Débitmètres clamp-on portables : les raisons d’un succès
30 octobre 2017Paru dans le N°405
à la page 57 ( mots)
Rédigé par : Emilie TRAN PHONG
Contraintes d’installation limitées, précision, tolérance à la chaleur… Les débitmètres à capteurs externes, ou clamp-on, présentent de nombreux atouts pour remplacer, sur certaines applications, les technologies intrusives. Les modèles portatifs sont particulièrement prisés. Comment fonctionnent-ils ? Dans quels cas les utiliser ? Quelles sont leurs limites ? Tour d’horizon.
Pour mesurer le débit d’un fluide dans une conduite fermée, rien ne vaut la précision d’un débitmètre “en ligne”, directement en contact avec le flux qui s’écoule. Mais l’installation peut être complexe et coûter cher : interruption de process, campagne d’information des clients, démontage de canalisations, déblaiement… Sans compter que cela peut présenter des risques de contamination, par exemple en réseau d’eau potable, ou nécessiter d’importantes précautions en cas de produits chimiques. C’est pourquoi des technologies non intrusives, dites clamp-on, ont été développées : il suffit de poser les sondes de ces appareils sur la paroi du tuyau pour en “écouter” le débit.
Leurs mesures sont un peu moins précises bien que la plupart affichent néanmoins une incertitude (inférieure à 1 %). Mais ils conviennent à de nombreux usages dans le domaine de l’eau : contrôles ponctuels de débits, comparaison de valeurs, vérification de l’efficacité d’une pompe, détection de fuites… Un champ d’applications qui ne cesse de s’élargir à mesure que s’améliorent leurs performances, notamment pour les versions sans fil. Les récents lancements de nouveaux produits en témoignent largement. Ainsi, en septembre, Nivus a lançé le NivuFlow Mobile 600, plus précis et offrant la possibilité de récupérer à distance les données enregistrées. Au même moment, Flexim a amélioré l’autonomie du Fluxus F401, tandis qu’Ultraflux, seul concepteur et fabricant français depuis plus de 40 ans, remplaçait son modèle d’entrée de gamme portable par un nouveau, plus ergonomique et performant, le Minisonic II Portable.
De son côté GE a lancé en 2017, le PT900, une toute nouvelle génération de débitmètre portable qui revendique le statut de rupture technologique sur ce marché. L’interface utilisateur repose désormais sur une tablette fonctionnant sous Android. « Cela rend l’appareil beaucoup plus confortable pour l’opérateur, tant au niveau du paramétrage que lors de la lecture et l’interprétation des résultats », explique David Tronchin, Responsable des ventes Europe du sud chez GE. En un coup d’œil, la tablette délivre les diagnostics qui permettent à l’utilisateur de valider la mesure. De plus, toutes les informations sur le fonctionnement, des vidéos didactiques et la possibilité d’ajouter des applications assurant le fonctionnement d’autres appareils industriels se retrouvent sur la tablette qui devient une interface unique au service de la productivité et le confort de l’utilisateur. Autre innovation notable, le système de fixation. Pour effectuer une mesure fiable, les capteurs doivent être bien installés. En effet, le montage est crucial pour que les performances d’un débitmètre à ultrasons soient au rendez-vous. Les capteurs doivent être bien alignés, avec le bon écartement et la bonne pression sur la canalisation. « Cet aspect est malheureusement parfois négligé par les concepteurs d’appareils qui oublient que le débitmètre portable est souvent un outil multi-utilisateurs, souligne David Tronchin. Chaque utilisateur qui découvre l’appareil doit pouvoir accéder à une prise en main rapide et obtenir des résultats fiables du premier coup. Nos ingénieurs R&D ont travaillé activement au développement d’un système mécanique simple, efficace et ingénieux. Le système s’installe en moins de 5 mn, rend la pose des capteurs presque ludique et aboutit à un montage parfait ». Le PT900 permet également de s’affranchir de certaines précautions d’installation. « L’application est complexe ? Peu de longueur droite ? Une canalisation corrodée ? La mesure doit s’effectuer à proximité d’une pompe ? Le PT900 se joue de ses difficultés et permet d’obtenir des mesures sur des applications où bien peu se seraient aventurés auparavant, souligne David Tronchin. De plus, côté précision, un énorme travail a été réalisé par nos ingénieurs sur le traitement du signal et le fonctionnement des capteurs à ultrasons ».
Conditions d’utilisation
Dans leur très grande majorité, les débitmètres clamp-on fonctionnent avec des ultrasons, sur le principe de la différence de temps de transit. Sachant que les ondes acoustiques sont accélérées dans le sens du courant et ralenties dans le sens contraire, l’appareil mesure le délai que met un ultrason à parcourir la distance entre deux sondes, de l’amont vers l’aval, puis inversement. La différence entre ces deux temps indique la vitesse du liquide (en m/s). En multipliant cette vitesse par la surface en déplacement, c’est-à-dire par la section interne de la conduite, on obtient le débit (en m³/s).
Cette méthode est très précise, et présente l’avantage de s’appliquer aussi bien à des liquides conducteurs que non conducteurs. À condition, néanmoins, que les canalisations soient constituées d’un matériau transparent aux ultrasons (idéalement du métal ou du plastique), qu’elles ne soient pas déformées par le temps et les dépôts calcaires, et qu’elles soient pleines d’un liquide homogène, peu chargé et exempt de bulles d’air. À condition également que la pose soit minutieusement effectuée.
Installation guidée
L’installation du dispositif ne prend pas plus d’une quinzaine de minutes. La première fois, une lecture attentive de la notice est indispensable et peut être complétée par une petite formation dispensée par le fabricant. Mais cela n’a rien de compliqué. Il faut paramétrer le boîtier électronique de l’appareil, en indiquant le diamètre extérieur de la canalisation, l’épaisseur de sa paroi et le matériau qui la constitue, ainsi que la nature et la température du fluide qu’elle transporte. À partir de ces données, l’écran du débitmètre indique la distance à laquelle il faut placer les deux sondes l’une par rapport à l’autre pour créer le “V” nécessaire à la lecture. Sur certains appareils, cette phase de paramétrage est guidée. « C’est le cas, par exemple, sur le Prosonic Flow 93T, indique Sébastien Brossard, chef de produit débitmètres chez Endress+Hauser. L’appareil demande les informations une à une. Il faut juste savoir où trouver ces données et être méticuleux ». La qualité de la mesure en dépend. Mais si les sondes ne sont pas bien positionnées, la plupart des modèles le signalent à l’opérateur. Et, pour faciliter un peu plus la pose, hormis sur les très grosses canalisations, tous les fabricants proposent un rail gradué qui aide à fixer les capteurs sur une ligne bien parallèle à la conduite, avec le bon écartement.
Le DUC, commercialisé par Kobold, permet ainsi un guidage pas à pas du paramétrage de l’application : diamètre de la tuyauterie, épaisseur, matériau, revêtement ou non, type de liquide à mesurer, etc. « Ce paramétrage aboutit à une distance entre les deux capteurs, explique Jacques Marionneau chez Kobold, mais nous ne sommes pas au millimètre, l’écartement entre les capteurs se résumant à un nombre de trous sur un rail de montage. Le montage et le paramétrage se fait ainsi en 2 à 3 minutes, tout au plus ».
Et si le liquide est chargé ?
La principale limite au bon fonctionnement de ces débitmètres, toutes marques confondues, est la présence d’impuretés dans le liquide. À partir de 5 à 10 % de particules, le signal est dévié, il devient diffus. Il faut alors utiliser une autre méthode, le Doppler par exemple, lui aussi non intrusif. Cette solution, complémentaire, ne fonctionne que sur des liquides chargés de sédiments ou de bulles. Comme lors d’une échographie médicale, une sonde est placée contre la paroi et émet un faisceau d’ultrasons qui, en se réfléchissant sur les obstacles rencontrés, mesure leur vitesse et en déduit celle du liquide.
La sonde Doppler portable à ultrasons Greyline PDFM-5.1, commercialisée en France par Anhydre, est bien adaptée aux eaux usées, rejets miniers, boues, produits chimiques agressifs et des lubrifiants. Elle est bridée à l’extérieur de la conduite. L’impulsion ultrasonore est renvoyée vers la sonde par les particules et gaz présents dans le liquide en circulation. Le débit du fluide peut ainsi être mesuré, tant qu’il véhicule des particules solides ou des bulles. Mais la technique Doppler a d’autres avantages. « Elle est robuste et très simple à mettre en œuvre, explique Christian Haritchabalet chez Anhydre. Le diamètre interne de la conduite lui suffit pour calculer le débit. L’indication de force du signal à l’écran par l’appareil permet de voir très simplement et immédiatement si le point de mesure est utilisable ou si le signal en retour est en fait insuffisant ou inexistant. Très souvent, changer de position est en fait suffisant ».
Certains modèles de débitmètres, comme le Fluxus F401 de Flexim, peuvent être utilisés suivant les deux modes, différence de temps de transit ou Doppler, en fonction des circonstances.
Néanmoins, le résultat obtenu par Doppler ne peut être qu’approximatif puisqu’il part du principe que les corps solides se dépla-cent à la même vitesse que le liquide, ce qui n’est pas toujours le cas. Les fabricants cherchent donc à perfectionner la tolérance des débitmètres fonctionnant sur la différence de temps de transit. Cela passe par le traitement numérique des signaux. « Si les modèles d’entrée de gamme, comme le Minisonic II Portable, conviennent très bien dans la plupart des conditions, leur mesure est moins robuste dans les situations complexes, indique Stéphane Roux, responsable marketing chez Ultraflux. C’est là que se trouve la plus-value d’appareils haut de gamme, comme le UF801-P. Ils traitent numériquement les signaux, avec un algorithme capable de corriger les déviations et mauvais positionnements de capteurs. En outre, nous avons développé des sondes dont les cristaux piézoélectriques, constitués de microstructures, réceptionnent mieux les signaux. Résultat : l’appareil tolère jusqu’à 20 g/l de particules en suspension. Il peut être utilisé sur des conduites en mauvais état ou recouvert de peintures, Et ce dans toutes les gammes de diamètres, c’est-à-dire de DN 6 à DN 10 000 ! ».
Chez Siemens, le Sitrans FST030, développé pour fonctionner avec la gamme classique de capteurs à ultrasons clamp-on Sitrans FSS200 est doté d’un Digital Sensor Link (DSL) innovant qui numérise le signal instantanément après la mesure, ce qui minimise les influences extérieures et optimise le rapport signal-bruit.
Entendre le presque rien
C’est aussi grâce à une méthode de calibration brevetée de ses capteurs que Flexim a réussi à atteindre une grande précision de mesure. « Le Fluxus F401 peut mesurer un écoulement minime, de l’ordre de 0,01 m/s, un atout indispensable pour le contrôle des débits minimum de nuit, souligne Boris Leynaud, directeur général de la filiale française de l’entreprise. En effet, quand tout le monde dort, la détection d’un très faible écoulement peut être synonyme de fuite ». Le produit est d’ailleurs commercialisé dans le domaine de l’eau potable sous le nom de SeFlow 400 de manière exclusive par Sewerin, spécialiste reconnu de la détection de fuites sur les réseaux d’eau potable. En plus d’une association parfaite entre les deux sondes d’un même appareil, le Fluxus F401/SeFlow 400 est doté d’un traitement numérique du signal capable de corriger les échos induits par des conduites complexes, y compris les tuyaux de type Bonna, composés de béton et d’une trame métallique.
Chez Kobold, l’électronique du DUC est dotée d’un logiciel de compensation automatique des variations du liquide, qui mesure à chaque cycle le temps de transit et la vitesse sonique du liquide. De même, l’onde ultrasonique émise est codée, permettant au récepteur de mieux la déceler au milieu du bruit environnant, améliorant ainsi le ratio signal/bruit.
Prestations pour cas extrêmes
Sur de telles canalisations, « la pose demande néanmoins un savoir-faire, poursuit Boris Leynaud. C’est donc une prestation que nous proposons à nos clients. Même chose pour les mesures de débit sur des gaz ou sur des liquides surchauffés. Nous sommes d’ailleurs les seuls à proposer une solution capable de fonctionner jusqu’à 600 °C, grâce à un système de fixation adapté, appelé Wave Injector, et à un couplant acoustique résistant à de telles températures (du plomb, de l’argent ou de l’indium) ».
Les exploitants ont également recours à un technicien spécialisé pour des applications moins extrêmes. « Par exemple pour des contrôles périodiques, comme ceux des réseaux de lutte contre les incendies, ou pour des mesures sur des canalisations de gros diamètres, quand il n’y a pas de réglette graduée pour aider à placer les capteurs », indique ainsi Max Stellmacher, directeur d’Engineering Mesures.
L’autonomie multiplie les applications
« Aujourd’hui, les appareils clamp-on sont souvent utilisés pour des tests de courte durée, qui ne nécessitent pas plus de quelques heures ou jours d’autonomie. Mais les choses sont en train de changer, annonce Fabien Georget, responsable commercial France chez Nivus. D’autres applications sont envisageables, par exemple sur des circuits d’eau enterrés ou éloignés de toute prise électrique. C’est pourquoi nous avons conçu notre NivuFlow Mobile 600 avec un système d’alimentation perfectionné, qui offre une autonomie d’un an pour un cycle de sauvegarde de 5 min, et une interface homme-machine sans contact, qui permet de commander l’appareil et d’en récupérer les données à distance, depuis un PC, un smartphone ou une tablette (aujourd’hui par Wifi, demain via le réseau GPRS) ».
Même réflexion chez les autres fabricants : « nos ingénieurs préparent une nouvelle génération de notre modèle FLT 10 PN pour 2018, qui aurait une autonomie de plusieurs années sans qu’il soit nécessaire de changer la pile, confirme Robert Galluffo, gérant de Flow Lab Technologies. Aujourd’hui, seuls les appareils électromagnétiques peuvent être utilisés aussi longtemps sans fil. Mais ils nécessitent de percer les canalisations, pour que leurs capteurs soient en contact avec le liquide ». En outre, ils ne fonctionnent pas sur les liquides non conducteurs (eau déminéralisée, solvants, gaz liquéfié, dérivés pétroliers, etc.)
Les fabricants travaillent également sur d’autres facteurs d’autonomie. La mémoire, par exemple : « Le datalogger du modèle Portaflow-C peut enregistrer jusqu’à plusieurs années de données », indique ainsi Philippe Nouhen, directeur du marketing chez Fuji Electric France. Celui du Minisonic II Portable a une mémoire de 40 ans, pour 1 enregistrement toutes les 10 minutes. Chez Flexim, les ingénieurs ont quant à eux développé un couplant acoustique permanent, qui évite toute maintenance.
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