L’analyse des eaux récréatives - piscines, spas, centres de thalassothérapie… - repose sur des principes de mesure stables, dont certains sont même prescrits par la réglementation. Les fabricants peaufinent donc l’ergonomie, la simplicité d’utilisation la fiabilité de ces appareils souvent utilisés en environnement difficile. La mise en réseau d’appareils communicants se développe.
Tout établissement de baignade accueillant du public doit assurer la sécurité sanitaire et le confort des usagers. Il lui faut donc traiter l’eau en permanence pour maintenir différents paramètres dans des limites étroites, dont certaines sont définies par la réglementation. Le tout avec une eau en circuit fermé, sujette à d’importantes variations de fréquentation et d’usage. Dans la pratique, cela suppose la mise en œuvre de deux types d’analyse aux buts bien différents : l’analyse continue en ligne et la mesure ponctuelle en “bord de bassin”.
L’analyse en ligne : contrôler le bon déroulement du traitement
Les systèmes de traitement de l’eau reposent le plus souvent sur des pompes doseuses pilotées par un automatisme, lui-même renseigné par des sondes. L’analyse en ligne permet d’abord de s’assurer du respect des prescriptions et des normes. Via la régulation, c’est aussi un bon moyen d’économiser les réactifs, l’eau et l’énergie. C’est le domaine de prédilection de fabricants comme Anael, Aquacontrol, Bamo Mesures, Cifec, Prominent, Seko, Syclope Electronique, Grundfos, Swan ou encore Waltron… Ces sociétés vendent à des installateurs, qui eux-mêmes répondent à des appels d’offres émis par des bureaux d’études pour le compte des exploitants de piscines.
La plupart des systèmes reposent sur l’utilisation de sondes ampérométriques à cellule de mesure fermée par une membrane sélective. Cela permet de mesurer tous les types d’oxydants (seule l’électronique embarquée change). Le pH et la température nécessitent d’autres types de sondes, également très classiques. La technologie de mesure étant définie, les fabricants se différencient sur l’ergonomie et la simplicité d’utilisation : facilité de lecture, mise en réseau, télécommande, exportation des données… « Toute notre gamme est communicante. Depuis un PC ou un Smartphone, on peut suivre en temps réel toutes les informations d’une ou de plusieurs piscines » expose par exemple Julien Moussin, responsable commercial France de Syclope Electronique.
De nombreux paramètres
Parmi les paramètres les plus suivis figure le chlore, chargé d’assurer la désinfection microbiologique de l’eau.
La technologie de mesure du chlore libre par méthode colorimétrique permet de s’affranchir de toutes dérives et passivation d’un capteur de type ampérométrique. « La calibration du photomètre est faite en usine, le zéro optique réalisé automatiquement avant chaque mesure, souligne Guillaume Schneider chez Swan. Cette mesure absolue, couplée à un design hydraulique favorisant l’écoulement libre dans la cellule photométrique qui permet un nettoyage continu, garantit une continuité de mesure même sur des eaux compliquées (types Eaux thermales, Spas, eaux de mer) ». Également utilisée pour les mesures de chlore total et sa décomposition (mono & di-chloramine), la spectrophotométrie permet de garantir des mesures justes. En effet, la mesure est réalisée sur le même échantillon, en même temps et avec le même photomètre.
L’analyseur AMI Codes II de Swan est un système de surveillance complet qui permet d’effectuer automatiquement et en continu des mesures et des contrôles de dosage du chlore et d’autres désinfectants conformément à la méthode colorimétrique DPD, AWWA 4500 CI-G et à la norme EN ISO 7393-2. Il mesure également en ligne le pH et la température. Tous les dispositifs de dosage de désinfectants et de contrôle du pH peuvent être connectés via des relais ou des sorties analogiques 0/4-20 mA. Deux organes de dosage indépendants peuvent fonctionner simultanément.
Chez Waltron, c’est l’analyseur colorimétrique en ligne 3052, réputé pour sa fiabilité et son faible coût d’exploitation, qui permet de déterminer le chlore libre, chlore total, les chloramines, le brome ou l’ozone. Son réservoir d’échantillonnage externe lui assure une mesure au plus près des conditions réelles d’échantillon. Sa cellule de mesure lui permet une réactivité de détection optimisée pour un cycle de mesure raccourci au minimum et une précision maximum.
Chez Aqualabo, l’analyseur S200 mesure le chlore libre et le chlore actif sur un principe de sonde potentiostatique, sans réactifs ni consommable, sur une boucle fermée réduisant ainsi les coûts de fonctionnement et évitant la perte d’eau en ligne. Il mesure également la température et le pH avec calibration par détection automatique de la valeur de la solution tampon.
La réglementation impose actuellement un taux de chlore actif compris entre 0,4 et 1,4 mg/l dans le bassin sans stabilisant (acide isocyanurique). Ce chlore se combine avec des matières organiques présentes, formant des dérivés regroupés sous le nom de chloramines. Le taux de ces composés nocifs ne doit pas dépasser 0,6 mg/l. « Ce qui marche bien en ce moment est la mesure des chloramines en ligne avec asservissement sur le traitement par UV » précise Julien Moussin chez Syclope Electronique. Certains fabricants, à l’instar de Cifec, CIR ou Eurochlore, ont acquis une expertise particulière sur la mesure et le suivi de ce paramètre. Le pH, paramètre lui aussi systématiquement demandé, doit être compris entre 6,9 et 7,7 pour les eaux traitées au chlore, et entre 7,5 et 8,2 pour celles traitées au brome selon la réglementation.
Certains exploitants souhaitent également suivre la concentration d’acide isocyanurique, un stabilisant du chlore qui protège ce dernier d’une dégradation trop rapide par les UV solaires. La réglementation impose que la concentration de stabilisant ne dépasse pas 75 ppm dans l’eau. Selon Claude Klein, responsable marketing chez Prominent, la plupart des exploitants gèrent ce paramètre, dont la concentration évolue lentement, par analyse ponctuelle en bord de bassin. Julien Moussin confirme : « nous proposons une mesure optique en ligne mais peu d’exploitants l’utilisent ».
L’ozone, parfois utilisé en prétraitement, est un produit toxique qui ne doit pas se retrouver dans les bassins. Il faut donc mesurer une absence ! Syclope Electronique propose un régulateur spécifique, TRACE’O, muni d’une sonde ampérométrique repolarisable automatiquement grâce à un jeu d’électrovanne permettant de mettre en présence d’oxydant la sonde d’ozone. Il peut aussi détecter une absence de chlore. « Aujourd’hui, la législation impose une absence de chlore dans les rejets vers les égouts ou le milieu naturel. Nous pouvons installer un Trace’O en sortie pour s’en assurer » avance Julien Moussin.
Des appareils simples à utiliser
Pour les paramètres plus classiques, (température, pH, Redox, chlore actif - libre - total, chloramine, brome libre - BCDMH - DBDMH, brome, ozone, stabilisant de chlore, turbidité, conductivité, salinité…) Syclope Electronique propose le contrôleur Altice’O, un équipement multi-paramètres et multi-bassins destiné aux piscines publiques. Il est muni d’un écran tactile très simple d’utilisation, même par du personnel non formé. Les appareils Tere’o (pour les campings ou hôtels) et Indigo (monoparamètre, pour les spas) complètent l’offre. Outre les classiques sondes à cellule fermée, Syclope Electronique développe également des sondes ouvertes autonettoyantes pour les eaux salées : piscines d’hôtels de bord de mer, établissements de thalassothérapie… « Nous travaillons par exemple avec un important groupe hôtelier pour ses établissements Thalassa Sea & Spa » précise Julien Moussin. Les spas demandent des sondes assez résistantes pour la mesure de chlore. « Chaque bassin a ses contraintes, ses spécificités. Nous choisissons la sonde adaptée dans notre gamme et l’installateur la met en œuvre » explique Julien Moussin.
ProMinent propose de son côté deux appareils sur ce marché : le Dulcometer® diaLog, à 4 canaux de mesure (pH, chlore libre + chlore total + température) plus un canal mathématique (chlore total - chlore libre) et le Dulcomarin® II. Ce dernier est un système multicanaux et multiparamètres de mesure et de régulation capable de gérer jusqu’à 16 bassins (avec chacun 10 paramètres de mesure). Il est donc bien adapté aux établissements exploitant plusieurs bassins. Il affiche les données mesurées mais aussi les historiques grâce à une mémoire et un enregistreur graphique en couleur. Sa sortie a coïncidé avec une évolution des sondes Dulcotest®, ou plutôt de la circulation de l’information entre la sonde et le boîtier : elle est désormais numérique et non filaire. « Cela permet de faire circuler plus de données », précise Claude Klein. La sonde peut par exemple adapter son échelle de mesure à la quantité de chlore présente dans l’eau. Le Dulcomarin® II détecte également un dérèglement des paramètres de la pompe doseuse ou une mise hors tension de celle-ci. En fait, le Dulcomarin gère l’ensemble du système d’analyse et de dosage dans tous les bassins grâce à une technologie de réseau CAN-bus. Il équipe par exemple le Center Parc du Bois aux Daims dans la Vienne ou le Village Nature de Disneyland Paris.
Par ailleurs, ces systèmes permettant les enregistrements de données et la restitution d’historiques présentent un intérêt certain car ils complètent efficacement les relevés ponctuels consignés sur les carnets sanitaires par les exploitants.
La mesure ponctuelle : une indispensable vérification
Au moins deux fois par jour, et souvent plus pour les piscines importantes, les exploitants - ou des laboratoires agréés - prélèvent de l’eau et l’analysent avec une technique imposée par l’administration. Les mesures se font in situ, « au bord du bassin » car, comme le précise Jérôme Porquez, chef des ventes chez Macherey-Nagel, « le chlore est très volatil, donc l’analyse doit se faire sur place ». Les paramètres suivis sont donc les mêmes mais le principe de mesure repose sur la colorimétrie. Outre le chlore, on peut mesurer ainsi les métaux, l’ammonium, le brome, etc. Le pH doit cependant être mesuré avec une sonde.
En effet, comme le précise Philippe Nompex, responsable technique au laboratoire Ianesco à Poitiers, « si des précautions particulières ne sont pas prises ou pour des pH inférieurs à 7, on peut constater des écarts significatifs entre les mesures de pH faites par colorimétrie au rouge de phénol et celles effectuées par un pH-mètre (méthode de référence pour ce paramètre) ».
C’est le domaine de fabricants d’appareils et de réactifs comme Aqualabo Analyse, Hach, Hanna Instruments, Cifec, Macherey-Nagel, etc. Pour ce type d’applications, ils vendent directement aux exploitants ou aux laboratoires agréés chargés de contrôler les établissements pour le compte de l’Agence Régionale de Santé (ARS).
Cifec propose deux photomètres portables, le MD200 et le Pooltest 3, mesurant tous deux le chlore, le pH et les stabilisants. Par ailleurs, certaines chloramines volatiles ainsi que de divers autres sous-produits de chloration posent un problème sanitaire pour les employés des piscines (maître-nageur par exemple). Pour surveiller ces trichloramines, Cifec a développé le Trichlor’air, un analyseur portable qui permet la mesure in situ des trichloramines de l’air avec une simple languette réactive.
Chez Syclope Electronique, la valise Triklorame est un outil d’analyse portable qui assure une mesure précise de la concentration de la trichloramine dans l’air. Ce procédé, proposé depuis plus de 5 ans, utilise le même protocole de mesures que les laboratoires agréés.
Macherey-Nagel propose de son côté trois types de systèmes. D’une part des bandelettes réactives “semi quantitatives” réservées aux particuliers (non soumis à réglementation) et distribuées via des vendeurs de piscines. Les “petits” établissements accueillant du public peuvent utiliser des tubes de colorimétrie en goutte à goutte, ou des réactifs en poudre, à lecture visuelle par comparaison avec une échelle de couleurs. Leur sensibilité est suffisante pour s’assurer du respect des normes. La plupart des établissements optent toutefois pour un colorimètre, ou plus précisément le photomètre PF-3, sorti en 2015. « C’est un vrai photomètre, compact et robuste, étanche (et même flottant), plus précis que les “simples” colorimètres ».
Macherey-Nagel développe, fabrique et commercialise ce produit sans intermédiaire, ce qui lui permet de contenir son prix. Autre particularité : l’appareil s’autocontrôle au démarrage pour éviter les erreurs de mesure dues à d’éventuelles salissures ou humidité dans le puits d’analyse.
C’est l’utilisateur qui choisit sa gamme de paramètres, tout simplement en achetant tel ou tel réactif. Un choix toujours réversible, gratuitement, puisque l’appareil est d’emblée programmé pour tous les réactifs possibles. Macherey-Nagel a ainsi équipé autant des piscines municipales que des laboratoires agréés ou des ARS (Agence Régionale de Santé).
Comme la plupart de ses concurrents, l’appareil de Macherey-Nagel peut stocker les données en mémoire et les exporter vers un ordinateur. « Je ne connais pas d’exploitant qui utilise cette possibilité, regrette toutefois Jérôme Porquez. La pratique la plus courante reste centrée sur un reporting manuscrit sur un cahier, avec les risques d’erreur que cela suppose ». Macherey-Nagel a aussi innové, en septembre 2017, dans un domaine apparemment immuable : les sachets de poudre de réactifs. « La poudre se dissout instantanément : pas besoin de secouer longtemps. Et surtout nos sachets se déchirent à la main. Ça a l’air anodin mais tous les autres sachets du marché réclament une paire de ciseaux » souligne Jérôme Porquez.
L’étalonnage : non obligatoire mais recommandé…
Ces appareils mesurant des paramètres encadrés par la réglementation, ils doivent être fiables, ce qui nécessite un étalonnage régulier. Cifec le propose dans son laboratoire certifié ISO 9001 de Nanterre. « Nous préconisons un étalonnage par an ou au maximum tous les deux ans. Quand un client fait vérifier son appareil, nous lui en prêtons un autre. Nous rendons l’appareil accompagné d’un certificat. Celui-ci atteste de l’étalonnage et du contrôle en plusieurs points, selon des critères supérieurs à ceux du fabricant. L’étalonnage régulier n’est pas obligatoire, mais les ARS apprécient que les exploitants le fassent » souligne Florian Bes de Berc, Ingénieur Technico-commercial chez Cifec qui commercialise également des étalons stables pour l’autocontrôle.
Pour les laboratoires agréés et dans le cadre de leur accréditation, ils doivent notamment justifier d’un étalonnage de leurs appareils et effectuer des contrôles avant toute mesure pour s’assurer de l’exactitude des résultats rendus. C’est une obligation de la norme NF EN ISO 17025, référentiel pour les laboratoires d’essais.
Macherey-Nagel propose de son côté un service analogue et met également à la disposition des clients des dispositifs pour étalonner eux-mêmes leur appareil entre les révisions. Il s’agit d’une part de Nanocheck, un tube étalon certifié permettant de vérifier l’appareil. La gamme Nanocontrol propose des solutions de concentration connue (en chlore ou autre paramètre) que l’utilisateur va analyser exactement comme il le ferait de son eau. Cela permet de vérifier non seulement l’appareil mais aussi la manière de l’utiliser. « Les laboratoires agréés le font toutes les semaines » précise Jérôme Porquez.