La négociation menée par le groupe français en vue de la cession de son pôle « City » offre l’occasion, en ce début d’année 2025, d’explorer la dimension stratégique, économique, mais aussi sociale et environnementale de cette évolution en cours. Plus largement, il s’agit ici du repositionnement du groupe, qui entend renforcer encore sa présence sur le marché des solutions IoT industrielles et des équipements électroniques pour les applications critiques. Dans ce contexte, Frederic Rode, Directeur Général BU Sofrel de Lacroix, détaille pour L’Eau, L’Industrie, Les Nuisances les nouvelles ambitions et perspectives du groupe.
L’Eau, L’Industrie, Les Nuisances : Le recentrage de Lacroix sur ses pôles « Électronique » et « Environnement » reflète-t-il une réponse aux tendances du marché ou une vision à long terme ?
F.R : Lacroix évolue sur des marchés en transformation rapide portés par des évolutions technologiques majeures (l’IA, la cybersécurité…), ainsi que la mise en place de nouveaux business models tournés vers plus de solutions et de services. Ces évolutions renforcent les enjeux de taille critique et la nécessité de concentrer les efforts du groupe sur ses métiers à plus fort potentiel en France comme à l'international.
C’est pour y répondre que Lacroix a recentré ses activités. Le groupe vise ainsi à atteindre son objectif de devenir leader sur les solutions IoT industrielles et équipements électroniques pour des applications critiques. Ce recentrage servira également les ambitions du groupe en matière de développement des activités à impact environnemental positif.
Rappelons que le segment Éclairage Public, auparavant intégré au sein de l’activité « City », a été intégré dans l’activité « Environnement ». Cette dernière regroupe ainsi quatre segments, Eau, HVAC (réseaux de chaleur), Smart Grids (réseaux électriques) et désormais Éclairage Public, tous adossés à des offres très compétitives affichant de solides perspectives de développement à la fois en France et à l'international.
Ces quatre segments offrent une grande cohérence à la fois sur un plan commercial et opérationnel, présentant notamment le plus de synergies R&D entre les programmes plateformes ainsi que les produits et solutions de Lacroix. Enfin, en totale cohérence avec la stratégie RSE du groupe, les équipements et services de l’activité « Environnement » sont ceux générant le plus d'impact positif, avec des bénéfices environnementaux à la fois quantifiables et monétisables auprès des clients de Lacroix.
L’Eau, L’Industrie, Les Nuisances : Le pôle « Environnement » semble aujourd’hui au cœur de votre stratégie. Quelle place occupe le domaine de l’eau dans cette vision globale ?
F.R : Lacroix, au travers de son activité « Environnement » et avec les produits de marque SOFREL, est leader de la télégestion des réseaux d’eau en France depuis de nombreuses années. Avec une présence également historique en Espagne et en Italie via nos filiales et dans plus de 40 pays via un réseau de Channel Partners certifiés Lacroix, la stratégie de développement sur le marché de l’eau est également un enjeu international. Le problème des pénuries d’eau étant mondial les solutions Lacroix sont fondamentales pour aider les exploitants de réseaux d’eau à préserver la ressource hydraulique, réduire les fuites mais aussi contrôler les rejets d’eaux usées dans l’environnement.
L’Eau, L’Industrie, Les Nuisances : Comment vos technologies actuelles permettent-elles de surveiller et d’optimiser en temps réel la consommation et la qualité de l’eau ?
F.R : Les équipements connectées (IIOT) Lacroix permettent de mesurer et contrôler en permanence les paramètres quantitatifs (niveaux, pressions, débits…) et qualitatifs (Ph, conductivité, taux de chlore résiduel…) des réseaux d’eaux potables et usées. Par l’analyse des débits moyens nocturnes les data loggers SOFREL installés dans les regards de sectorisation des réseaux de distribution d’eau permettent d’identifier très rapidement les secteurs dits « fuyards » et de déclencher la recherche et la réparation de fuites. Grâce aux capteurs de mesure de qualité d’eau raccordés sur les équipements SOFREL (Data loggers et postes locaux de télégestion), il est possible de réaliser un monitoring permanent de la qualité des eaux et d’être alerté dès la moindre dérive.
L’Eau, L’Industrie, Les Nuisances : Comment Lacroix intègre-t-il les enjeux de cybersécurité dans ses solutions pour les infrastructures critiques, notamment dans le domaine de l’eau ?
F.R : Lacroix a été précurseur en matière de cybersécurité pour la télégestion des réseaux d’eaux. En effet, dès 2020 la gamme de postes locaux Sofrel S4W a été lancée en intégrant nativement les fonctions de cybersécurité dans ses logiciels. Afin de faciliter le déploiement et la mise à jour des fonctions de cybersécurité, Lacroix a également développé la plateforme de centralisation LX CONNECT permettant de garantir la mise à jour permanente des paramètres et algorithmes sur l’ensemble d’un parc d’équipements connectés Lacroix.
Chacune des nouvelles solutions Lacroix intègre une protection cyber à plusieurs niveaux :
Une politique « Security-by-design » de Lacroix qui garantit le contrôle et le maintien des conditions de sécurité sur l’ensemble des maillons de la chaîne de communication. Cela assure une double vérification à la fois au niveau de la cohérence globale et au niveau de chacun des produits constituant la solution.
Nous protégeons également le logiciel et les données embarquées dans chacun des équipements Lacroix, via des mécanismes dédiés au niveau matériel et logiciel.
Nous garantissons les mesures de protections sur la durée grâce à un suivi des vulnérabilités, qui nous permettent de déployer des mises à jour régulières et ciblées tout au long du cycle de vie de nos produits.
Nous utilisons des standards de cybersécurité internationaux et reconnus pour assurer la protection la plus adéquate pour nos produits.
L’Eau, L’Industrie, Les Nuisances : Vos technologies sont-elles accessibles aux petites collectivités rurales, souvent limitées en ressources, ou ciblent-elles principalement les grandes infrastructures ?
F.R : Une des forces principales des produits SOFREL réside dans des solutions dédiées au métier de l’eau pour des utilisateurs ne nécessitant pas de compétences en programmation, automatisme, ou télécommunications. Cette simplicité d’installation et de paramétrage des équipements Lacroix a permis de les rendre parfaitement accessibles aux petites collectivités comme aux grands exploitants. La modularité des produits permet également de les faire évoluer facilement au fil du temps en commençant par les fonctions essentielles (téléalarme et télésurveillance) pouvant évoluer progressivement vers des fonctionnalités plus puissantes (télégestion, télérégulation, automatismes…).
Afin d’être toujours au plus proche des besoins du terrain, Lacroix collabore régulièrement sur des projets innovants avec des collectivités locales, des exploitants et des industriels. Cela amène à réaliser des co-développements et à veiller à ce que toutes les solutions soient testées en vraie grandeur avant d’être commercialisées.
L’Eau, L’Industrie, Les Nuisances : Quelles innovations sont prévues dans les années à venir pour renforcer la résilience des réseaux d’eau face aux changements climatiques ?
F.R : Nos solutions ont vocation à toujours mieux analyser le fonctionnement des réseaux afin de réduire les fuites, améliorer les rendements, anticiper les pannes, réduire les consommations énergétiques et les déplacements. En intégrant l’IA à nos solutions, nous allons pouvoir aller encore plus loin dans l’analyse prédictive et l’amélioration de la performance des réseaux. Dans un monde où l’eau devient toujours plus précieuse, nos solutions visent à préserver la ressource et optimiser les consommations.
L’Eau, L’Industrie, Les Nuisances : Comment le groupe prévoit-il de se positionner sur les marchés internationaux pour ses pôles restants, en particulier face à la concurrence ?
Lacroix a bénéficié, depuis 2020, de la mise en place d’une stratégie offensive à l’international qui permet d’exporter les solutions IIOT Lacroix dans une trentaine de pays. Elle s’appuie sur le déploiement du programme « Channel Partner Program » basé sur la sélection, la qualification, et le pilotage d’un réseau de plus de 50 partenaires implantés en Europe, au Moyen Orient, en Afrique, en Amérique du Sud, et dans la zone Asean (Asie du Sud-Est).
L’Eau, L’Industrie, Les Nuisances : Comment le groupe s’assure-t-il que sa stratégie contribue positivement aux objectifs de durabilité environnementale et sociétale ?
F.R : Nous avons mis l’impact au cœur de notre stratégie d’entreprise, autour d’une conviction : la technologie doit être utile et écoconçue.
Nous mobilisons des quantités très importantes de matière (circuits imprimés, composants électroniques, métal, plastique…) et d’énergie pour fabriquer et faire fonctionner nos produits. Nous avons donc le devoir non seulement de minimiser leur empreinte, mais surtout de maximiser leur impact grâce à une démarche d'éco-conception.
Nous nous assurons de la contribution positive de nos activités en particulier grâce à deux outils :
Pour notre activité « Électronique », nous avons créé un outil, l’« Impact Score », qui nous permet d’évaluer l’utilité des produits finaux dans lesquels nos cartes se retrouveront. À titre d’exemple, la fabrication d'une carte électronique pour une pompe à chaleur ou un lit médical est utile, et sera donc classée vert chez nous. En revanche, une carte pour un fauteuil massant ou une console de jeux sera classée gris. Nous avons pris l’engagement public de porter la part de produits à impact (verts) dans notre CA de 61% en 2022 à 80% en 2030.
Pour notre activité « Environnement », c’est différent : nous savons que nos produits sont utiles (détection de fuites d’eau, baisse de la consommation d’électricité de l’éclairage…) mais nous avions besoin de le prouver. Nous avons donc développé un second outil, dit de « quantification des bénéfices », basé sur la méthode Empreinte Projet de l’ADEME, pour quantifier les bénéfices environnementaux (émissions de GES évitées, énergie et eau économisées…) de nos produits.