L’Anses vient de publier son expertise relative au traitement des eaux destinées à la consommation humaine par des orthophosphates pour limiter la dissolution du plomb. L’Agence conclut que le traitement par des orthophosphates constitue une mesure de protection possible mais non suffisante. Les données disponibles ne permettant pas d’évaluer les effets de ce traitement sur la qualité de l’eau distribuée, l’Agence recommande que toute nouvelle mise en œuvre soit accompagnée d’études visant à mieux déterminer ses impacts, notamment sur la qualité microbiologique de l’eau distribuée.
La
présence de plomb dans l’eau destinée à la consommation humaine a
essentiellement pour origine les matériaux constitutifs du réseau de
distribution. Il s’agit principalement des branchements publics situés entre la
canalisation principale et le compteur d’eau, et des canalisations intérieures,
dans l’habitat ancien notamment.
Chez
l’Homme, les effets néfastes du plomb sont démontrés. D’après une étude publiée
par l’Anses en 2016, la contribution des eaux destinées à la consommation
humaine à l’exposition moyenne au plomb atteint 14 % chez les enfants âgés de
13 à 36 mois.
Une
limite de qualité de 10 µg/L a été fixée pour le paramètre « plomb dans
l’eau destinée à la consommation humaine ». Pour respecter cette limite de
qualité, plusieurs solutions ont été envisagées, notamment le remplacement des
canalisations en plomb et des traitements modifiant la qualité des eaux
destinées à la consommation humaine afin de réduire la dissolution du plomb
dans le réseau. L’ajout d’acide phosphorique ou d’orthophosphates pour les eaux
moyennement et fortement minéralisées, présentant un pH d’équilibre inférieur à
7,5, permet de former une couche protectrice sur les parois internes des
canalisations. Ainsi, entre 2003 et 2013, dix usines de production d’eau
destinée à la consommation humaine en Île-de-France ont mis en œuvre un
traitement par des orthophosphates.
L’Anses
a été saisie afin de déterminer l’intérêt de maintenir le traitement aux
orthophosphates, au regard des conséquences qu’aurait l’arrêt du traitement en
termes de qualité d’eau distribuée et de déstabilisation de l’écologie
microbienne dans les réseaux.
En
ce qui concerne le traitement aux orthophosphates, les experts considèrent qu’il
permet de manière générale de diminuer la concentration en plomb dans l’eau
distribuée au robinet. Mais « l’ampleur de cette diminution varie
cependant selon les sites du fait notamment des caractéristiques de l’eau
distribuée, de la nature du réseau, indique l’Anses. Ainsi, le traitement ne
permet pas de respecter en permanence et à tous les points d’usage, la
limite réglementaire de qualité du plomb dans les eaux destinées à la
consommation humaine ».
Les
données disponibles ne permettant pas d’évaluer avec précision les impacts du
traitement sur la qualité de l’eau distribuée, ni lors de sa mise en œuvre, ni
au moment de son arrêt. « Aucun effet négatif n’a été signalé par les
distributeurs d’eau auditionnés quant à la qualité physico-chimique ou
microbiologique globale des eaux distribuées traitées aux orthophosphates »,
souligne l’agence qui recommande cependant que toute nouvelle mise en œuvre
d’un traitement aux orthophosphates soit accompagnée d’études visant à mieux
déterminer ses différents impacts, notamment sur la qualité microbiologique de
l’eau distribuée.
In
fine, l’Agence considère que la réduction des expositions de la population au
plomb reste un objectif prioritaire qui passe par une combinaison d’actions. Le
traitement des eaux distribuées par des orthophosphates constitue une possibilité,
mais non suffisante à elle seule. D’autres stratégies existent, notamment le
traitement des eaux par neutralisation, reminéralisation ou décarbonatation, ou
la poursuite du remplacement des branchements en plomb.