Filtration des eaux de piscines : quelles alternatives aux filtres à sable ?
15 juillet 2019Paru dans le N°423
à la page 85 ( mots)
Rédigé par : Antoine BONVOISIN
En matière de traitement des eaux de piscines, la filtration occupe une place de choix?: les filtres à sable, notamment, ont longtemps représenté la solution la plus répandue en matière de filtration des eaux de piscines collectives. Largement reconnus, ils sont cependant aujourd’hui concurrencés par des filtres de nouvelle génération qui, tout en reposant sur la filtration, se sont développés pour répondre à certaines problématiques. Ils gagnent en importance en offrant un rapport coût-efficacité optimisé. État des lieux.
En traitement physique, les filtres à sable représentent la solution la plus communément utilisée pour la filtration des eaux de piscines collectives. Ils s’adaptent à tous les types d’eau et permettent d’éliminer les particules en suspension en réduisant la concentration de la fraction colloïdale à un niveau tel que l’eau conserve sa limpidité, en tout point de la piscine. En éliminant un certain nombre de ces particules, ils facilitent le travail ultérieur du désinfectant. Durables, capables de traiter rapidement de gros volumes, ils sont fiables et offrent un rapport coût-efficacité jugé plus avantageux que bien d’autres techniques de traitement. Les filtres à sable ne sont cependant pas dépourvus de certains inconvénients. Leur encombrement, notamment, et les besoins en termes de maintenance sont souvent cités et peuvent générer des coûts parfois élevés dans le temps. Ils sont également sujets à certains inconvénients tels qu’une consommation d’eau parfois importante, un colmatage, à plus ou moins long terme, du lit filtrant et une baisse relative des capacités de filtration dans le temps.
Sans remettre en cause le principe fondamental de la filtration mécanique, certains développements ont permis de remédier à l’un ou l’autre, voire à chacun de ces inconvénients.
Certains filtres de nouvelle génération s’attachent à fiabiliser le process tout en facilitant la maintenance. D’autres travaillent directement sur le rapport coût-efficacité en proposant un substitut au traditionnel sable de filtration.
Remplacer le traditionnel sable de filtration
C’est ce que propose la société GACHES Chimie (dont l’activité piscines propose une gamme complète de produits de traitement de l’eau) avec le GARO®filtre, média filtrant à base de granulés de verre utilisé en remplacement du sable dans les filtres. « Ce média filtrant est une alternative au sable qui présente des avantages sur l’efficacité et sur l’exploitation », explique Carinne Mangeruca, Ingénieure traitement de l’eau chez GACHES Chimie. Les filtres à sable représentent une majeure partie des installations pour la filtration des eaux de piscine. Sans avoir à modifier les installations, on peut envisager d’utiliser le GARO®filtre : nous remplaçons simplement le sable dans les filtres par les granulés de verre comme média filtrant. C’est une alternative intéressante, car nous employons un matériau recyclé et recyclable, par ailleurs le sable est une ressource qui s’appauvrit au cours du temps ».
Ce média filtrant est composé de verre recyclé issu de la collecte du verre ménager, qui est lavé broyé et criblé pour être aux normes des médias filtrants. Le process de fabrication intègre en outre une étape de passage à la flamme pour le séchage et la purification. La surface totalement lisse, la forme anguleuse des grains et la présence d’oxydes métalliques dans le verre permet d’optimiser la rétention des particules dans l’eau filtrée. Cela permet d’être plus efficace que le sable, et d’éviter le colmatage biologique lié à la croissance bactérienne sous forme de biofilm. Le GARO®filtre, proposé depuis 2009, offre une qualité de filtration supérieure au sable (15 µm contre 40 µm pour le sable, ramené à 25-30 µm lorsqu’on a recours à la floculation). Il est également plus simple à exploiter, du fait d’une faible montée en charge, et du nombre réduit de lavages. Il permet de diviser par deux le nombre de lavages tout en conservant la qualité de filtration, et du fait de la moindre perte de charge des économies d’électricité conséquentes.
« En termes de coût, c’est un peu plus cher que le sable, mais nous observons des consommations d’eau et d’électricité plus faibles, ce qui permet un retour sur investissement entre 6 mois et un an et demi après l’installation », précise Carinne Mangeruca.
Le sable contenu dans un filtre doit être changé tous les 5 à 7 ans. Avec le GARO®filtre, qui est moins sensible à l’entartrage et à l’encrassement biologique, cette durée est allongée, à environ une dizaine d’années. « Nous travaillons avec plusieurs centaines de piscines publiques qui sont équipées en GARO®filtre, et nous livrons plusieurs piscines publiques par mois », explique Carinne Mangeruca.
GACHES Chimie porte une attention particulière à l’évaluation de l’efficacité de la filtration, qui est peu réalisée en piscine. L’entreprise préconise d’utiliser des turbidimètres avec un suivi en ligne et en complément, de recourir des analyses d’’ATPmétrie une technique de biologie moléculaire, qui permet de quantifier en quelques minutes in situ la charge bactérienne d’un échantillon d’eau et ainsi fournit un indicateur de la performance de filtration. Aujourd’hui, ce média filtrant est également utilisé sur tous types d’eau et applications (irrigation, process, traitement tertiaire d’eau usées, pré-traitement en dessalement…).
Autre possibilité, l’AFM®, commercialisé par Bayrol, constitué de verre recyclé, broyé, stérilisé et poli qui améliore la filtration des fines particules grâce à la forme, la taille et la surface de ses grains de verre. L‘activation, un processus physico-chimique complexe, permet à l‘AFM® de développer une surface de contact 66 fois plus élevée que celle du sable retenant ainsi plus d‘impuretés. Résultat, AFM® capture plus de matières organiques et annonce une filtration 30 % plus efficace que le sable. Les impuretés retenues lors de la filtration puis éliminées par contre lavage sont retirées du bassin sans aucune intervention de produit désinfectant ce qui permet une diminution significative de la consommation de produits désinfectants et donc une économie non négligeable.
Autre alternative traditionnelle au filtre à sable, les filtres à diatomées.
Filtres à diatomées : sobriété et qualité de filtration
La société Hydraco Process fabrique et distribue ce type de filtres « à plateaux », dont les nouvelles générations tout Inox (garantie 10 ans) sont entièrement automatisées. Chaque filtre est doté d’un îlot de modulation avec écran tactile permettant de suivre leurs consommations, leurs données de fonctionnement et de performances. Une supervision à distance permet d’optimiser le fonctionnement en faisant bénéficier à l’exploitant des mises à jour techniques.
Ces filtres relèvent d’une nouvelle conception : leur hauteur cylindrique rabaissée et un meilleur agencement des éléments filtrants internes permettent d’en minimiser les volumes et l’encombrement alors que leur consommation d’eau est significativement réduite. « Aujourd’hui, les nouveaux filtres Hydraco s’accommodent en effet de locaux à faible hauteur sous plafond ; ainsi, grâce à leur nouvelle technologie, la hauteur des filtres ne dépasse pas 2,80 m pour un débit allant jusqu’à 450 m³/h », explique Bruno Quardon, Président d’Hydraco.
Le système d’auto-nettoyage repose sur un décolmatage intra-modulaire, dont l’équilibre hydraulique, parfaitement maîtrisé, n’affecte en rien la résistance des supports. Il a fait ses preuves depuis maintenant 8 ans. L’efficacité du nettoyage, associée à un suivi et une maintenance rigoureuse, ne contraint plus à l’opération de démontage des éléments filtrants tous les ans, mais se voit reportée à 2 ans, voire plus, prolongeant leur durée de vie et limitant ainsi les coûts d’exploitation.
Par une finesse de filtration inférieure au micron, conjuguée à une vitesse de circulation très lente, les filtres à diatomées Hydraco captent les matières organiques. Cette qualité de filtration permet une moindre consommation de chlore pour la désinfection ce qui induit moins de chloramines et améliore le confort de la baignade. « Très peu énergivore, il est à la fois moins gourmand en eau et en électricité, car la diatomée, peu compressible, génère peu de pertes de charge et demande par conséquent des pompes moins puissantes », précise Bruno Quardon.
Bien que un peu plus coûteux que les filtres à sable, l’investissement dans cette technologie est cependant pertinent : outre son caractère faiblement énergivore, leur conception offre une grande capacité filtrante pour un encombrement au sol réduit : « A titre de comparaison, pour un débit identique et à qualité de filtration comparable, il faudrait quatre fois plus de surface au sol pour implanter des filtres à sable », indique Bruno Quardon ; « cette nouvelle technologie offre par conséquent des économies substantielles sur le coût de la construction ».
« Pour résumer, explique Bruno Quardon, nos filtres à diatomées ont le vent en poupe, car entièrement automatisés, faciles d’exploitation, faibles consommateurs d’eau et d’énergie et bénéficiant d’un coefficient d’emprise au sol réduit, ils concilient à la fois la performance, le prix global de la construction et le coût d’exploitation, tout en répondant aux exigences actuelles des enjeux environnementaux ». Il conclut : « en 5 ans, on amortit très favorablement le coût d’une installation à diatomées par rapport aux filtres à sable ».
Tecnofil Industries travaille à réduire davantage encore le coût global des projets en proposant des filtres à diatomée avec démontabilité inférieure totale. Ces nouveaux filtres se caractérisent par un accès total à l’intérieur du filtre à l’occasion des opérations de maintenance générant un gain de temps voisin de 30 %. Par ailleurs, désormais, les filtres développés par Tecnofil ont été conçus pour pouvoir être montés en extérieur, équipés d’une jaquette. Objectif : diminuer un peu plus encore les surfaces au sol comme les hauteurs sous plafonds. Les vannes, les capteurs et l’instrumentation sont alors déportés en locaux techniques, pour des raisons de sécurité.
Réduire jusqu'à 90 % les consommations en eau
Evoqua Water Technologies conçoit et fabrique de nombreux équipements de traitement d’eau de piscines. « Pour la filtration, nous fabriquons le filtre Defender à base de perlite, ce qui est assez novateur en France mais extrêmement répandu dans le reste de l’Europe et du monde avec près de 4000 références ! » explique Jean-Michel Velay, Service Manager & Aquatic Manager pour la France. La perlite est une roche volcanique inerte composée de silicates complètement amorphes avec aucune nocivité sur la santé. Elle est déjà couramment utilisée dans l’industrie agro-alimentaire et pharmaceutique, dans les matériaux de construction et d’isolation.
« Un des principaux avantages de ce filtre est qu’il ne consomme pas d’eau de contre-lavage ce qui permet d’atteindre des consommations en eau nettement inférieures à l’ensemble des autres types de filtration, souligne Jean-Michel Velay. Le plus gros filtre, capable de traiter des débits de filtration de 516 m³/h, présente ainsi une consommation annuelle en eau inférieure à 80 m³ ». Ceci est rendu possible grâce à un processus de décolmatage ou « Bump », programmé dans l’automate et qui se fait quotidiennement, hors occupation, et sans que la présence de quiconque ne soit requise.
Autre avantage du Defender, ses dimensions, qui le rendent incontournable pour les projets de rénovation et de mise aux normes. Pour traiter un débit de 516 m³/h, un seul filtre de 157 cm de diamètre pour 247 cm de hauteur est nécessaire ! Soit 4 fois moins de place que pour un équivalent filtre à sable.
Ces avantages ne se font évidemment pas au détriment de la qualité de l’eau puisque la finesse de filtration de la perlite, inférieure à 1 micron, est nettement meilleure que pour les filtres à sable traditionnels pour lesquels elle avoisine les 30 microns.
Si l’on se place maintenant du coté de l’exploitant, le Defender est quasiment entièrement automatisé depuis l’introduction de la perlite dans le filtre par un aspirateur intégré, jusqu’aux jeux de vannes motorisées. Il ne nécessite aucune maintenance particulière si ce n’est un nettoyage annuel des tubes flexibles au jet via une fenêtre prévue à cet effet. Les coûts d’exploitation sont donc extrêmement réduits, d’autant plus que la consommation et le coût de la perlite autour de 1 € le kg sont très raisonnables. A raison d’un remplacement de perlite toutes les 6 semaines, il faut compter pour le plus gros filtre un besoin de 530 kg de perlite par an pour un coût de 530 €.
Ce système, proposé depuis un an et demi en France, est d’ores et déjà en service sur les piscines publiques de Monaco, Ploermel, et Craon et sera prochainement mis en place sur plusieurs projets parisiens de premier plan. Evoqua Water Technologies connaît actuellement un fort développement de ses filtres, avec plusieurs dizaines de filtres installés en deux ans.
Simplifier et alléger la maintenance
Cifec est spécialisée dans le traitement des eaux potables et industrielles depuis 1963. Avec deux spécialités majeures, la chloration pour la désinfection des eaux, et la filtration des eaux de piscines. « Pour la filtration des eaux de piscines collectives, nous proposons la filtration sur plateau avec les diatomées comme média filtrant » explique David Mariet, responsable technico-commercial chez Cifec. « Auparavant, d’autres fabricants proposaient des filtres à diatomées mais utilisant des bougies. On reprochait à ces filtres trois gros défauts : en premier lieu la fragilité des bougies, car les toiles se perçaient et on trouvait de la diatomée dans les bassins. Le deuxième défaut était que le technicien devait ouvrir le filtre lorsque ce genre de problème survenait et devait examiner les 200 bougies pour repérer celle qui posait problème. Et le dernier était les complications dues au renouvellement des diatomées ».
Mais le média filtrant diatomée reste très intéressant grâce à ses propriétés uniques. Cifec a donc développé une technologie avec plateaux, qui n’utilise pas de bougies. Avec ce système, la poudre de diatomée se dépose sur une toile de manière stable, et uniforme. De plus, grâce à un système de décolmatage la toile ne risque pas de se percer. Une simple porte permet d’ouvrir le filtre, pour sortir les plateaux et les nettoyer afin de faire la maintenance une fois par an.
Pour une quantité d’eau à filtrer de 200 m³ par heure, un filtre classique nécessitera 200 bougies, alors qu’un filtre à plateaux nécessitera seulement 10 plateaux et sera donc beaucoup plus facile à entretenir.
« Par ailleurs, il n’est pas nécessaire de faire de mélange d’eau avec les diatomées (le lait de diatomée), on vide directement la diatomée dans le filtre via une trappe spéciale, dédiée et le filtre fonctionne ensuite tout seul. Le filtre reçoit la diatomée à l’état sec, ce qui facilite la mise en fonctionnement du filtre » poursuit David Mariet. Les filtres sont équipés d’automates et vont se gérer en totale autonomie 90 % du temps. Autre avantage, par rapport au sable, aux billes de verre ou aux filtres à bougies : l’économie de surface au sol. « Cela est important dans les projets de piscines nouvelles car la surface au sol représente beaucoup d’argent, et notre plus gros filtre permet de filtrer 500 m³/h à lui seul pour un diamètre de 2.100 mm seulement. Par contre, il nécessite un peu de hauteur sous plafond, le plus gros filtre a besoin de 4 m pour être installé », précise David Mariet.
Ces filtres sont conçus en inox 316L, pour durer longtemps. « Avec l’inox, la durée de vie est quasi-illimitée, d’au moins 30 ans ». En outre, les filtres peuvent s’ouvrir et être visités facilement et il est possible de bien examiner les structures.
Dernier avantage, ces filtres ont l’avantage de ne pas avoir besoin d’être rétro-lavés à contre-courant. « On a une injection d’air pour nettoyer les filtres toutes les deux semaines, on vidange le filtre deux fois, on recharge ensuite en nouvelles diatomées et on économise donc un grand volume d’eau à ce niveau. Avec des filtres à sable, pour un débit de 500 m³ par heure de filtration (5 filtres), on consomme presque 8.000 m³ d’eau à l’année. En équivalent plateaux, on aura un seul filtre qui consomme 800 m³ d’eau à l’année, presque 10 fois moins. On réduit donc la ligne budgétaire la plus importante des bassins municipaux », explique David Mariet.
L’eau étant filtrée très lentement, les pompes reçoivent une perte de charge beaucoup moins forte, et peuvent fonctionner avec moins de puissance, pour arriver à la même qualité de filtration. Les économies en électricité sont donc conséquentes : environ 60.000 kW par an pour le cas précité.
Cette technique est plus coûteuse à l’installation : son coût représentera environ 150.000 euros, quand un équivalent en filtre à sable coûtera entre 50 et 60.000 euros. Mais avec un tel débit, il est possible de rentabiliser l’installation au bout de deux ans. « Si on cumule les économies d’électricité et d’eau, on arrive à presque 50.000 euros d’économies par an. Cette année, Cifec établit un record en termes d’installation de filtres à plateaux, les communes comprennent bien l’intérêt de ce système », conclut David Mariet. Si cette technique est intéressante pour de gros débits, est l’est en revanche moins pour des plus petits débits (<150 m³/h) où les retours sur investissement seront moins rapides.
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