotés de fonctions métiers' les frontières traditionnelles qui délimitaient le monde des automatismes, de la régulation et de la télégestion tendent à s'effacer. Si les fonctionnalités traditionnelles de la télégestion ont peu évolué ces dernières années, il n?en va pas de même pour les outils qui permettent de la mettre en ?uvre. M2M, IotT et solutions de télégestion coexistent autour de plusieurs familles d'équipements à vocations assez différentes. Les solutions spécifiques de télégestion conservent cependant un rôle central.
La gestion de l'eau, qu'il s’agisse d’eau potable, d’eaux usées ou encore de surveillance de crues, repose depuis toujours sur une multitude d'ouvrages géographiquement répartis aux fonctionnalités très différentes. La multiplicité de ces ouvrages, l’étendue des territoires à contrôler et la distance qui séparent ces différents points de contrôle des postes centraux ont très tôt favorisé, en France, le développement de la télégestion. L’objectif n’était pas très différent de ce qu'il est aujourd'hui : il s’agissait pour l’essentiel de télé-contrôler les ouvrages et les installations (souvent en tout ou rien), de télémesurer les valeurs physiques essentielles
(débit, niveau, pression) et de mettre en place une télésurveillance pour veiller au bon fonctionnement des ouvrages. Les outils, en revanche, étaient bien différents de ce qu’ils sont aujourd’hui. À l’origine constituée d’unités d’acquisition très sommaires et communicantes en radio, la télégestion a pris son envol avec des supports de communication comme le RTC avec l’utilisation du terminal simple, gratuit, et robuste qu’était le Minitel. Ce sont pourtant ces outils qui ont permis à la télégestion proprement dite d’émerger, en permettant un pilotage à distance des ouvrages et des installations, qui a résulté de l'association de ces différentes fonctionnalités avec des fonctions de calcul, de comptage et d’archivage.
Dès le début des années 1980, la télégestion assure ainsi, avec les outils dont elle dispose, l’essentiel des fonctionnalités qu’on lui connaît aujourd’hui. Le développement d'une électronique faible consommation associée à l’amélioration des moyens de stockage de l'énergie a ensuite permis d’équiper les sites isolés, étendant ainsi la télégestion à l'ensemble des ouvrages de gestion de l'eau. L'apparition de nouveaux supports de communications tels que le GSM-Data puis l’IP avec le GPRS ont ensuite permis de remonter, y compris en temps réel, les données à faible coût. Le monde de la télégestion s’en est trouvé révolutionné (voir EIN n° 380) mais s'est adapté pour proposer aux exploitants des solutions tout à la fois pérennes, fiables, et capables de traiter et d’agréger un volume de plus en plus important de données. L’objectif était de mettre à disposition des exploitants l'ensemble des technologies disponibles après les avoir adaptées et fiabilisées.
Mais les outils se sont diversifiés. En s’appuyant notamment sur les technologies Web embarquées et la généralisation de l’IP, les constructeurs de composants d’automatismes comme Schneider Electric ou Siemens notamment, se sont rapprochés des marchés de la télégestion et du télé-contrôle. Une nouvelle génération de RTU dotée de fonctionnalités avancées, parfois de couches métier, est apparue pour contrôler des stations distantes bien au-delà des contraintes rigides des automates programmables industriels (API). Les automates programmables eux-mêmes ont aussi évolué. Plus conviviaux et plus efficaces, ils peuvent associer, en plus des traditionnelles fonctions d’automatismes, des fonctionnalités de contrôle à distance et de communication dans le cadre d’un équipement au rapport qualité/performance/prix assez attractif. Les frontières traditionnelles s'en trouvent bousculées, élargissant la télégestion à un large panel de nouveaux outils.
Un large panel de nouveaux outils
Des micro-automates complétés de modems GSM/GPRS, des postes locaux de télégestion en mesure de gérer des automatismes, des RTU (remote terminal unit) dotés de fonctions préprogrammées…, les frontières s’effacent. Automates programmables et RTU avaient jusqu’à présent presque les mêmes fonctionnalités. La différence essentielle résidait dans le fait que le RTU était utilisé pour le contrôle/commande à distance car utilisant des modes de communication et des protocoles spécifiques pour l’acquisition et la transmission de données horodatées. Mais les API ont évolué.
Acquisition, supervision, historisation : la suite Panorama 2016 est disponible
Panorama Suite 2016 de Codra est une suite logicielle permettant de construire des applications dans les domaines de l'acquisition, de la supervision et de l'historisation de données. Chacune des solutions proposées peut être utilisée de façon autonome ou combinée.
Reposant sur des principes objets, l'outil de supervision Panorama E2 permet de bâtir des applications dédiées à la conduite des installations (IHM/SCADA) compatibles avec une grande diversité de besoins. Panorama Historian est une solution de collecte et d'analyse des données de tout ou partie d'une installation, depuis des automates, RTU, SNCC, etc. Il effectue des historisations, des calculs et facilite la création de rapports permettant à chacun de connaître les performances des installations. Quant à Panorama COM, ce frontal de communication autonome supporte de nombreux protocoles d’acquisition de données temps réel ou de télégestion. Il standardise les informations provenant de protocoles hétérogènes et les met à disposition de SNCC, SCADA, GMAO, etc. Un atelier de développement PanoStudio, commun à l'ensemble de la Suite, facilite la prise en main.
Les automates programmables communicants, voire intégrant un serveur web, se sont banalisés. Ils ont également appris à se faire plus simples et plus conviviaux. C'est par exemple le cas du Vision 700 de PL Systems Unitronics France qui archive les données et peut être équipé d’un modem 2G/3G lui permettant de communiquer via le réseau cellulaire pour la connexion à distance ou l'envoi et la réception de SMS. Il intègre également un écran tactile couleur et un soft de programmation gratuit, intuitif et facile à utiliser.
De même, les RTU, autrefois synonymes de mise en œuvre complexe, intègrent désormais des bibliothèques de blocs fonctionnels, y compris sur les applications eau, qui supposent l'intervention d'un automaticien. C’est par exemple le cas de l'IP Control, d'IP Systèmes, dernière génération de RTU, pilotable à distance et multiprotocole, se décline désormais en plusieurs versions adaptées à différents domaines d’applications dont l’un concerne l’eau, notamment la télérelève.
Associés à une plateforme d’automatisme standard, ils peuvent effectuer des fonctions d’automatisation/contrôle et de télémétrie au sein d'un même équipement. Schneider Electric a ainsi intégré des fonctions RTU étendues sur la plateforme automate Modicon M340. Ce RTU, qui se prête à l’automatisation d’applications de taille petite ou moyenne (jusqu’à 1 000 E/S), est équipé de fonctions de communications qui le rendent compatible avec les applications distantes réparties géographiquement qui doivent communiquer avec une station centrale via des liaisons non permanentes. Il intègre les protocoles de télégestion DNP3.0, IEC 60870-5, Série et Ethernet ainsi que les protocoles de communication Modbus, Modbus TCP/IP, Ethernet/IP, CANopen, AS-Interface, Profibus DP. En fonction de l’application, il est possible de choisir le système de communication le plus adapté entre les équipements de puissance et l'automate. Ce RTU a aussi été équipé de capacités d’enregistrement de données avec horodatage. Ainsi, en
En cas d'interruption de la communication entre le M340 et le logiciel de supervision, les données bufferisées seront automatiquement re-transférées vers le superviseur une fois les réseaux de communication à nouveau opérationnels.
Cet automate, dont les chipsets de communication pourraient évoluer prochainement, notamment vers le protocole LoRa, est secondé, au sein de la gamme de Schneider Electric, par le SCADAPack, un RTU exclusivement commercialisé dans le cadre de projets de télégestion « clés en main ». Ce RTU, qui repose sur des méthodes de programmation spécifiques, révèle tout son intérêt dans le cadre de projets caractérisés par un nombre important de RTU, au moins égal à 50. « Pour un RTU, le temps de programmation peut être jugé important mais quand on le multiplie par des dizaines ou des centaines d'équipements, le gain est substantiel », indique Fabrice Renault, directeur du segment eau et environnement chez Schneider Electric. Ce RTU, déployé en France sur les champs éoliens et dans le cadre de plusieurs projets dans le secteur de l'eau à l'export, devrait connaître une évolution majeure en 2017 en adoptant le même outil de programmation que les autres automates de la gamme Schneider Electric.
Les RTU savent aussi s'adapter à l'environnement de l'Internet des objets (IoT). C'est par exemple le cas de l'ADAM-3600 d'Advantech commercialisé par Factory Systèmes, capable d'assurer la collecte et le transfert des données en mode filaire ou en wireless. Conçu autour de composants capables de fonctionner en environnements sévères, il connecte les terminaux à l'Internet des objets (IoT) et propose une grande variété de configurations E/S locales, associant la flexibilité des extensions avec plusieurs solutions de communication sans fil parmi lesquelles le GPRS, 3G, WiFi et Zigbee. Il embarque deux modules E/S Ethernet intelligents et trois ports réseaux.
Cette profusion d'équipements, dont les générations se succèdent parfois les unes aux autres à un rythme rapide, peut générer une certaine hétérogénéité en termes de connectivités ou de protocoles utilisés. Des solutions existent cependant qui permettent de fédérer une grande diversité d'équipements et de protocoles pour les intégrer dans un environnement évolutif et s'adapter aux évolutions technologiques. C'est le cas du routeur-passerelle de données eWON Flexy, basé sur des standards ouverts et capable de s'intégrer dans à peu près n'importe quel environnement. Une transition de la 3G vers la 4G, par exemple, peut ainsi s'effectuer en ajoutant ou en modifiant une simple carte d'extension.
Les évolutions technologiques peuvent également remettre en cause les applications de collecte et de gestion de données (en local ou à distance). « Les utilisateurs finaux sont de plus en plus sensibles au volume de data et à la sécurité des transferts, souligne Olivier Benas chez RG2i. Hier, le push FTP/http était la norme, aujourd'hui on parle de VPN ou de HTTPS, et demain de protocole MQTT. Le eWON Flexy s'adapte bien aux exigences des clients et aux évolutions technologiques puisqu'il intègre l'ensemble de ces protocoles, que ce soit pour des architectures classiques M2M ou de type Cloud. »
Parallèlement, l'instrumentation connectée, sous l'impulsion d'acteurs tels que ndata, Ijinus ou Adeunis RF, se développe
La spécificité des outils de télégestion n'empêche ni l'innovation, ni l'ouverture au monde de l'IP. Le module d'automatismes et les fonctionnalités IP de la gamme S500 de Lacroix Sofrel permettent de pousser très loin les possibilités de personnalisation des applications.
À un rythme rapide, entraînant de nouvelles offres dans le cadre de l’Internet des objets (IoT). Pour Ijinus, l’instrumentation connectée se distingue de l’instrumentation traditionnelle sur les principaux points suivants : elle est souvent sans fil, autonome en énergie, contient son horloge interne, ainsi qu'une brique d’algorithmes et peut autant communiquer vers une supervision classique que vers d'autres instruments connectés. L'ensemble des briques font de cet instrument connecté un “mini-automate”.
D’autres types d’offres sont proposés par Ascape, Ixel ou encore Mios qui, après avoir développé des solutions de télégestion traditionnelles permettant notamment de faire de la supervision à distance mais aussi en local, est en train de développer des solutions orientées vers l'Internet des objets. « Ces développements reposent sur un constat, explique Xavier Bon, Président de Mios. Une multiplication du nombre de capteurs par ailleurs de plus en plus IP ». Mios travaille donc sur des applications plus légères et plus spécialisées, qui reposent sur l'Internet des objets via le déploiement de petits modules qui permettent, par le soft et au niveau du serveur, de piloter directement les actuateurs ou les équipements du terrain. L'idée consiste à dématérialiser le hardware sur le terrain en musclant le software et en diversifiant les applicatifs embarqués. « Notre objectif est d’apporter des fonctionnalités plus spécialisées en proposant la fonction qui convient par rapport à une problématique posée par le terrain », explique Xavier Bon. Mios déploie actuellement un projet de ce type à l’export mais compte s'intéresser ensuite au marché français via des applications qui permettront de simplifier la mise en œuvre, l'exploitation et la maintenance dans les ouvrages de gestion de l'eau à travers l’Internet des objets.
Ces solutions qui intègrent les nouveaux supports et réseaux de communications permettent de s'adapter aux contraintes liées aux applications M2M et IoT qui se développent rapidement dans le domaine de l'eau. Elles constituent des solutions complémentaires aux solutions spécifiques de télégestion qui conservent cependant un rôle central.
La télégestion : un rôle central
Qu’est-ce qui caractérise une solution spécifique de télégestion ? Jérôme Deyx, Chef de Produit Télégestion chez Aqualabo-Perax, insiste sur les capacités des outils de télégestion à se connecter à des équipements via des liaisons non forcément permanentes (RTC, GSM data, GPRS, …) et à intégrer dans ses historiques des données horodatées et stockées par des équipements locaux (automates de télégestion, automates industriels, RTU, Dataloggers...). « Un automate de télégestion est capable d’archiver la donnée, de l’horodater, et de la répercuter sur la supervision de façon cyclique afin de garantir aucun blanc dans les courbes », explique-t-il.
Mais la grande force des solutions spécifiques de télégestion, c’est de proposer des fonctions métiers prêtes à l’emploi, intégrées, et spécialement développées pour les applications du domaine de l'eau, qu’elles concernent les automatismes (pilotage du pompage d’un poste de relevage), les communications (inter-sites pour assurer des automatismes distants, report d’alarmes selon des calendriers d’astreinte préétablis) ou la gestion (journaux de fonctionnement, tableaux et courbes de valeurs historiques, bilans), etc. « Dans un RTU ou un API, les traitements sur les informations, les automatismes, les communications inter-sites ou vers l'astreinte doivent être programmés par un technicien spécifiquement formé, souligne Jean-Marie Laurendeau, Chef de Marché Télégestion Eau chez Lacroix Sofrel. Dans un poste local de télégestion, ces fonctions sont facilement paramétrables en langage clair. Il est ainsi très simple de changer de support de communication ou d’activer les fonctions de cyber-sécurité, intégrées nativement. Qu'il intervienne en pleine nuit sur une installation en panne, qu’il souhaite ajouter un nouveau capteur ou simplement modifier un réglage, le technicien terrain est autonome pour toute modi-
Même son de cloche chez Aqualabo-Perax qui a, par exemple, développé des assistants de paramétrage permettant de configurer le Smart-log en cinq minutes montre en main. « On ne configure plus un logger, on décrit l'environnement immédiat de l’équipement qui va s'auto-paramétrer en fonction des réponses apportées lors de sa mise en service, explique Jérôme Deyx. Il s’agit de s’affranchir de la technicité des automatismes. »
À cette simplicité des postes locaux, ergonomiques et conçus pour être facilement maîtrisables par les techniciens de terrain sans qu'il soit nécessaire de recourir préalablement à des experts en automatisme, informatique industrielle ou télécommunications, s’ajoute la robustesse de ces équipements conçus pour résister dix à quinze ans, et parfois davantage, à des environnements hostiles sur des sites souvent dépourvus d’énergie : températures extrêmes, contraintes d’humidité, environnements corrosifs, perturbations électromagnétiques, etc.
La compatibilité des solutions déployées, leur modularité et leur pérennité dans le temps est un autre atout des solutions spécifiques de télégestion. Chez Lacroix Sofrel, le principe de compatibilité ascendante garantit à l'utilisateur la possibilité de bénéficier d’équipements en phase avec les nouveautés technologiques sans pour autant générer de rupture entre les différentes générations de produits. Un principe essentiel lorsque l'on sait qu'un projet de télégestion s’étale bien souvent sur plusieurs décennies et associe plusieurs générations d’équipements et parfois autant de supports de communication.
« Des supports de communication qui évoluent très vite, comme le souligne Jean-Marie Laurendeau. Depuis 2012, les réseaux mobiles en sont rendus à leur 4ᵉ génération et la 5G se profile déjà à l’horizon 2020. Mais pour les équipements de terrain, la durée de vie moyenne n'est pas celle d’un smartphone ; elle est de dix à quinze ans. La 2G ou la 2,5 G avec le GPRS ou l'Edge devant perdurer jusqu'en 2025 au moins aux côtés de la 4G dont elles sont complémentaires, les équipements doivent savoir gérer en parallèle différents supports en acceptant, par exemple, le simple remplacement d’un ancien modem 2G par une carte 3G, permettant ainsi à l'installation d’évoluer en douceur et à moindre coût ».
Aqualabo-Perax cultive également une approche rationnelle, ouverte et non exclusive. « Nous développons des solutions GPRS et SMS. Nous menons une réflexion sur des solutions alternatives compatibles avec l’international », explique Jérôme Deyx.
Car les spécificités des outils de télégestion n’empêchent ni l'innovation, ni l'ouverture au monde de l'IP. « Dès 2004, notre automate P400 était déjà proposé en natif IP », souligne Jérôme Deyx. « Pour ceux qui le souhaitent, le module d’automatismes et les fonctionnalités de communication sur des réseaux IP de la gamme S500 permettent de pousser très loin les possibilités de personnalisation des applications », précise de son côté Jean-Marie Laurendeau chez Lacroix Sofrel.
M2M, IoT, Smart Water Networks… toutes ces technologies coexistent aux côtés de la télégestion et concourent, avec elle et en se complétant, à optimiser la gestion des ouvrages et le service apporté aux abonnés sans se substituer les unes aux autres. De l'avis général, cette situation devrait perdurer. « La télégestion telle qu'on la connaît peut être complétée par des applications plus pointues reposant sur l'Internet des objets, souligne Xavier Bon chez Mios. On le voit par exemple très bien dans le domaine des chaufferies où, indépendamment de la régulation de la chaudière, on a également besoin d’informations sur l’évolution des températures opérationnelles au sein des bâtiments : les capteurs et sondes de température remontent directement par l'IoT sans passer par le hardware intermédiaire. »
RTU, automates programmables, postes locaux de télégestion, dataloggers… Chacun de ces outils conserve ses caractéristiques essentielles et répond à des besoins spécifiques, même si leurs applications tendent à se diversifier et se chevauchent davantage qu'il y a une dizaine d’années.