Économiques, polyvalentes et robustes, les vannes papillon sont au coeur de la plupart des applications quand il s’agit de sectionner un flux, qu’ils’agisse d’eau potable, d’eaux usées ou d’eaux industrielles. De la vanne concentrique, la plus simple avec manchette souple, à la vanne triple excentrique avec joint métallique, elle sait s’adapter à tous les marchés ou presque, y compris aux hautes pressions dans l’industrie. Les plus simples, concentriques, continuent de s’améliorer quand les plus techniques, excentriques, sont de plus en plus sophistiquées. Pilotage voire régulation sont également proposés en fonction des besoins du process. À terme, elles s’adapteront sans doute au monde du big data.
On trouve des vannes à chaque bout de tuyau comme robinet d’arrêt ou de contrôle. Environ 30 % d’entre elles sont des vannes papillon, reconnaissables grâce à leur disque qui tourne autour d’un axe lors du passage du fluide. Dans le monde, on en installe 50 millions chaque année dont quelques 10 millions en Europe. Des eaux usées aux centrales nucléaires en passant par de nombreuses applications liées à l’eau potable, la dessalinisation, l’industrie sucrière, pétrochimique ou gazière, elles sont partout et peuvent être utilisées tant avec des liquides qu’avec des gaz.
Logiquement, les fabricants sont nombreux, chacun présentant ses spécificités propres : KSB, Bayard (Groupe Talis), Saint-Gobain PAM, Metso, Gemü, Socla, Tecofi, Sart Von Rohr, Burkert, AVK, E.I.E, VAG, Georg Fischer, Von Roll Hydro, Ramus Industrie… « Dans le monde, environ 30 % des vannes papillon sont installées dans le domaine de l’eau, autant dans l’énergie, de 10 à 15 % pour le transport par voie marine, le reste dans l’industrie notamment sucrière et alimentaire, précise Loïc Boussault chez KSB, 9ème fabricant mondial de robinetterie sous les marques KSB, AMRI, SISTO et IVC. C’est à peu près nos parts de marché ». Renaud Dumoulin chez Bayard (Groupe Talis) note, quant à lui, deux grandes tendances : « d’un côté, des solutions plus efficaces, durables et économiques, de l’autre plus techniques pour des conditions de service de plus en plus complexes ».
De fait, les vannes papillon se caractérisent par par leur simplicité de conception et l’étendue de leur champ d’applications. Elles fonctionnent en mode ouvert/fermé pour la plupart, avec une manœuvre facile, ne nécessitant ainsi que des actionneurs de taille réduite.
Par rapport à l’autre grande famille de vannes, les vannes à boules, simples de conception, ou les guillotines dédiées à d’autres applications, elles ont un gabarit réduit et peu de pièces de conception, donc un poids moindre, source d’économie.
Cette compacité limite également le génie civil associé : il suffit d’1,5 fois le diamètre de la vanne en hauteur.
À chaque exigence sa famille de vannes
Les vannes papillon supportent tant l’eau potable, l’eau salée, les eaux usées que les huiles, graisses, produits alimentaires, acides à haute température, solvants, produits chimiques, gaz (comme le gaz naturel liquide (GNL) avec des robinets cryogéniques) ou solides (sable, ciment…). Corps de vanne, joint d’étanchéité et papillon sont adaptés selon les applications et les fluides. Les corps de vanne pour le secteur de l’eau sont le plus souvent en fonte revêtue de poudre époxy, les joints en caoutchouc EPDM avec ACS ou en nitrile pour des eaux de ruissellement parfois chargées en hydrocarbures. « Nous proposons l’EPDM pour des fluides non agressifs, le papillon duplex ou superduplex pour des applications en chimie, pétrochimie ou en dessalinisation, tout inox pour les très basses températures, joint métallique pour la sécurité au feu, etc » ajoute Loïc Boussault chez KSB qui prend soin de fabriquer en interne tout ce qui concerne l’étanchéité (usinage, joints), stratégique. KSB développe notamment ses propres élastomères (Amring) pour les manchettes des gammes Boax, Isoria produites dans son usine française de La Roche Chalais (24).
Chez Bayard (Groupe Talis), les applications nécessitant une fonction de régulation sont prises en charge avec des produits dédiés. Les vannes Hydrostab ou les vannes annulaires sont totalement conçues pour cela et peuvent, sous certaines conditions, travailler durablement en régimes cavitants. Les vannes papillon restent spécifiquement dédiées au sectionnement.
Côté actionneur (la pièce qui permet de manœuvrer la vanne), tout est possible également, du manuel au pneumatique (le plus demandé dans l’industrie, pour la régulation) en passant par l’électrique (le plus courant), voire l’hydraulique lorsque la pression est limitée (débit de moins de 5 m/s). Cet aspect contrôle-commande est devenu un critère de choix important.
Et ces vannes sont utilisables dans une large gamme de pression et température. Conclusion : « Si vous cherchez une vanne utilisable de 20 à 100 bar et -200 °C à +600 °C, que ce soit en diamètre nominal 25 mm (DN25) ou 3 voire 4 mètres, la vanne papillon fera l’affaire, résume Loïc Boussault. Son seul défaut par rapport aux vannes à opercule est que son disque reste toujours dans la veine fluide, ce qui induit une petite perte de charge donc une moindre efficacité énergétique ». Pour la même raison, l’entretien du réseau ou les réparations sont plus faciles à envisager avec des vannes à opercule qui permettent le passage intégral des outils. Comme le résume Mélissa Humbel chez Gemü : « Le tout est de déterminer les exigences pour chaque application pour proposer une configuration sur mesure ». « Toute vanne papillon ne se vend pas sur catalogue, renchérit Renaud Dumoulin chez Bayard. Nous proposons un accompagnement technique pour choisir le bon produit ».
On distingue trois grandes familles de vannes papillon (concentrique, double et triple excentrique) et trois façons de les fixer (Wafer, Lug et Double brides). Les plus anciennes (fin XIXe comme les vannes droites) sont concentriques, à écartement court entre brides : le joint, souple, est monté sur toute la surface du corps de vanne (inséré manuellement ou vulcanisé, on parle de manchette) et l’arbre traverse le disque en son centre. Ce sont de loin les plus utilisées, pour 90 % des applications, surtout en DN 25 à 100 (Gemü, Socla, KSB, Metso, Bayard…). Principal point faible : leur manchette limite l’utilisation à de faibles pressions (moins de 25 bar) et des effluents peu abrasifs, ce qui convient à la plupart des besoins en adduction d’eau, eaux usées, bâtiment… La plus courante est la Wafer (70 % à 80 % des ventes) : la plus simple et la moins chère, adaptée à tout type de fluide et d’environnement, facile à monter (à insérer entre deux brides). « On l’installe partout, en aérien ou en chambre de vannes, surtout en petit diamètre, précise Carlos Villar chez Saint-Gobain PAM qui en fabrique à nouveau avec 4 produits depuis juillet 2016 pour l’assainissement avec manchette en nitrile, disque en inox, duplex et superduplex (série 20, 13 ou 14 selon l’écartement entre brides). Elle est idéale là où les contraintes dimensionnelles sont importantes, par exemple pour la climatisation mais aussi sur des marchés spécifiques comme les applications navales où l’espace est très contraint. Notre gamme va du DN40 jusqu’au DN1200mm à 16 bar et DN40 à 300 à 25 bar en série 20 ».
De nouveaux développements adaptés aux différents marchés
Pour assurer la maintenance d’un réseau (par exemple pour le démontage de conduite en bout de ligne), il faut opter pour des vannes sans brides Lug (avec des oreilles taraudées) ou double bride : les canalisations d’eau en aval peuvent être démontées en maintenant la pression sur le reste du réseau. « Les vannes Lug, adaptées à tous types de fluides et de contraintes, se montent en aérien, précise Carlos Villar. Elles sont conçues pour les applications industrielles où les problèmes de dimensions sont importants. Quant aux doubles brides, notre gamme s’étend des diamètres DN100 à 1 600 mm en série 20 et 13. En dessous du DN 500, la connexion nécessite tirants et écrous et un réseau hors pression ; au dessus, elle peut aussi être faite avec une double vis et un écrou pour isoler la vanne. Ces vannes sont faciles à monter en sorties de pompes, réservoirs, coques de bateaux, entrepôts, installations navales, etc ».
« On en installe beaucoup sur des installations neuves ou rénovées d’eau potable, ajoute de son côté Renaud Dumoulin chez Bayard. Nous avons adapté nos solutions aux besoins des réseaux qui montent en pression pour transporter de plus en plus d’eau sur des distances plus longues : nos vannes (DN40-1800) supportent aujourd’hui 25 bar et des températures jusque 90-110 °C ».
Dans ses gammes Sylax, Xylia ou Lycène fabriquées en France (73), Socla propose des vannes pour tous les métiers de l’eau ou de l’industrie avec un axe monobloc traversant, une transmission par liaison cannelée et un design de la manchette en queue d’aronde qui optimisent fiabilité et étanchéité. Parmi leurs exemples de réalisations : des vannes équipant des bateaux de pêche pour des systèmes de réfrigération du poisson par eau de mer (Refrigerated System Water) ou encore celles transportant du kérosène sur des porte-avions de la Navy.
De son côté, Gemü se positionne surtout sur le traitement des eaux industrielles (station de traitement des eaux usées, dessalinisation, eaux de process, eau pure ou ultrapure, etc.) notamment avec la vanne Victoria 481 (DN25-600, jusqu’à 16 bar). À partir de 20-25 bar et lorsque la finesse de régulation nécessaire est plus grande (jusqu’à 1 %), mieux vaut opter pour des vannes excentriques (soit environ 10 % des applications) : l’arbre traverse le disque de façon plus ou moins excentrée (le joint d’étanchéité fait alors partie du disque), créant un couple beaucoup plus important.
Ces concepts de vannes ont plus de 50 ans pour la double excentrique (85 % du marché des vannes excentriques) et une quarantaine d’années pour la triple excentrique dont Metso revendique la paternité avec sa gamme Neldisc qui date de 1975, vendue à 700 000 exemplaires, constamment adaptée depuis, depuis les basses jusqu’aux hautes températures (-200 à +600 °C), en version Wafer, Lug et Double brides.
KSB, Bayard (Groupe Talis), Saint-Gobain PAM, Socla, etc. en proposent également. Elles ont l’avantage d’être plus faciles à entretenir, le joint pouvant être changé sans démonter la vanne, mais les choix d’élastomère sont moins nombreux. Le revêtement du corps, en contact avec le fluide, est fondamental. Ces vannes sont plus adaptées en cas de fluide chimique corrosif, d’usure mécanique, d’applications à basse ou haute température, quand le dimensionnement ne pose pas de problème particulier. Exemple : pour un réseau d’eau contenant des résidus oxydants à base d’ozone et de chlore, Bayard a utilisé un revêtement de fonte émaillé au lieu de l’époxy.
Bayard (Groupe Talis) oriente ses développements vers les vannes double excentrique à forte valeur ajoutée technique pour conditions de service sévères.
De son côté, Tecofi s’apprête à lancer deux nouvelles générations de vannes à papillon. La gamme Tecfly repose sur une nouvelle vanne qui conserve les avantages de l’ancien modèle comme son design de poignée triple fonction permettant de faire de la régulation grâce à sa molette. Mais elle a dorénavant un corps en fonte GJS-500-7 plus résistant et surtout, une manchette rainurée permettant un montage sur tous types de brides, y compris les collets amincis. Elle possède un renfort central avec un jeu fonctionnel avec le corps de la vanne assurant un parfait centrage de la manchette ainsi qu’un couple de manœuvre diminué, ce qui permet d’assembler des motorisations électriques et pneumatiques plus économiques.
Ces vannes sont particulièrement utilisées pour des fluides faiblement chargés. La gamme Tecflon repose quant à elle sur une nouvelle version de vannes utilisée pour des applications corrosives ou chimiques grâce à sa manchette PTFE sur une âme FPM et son disque inox revêtu PTFE permettant de répondre sur des fluides pouvant atteindre les 190 °C.
Quant à Saint-Gobain PAM, spécialiste des vannes double excentrique (Eurostop) jusqu’au diamètre 2000, il développe depuis deux ans de nouvelles solutions adaptées aux marchés de l’industrie : des disques en inox, des vannes dans la gamme 20-40 bars et des actionneurs pneumatiques. « Un des risques sur ces vannes de process ou en régulation, fait remarquer Renaud Dumoulin de Bayard, est de les manœuvrer trop rapidement, ce qui peut provoquer des chocs hydrauliques, voire des coups de bélier. Pour transmettre le mouvement au disque, nous concevons nos propres réducteurs (installés sur toutes nos vannes) : ils assurent un couple de manœuvre constant via un moteur ou un volant ».
Les vannes triple excentrique, elles, permettent des pressions plus élevées jusqu’à 100, 150 bar voire plus. Peu de fabricants les proposent outre Metso et KSB, l’un des 5 premiers fabricants au monde avec sa gamme Triodis.
Pilotage et régulation progressent sans cesse
Ces vannes sont également de plus en plus intelligentes, autrement dit pilotable, voire régulable à distance. « Elles peuvent s’intégrer dans une installation qui relève leur position (ouvert/fermé), voire la pilote avec un automate déporté pour assurer le remplissage d’une cuve par exemple, détaille Loïc Boussault de KSB (gamme Amtrobox et Amtronic). Depuis une vingtaine d’années, nous proposons aussi un boîtier de régulation de niveau, intégré ou non au robinet (Smartronic et Smartronic PC) : cela permet de piloter l’angle d’ouverture du papillon en fonction, par exemple, du niveau d’une cuve, de l’encrassement d’un filtre dans un traitement d’eaux usées, etc. grâce à des capteurs de niveau, de débit, de température… Quand de nombreuses vannes sont pilotées en même temps, nous proposons les connexions de vannes avec l’automate via les technologies bus de terrain de type AS-i ».
Fabricant de vannes et d’actionneurs, KSB revendique une solution compacte sans connexion visible entre l’actionneur et son boîtier de pilotage (gamme Automation qui s’adapte aussi aux vannes GGC), une solution avec pilotage pneumatique sans pipe externe (Amtronic et Smartronic) ou avec un compartiment autonome pour la distribution pneumatique.
De même, Watts dispose d’une gamme complète de vannes papillon motorisées en pneumatique et électrique, avec la particularité pour cette dernière gamme d’offrir une solution innovante avec programmation et pilotage et à distance de l’actionneur en Bluetooth via application Androïd sur Smartphone.
Très présent sur les produits “smart” destinés au positionnement des vannes dans les secteurs de la chimie, de la Pâte et Papier ou de l’Oil & Gaz, Metso dispose également de fortes implantations dans les secteurs de l’eau, de la pharmacie ou de l’agroalimentaire. Les positionneurs numériques de vannes se déclinent ainsi dans plusieurs variantes de diagnostics, de la plus simple à la plus avancée en optimisant un peu plus encore la régulation et en ouvrant l’accès à des données à distance. Petit nouveau de la gamme ND, le positionneur NDX lancé fin 2015 équipe pour l’instant les vannes linéaires et s’adresse principalement aux distributeurs soucieux d’élargir leur offre de positionneurs à un prix avantageux.
Chez Bayard (Groupe Talis), toutes les vannes sont motorisables avec les solutions leaders du marché (Auma, Bernard, Rotork,…). De ce fait, elles sont connectables aux réseaux numériques industriels ce qui permet d’interagir plus exhaustivement avec les process.
La montée en puissance du numérique incite également les fabricants à développer et proposer de nouveaux services, par exemple en matière de maintenance, en détectant des changements dans l’effort de manoeuvre, annonce probable d’une étanchéité moindre. « En collectant les données sur le fonctionnement de nos produits (robinets, actionneurs et boîtiers d’automation) partout dans le monde, nous serons un jour en mesure d’apporter une expertise prédictive, promet Loïc Boussault. Nous pourrons proposer les produits les plus adaptés à nos clients grâce à ce retour d’expérience puis les prévenir en cas de fonctionnement anormal voire même leur proposer des services complémentaires telle que la téléassistance, etc ".
Au sein de son portail Smart Inside®, Bayard (Groupe Talis) a développé une solution de gestion patrimoniale.
Cette application nommée TAGUA® est actuellement disponible pour la défense incendie et sera ensuite également étendue aux vannes papillon.
Chaque composant disposera alors d’une fiche d’identification et d’un enregistrement de toute intervention s’y rapportant.
Bientôt le smart robinet donc, futur objet connecté. Avec, à la clé, un volume de données qui ne sera pas forcément facile à gérer…