Que ce soit sous forme dissoute ou en suspension, les effluents industriels contiennent des substances qu’il faut éliminer avant rejet dans la nature. Pourquoi ne pas les valoriser lorsque c’est possible ? L’industrie agroalimentaire en fournit de nombreux exemples. Quelle que soit la branche, toutefois, la logique économique prime : le recyclage ne se fait que sous condition de rentabilité. La valeur montante de certaines substances crée aujourd’hui de nouvelles opportunités.
Patrick Peters, PDG de la société Adionics (Paris), a toutefois une vision un peu plus optimiste. « Cela dépend des branches. Dans l'industrie pharmaceutique ou la chimie fine, par exemple, on utilise des produits de valeur que l'on peut retrouver dans les effluents car ils sont parfois introduits en excès pour les besoins de la réaction. Il peut être intéressant de les récupérer. Pas forcément pour les réutiliser directement, car la réglementation est très stricte en pharmacie comme dans l'agroalimentaire, mais pour les exporter vers des process moins sensibles » explique-t-il.
Certains secteurs travaillent sur leurs effluents depuis longtemps. Pierre Emmanuel Goutorbe, Directeur Business Membrane & Filtration chez Orelis Environnement (groupe Alsys), cite par exemple le cas des industries de l’automobile qui se sont lancées dès le début des années 1990 dans la séparation des solvants aqueux et des pigments pour recycler les bains de peinture avec le concours de fabricants de peinture et d’ingénieristes comme Orelis. « Ces techniques, qui se sont généralisées vers les industries du traitement de surface, sont aujourd’hui matures et continuent à contribuer au développement de l’ultrafiltration en membranes polymères ».
La plupart des intervenants sur le marché estiment cependant que la réutilisation de matières encore présentes dans les effluents industriels n'est pas encore entrée dans les mœurs. Avec toutefois les exceptions classiques que constituent l'industrie agroalimentaire et la récupération des métaux précieux. Des marchés nouveaux émergent toutefois, au gré des grandes évolutions technologiques (électronique et objets nomades, en particulier) et des pressions nouvelles sur certaines ressources comme le lithium, les terres rares, etc. De grands opérateurs ainsi que des sociétés spécialisées dans le traitement des eaux industrielles mais aussi des start-ups créées pour l’occasion élaborent alors des solutions au cas par cas.
Matières organiques : avantage à la méthanisation
Dans l’agroalimentaire, les entreprises utilisent l’eau pour de nombreuses opérations allant de la culture et l’élevage à la commercialisation des produits finis : Irrigation, arrosage, lavage, conditionnement des produits, refroidissement, intégration au produit… etc. « Dans ce secteur, le modèle mélange des eaux usées, traitement et rejet dans l’environnement est largement répandu », souligne Laurent Sohier, CEO de Helio Pur Technologies. Les utilisations industrielles de l’eau génèrent des eaux usées qui contiennent des matières premières et des produits finis de type organique alimentaire, des micro-organismes ainsi que des acides, des bases, des détergents, des désinfectants utilisés pour les lavages du matériel, des réseaux ou des emballages. « En mettant en place une gestion intelligente des flux d’eaux usées, on se rend rapidement compte que plus de la moitié d’entre-elles n’ont pas besoin d’être traitées avant une réutilisation interne ou externe, explique Laurent Sohier. Le reste, s’il est convenablement trié avec une ou plusieurs matières est facilement traité en vue de les récupérer ou de les réutiliser en externe ». Helio Pur Technologies propose donc des solutions basées sur le tri à la source des eaux usées et le zéro rejet qui permettent aux entreprises, de réaliser des économies sur l’eau achetée ou les traitements avant usage, et de récupérer des matières valorisables en interne ou en externe.
Les industries agroalimentaires ont longtemps dirigé leurs effluents chargés en graisses et matières organiques, tels quels ou sous forme de boues provenant d'un traitement biologique aérobie, vers les filières d’épandage. La pratique touche cependant assez vite ses limites : outre les contraintes réglementaires et les réticences des riverains ou des agriculteurs, il est surtout nécessaire de trouver un débouché à proximité de l'usine afin que les coûts du transport de toute cette eau ne deviennent pas prohibitifs. D'où l'émergence de deux filières permettant de mieux valoriser les boues : la méthanisation et le compostage. « Il faut dès le départ se poser la question de la destination des boues, car méthanisation, épandage ou compostage ne demandent pas la même chose en termes de siccité. C'est la destination qui définit le procédé de traitement à mettre en place » explique Jean-Christophe Orain, chargé d'affaires “industrie” et spécialiste du traitement chez Atlantique Industrie. Parvenir à la siccité exigée peut parfois demander des presses, décanteurs lamellaires ou autres systèmes de déshydratation des boues… que fournit précisément cette société.
La méthanisation - ou digestion anaérobie - des effluents organiques permet de produire du biogaz, un mélange de méthane, dioxyde de carbone et d'impuretés comme du sulfure d'hydrogène (H2S). Produit sur place, il est utilisé pour générer de l'énergie réinjectée dans le procédé, ou dans le système d'épuration lui-même. À côté de spécialistes de la méthanisation tels que Naskeo, Enprotech, Waterleau ou CMI Proserpol, d'autres spécialistes du traitement des effluents industriels comme FBI Biome, Exonia, Corelec, Ovive, Serep, TIA, Hytec Industrie ou Afig’eo sélectionnent et assemblent pour cela des matériels (digesteurs, etc.) de méthanisation fabriquées par des spécialistes, afin de les intégrer à leurs solutions globales de traitement des effluents. « Nous avons par exemple installé un digesteur chez Danone, dans leur usine russe de Tchekhov, près de Moscou. La méthanisation de leur boue physico-chimique produit du biogaz pour la chaudière d'eau chaude de la station d’épuration : cela réduit le coût du traitement des déchets », explique Antoine Lemaire. CMI Proserpol a appliqué le même principe dans une distillerie de canne à sucre, où la méthanisation de la vinasse permet d'alimenter la chaudière vapeur de l'usine elle-même. Aux abattoirs Gad, désormais fermés, le méthaniseur installé par CMI acceptait tous les déchets : boues aérobies comme refus de tamisage.
Waterleau, qui développe des technologies circulaires permettant de réutiliser les eaux traitées et l’énergie produite dans les processus industriels, accompagne ses clients industriels de l’agroalimentaire dans la valorisation à la fois des déchets et des effluents. « Dans certains secteurs comme celui de la pomme de terre, nous mettons en œuvre les deux applications sur un même site, explique Grégoire Decamps, responsable commercial France. Par exemple, en Belgique, chez un industriel de la frite, nous avons fourni, notre digesteur Biotim® Voie Humide pour les sous-produits solides (pelures, écarts de triage, boues) et un méthaniseur Biotim® UASB pour les effluents. Ainsi, l’ensemble des pertes de matière organique est valorisé en biogaz, ensuite brûlé dans des moteurs pour les besoins frigorifiques du site industriel ». Pour les eaux usées industrielles fortement chargées en matière organique, la méthanisation a la double fonction d’épuration, avec un pré-traitement efficace et peu gourmand en énergie de la DCO, et de production d’énergie directement valorisable chez l’industriel. « Nous avons par exemple construit 5 méthaniseurs en France chez des industriels du secteur sucrier, où le biogaz est valorisé en chaudière dans l’usine », souligne Grégoire Decamps.
Veolia intervient également sur ce marché, via sa filiale dédiée Biothane Anaerobic Technologies. Outre des industriels de l'agroalimentaire, en particulier des sucreries et laiteries, la société traite des effluents d'usines de pâte à papier, très chargés en fibres. « Nous avons construit une unité de méthanisation à Kenitra, au Maroc, pour International Papers », cite par exemple Sylvain Hermon.
Sede exploite à Graincourt-les-Havrincourt (62) une unité de méthanisation conçue par Veolia qui fonctionne en cogénération. Le biogaz produit est transformé en chaleur et réutilisé dans le process, et l’électricité est revendue à EDF.
Suez n'est pas en reste : via Degrémont, le groupe a par exemple intégré une étape de méthanisation dans sa chaîne de traitement des effluents de la cartonnerie de Vernon (Saint Marcel, Eure) appartenant à Smurfit Kappa.
Depuis un arrêté de 2011, une autre possibilité de valorisation s'est ouverte : injecter le biométhane dans le réseau de gaz de ville. Cela suppose évidemment une épuration (pour éliminer l’H2S et autres impuretés) et une séparation du méthane et du dioxyde de carbone, valorisés séparément.
« Lorsque le réseau gazier est suffisamment proche, et pour des débits en biogaz supérieurs à 200 m³/h, nos clients préfèrent de plus en plus l’injection de biométhane dans le réseau du fait du tarif de rachat incitatif, plutôt que la combustion du biogaz en chaudière sur site, explique Grégoire Decamps chez Waterleau. Aussi, le CO2 séparé peut intéresser les industriels pour des applications alimentaires, notamment si la matière organique entrante est d’origine végétale. Nous avons par exemple fourni notre processus de méthanisation Biotim® Voie Humide au groupe Cooperl à Lamballe, pour la valorisation des coproduits de son industrie des viandes et ses éleveurs adhérents. Le biométhane sera injecté dans le réseau de gaz naturel et le digestat sera hygiénisé puis utilisé en tant qu’engrais naturel ».
Ce type de valorisation est donc le fait de sites spécialisés… qui importent des effluents ou des boues de traitement de l'industrie agro-alimentaire, entre autres. « La filière de la méthanisation se développe et a besoin d'intrants. Résultat : les sous-produits du traitement des effluents de l'industrie agroalimentaire deviennent recherchés », explique Jean-François Gautreau chez Atlantique Industrie. « Beaucoup d'industriels de l'agroalimentaire s'associent à de gros sites de méthanisation, de manière à se débarrasser à moindre coût de leurs déchets », confirme Jean-Christophe Orain. Pour l'instant, les industriels donnent en effet leurs déchets, trouvant là un moyen de gérer le problème sans bourse délier. Certains observateurs soulignent néanmoins une tendance nouvelle : faire payer ces déchets, ce que seuls les gros sites de méthanisation peuvent supporter. Quant aux sites de compostage, dont le produit a une valeur moindre, ils se trouveraient, de ce fait, exclus du jeu.
Le compostage reste néanmoins un débouché important. « La filière compostage reste malgré tout intéressante dans bon nombre de situations, par exemple lorsqu’il n’y a pas d’unité de méthanisation à proximité ou lorsqu’il faut traiter des déchets faiblement méthanogènes », souligne ainsi Christophe Dedieu, directeur commercial chez Biovitis, société spécialisée dans la production de microorganismes spécifiques (bactéries, champignons filamenteux, levures) destinés à bioaugmenter les milieux à traiter pour les rendre valorisables. Biovitis utilise cette technologie pour le compostage accéléré de la matière organique (fumier notamment) dans les pays du contour méditerranéen où la demande en matière humique est importante.
L'ammoniac sous toutes ses formes
Autre manière de valoriser ces digestats, de même d'ailleurs que les lixiviats de décharge ou tout effluent d'industrie chimique contenant des produits ammoniaqués : la récupération de l'ion ammonium (forme chimique l'ammoniac dissout dans l'eau). Cela se fait par “stripping”, c'est-à-dire extraction par un gaz, en général l'air pour ce genre d'applications, de l'ammoniac dissous dans l'effluent. L'ammonium est ensuite récupéré, sous forme de sulfate, par ajout d'acide sulfurique dans l'air chargé. On obtient ainsi une solution riche en sulfate d'ammonium, que des formulateurs d'engrais peuvent réutiliser. Degrémont, pour Suez, propose ce type de solution, de même que des sociétés spécialisées comme Exonia qui s’en est fait une spécialité ou encore France Evaporation (Noyelles-les-Seclins, Nord). CMI Europe Environnement vient pour sa part d'emporter un important marché pour réaliser pour une installation de stripping sur un site de compostage/biométhanisation à Montréal (Canada). Exonia, société basée à Avelin (Nord), exploite une technologie d'évaporation des effluents. La firme a récemment mis au point un procédé de récupération de l’ammoniac contenu dans des lixiviats ou des effluents de méthanisation. L'ammoniac est raffiné puis mélangé avec un acide fort pour former un sel - nitrate d’ammonium ou sulfate d’ammonium - directement valorisable. Ce procédé, réalisé en collaboration avec une société du nord de l’Europe, permet de proposer un produit fini directement utilisable à une concentration de 50 à 53 %.
Il est également possible de récupérer l'ammonium sous forme de struvite, un précipité minéral qui se forme spontanément lorsque de l'ammoniac, des phosphates et du magnésium sont présents (en quantités comparables) dans le même liquide. Or les deux premiers sont très fréquents dans les effluents de digestion anaérobie. OTV (Veolia) met en œuvre un tel procédé via sa technologie Struvia. « La struvite est valorisable en tant que fertilisant. Nous avons installé des procédés Struvia, en particulier au Danemark, souvent avec un apport d'oxyde de magnésium ou de chlorure de magnésium pour équilibrer la composition », précise Sylvain Hermon. La société canadienne Ostara (Vancouver) propose également son procédé Pearl® à base de struvite.
« Pour les effluents très chargés en phosphore, le procédé struvite permet des économies conséquentes en termes de coûts d’exploitation, assure de son côté Grégoire Decamps chez Waterleau. Notamment par rapport à un procédé classique avec ajout de chlorure ferrique par exemple, avec des économies en réactifs chimiques, mais également en coûts d’épandage des boues, remplacés par le revenu de la vente de la struvite en tant que matière première à des industriels de l’engrais ! La struvite, considérée à ce jour comme un déchet, ne peut en effet être commercialisée en tant que produit fini sans une autorisation de mise sur le marché délivrée par l’ANSES. Nous attendons une nouvelle réglementation au niveau européen qui devrait favoriser la valorisation de la struvite et sa revente à un niveau intracommunautaire ». Pour que le procédé Struvite soit efficace dans l’abattement du phosphore, ce dernier doit être minéralisé sous forme d’orthophosphate. « Un pré-traitement par méthanisation peut par exemple le permettre, indique Grégoire Decamps. Avant de fournir le processus industriel, nous proposons en général des tests pilotes en laboratoire, cruciaux pour déterminer finement les concentrations en orthophosphates, déterminer les bons dosages en azote et en magnésium, et anticiper les rendements de production de struvite associés ».
Vivlo, une PME de traitement des eaux industrielles basée à Saint Savin (Isère), utilise une toute autre technologie pour traiter les effluents : l'évaporation à basse température (moins de 40 °C) sous vide relatif (- 950 mbars). De cette manière, la matière organique n'est pas “cuite”, ce qui évite toute dénaturation. Le procédé peut s'appliquer à la récupération d'ammonium. « L'exploitant d'un centre de compostage à Mondragon, dans le Vaucluse, utilise un laveur de gaz récupérant l'ammonium dégazé par le compostage. Pour extraire ce qui reste dans ses eaux de pied de lavage, nous les évaporons sous vide, jusqu'à atteindre une concentration de sulfate d'ammonium suffisante pour utiliser la solution comme engrais. Les agriculteurs autour du site viennent le chercher, alors qu'avant c'était un déchet qui partait en destruction », explique Julien Brochier, directeur commercial de Vivlo.
Veolia récupère également du sulfate d'ammonium par stripping classique. « Le sulfate d'ammonium est certes valorisable, mais moins intéressant que l'eau ammoniacale, qui est une base faible très utilisée dans diverses branches industrielles », tient cependant à préciser Sylvain Hermon. C'est d'ailleurs sous cette forme qu'était exploité l'ammonium contenu dans les lixiviats de la décharge de Candles, en Angleterre, aujourd'hui fermée. « L'installation, réalisée par nos collègues anglais, utilisait la chaleur de la décharge elle-même comme source d'énergie », ajoute-t-il.
Récupération des métaux (et autres ions)
Dans une usine de raffinage de Nickel, CMI Proserpol a réalisé une installation permettant de valoriser le nickel résiduel dans les effluents. « Il reste du nickel dans ces effluents. Nous l'insolubilisons en ajoutant de la soude, ce qui fait monter le pH jusqu'au point de précipitation du nickel. Nous ajoutons alors un floculant et laissons décanter. Les boues de décantation, riches en nickel, sont renvoyées en tête du process industriel » explique Antoine Lemaire. Il faut parfois ajuster le procédé à la composition des mattes : un changement récent d'origine a ainsi obligé CMI à s'adapter à un effluent “pollué” par du magnésium. « Depuis l'été 2017, nous procédons en deux étapes : d'abord une insolubilisation du nickel, mais à un pH un peu plus faible, de manière à ne pas précipiter le magnésium en même temps. Les boues, un peu moins concentrées qu'avant mais contenant toujours du nickel, repartent dans le process. Le magnésium (et le reste du nickel) est ensuite précipité pour des raisons environnementales mais les boues sont éliminées ».
Les fabricants de films sensibles pour photographies ou radiographies déposent des sels d'argent (souvent des nitrates) sur leurs supports. Pas question évidemment de laisser ce métal précieux partir dans la nature. Vivlo utilise sa technologie d'évaporation sous vide pour ce type d'application également. « Rhône Alpes Argent, un industriel spécialisé dans le recyclage des films radio et photographiques, génère des effluents qui contiennent encore quelques mg/l d'argent. Nous les concentrons sous vide pour récupérer ensuite l'argent par électrolyse. Résultat : la totalité de l'argent initial est récupérée », souligne Julien Brochier.
De son côté, MPC, spécialiste de l’ensemble de la chaîne des bains de traitement de surface et du traitement des eaux et effluents par UV, propose des récupérateurs de métaux appelés Electrum®, notamment utilisés sur les rinçages des lignes de dépôts de métaux précieux (or et argent notamment) avec un procédé innovant spécifique à la récupération du Palladium métal dans des solutions ioniques ou colloïdales. « Cet équipement de récupération électrolytique des métaux contenus dans des solutions concentrées ou diluées permet à nos clients de faire des économies substantielles sur la récupération de ce métal onéreux », explique Stéphane Ménard, Directeur général chez MPC.
Pour les métaux de moindre valeur, le jeu n'en vaut pas toujours la chandelle. CMI Proserpol a ainsi étudié une filière de valorisation des boues d'hydroxyde de zinc pour le compte d'un atelier de traitement de surface. « L’usine a été construite mais l’équilibre économique n’a finalement pas pu être trouvé », se souvient Antoine Lemaire.
Pierre Emmanuel Goutorbe, Directeur Business Membrane & Filtration chez Orelis Environnement (groupe Alsys), signale également une tendance nette à la récupération des huiles dans les secteurs de la métallurgie, de l’aéronautique ou encore de la mécanique. « L’ultrafiltration et plus particulièrement les systèmes à base de membranes céramiques restent intéressants dès lors qu’il s’agit de séparer les phases eau/huile ou purifier l’huile. Ils permettent de séparer les tensio-actifs pour les réutiliser et d’augmenter la durée de vie des bains de rinçage. La purification et la réutilisation de certaines huiles, très techniques, permet de supprimer les coûts associés à leur destruction tout en réalisant d’importantes économies de produits chimiques ». Les développements s’étendent désormais vers des solutions membranaires à base de céramiques avancées pour les industries du pétrole et du gaz, en particulier les raffineries. Mais les industries de la cosmétique et de l’hygiène sont également concernées. Waterleau a par exemple mis au point une technologie membranaire en céramique, permettant de recycler de la matière première en tête de process. « Par exemple, sur un site de production de shampoing, le rétentat concentré issu de nos membranes est récupéré dans la production du shampoing », explique Grégoire Decamps. Pour le compte du même industriel, Waterleau a également mis en place sa technologie circulaire Boomerang®, avec un procédé d’ultrafiltration suivi d’une osmose inverse, permettant de réutiliser plus de 90 % des effluents traités en eau de process dans la production.
Lithium : une approche originale
Un tout nouveau marché émerge, celui de la récupération des sels de valeur, en particulier les iodures et les sels de lithium. Avec le développement des batteries et piles, la valeur du lithium en effet a fortement augmenté ces dernières années. Adionics (Paris), une start-up créée en 2012, a développé une approche totalement originale. « Nous ne concentrons pas les effluents dans leur ensemble mais en extrayons les sels d’intérêt que nous concentrons ensuite. Les effluents partent en traitement classique », explique Patrick Peters. L'avantage du procédé ? « En une seule opération, nous extrayons spécifiquement le sel qui nous intéresse et créons une saumure “propre”, revalorisable. Cela permet une nouvelle économie circulaire, peu envisageable avec les techniques classiques qui demandent parfois deux ou trois opérations, au détriment du rapport technico-économique », souligne le PDG.
L'opération repose sur un liquide organique non aqueux, appelé Fionex® composé de molécules extractantes, elles aussi originales. Chacune d'elles est spécifique d'un ion (par exemple les ions sodium (Na+) et chlore (Cl-) du sel de mer). Le principe : les molécules extractantes sont ajoutées à froid à l'effluent. Elles se fixent sélectivement sur leurs ions cibles, ce qui rend ces derniers hydrophobes. Ils passent donc de l'eau de l'effluent à la phase organique (le Fionex®) où ils sont ensuite récupérés à chaud. Un échangeur de chaleur entre les deux circuits limite la consommation énergétique du procédé. Selon la combinaison de Fionex et de molécules extractantes, la firme propose les procédés AquaOmnes, SmartEx ou SelectEx, permettant respectivement de dessaler l'eau de mer (par exemple) pour la potabiliser, d'adoucir de l'eau pour un process industriel… ou d'extraire sélectivement un ion de choix. La société vise en particulier le lithium (présent sous forme de sels de lithium dans les effluents de recyclage de batteries) et l'iode. Un premier pilote a été réalisé à Masdar (Abu Dhabi) avec Suez, un prototype industriel démarrera cet été à Martigues (Bouches-du-Rhône).
Traitement de l'effluent ou process industriel ?
La frontière entre traitement des effluents et process lui-même peut devenir floue. En particulier quand l'industriel se consacre au recyclage des déchets des autres… Il est impossible, par exemple, de passer sous silence le fait qu'il existe, dans l'industrie du cuivre et des métaux précieux, une filière bien établie de récupération par des affineurs spécialisés. Ces derniers reçoivent de l'industriel une boue (obtenue par précipitation ou extraction liquide-liquide) provenant du traitement des effluents. L'affineur est chargé de récupérer les métaux et de les renvoyer à l'industriel. « L'échange, très formalisé, fait l'objet de contrats précis entre industriel et affineur sur le poids de métaux à retourner. Ce qui implique que nous, qui sommes chargés de l'épuration chez l'industriel, donc de la production des boues, mettions en place des techniques de pesée précises », explique ainsi Sylvain Hermon. Le recyclage ultérieur impacte donc le mode de traitement…
Par ailleurs, certains industriels se sont diversifiés, voire spécialisés, dans le traitement des déchets solides : batteries, piles, appareils électroniques. Après broyage et séparation des éléments peu intéressants (plastiques, métaux ordinaires), ils dissolvent à l'acide les métaux de valeur et les récupèrent sélectivement. S'agit-il alors de récupération dans un effluent ou de procédé industriel per se ? Difficile à dire. Quoi qu'il en soit, plusieurs sociétés du groupe Veolia interviennent sur ce créneau : Sarp Industries (Sarpi), Batrec (battery recycling, Suisse) ou Euro Dieuze Industries (Moselle).