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Réseaux d’eau potable et d’assainissement : l’irruption de l’intelligence artificielle

29 mars 2020 Paru dans le N°430 à la page 33 ( mots)
Rédigé par : Patrick PHILIPON

Dans le secteur de l’eau, l’intelligence artificielle fait de plus en plus parler d’elle, notamment pour la gestion des réseaux… à tort ou à raison. Petit tour d’horizon des conditions de cette émergence et des premières solutions concrètes disponibles sur le marché.

« L ’intelligence artificielle arrive dans le domaine de l’eau. Il commence à y avoir des applications concrètes sur le terrain », affirme Sophie Altmeyer, responsable technique pôle de l’eau du Grand Est Hydreos. Hydreos a d’ailleurs réalisé avec ses partenaires deux études de synthèse sur les besoins, les perspectives et les premières expériences de “gestion intelligente” des réseaux, que ce soit pour l’eau potable (parue) ou l’assainissement (à paraître). « Tout le monde parle de smart water depuis quelques années, des colloques y sont consacrés » ajoute Matthieu Bauer, responsable du marché de l’eau chez Endress+Hauser. Cet emballement correspond-il à une réalité concrète ? La “gestion intelligente des réseaux” repose-t-elle nécessairement sur le recours à l’intelligence artificielle (IA) ? Et surtout, de quoi parle-t-on ?

Quelle intelligence ?

Christian Laplaud, président d’Altereo tient à remettre les choses en place. « Les “compteurs intelligents” ne sont pas intelligents, ils sont simplement connectés. L’intelligence réside dans le traitement des données » souligne-t-il. Yann Élan chargé de l’entité AIA (advanced infrastructure analysis) chez Xylem, partage cette réserve. « Le terme “intelligence” est un peu galvaudé et mal utilisé pour parler de capteurs ou d’automatismes qui s’adaptent à leur environnement pour économiser de l’énergie » estime-t-il. Les ingénieurs tendent à assimiler l’intelligence artificielle à la capacité d’apprentissage automatique (machine learning) des algorithmes de traitement des données. Une capacité encore rarement présente dans les solutions de gestion des réseaux d’eau.
Les ingénieurs tendent à assimiler l’intelligence artificielle à la capacité d’apprentissage automatique (machine learning) des algorithmes de traitement des données. Une capacité encore rarement présente dans les solutions de gestion
des réseaux d’eau.

« Même si nous allons vraiment utiliser des outils d’IA, jusqu’à présent, nous avons surtout parlé d’intelligence métier et d’analyse avancée de données. Nous utilisons même la simulation de procédé en temps réel. C'est par exemple le cas avec le Siaap concernant les procédés de traitement des eaux usées » avance Jean-Emmanuel Gilbert, directeur développement d’Aquassay. « Pour nous, l’IA devient nécessaire pour faire face à la massification des données. Il faut en tirer une information utile, autant que possible en temps réel, ce que le cerveau humain ne peut pas faire », affirme pour sa part Christian Laplaud.

Le Zonescan, logger corrélant à poste de fixe de Gutermann, est désormais disponible en version NB-IoT.

« L’IA prend une grande ampleur chez Veolia. Nous voulons travailler sur la qualité des données pour développer des services ayant une vraie valeur ajoutée pour nos opérateurs en interne, pour nos client (les collectivités) ou pour le consommateur final » révèle Florian Sicourmat, qui dirige le “Digital lab” (laboratoire numérique) de Veolia France. Cette évolution s’accompagne de la mise en place d’une cellule de data scientists au niveau du groupe.

Au total, dans le monde de l’eau, mieux vaut donc parler de traitement avancé, en temps réel, de masses de données pour en extraire une information pertinente. Cela peut se faire par des calculs statistiques ou non, utiliser des algorithmes plus ou moins complexes, voire reposer sur la comparaison de la situation réelle décrite par les données à un modèle numérique de l’installation. Des recours à l’apprentissage automatique, donc à l’IA proprement dite, commencent à apparaître.
Krohne et Samson ont créé Focus-On, un JV dédié à la conception, à la production et à la commercialisation d’actionneurs autonomes pour l’industrie de process 4.0.

Plusieurs industriels du monde de l’eau, contactés pour cet article, ne s’estiment “pas encore au point” pour proposer des solutions à base d’IA, tout en y travaillant activement.

Dans la secteur de la mesure et de l’analyse, Endress+Hauser se met également en ordre de marche. « Nous nous donnons trois ans pour pouvoir présenter des solutions à base d’IA correspondant à un besoin, et qui auront été testées pour affiner les modèles » affirme Matthieu Bauer, responsable du marché de l’eau chez Endress+Hauser.
Krohne et Samson ont créé de leur côté Focus-On, un joint-venture dédié à la conception, à la production et à la commercialisation d’actionneurs autonomes pour l’industrie de process 4.0. Focus-on combine des approches innovantes en matière de contrôle décentralisé et de maintenance prédictive à des nœuds de traitement intelligent intégrant des fonctions de diagnostic et d’intelligence artificielle (Voir EIN n° 425).

D’abord comprendre les besoins

Aucune solution de gestion des réseaux, aussi performante soit-elle, ne trouvera de débouché si elle n’est pas en adéquation avec les besoins des métiers. Tous les fabricants en sont bien conscients. C’est l’une des conclusions des études de synthèse menées par Hydreos, par exemple. Dans le domaine de l’eau potable, Hydreos a recensé cinq grands besoins.
Le comptage intelligent, tout d’abord, qui génère un grand nombre de données, plutôt traitées de manière classique actuellement.

La détection des fuites pour améliorer le rendement des réseaux, ensuite. « La technologie, qui n’a pas évolué pendant des décennies, ne permet guère d’aller au-delà des 80 % qui sont la moyenne en France. Depuis une quinzaine d’années, grâce aux SIG, à la téléphonie mobile et à la baisse du coût des capteurs, on a la possibilité de changer ce paradigme » affirme à ce sujet Christian Laplaud.

La gestion patrimoniale est également un axe essentiel, étant donné les investissements en jeu. L’opération en temps réel des réseaux recouvre pour sa part deux demandes. D’une part l’optimisation continue de la conformation du réseau, en particulier pour limiter la consommation énergétique des pompes. D’autre part l’adaptation à des variations prévisibles de la demande (évènements, fluctuations saisonnières de population, etc.). Enfin, le suivi en temps réel de la qualité de l’eau exigera des progrès à la fois en termes de capteurs et de traitement des données.
Les réseaux d’assainissement font face à des problématiques d’optimisation énergétique, de surveillance de la nature des flux, de gestion patrimoniale et d’adaptation des réseaux et STEPs aux variation des besoins, avec, en plus, une dimension gestions des inondations et des crues, l’apport massif d’eaux pluviales étant susceptible de saturer les réseaux et/ou de provoquer des débordements. Plusieurs entreprises proposent des solutions numériques qui développent, sur la base d’une intelligence artificielle, des outils intelligents et auto-apprenant qui permettent de mesurer, surveiller et prévoir. C’est par exemple le cas de Predict Services qui apporte une information personnalisée pour une prise de décision appropriée en cas de risques hydrométéorologiques ou des modèles de prévision développés par Synapse ou Tenevia (Voir EIN n° 424).
Endress+Hauser développe un service d’aide à la maintenance de ses débitmètres : Netilion Predict. Il est actuellement en phase d’expérimentation et de validation auprès de certains clients.

« En plus de son modèle de prévision auto-apprenant, Tenevia développe des logiciels de traitements d’images permettant de transformer une caméra en véritable station hydrométrique. Ces caméras intelligentes permettent la mesure de niveaux, vitesses de surfaces et débits. Les capteurs Tenevia sont aujourd’hui utilisés dans les domaines de la prévention des inondations, l’hydroélectricité et l’assainissement. Utiliser une caméra intelligente comme capteur non intrusif permet d’attester de la qualité des mesures et d’obtenir une information complète sur l’état du cours d’eau », précise Léo Estrade, business developer chez Tenevia.

Les données, nerf de la guerre

« L’IA nécessite beaucoup de données, et des données vraiment qualifiées. C’est rarement le cas sur le terrain » ne peut que constater Jean-Emmanuel Gilbert chez Aquassay. « Lorsque nous intervenons, nous commençons par vérifier la nature, la disponibilité et la qualité des données du client. Une fois ces données collectées et qualifiées, (on peut d’ailleurs mettre des algorithmes de validation pour cela), on peut installer différent types de traitements, des plus simples aux plus complexes, jusqu’à éventuellement de l’IA » ajoute-t-il. Veolia a commencé ce travail en interne. « Nous avons monté un “data desk” qui rassemble toutes les données essentielles de l'activité Eau de Veolia en France sur l’aspect opération des installations, l’historique des interventions, la maintenance des équipements, la partie consommateurs ... Après qualification, nous obtenons des données suffisamment propres et compréhensibles pour les exploiter. Outre celles de nos systèmes d’exploitation, nous cherchons à valoriser d’autres types de données, souvent non structurées : images, vidéo, sons (voix) » explique Florian Sicourmat.
La Direction des Services d'Information (DSI) du Groupe Veolia, développe un dispositif de reconnaissance visuelle des compteurs dont la lecture se fera par le smartphone du consommateur. Les données ainsi relevées pourront être traitées en vue de générer des alarmes en cas de surconsommation.

Le casse-tête des protocoles

Outre le coût et la nécessaire formation des personnels, c’est le problème de l’interopérabilité (ou plutôt son absence) entre capteurs et solutions de différents fournisseurs, n’utilisant pas forcément les même protocoles de communication qui, selon les collectivités interrogées par Hydreos, constitue un frein au déploiement de la gestion intelligente des réseaux. Jean-Emmanuel Gilbert souligne ainsi « la très grande hétérogénéité des situations, à tous points de vue : équipement, protocoles, production de données, collecte, centralisation, etc. C’est une des grandes difficultés que nous rencontrons ». « L’instrumentation de terrain émet ses données avec différents types de protocoles : Hart, wireless Hart, Profibus, Profinet, Modbus... Notre premier défi a été de créer une connectivité entre cette instrumentation et le cloud, où nous proposons nos services digitaux Netilion, lancés depuis 2017. Nous utilisons pour cela des “Edge devices”, passerelles capables de tout accepter et retransmettre vers le cloud » révèle Marianne Hatterer, responsable marketing digitalisation (essentiellement IIoT) chez Endress+Hauser. Dans le même esprit d’ouverture, toute l’instrumentation Endress+Hauser peut être commandée avec un protocole de communication à choisir dans toute la palette disponible, filaire ou non.
Développé à partir des recherches en algorithmiques génétiques de l’Université d’Adélaïde en Australie, Optimizer™ de Suez associe la performance des méthodes métaheuristiques à celles des outils de modélisation hydraulique pour calculer des milliers de scénarii en quelques heures, en rupture avec les méthodes traditionnelles. Cette nouvelle approche multicritères permet aux gestionnaires d’eau et d’assainissement de prendre les décisions technico-économiques les plus efficaces et de générer des gains financiers significatifs.

Un évolution se dessine toutefois. « Les protocoles sont en train de converger. Les systèmes propriétaires cèdent la place aux réseaux type Sigfox ou LoRa » analyse Christian Laplaud. « L’interopérabilité devient une exigence dans le cahiers des charges de nos clients. Toulouse Métropole, par exemple, émet des critères très détaillés à ce sujet. De toute façon, la tendance aujourd’hui est de s’appuyer sur des plateformes de référence : Google et Amazon en ce qui nous concerne » ajoute Florian Sicourmat chez Veolia.

Jean-Emmanuel Gilbert (Aquassay) souligne également l’émergence des protocoles IoT. Pour suivre cette évolution, Gutermann propose désormais son logger corrélant Zonescan en version NB-IoT. « Nous avons démarré des tests sur Lyon, et allons en faire à Paris et Toulon, entre autres » précise Luc Bade, directeur commercial de Gutermann France. Le Zonescan 820, envoyant ses données par radio, reste disponible car le déploiement de la nouvelle version dépend évidemment de la couverture locale en NB-IoT. L’hydrophone à poste fixe Hiscan apparaîtra lui aussi rapidement en version NB-IoT.

Des avancées concrètes

Altereo s’attaque au rendement des réseaux avec son offre cloud HpO® visant à réduire le nombre et la durée des fuites. « HpO® utilise le capteur intelligent ultime : l’agent d’exploitation muni d’un terminal portable » sourit Christian Laplaud. C’est en effet ce dernier qui va réparer les fuites. Altereo fournit une application simple pour tablettes ou téléphones, permettant à l’agent de répondre à quelques questions (diamètre, matériau, date de pose estimée) et joindre une photo. L’ensemble va nourrir une base de données cloud. Lorsque les données s’accumulent, et s’ajoutent aux données historiques (y compris sur papier), un système auto-apprenant se nourrit des défaillances constatées pour fabriquer un nouvel indicateur : le risque de défaillance de chaque tronçon du réseau. « Cela permet de réduire la durée des fuites en focalisant la recherche sur les secteurs les plus à risque » affirme Christian Laplaud.
Tenevia CamFlow® permet de mesurer les vitesses de surface et de calculer le débit d’un écoulement en surface libre. La mesure de hauteur utilisée pour le calcul de débit est obtenue par analyse d’images ou un autre capteur installé sur site (radar, bulle à bulle…).

A ce module de calcul de risques, HpO® ajoute une possibilité d’analyse multicritères (risque de défaillance, importance hydraulique, coordination avec projet de travaux de voirie, risque CVM, etc ...) pour établir un programme de renouvellement des canalisations prenant en compte toutes les contraintes, y compris financières. HpO® offre même une aide à la décision en permettant de jouer sur des critères comme les objectifs technique ou le budget.

« A Nouméa, nous disposions de données de défaillance sur 20 ans. Nous avons pris les 10 premières pour caler le modèle et les 10 suivantes pour valider ses prédictions. Résultat : en renouvelant les 5 % des canalisations qui ont le plus fort risque de défaillance, on évite 50 % des fuites. A budget égal mais injecté au bon endroit... Nous travaillons aujourd’hui pour Chartres, Tours ou Limoges » révèle Christian Laplaud.
HPO® d’Altereo est une application simple permettant de répondre à quelques questions (diamètre, matériau, date de pose estimée). L’ensemble nourrit une base de données cloud. Lorsque les données s’accumulent et s’ajoutent aux données historiques, un système auto-apprenant se nourrit des défaillances constatées pour fabriquer un nouvel indicateur : le risque de défaillance de chaque tronçon du réseau.

De son côté, le groupe Saur utilise les données de l’exploitation et met à profit des données externes pour développer des modèles de Machine Learning, qui sont intégrés petit à petit dans les outils de gestion de l’entreprise pour aller vers plus de prédiction des situations pouvant être rencontrées sur les réseaux ; ces nouveaux éléments d’aide à la décision adressent l’objectif de mener le plus en amont possible des actions de correction et de prévention, avant que les événements tels que, les bouchages ou les débordements en assainissement ou les casses sur les réseaux d’eau potable, ne se produisent. Au sein des activités de gestion patrimoniale de Saur, une première application de l’intelligence artificielle se concentre sur la production de plans de renouvellement de réseaux, pour optimiser les investissements des collectivités. Également, grâce à un diagnostic innovant des stations de pompage et au traitement avancé des données recueillies à l’aide de la solution de la société Riventa, il est maintenant possible d’optimiser le fonctionnement des pompes, de rationaliser les plans de maintenance et de réduire la consommation électrique concourant ainsi à l’effort de la transition énergétique.

Aquassay propose une solution Saas basée sur le cloud. « Après avoir mis en place notre architecture informatique sur cloud, nous collectons de la donnée chez nos clients pour la mettre à leur disposition sous la forme simple (affichage etc.), mais utilisons aussi des systèmes avancés pour faire tout type de calcul et de pré-interprétation métier pour pouvoir faire jusqu’à de la simulation de procédés en temps réel » décrit Jean-Emmanuel Gilbert. S’il ne s’agit pas encore d’IA à proprement parler, Aquassay lance cette année un projet qui l’utilise, en partenariat avec Dataswati, un spécialiste de l’IA. L'objectif est d'identifier des événements rares et des anomalies. Un logiciel va apprendre à reconnaître les « empreintes » (profils en température, pression, etc.) des évènements survenant régulièrement sur le réseau. Une fois la bibliothèque constituée, il sera capable de générer une alerte si une empreinte inhabituelle survient. « La constitution d’une telle bibliothèque peut se faire à la main ou, et c’est le cas dans notre projet, de façon automatique » ajoute Jean-Emmanuel Gilbert. « Le Siaap fait également appel à nous pour un très gros projet concernant la gestion de l’assainissement » révèle-t-il.
Si Endress+Hauser travaille encore à moyen terme sur des solutions « métier », l’entreprise annonce pour cette année la sortie d’une solution de prédiction... pour la maintenance de ses propres capteurs. « Nos débitmètres peuvent souffrir de corrosion, colmatage, cavitation ou présence de bulles. Nous développons un service d’aide à la maintenance : Netilion Predict, qui est déjà en phase d’expérimentation et validation auprès de quelques clients » explique Marianne Hatterer.
Geomod propose également une solution de prévision des comportements des cours d’eau ou des réseaux : ICMLive.

L’IA se focalise sur la gestion des réseaux

Chez Gutermann, les données de terrain remontent, directement, ou via la passerelle Zonescan Alpha, vers la solution cloud Zonescan.Net. Cette offre web évolue elle aussi, avec une nouveauté à venir cette année. « Nous développons la réalité augmentée sur Zonescan Net. Cela permettra aux agents de terrain, avec leur tablette ou téléphone, de voir directement la fuite dans l’environnement » révèle Luc Bade. Les algorithmes implantés dans Zonescan.Net s’améliorent également d’année en année. « Plus on a de données, meilleurs sont les résultats » explique-t-il. Le but est d’atteindre des rendements réseau de l’ordre de 90 % en permettant le traitement de fuites, même peu importantes, dans les 48 heures – voire 24 heures selon la rapidité du traitement administratif de la DICT. « L’intérêt est surtout de surveiller les réseaux en continu, donc de maintenir le rendement. Si on ne fait rien, il tombe très vite. Le vrai avantage du contrôle en temps réel est la proactivité » estime Luc Bade.
Pure technologies (Groupe Xylem), propose sa Smartball, un dispositif d’inspection qui circule dans des canalisations de gros diamètre (150 mm à 3 mètres). Elle permet la détection et la géolocalisation des fuites et poches d’air et analyse également l’état des canalisations métalliques ou à base de métal (béton précontraint) pour une gestion patrimoniale préventive.

Veolia, via le Digital lab, développe et/ou expérimente différents services numériques. Le groupe s’intéresse par exemple à la télérelève des compteurs et développe un dispositif de reconnaissance visuelle des compteurs. La lecture se fera toute seule… par le smartphone du consommateur. Les données ainsi relevées pourront être traitées pour donner une alarmes en cas de surconsommation. « Nous envisageons des dizaines d’algorithmes différents qui rendent des services particuliers » lance Florian Sicourmat. Veolia travaille également avec Cartesiam, une start-up française qui a développé un petit capteur de vibrations. Le BOB embarque sa propre « intelligence » : grâce au machine learning, il est capable de détecter une anomalie et anticiper la défaillance des pompes, permettant une véritable maintenance prédictive.

Le Digital Hub récemment lancé par Suez (Voir EIN n° 421), doit permettre au groupe d’étoffer sa gamme de solutions digitales (Aquadvanced™, Optimizer™) dédiée à la performance des réseaux d’eau et d’assainissement. Ainsi, AquaCircle™ est un outil de simulation web qui élabore un diagnostic global de la performance d’un réseau d’eau potable et propose un plan d’actions ciblées tenant compte du meilleur scénario coûts/bénéfices. Cet outil fournit une vision exhaustive de la performance, en analysant l’ensemble des paramètres influents : volumes consommés, volumes perdus, état des infrastructures, efficacité économique et opérationnelle. En complément, Suez a développé NetScan™ : une solution de gestion patrimoniale des réseaux d’eau potable qui renforce la stratégie d’amélioration de la performance proposée par Aquacircle™. « En couplant les dernières technologies d’inspection des réseaux à des algorithmes de Machine Learning, NetScan™ permet d’évaluer l’usure des canalisations à court et moyen terme, d’identifier les tronçons à risque et, ainsi, de mieux cibler le renouvellement des canalisations » expliquait Suez lors de l’inauguration du Digital Hub. Cette solution est en cours de déploiement par le Syndicat des Eaux Aquavesc, qui alimente 31 communes et 520.000 habitants des Yvelines et des Hauts-de-Seine, et par l’Agence Nationale de l’Eau de Singapour. La prise de participation récente de Suez Ventures, fonds de Capital-risque du Groupe Suez, dans Inflowmatix va également dans le sens d’un renforcement des solutions digitales pour optimiser la performance et la résilience des réseaux d’eau potable et a permis au groupe de lancer sa nouvelle offre « Suez Calm Networks™ » qui vise à réduire les casses dans les réseaux d’eau potable.

Le groupe Saur développe une approche globale pour la gestion des réseaux en combinant la mise en œuvre in-situ de solutions technologiques innovantes et souvent communicantes (capteurs, sondes, robots) avec l’expertise transversale de l’entreprise regroupée au sein des 8 Centres de Pilotage Opérationnel (CPO) régionaux. C’est à partir d’une solution cartographique par couches, sur laquelle remontent les données du monitoring permanent et les alarmes et événements ponctuels, dite solution logicielle REZO+, que les équipes de Saur peuvent suivre le fonctionnement des réseaux, procéder à des analyses avancées des données en s’appuyant éventuellement sur l’IA, et décider des actions à engager, à partir d’éléments contextualisés.
Pour accélérer ces efforts de gestion des réseaux, Saur déploie une démarche soutenue de recherche de solutions auprès de sociétés innovantes externes ; l’objectif est de trouver les objets intelligents qui permettent de détecter et de mesurer les paramètres importants pour les différentes situations rencontrées sur les réseaux. La priorité est donnée aux expérimentations collaboratives avec des fournisseurs historiques, comme cela a été le cas pour la solution de détection de fuites EAR© de Sainte Lizaine ou le capteur Smartball© de Xylem ou avec de jeunes entreprises transposant parfois des solutions venant d’autres domaines, comme par exemple la recherche de fuites par imagerie satellitaire avec la société Leakmited.
Centre de pilotage opérationnel de Lyon.

Xylem, par absorptions successives (voir EIN 421, p 26) se met également en ordre de marche pour proposer des solutions avancées. Pure technologies, qui a rejoint Xylem en 2018, propose sa Smartball (voir EIN 420), un dispositif d’inspection qui circule dans des canalisations de gros diamètre (de 150 mm à 2 ou 3 mètres). D’un point de vue curatif, elle permet la détection et la géolocalisation des fuites et poches d’air. Elle analyse également l’état des canalisations métalliques ou à base de métal (béton précontraint) pour une gestion patrimoniale préventive. C’est là qu’intervient le traitement des données. « La Smartball donne une « photo » de l’état du réseau et, par le biais d’un algorithme et d’une base de données, nous pouvons calculer le coefficient d’usure et prédire la durée de vie restante de la canalisation, tronçon par tronçon » affirme Yann Ezan. L’algorithme prend en compte les données relevées lors de l’inspection, d’éventuels relevés historiques de réparation ou travaux et les caractéristiques « constructeur » de la canalisation (durée de vie estimée en utilisation moyenne).

Digital Utility est spécialisé dans la détection, l'identification et la correction des régimes transitoires de pression. La société propose des capteurs de pression haute fréquence couplés à une prestation d'ingénierie pour aider les opérateurs et les maîtres d'ouvrage sur des thématiques très variées. « Parmi les solutions que nous mettons en œuvre, l'analyse des logs de pression nous permet d'optimiser la pression de prégonflage d'un ballon anti-bélier, le réglage du frein de l'équipage mobile d'un stabilisateur de pression pour éviter les systèmes oscillatoires entretenus, mais aussi la sectorisation haute définition pour déceler et localiser les casses de faible débit, ou l'analyse transitoire inverse pour détecter des obstructions et évaluer les caractéristiques mécaniques des canalisations enterrées » détaille Benoit Cliche son directeur.
Visenti, qui a rejoint Xylem à la même époque, s’intéresse à la surveillance des fuites en temps réel, sur tous diamètres de canalisations. L’idée : outre les capteurs déjà installés par l’exploitant (débitmètres, corrélateurs), Visenti installe des hydrophones et capteurs de pression transitoire. La solution permet la détection et localisation des fuites en temps réel. « Les informations sont envoyées automatiquement sur un cloud qui fait partie de l’offre globale Visenti. Là, les données Visenti comme celles du client sont « mixes » par un logiciel (VIEW) qui permet de « voir » l’ensemble du réseau ». Autre aspect de l’offre : l’utilisation de l’IA pour détecter évènements exceptionnels. « En principe, on pose les capteurs sur des canalisations en bon état. Le système va enregistrer tous les jours et comparer, apprendre au fur et à mesure ce qui se passe normalement sur le réseau. Certains coups de bélier sont habituels (une usine qui démarre tous les lundis par exemple). Le système peut ensuite détecter les évènements inhabituels et envoyer une alarme » explique Yann Ezan.
Depuis 2018, la solution de Sensus qui associe le compteur iPERL avec le système de relève mobile Sensus RF fait la preuve de son efficacité. Le déploiement de 13104 points de comptage sur 6 communes de la Communauté de Communes du Briançonnais (CCB) permet d’optimiser leurs rendements avec une analyse quotidienne des consommations. Les problèmes de fuites, de surconsommations, de fraude et de contrôle des volumes d’eau potable qui circulent sous terre, s’inscrivent en continu sur le portail de données H2Olmes, permettant ainsi de faire apparaître des modèles ou des tendances pour améliorer la gestion des réseaux d’eau potable et le service apporté aux usagers.
Parce que la valorisation du patrimoine concerne bien sûr les réseaux et que le suivi du nombre de fuites ne suffit plus pour optimiser cette gestion patrimoniale, la SADE déploie CANASCAN® un service doublement primé par la profession en 2019, pour évaluer l’état des canalisations et estimer leur durée de vie résiduelle.
Ce premier service préfigure un ensemble de solutions que développe actuellement la SADE avec une vision prospective sur la valorisation patrimoniale, qui va bénéficier de la révolution numérique. La SADE fait appel aux technologies les plus récentes pour améliorer la connaissance des réseaux et restituer les informations utiles aux acteurs du chantier, aux riverains et à ses clients.
Autre type de réseaux, et utilisation plus intense de l’IA avec EmNet. Cette société californienne, également acquise par Xylem en 2018, est spécialisée dans l’analyse et la compréhension des réseaux de surverse. Le client fait d’abord l’historique des problèmes de surverse qu’il a connus. Puis EmNet positionne des capteurs (débit, pression, niveau) sur le réseau et utilise les plans du client pour créer un modèle numérique de l’installation. Celui-ci permet de jouer virtuellement avec les réseaux. « Nous reproduisons les inondations qu’ils ont connues. Une fois le modèle stable et validé (telle pluviométrie à telle période de l’année, provoque tel débordement à tel endroit), nous poussons le curseur un peu plus loin car la situation évolue, les sols s’imperméabilisent, etc. Et l’IA est capable d’analyser les débordements et de savoir pourquoi ils surviennent, ce qui permet des décisions plus pertinentes d’aménagement » explique Yann Ezan. Tout cela est inclus dans One Xylem, une offre globale de gestion intelligente réseaux, pompages, gestion patrimoniale… « Notre vœu pieux : être capables de détecter les problèmes avant qu’ils n’arrivent, de façon à être proactifs sur la gestion de réseau. Nous savons le faire. Le reste dépend des budgets, des contrats de DSP, etc. » conclut-il. 


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