Faire d’un mal nécessaire une ressource : tel est l’objectif d’Enprotech qui propose aux industriels de transformer leur station d’épuration en une utilité capable de contribuer activement à la rentabilité de leur site. Réutilisation des eaux usées traitées, récupération des déchets organiques et valorisation du biogaz produit permettent en effet de satisfaire une grande partie des besoins en énergie, voire de les dépasser, tout en stabilisant et en sécurisant les process. Le tout sur la base d’un résultat garanti. Rencontre avec Hans Van Soest, directeur général d’Enprotech.
Revue L’Eau, L’Industrie, Les Nuisances :
Pouvez-vous nous présenter Enprotech en quelques mots ?
Hans Van Soest : Enprotech est
une société de nationalité belge, créée en 1996, dont le nom repose sur une
contraction de l’expression « Evironmental
Protection and Recycling Technology ». Enprotech développe des
solutions dans le domaine du traitement des eaux usées avec une double
spécificité : un positionnement en partenaire plutôt qu’en fournisseur, et
le développement de solutions globales adaptées aux besoins et aux
particularités de nos clients. Nos solutions dépassent largement le seul
traitement de l’eau en englobant la filière boues, les problématiques odeurs, le
traitement du gaz et bien entendu la valorisation de l’énergie.
Revue EIN : Vous êtes centrés sur l’industrie
plutôt que sur les eaux usées urbaines ?
HVS : Nous sommes effectivement plutôt
focalisés sur l’industrie mais nous disposons aussi des savoir-faire requis
pour traiter les eaux usées d’origine urbaines. Dans l’industrie, nous sommes
très présents dans l’agroalimentaire mais aussi dans la chimie fine, la
pharmacie ou encore la pétrochimie. Nous maitrisons l’ensemble des techniques
de traitement des eaux usées. Nous proposons une prestation complète, depuis la
phase « étude de faisabilité » jusqu’à la mise en route de l’installation,
sans oublier, bien sûr, les essais pilotes, l’ingénierie, la fabrication, le
démarrage et, dans certains cas, l’exploitation.
Revue EIN : L’exploitation représente une part
importante de votre chiffre d’affaires ?
HVS : Actuellement, nous exploitons essentiellement
des unités situées en Belgique mais nous allons le faire très prochainement en
Pologne, en Algérie ainsi qu’en France. Ces projets sont en phase de démarrage,
mais les contrats sont signés. Toutefois cela ne représente pas encore une part
importante de notre chiffre d’affaires, mais c’est une part qui devrait augmenter
car nous ressentons le besoin des industriels de se focaliser sur leur vraie
valeur ajoutée : la production. Les équipes de spécialistes que nous
déployons permettent par ailleurs de dégager des gisements de gains importants
en matière d’exploitation. Nous avons pu le démontrer sur certains sites en
difficulté, en revoyant totalement leur fonctionnement et en les exploitant sur
une durée de 10 ans.
Revue EIN : Quelles sont les techniques de
traitement qu’Enprotech déploie le plus fréquemment ?
HVS : Nous mettons souvent l’accent sur les
techniques anaérobies qui commence à avoir un écho important en France, pas par
parti pris, mais du fait de leurs nombreux avantages. Les techniques
anaérobies, judicieusement exploitées, occupent une place de choix dans beaucoup
de cas. Nous avons développé, avec notre Enprotech Anaerobic BioActor, une
variante perfectionnée du réacteur UASB classique (Upflow Anaerobic Sludge Blanket). Ce concept maison, très tolérant, est
capable de gérer des flux en charge organique très importants et très
variables. Ce réacteur particulièrement performant est adapté à un grand nombre
de secteurs industriels tels que l’agroalimentaire ou le secteur pétrolier pour
traiter les effluents d’usines d’acides phtaliques par exemple. Nous avons
également démontré l’intérêt de cette technologie dans le secteur du compostage.
Notre procédé peut être appliqué dans de très nombreux domaines et son champ
d’applications est très large. Il dispose également d’une marge de progression
importante. Le Enprotech Anaerobic BioActor garanti un CTP (Cout Total de
Possession) le plus favorable possible.
Revue EIN : Qu’est-ce qui fait la spécificité
des solutions développées par Enprotech ?
HVS : Nous sommes des ingénieurs de
process environnementaux et des agronomes ce qui signifie que nous mettons la
bactérie et le vivant au centre du process.
Une
part importante de notre travail consiste, à partir d’approches et d’équipements
standards, à développer une solution ou une combinaison de solutions en y
introduisant toutes les variantes nécessaires pour que notre préconisation et
son dimensionnement final colle très exactement aux spécificités et au besoin
du client. A la base, nous sommes donc partis d’un réacteur UASB que nous avons
modifié en fonction de notre compréhension du process pour le rendre plus
fiable et plus efficace, et pour que la réaction qui s’y déroule soit la plus
naturelle possible. C’est sur la base de cette philosophie que nous avons
sortis nos premiers réacteurs au début des années 2000. Aujourd’hui, près de
150 réacteurs sont en service à travers le monde et nous en construisons entre
5 et 10 par an.
Revue EIN : Dans quelles régions du monde
travaillez-vous ?
HVS : Nous travaillons dans toute l’Europe,
en Amérique latine ou encore en Asie, soit en direct, soit au travers de
partenaires locaux. Nous développons tous types de projets et nous pouvons
aussi proposer le financement lorsqu’il s’agit d’un paramètre important. Nous
offrons bien évidemment une garantie de résultat et bien plus encore lorsque
nous assurons l’exploitation en garantissant le retour sur investissement.
Revue EIN : Que pensez-vous du zéro rejet qui semble en
vogue dans certains secteurs industriels ?
HVS : Le zéro rejet stricto sensu, c’est
uniquement un concept marketing. Ce principe, pris à la lettre n’existe presque
pas, il y a toujours quelque chose qui est produit et évacué, cette approche zéro
rejet complique très sensiblement les process. Cela les rend plus lourds, plus
chers et plus complexes. Cela fait gonfler les investissements ainsi que les coûts
d’exploitation si bien qu’au final, cette notion freine la réalisation de
projets. Il faut raison garder et avoir la sagesse de prendre en compte le footprint’ d’un traitement poussé. Je
préfère que l’on fasse, avec 20% des moyens, 80% du boulot, plutôt que
l’inverse.
Revue EIN : Pourtant, le zéro-rejet est assez
répandu dans les pays de l’Est ainsi qu’en Inde, en Russie, en Chine…
HVS : Certes, mais on le voit peu en
Europe, y compris en France ou en Belgique, et c’est bien comme cela. Cette
notion est en vogue dans les pays qui se rapprochent rapidement de nos
standards environnementaux et qui sont animés de la volonté de faire encore
mieux. Je ne suis pas contre le zéro rejet par principe, mais il ne faut pas en
faire un Graal. J’incline plutôt vers un rejet limité et bien contrôlé. On peut
plus facilement, et avec moins de moyens, mettre en place un rejet très limité
en exploitant au mieux la capacité d’assainissement naturel des milieux
récepteurs lorsqu’ils sont en situation de l’accepter. Nous essayons plutôt de
promouvoir une approche plus raisonnée en limitant par exemple les rejets et en
incitant à la réutilisation des eaux très en amont dans les process.
HVS : Et c’est bien dommage, même si
cela n’empêche pas de beaux projets d’émerger. Ainsi, après 6 années d’études, et
avec l’appui commercial et technique de notre partenaire Français la société
AQUA Corp, nous avons signé pour un grand projet en France, avec la conserverie
morbihannaise du groupe d’AUCY au Faouët (29) qui prévoit la mise en route
d’une STEP à énergie positive et une réutilisation de l’eau à hauteur de 30%. Il
faut promouvoir le recyclage. Mais pour promouvoir la réutilisation de l’eau,
il faut raisonner de façon globale, et prendre en compte toutes les étapes du
process de fabrication ou de production du client. D’où le positionnement d’Enprotech
qui se pose en tant que partenaire, et qui développe une approche globale pour
proposer une solution qui prend en compte tous les paramètres, c’est-à-dire l’eau,
l’énergie, les déchets et toutes les spécificités d’un site.
Les
techniques anaérobies, dont l’exploitation est simple et peu coûteuse,
permettent de valoriser les déchets qui ne quittent plus le site. On les traite
en produisant de l’énergie qui est ensuite réutilisée sur place. En laiterie
par exemple, on élimine les graisses en les hydrolysant puis en les réinjectant
dans le process. Nous sommes l’un des premiers sur le marché à avoir adopté
cette approche. Le concept de notre réacteur peut le permettre.
Revue EIN : L’énergie verte, c’est la clé des
projets ?
HVS : Il s’agit, au minimum, de
consommer moins d’énergie et, si possible, d’en produire. L’anaérobiose libère,
par nature, une grande partie d’énergie sous forme de biogaz, et non pas de
boues, contrairement aux process reposant sur une oxydation biologique qui
consomment beaucoup d’énergie et dont 40% de la charge biologique est
transformée en boues.
Si
l’on peut réduire la charge sur ce type d’installation et en transférer le
maximum par anaérobiose, il faut le faire. D’autant que cela nécessite peu
d’équipements. On produit peu de boues, moins de 1/20eme d’une station aérobie,
et on peut produire de 320 à 350 litres de méthane par kilo de DCO abattue. Et
chaque millier de litres de méthane représente près de 10 kilowatts !
Ce
type de traitement nous permet de proposer une garantie de retour sur
investissement. Lorsque l’énergie verte est subventionnée, les projets
s’amortissent rapidement, avec un retour sur investissement de l’ordre de 1 à 2
ans. Lorsqu’elle ne l’est pas, ou de façon plus limitée, le retour peut aller
jusqu’à 4 ans, ce qui reste très acceptable si l’on considère que l’on résout
un problème environnemental. D’autant qu’en développant le co-traitement, qui
consiste à collecter plus de déchets pour produire plus d’énergie, on peut
encore optimiser ces opérations.
Revue EIN : Cette approche ne risque-t-elle pas
de minorer excessivement les investissements pour accélérer les retours ?
HVS : L’expérience montre le contraire.
Investir plus permet bien souvent de faire de grosses économies. C’est
tellement vrai que nous nous sommes parfois engagés en termes de financements
pour promouvoir des projets. Nous l’avons fait chez PepsiCo, deuxième acteur
mondial dans le secteur de l’alimentation sur son site de Veurne qui
produit des chips et des snacks salés. Nous y avons implanté un digesteur BioGestor développé
par Enprotech qui reçoit tous les déchets de production lesquels génèrent, via
deux moteurs de 750 kW, 25% de la consommation énergétique du site !
Aujourd’hui, ce qui sort du site représente moins de 10 % de la quantité
initiale de déchets. L’installation a été amortie en moins de 3 ans et la valorisation
de ces déchets représente aujourd’hui plus de 1 million d’euros de bénéfice net
par an. Le succès que PepsiCo nous a demandé de dupliquer ce procédé sur
d’autres sites.
Même
chose à Greenyard Foods, en Grande-Bretagne, sur un site de production de
légumes congelés qui ne disposait que d’une flottation en prétraitement, le
reste faisant l’objet d’un rejet vers la station municipale. Nous avons conçu
une installation avec anaérobiose, aérobiose, récupération d’eau et d’énergie
qui leur permet de réutiliser 75 % des eaux usées traitées tout en disposant de
kilowatts garantis sur leur réseau.
L’investissement
n’est pas la composante la plus importante. Il faut plutôt veiller à la
stabilité des process en privilégiant les techniques de moyennes charges,
stables, flexibles, mais qui garantissent le retour sur investissement sur
le long terme tout en contribuant activement à la rentabilité du site.
Propos
recueillis par Vincent Johanet