Compresseurs à vis, à palettes, à piston ou à becs, lubrifiés ou exempts d’huile… Avec le développement de la méthanisation et surtout du fait de la valorisation énergétique du biogaz, les fabricants de compresseurs et surpresseurs ont dû considérablement élargir leurs gammes. Comment s’y retrouver ? Revue de détails.
Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), la France comptait 514 sites de méthanisation début 2017. Ce nombre, encore modeste, ne cesse de croître, l’État ayant récemment pris plusieurs dispositions pour soutenir la valorisation du biogaz émis par ces installations. Ainsi, en juin 2014, les stations d’épuration ont été autorisées à alimenter les réseaux de gaz naturel et, en septembre 2016, le tarif d’achat de l’électricité produite par méthanisation a été augmenté. Les projets ne sont plus motivés par le seul besoin de réduire puis de valoriser les déchets, ils cherchent aussi à en tirer profit. Pour répondre à cette évolution, les équipementiers ont dû élargir leurs gammes. C’est le cas notamment des fabricants de compresseurs, dont les produits se limitaient essentiellement, jusque-là, au brassage des digesteurs.
Un gaz sale, humide et explosif
Une dégradation optimale des déchets fermentescibles nécessite en effet que ceux-ci soient mis en mouvement pour faciliter le contact avec les bactéries.
Sur de gros volumes, la technique de mélange la plus efficace consiste à recueillir le biogaz émis par la digestion, à le compresser légèrement (entre 0,5 et 1,5 bar) et à le réinjecter à la base de la cuve. En fonction du niveau de compression souhaité, plusieurs types d’appareils basse pression peuvent être utilisés : surpresseurs à lobes de type Roots, compresseurs à vis ou compresseurs à palettes lubrifiés. Ces technologies, capables de traiter des débits importants, parfois jusqu’à 10.000 ou 12.000 m³/h, sont similaires à celles utilisées en bassins d’aération de station d’épuration par Atlas Copco, Aerzen, Kaeser, Robuschi, Bauer ou Sulzer. Mais elles sont conçues avec des matériaux beaucoup plus résistants, car le biogaz est plus agressif et humide que l’air comprimé. En plus du méthane, qui représente de 30 à 65 % de sa composition, il contient divers polluants, notamment du CO2 et du H2S, particulièrement corrosifs en présence d’eau. Ces machines sont aussi soumises à des normes strictes de sécurité : le H2S est mortel, même à faible dose, et les équipements doivent être conçus pour résister aux risques d’explosion (lire encadré).
Brassage au biogaz, et plus si valorisation
Cela fait plus de trente ans que les surpresseurs de type Roots font leur preuve dans le brassage de digesteurs. Mais, quand les volumes à mélanger sont importants, qu’il faut donc produire une pression supérieure à 1 bar, ils présentent un risque de casse. Le compresseur à vis non lubrifiées s’avère alors plus performant. Un peu plus cher à l’achat, il permet de réaliser 15 à 20 % d’économies d’énergie, et peut fonctionner un an sans maintenance. Le compresseur à palettes, qui peut lui aussi tourner 8 000 heures non-stop sans qu’il soit nécessaire de l’arrêter pour vidange, présente un autre avantage : « il est 10 à 15 % plus cher qu’un compresseur à vis, mais il a une durée de vie de 30 à 35 ans. Il n’est pas besoin de changer régulièrement l’étage de compression comme cela peut être le cas avec le compresseur à vis, ce qui explique que le Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (Siaap) utilise cette solution depuis plus de quarante ans », indique Charlie Herblin, responsable avant-projets de compression biogaz chez MPR Industries. Un argument non négligeable quand on sait que l’arrêt prolongé du brassage peut enrayer le processus de méthanisation et entraîner des pertes de production conséquentes.
L’italien Mattei fabrique également une large gamme de compresseurs rotatifs à palettes commercialisés par CH4Process, société d’ingénierie spécialisée dans les métiers du biogaz et de l’énergie. « Le design intégré, l’entrainement direct, la faible vitesse de rotation et le nombre limité de composants en mouvement, rendent le compresseur rotatif à palettes sûr et fiable dans la durée, souligne Maxime Brissaud, Président de CH4Process. L’usure des composants du compresseur à palettes est limitée au minimum grâce à la simplicité de sa fabrication. La fiabilité et la durée dans le temps sont garantis du fait que le stator n’est jamais en contact direct ni avec le rotor, ni avec les palettes, qui, grâce à leur surface arrondie, glissent sur un film d’huile à l’intérieur du stator. L’arbre moteur est couplé directement avec le rotor, sans joints et il est supporté par des paliers lisses en bronze. Ceux-ci garantissent une plus longue durée dans le temps et, en prenant la place des coussinets de butée, ils rendent la machine plus silencieuse et moins sujette au stress opérationnel ».
Au-delà du mélange de digesteurs, le champ d’application des compresseurs s’est considérablement élargi. Que le biogaz soit valorisé sous forme de chaleur, d’électricité ou de gaz naturel, ces appareils sont indispensables à toutes les étapes : captation du biogaz, transport vers les installations de traitement ou de stockage, transfert vers une chaudière ou un moteur de cogénération, épuration, injection dans le réseau de gaz naturel, alimentation de citernes de carburants pour véhicules GNV… Chacune de ces opérations correspond à un besoin différent en termes de débit, de pression d’aspiration (à l’entrée de l’appareil) et de pression de refoulement (à la sortie). C’est pourquoi les fabricants ont élargi leurs gammes : compresseurs à vis, à becs, à pistons, lubrifiés, exempts d’huile, etc.
Des systèmes clé en main
Les exploitants d’unité de méthanisation sont rarement seuls face au choix d’un équipement. De nombreux bureaux d’études intégrés ou non sont capables de réaliser des systèmes complets de cogénération en sortie de méthaniseurs : Eneria, MWM Valorem, Verdesis, SID Steiblé… D’autres sont spécialisés dans les chaînes d’épuration du biométhane, en vue d’une injection dans le réseau de gaz naturel : Air Liquide, Chaumeca, Arol Energy, Prodeval…
Ces « intégrateurs » assurent une bonne partie de la prescription en matière de compresseurs. « Nous leur préconisons les machines en fonction des besoins, explique Charlie Herblin. Ainsi, nous ne recommandons pas la même technologie pour un gaz brut, riche en polluants corrosifs, que pour du méthane purifié. L’appareil doit aussi être adapté à l’usage qui sera fait du biogaz en sortie d’appareil, donc au débit et au niveau de compression souhaité ».
Jusqu’à 200 bar pour le bioGNV
Pour le captage du biogaz et son transport vers un moteur de cogénération situé à quelques mètres, les besoins en compression sont modestes, de l’ordre de 100 à 150 mbar. Dans ce cas, une soufflante à canal latéral suffit. Cette machine, autant appréciée pour sa simplicité et sa compacité que pour son coût réduit, est proposée par la plupart des fabricants tels que MPR Industries, mais aussi Busch, Gardner Denver, Enerfluid, FPZ Blower Technology, Continental Industrie… En revanche, quand il faut monter un peu plus en pression, pour envoyer le biogaz du digesteur vers un système de purification du biométhane, un surpresseur Roots (jusqu’à 1 bar) ou un compresseur à vis non lubrifié (jusqu’à 3,5 ou 4 bar) pourra être privilégié.
Il existe ensuite toute une palette de techniques de purification du biométhane à partir de biogaz : par adsorption, par séparation membranaire, par lavage aux amines, par cryogénie (Voir notre dossier dans EIN n° 402)… Certaines, notamment celles qui reposent sur un procédé de traitement membranaire, font intervenir des compresseurs. « L’entreprise avec laquelle nous travaillons se sert des surpresseurs à becs de notre gamme Mink pour construire son unité de traitement, explique David Pajot, responsable du bureau d’études de Busch France. Un premier appareil compresse le biogaz à épurer. Une série d’autres, utilisés en pompes à vide, créent des niveaux de dépression qui facilitent le traitement du biogaz au travers des membranes d’épuration, pour ensuite le véhiculer jusqu’au système d’injection dans le réseau de gaz naturel ».
D’autres chaînes de traitement du biométhane nécessitent que celui-ci soit comprimé davantage que ce que peut fournir un surpresseur Roots. Au-delà de 1 bar, il faut utiliser, selon la pression nécessaire au process épuratoire, un compresseur à becs, comme ceux proposés par le groupe Gardner Denver et sa marque Elmo Rietschle, ou un compresseur à vis lubrifiées, même si cela peut laisser des traces d’huile dans le biométhane. « Nos modèles de la série VMX permettent de comprimer le biogaz de 0 jusqu’à 12 barG, et ceux de la série VMY de 0 jusqu’à 20 barG (pour l’épuration membranaire) ou de 8 à 25 barG (pour l’injection dans le réseau). Pour chaque série, nous avons différentes cylindrées, c’est-à-dire différentes tailles, que nous sélectionnons en fonction du débit de biogaz à comprimer, explique François Delmotte, chargé d’affaires chez Aerzen France. Un séparateur d’huile est installé de base en aval pour limiter les traces résiduelles d’huile à quelques ppm dans le gaz comprimé. Une filtration plus fine peut aussi être installée pour réduire encore la présence d’huile à 0,001 mg/m³. Le biogaz est ainsi nettoyé avant d’être envoyé au système d’épuration (membranaire ou autre) puis d’être injecté dans le réseau ».
Les réseaux de distribution ou de transport de gaz naturel (GRDF, GRTgaz, Engie et ses filiales, Enercoop…) exigent des pressions pouvant aller jusqu’à 67 bar. Pour cela, il faut utiliser un compresseur à pistons. « Les pistons, en se déplaçant à l’intérieur de cylindres, viennent comprimer le gaz, sans qu’une lubrification soit nécessaire », explique Christophe Declerck, chef de produit chez Atlas Copco. « En additionnant plusieurs étages successifs de compression, dans notre gamme Reavell, il est possible d’atteindre par étape des pressions très élevées, complète Vianney Grandgirard, responsable commercial de la marque CompAir, du groupe Gardner Denver. Et ce jusqu’aux 200 bar nécessaires pour l’alimentation de flottes de véhicules roulant au bioGNV ».