Grâce à la professionnalisation de la recherche de fuites, à des financements publics et à une offre élargie de technologies, les collectivités locales et les exploitants ont réussi à améliorer le rendement de leurs réseaux aux alentours de 80%, avec toutefois de fortes disparités. Au-delà de l’intelligence artificielle (IA) et des outils pour la recherche des fuites, le prochain défi portera sur la donnée pour élever encore plus les rendements.
La gestion de l’eau potable, en particulier les pertes liées aux fuites au niveau des réseaux, fait régulièrement l’actualité. Ce fut encore le cas récemment, l’avant-veille de la Journée mondiale de l’eau, qui se déroule le 22 mars, avec la publication d’une carte des «points noirs» en termes de fuites par Intercommunalités de France, qui montre de fortes disparités entre des grands réseaux atteignant, voire dépassant, 90% et des réseaux de services d’eau (au nombre de 198 en 20241 ) étant fuyards à plus de 50%. «La longueur totale de l’ensemble des réseaux d’eau potable en France est estimée à 996000 km avec des conduites vieillissantes. Les collectivités locales investissent dans la recherche de fuites, mais la situation est toujours sensible en raison de l’énorme linéaire de réseau à inspecter. Le Plan Eau, mis en place par le gouvernement, et les investissements des collectivités tendent à réduire les fuites – le taux de rendement moyen national est estimé à 81,5%. La grande majorité des citoyens français font des efforts pour consommer l’eau de manière raisonnée, mais le volume d’eau perdu lors du transport reste colossal», rappelle Gaël Fraboulet, ingénieur technico-commercial chez Xylem France, qui compte parmi les entreprises porteuses de nombreuses solutions IA aujourd’hui disponibles sur le marché.
Dans ce secteur où les nouvelles technologies viennent à la fois rebattre les cartes et améliorer les outils, plusieurs spécialistes de la télégestion, des réseaux intelligents, etc. qu’ils soient «historiques» ou plus récents, impulsent la dynamique actuelle autour des fuites. A l’instar de Birdz, filiale de Veolia spécialisée dans les solutions IoT environnementales, Sewerin, ou encore Unabiz, HydrauSoft, Hydreka, Fast, Gutermann, Itron, et Von Roll Hydro. Mais les chiffres disponibles s’appuient encore sur des données déclaratives - ceux communiqués par Intercommunalités de France ne prennent pas en compte les petites communes, par exemple - et ne reflètent pas, à leur juste valeur, les efforts menés depuis plusieurs années par un nombre croissant d’acteurs pour améliorer les rendements des réseaux d’eau potable. Hubert Claeyssens, ingénieur des ventes Solutions digitales chez Grundfos, confirme qu’ « il est difficile d’estimer précisément les volumes de fuites, qui semblent être relativement stables ces dernières années. A plusieurs reprises lors de la mise en place de notre solution d’hypervision, l’analyse de la sectorisation en place et notre expérience en hydraulique ont fait ressortir des écarts de plusieurs points en deçà des chiffres de rendements annoncés. »
Les données de sectorisation ne remontent pas systématiquement, les zones ne sont pas toujours bien localisées, et, parfois même, des valeurs nulles voire négatives venaient fausser les résultats. «Il faut bien faire la distinction entre les pertes réelles et les pertes apparentes. Les premières, qui proviennent de fuites présentes sur les conduites du réseau de distribution, représentent aujourd’hui deux tiers des pertes en eau, selon l’International Water Association (IWA). À cela s’ajoutent les pertes apparentes qui sont liées à des défauts de comptage, à un mauvais dimensionnement des compteurs ou bien à des consommations nonautorisées ou patrimoniales. Il nous faut donc travailler sur ces deux axes pour pouvoir financer les pertes physiques», explique Charles-Alexandre Concedieu, directeur commercial des solutions Eau chez Itron.
Pour Benoît Planel, directeur commercial chez vonRoll hydro France, «il faut
relativiser la valeur de rendement et plutôt privilégier l’indice de perte linéaire,
parce que le rendement a plus d’importance dans les villes que dans les campagnes.» Le rendement correspond
au volume d’eau distribué divisé par le
volume d’eau consommé. En campagne,
sur un réseau de 1000 km, par exemple,
on distribue beaucoup moins d’eau qu’en
ville. L’impact d’une fuite est donc beaucoup plus important sur le rendement.
L’indice de perte linéaire, lui, permet
de se soustraire de la typologie ville/
campagne.
UNE PRISE DE CONSCIENCE ANCIENNE
Si le grand public n’a réellement entendu parler des fuites des réseaux d’eau potable que depuis quelques années, les acteurs ont pris conscience de cet enjeu lié à la préservation de la ressource depuis bien plus longtemps. «Dans la plupart des régions du monde, les services publics d’eau ont été confrontés à des pertes chroniques d’eau au cours des dernières décennies. Globalement, environ un tiers de l’eau traitée injectée dans les réseaux est perdue avant d’atteindre les clients. La population mondiale est en augmentation et, avec cela, la demande en eau, alors que nous faisons face à des sécheresses de plus en plus sévères. Les pertes généralisées dues aux fuites ne sont plus acceptables aux yeux du public et des régulateurs», affirme Ali Katraoui, directeur commercial d'Ovarro France. «Il y a une réelle prise de conscience à tous les échelons. D’abord à l’échelon politique car la gravité de la situation le nécessitait. Puis à l’échelon des gestionnaires et concessionnaires de réseaux qui ont passé la vitesse supérieure en matière de professionnalisation et ont tous compris la nécessité d’actionner tous les leviers qui permettant de lutter contre les pertes en eau (connaissance, surveillance, gestion du patrimoine, charte qualité…). La recherche de fuites n’est qu’un de ces leviers», constate Ivan Vaufreydaz Cosculluela, directeur de l’activité Hydraulique urbaine d’Ax’eau et membre de l’Astee et de l’AITF.
Maxime Hodemon, responsable Projets chez vonRoll hydro France, précise que «ce sont surtout des décisions politiques qui ont fait que les acteurs ont porté une attention plus importante qu’auparavant sur la recherche des fuites. Les étés devenant de plus en plus chauds, la peur de manquer d’eau est de plus en plus prégnante.» Ces choix politiques se sont traduits par l’obligation, pour les collectivités locales, qui ont été accompagnées avec des subventions publiques, de mettre en place des schémas directeurs. Cela a permis également aux collectivités de disposer d’une visualisation de leur patrimoine et de procéder à des renouvellements et à la recherche de fuites, en s’équipant de pré-localisateurs parfois.
UN TRÈS LARGE ÉVENTAIL DE TECHNOLOGIES
En ce qui concerne l’offre pour la recherche de fuites, les collectivités locales et les exploitants ont aujourd’hui à leur disposition un large éventail de technologies et de solutions. «On trouve ainsi la détection acoustique, le gaz traceur, la brigade canine, etc. Mais la recherche de fuites par acoustique reste la solution la plus éprouvée et performante pour constater une anomalie sur le terrain. La mise en œuvre de telles solutions est étudiée au cas par cas, suivant les possibilités d’accès à la conduite, la typologie du réseau, le linéaire à inspecter, le diamètre et la profondeur. Nous procédons systématiquement à une étude de faisabilité pour préconiser les conditions de mise en œuvre», indique Gaël Fraboulet (Xylem).
Dans le domaine de l’analyse acoustique, «des études sont en cours autour de la différenciation du bruit de fuite permettant aux opérateurs de comprendre quels bruits captés par les enregistreurs acoustiques sont les plus susceptibles d’être des fuites importantes. Notre système LeakHub a déjà été mis à jour pour filtrer les bruits d’interférence électrique générés et d’autres bruits artificiels tels que les vannes de réduction de pression, les compteurs d’eau mécaniques et les unités de climatisation», explique Ali Katraoui (Ovarro).
«Lorsque la recherche acoustique ne donne pas de résultat pour différentes raisons, nous pouvons suppléer cette méthode avec du gaz traceur, même sur un linéaire de plusieurs kilomètres. Cette méthode est plus complexe à mettre en œuvre et nécessite une très bonne maîtrise des conditions d’utilisation mais a l’avantage d’être précise et fiable» souligne Pierre Mellac, gérant de l’entreprise Ingrid. «Nous disposons de tous les outils relatifs au métier de la détection des fuites : ceux permettant de réaliser un diagnostic précis du réseau pour cibler les zones prioritaires à inspecter (enregistreurs de pression, débitmètres portatifs, sondes de niveau, traceurs de canalisation…), et ceux permettant de finaliser notre diagnostic en localisant précisément les fuites au sol (appareils électroacoustique, corrélateurs acoustiques, hydrophones, capteurs de bruit, appareil d’injection et de détection de gaz traceur, sondes multiparamètres à insérer dans les canalisations de transport…)», ajoute Thibault Baccherini, directeur technique de l’activité Hydraulique urbaine d’Ax’eau et membre de l’Astee. Sewerin propose pour sa part un nouveau logger de bruit à poste fixe, le SePem 351. Communiquant avec le protocole radio LoRa Wan, il consomme très peu d’énergie, ce qui garantit une autonomie de 10 ans sans maintenance. Ce système a été choisi par Eau de Paris qui a installé plus de 3300 appareils sur son réseau, ce qui permet de réduire la durée des fuites et donc les volumes perdus. Hydreka (groupe Halma) s’appuie sur le fabricant HWM Global pour proposer des appareils combinant prélocalisation et corrélation.
En France, la gamme Permanet est surtout déployée en zones rurales. La ville de Trévoux (Ain) a ainsi déployé 20 PermaNet F avec des cartes SIM en itinérance et des capteurs audio à antenne Magpot sur des endroits cruciaux de son réseau de distribution. Dès les premiers jours, 7 sites fuyards ont été détectés. Leur réparation a permis à la ville de réduire le débit de 40 m3 /h à 32 m3 /h, donc d’économiser 192 m3 d’eau par jour. Pour autant, la technologie ne vise pas exclusivement les zones rurales. A Londres, Affinity Water utilise cet outil pour son réseau alimentant 3,5 millions de personnes. Depuis 2019, les pré-localisateurs corrélant Permanet SU sont également déployés à Sydney. Pour l’approche finale, le producteur et distributeur d’équipements SaintLizaigne (groupe Claire) met en avant le PipeMic de FAST, un appareil portable de localisation acoustique qui fonctionne sur tout type de canalisation (métal, PE ou PVC). Sa sonde, d’un diamètre de 12 mm, s’insère directement dans le réseau par un point d’accès existant. L’écoute se fait directement sur un périphérique Bluetooth, et un système de désinfection est intégré.
L’appareil est disponible en deux versions: PipeMic M avec 50 mètres de câble et PipeMic L avec 80 mètres. On a vu arriver sur le marché d’autres solutions pour la recherche de fuites. «Notre robot d’inspection breveté SmartBall, associé à un ensemble de capteurs (hydrophone, gyroscopes, accéléromètre et capteurs de suivi), identifie et géolocalise précisément, en X-Y, les fuites et les poches d’air dans les réseaux, depuis l’intérieur des canalisations. En plus d’un diagnostic détaillé (niveau de criticité et origine de la fuite), les collectivités locales, les syndicats, les délégataires et les bureaux d’études peuvent dresser un état des lieux sur l’état du réseau et prendre les bonnes décisions sur les travaux/réparations à engager», décrit Gaël Fraboulet (Xylem). Le fabricant développe actuellement une nouvelle plate-forme pour répondre aux problématiques de cartographie des réseaux.
«Le géoréférencement des
canalisations permettra d’assurer la
continuité des services aux usagers, en
améliorant la sécurité publique avec une
meilleure connaissance du réseau pour
éviter une dégradation ou une casse
dans le cadre de travaux – les réseaux d’eau cohabitent avec les réseaux de gaz,
d’électricité, de télécommunications, etc.
– , ainsi que de faciliter les campagnes
d’entretien, la maintenance et les travaux de renouvellement/d’extension de
l’exploitant», explique Gaël Fraboulet.
DES PRÉ-LOCALISATEURS MOBILES ET À POSTE FIXE
Parmi les nouvelles technologies, on peut également mentionner la prélocalisation. «Si nous proposons une gamme complète pour la recherche de fuites, nous concentrons nos efforts et notre expertise sur les équipements de corrélation acoustique. C’est le meilleur moyen pour localiser une fuite et économiser le temps nécessaire à confirmer cette dernière sur le terrain», affirme Ali Katraoui (Ovarro). La société dispose de pré-localisateurs corrélants à poste fixe, à savoir l’Enigma-3M et l’Enigma3 HYQ (version avec hydrophone pour les réseaux plastiques), pour la surveillance des canalisations de transfert et les feeders, ainsi que du système de corrélation multipoint Enigma pour la recherche mobile, notamment en milieu rural. «Dès le troisième trimestre 2024, nous commercialiserons, en France, notre nouveau corrélateur multipoint EnigmaReach. Basé sur la plate-forme de l’Enigma et le principe de la corrélation multiple, cette version étendue offrira une capacité accrue avec 32 ou 64 appareils. Cette évolution permettra à une équipe d’une taille réduite de couvrir efficacement et rapidement des territoires étendus et très maillés (16 km de réseau par un seul tir de corrélation avec 64 appareils). Avec l’intégration de nos outils analytiques avancés d’interprétation automatique des corrélations et de création de points d’intérêt, les équipes pourront se concentrer sur le cœur de métier, à savoir la confirmation des fuites sur le terrain», annonce Ali Katraoui.
Maxime Hodemon (vonRoll hydro France) précise que « la pré-localisation a évolué ces dix, quinze dernières années, passant d’une utilisation mobile à une utilisation à poste fixe pour la surveillance continue des réseaux. Nous proposons deux appareils dont l’un indique le niveau de bruit et l’endroit de la fuite via une corrélation. Ces appareils “intelligents” et autonomes remontent toutes les informations entendues sur une plate-forme web, pour pouvoir localiser avec précision la fuite sur le réseau. »
La
société ambitionne aujourd’hui notamment de connecter toutes ses solutions (pré-localisateurs, corrélateurs,
appareils d’écoute…) à un système
central.
Plusieurs personnes interrogées rappellent toutefois qu’il n’existe pas d’outil
universel, mais une multitude de technologies complémentaires. «Le secret
d’une campagne de détection de fuites
efficace réside principalement dans la
définition de la bonne approche stratégique de diagnostic du réseau en fonction
de sa typologie. Véritable plan d’action, il
permet une fois le tronçon fuyard identifié
et les paramètres hydrauliques maîtrisés
de mettre en œuvre la bonne technologie
au bon endroit. Cette approche orienté
“performance” améliore significativement l’efficience technico-économique
de nos prestations», poursuit Thibault
Baccherini (Ax’eau).
L’IA AIDE LES UTILISATEURS DANS LA RECHERCHE DES FUITES
S’il y a une innovation que toutes les sociétés ont évoquée, c’est bien l’intelligence artificielle (IA). Au cours des dernières années, les exploitants ont accumulé une grande quantité de données et commencent aujourd’hui à prendre conscience que ces données peuvent avoir une utilité et contribuer à améliorer leur connaissance de leur patrimoine et de leurs opérations. Les services qui utilisent l’IA, ainsi que les modèles analytiques basés sur le cloud deviennent de plus en plus largement disponibles. En utilisant cette richesse de données, les exploitants sont à même de prendre des décisions plus éclairées afin d’améliorer l’efficacité de leurs services et de réduire les coûts. Echologics (groupe Mueller) propose des systèmes complets de détection de fuites. La plate-forme de surveillance Echoshore® TX «Transmission Main» combine une technologie éprouvée de détection acoustique à une connectivité sans fil. Elle s’installe rapidement sans interruption de l’approvisionnement en eau. Les nœuds sont installés dans une chambre le long de la conduite d’eau, permettant une surveillance de plusieurs centaines de mètres à plusieurs kilomètres.
Les capteurs acoustiques collectent des données sur la section puis les envoient sur un serveur qui les traite et les interprète. Le système génère et affiche ensuite des rapports d’examen. En cas de fuite ou autre anomalie, des alertes peuvent être envoyées à différents appareils dont les PC, tablettes ou smartphones. Pour la surveillance continue, le réseau Echoshore® DXe utilise des capteurs acoustiques et des logiciels d’analyse avancés, notamment l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique, pour collecter et transmettre des alertes exploitables via la plateforme «Sentryx™ Water Intelligence», dotée d’une interface utilisateur intuitive. Les alertes de fuite incluent des informations clés, comme l’emplacement précis et la taille estimée de la fuite, afin de planifier efficacement les réparations.
Pour Ivan Vaufreydaz Cosculluela (Ax’eau), «après plusieurs décennies de silence radio en matière d’innovation dans la recherche de fuites, des nouvelles technologies basées sur l’IA viennent compléter la boîte à outils des chercheurs de fuites. J’insiste sur le mot “compléter” car l’Homme reste, bien entendu, le maître du jeu, que cela soit dans la localisation du dernier kilomètre comme dans le choix du bon outil à utiliser en fonction du besoin du client et de la typologie de son réseau.» La société propose d’ailleurs une solution numérique de gestion des fuites avec la plate-forme accessible en ligne Ax’eau Connect. Ce que confirme Armonie Cossalter, CEO d’HydrauSoft (voir encadré page 40): «Le but des outils tels que NRWCockpit de notre associé et partenaire HydroScan n’est pas de remplacer les personnels mais d’accompagner ces derniers et, surtout, de combiner l’information numérique au savoir-faire et à la connaissance du terrain des experts métier. Il est, à mon avis, plus important de mettre en avant ce savoir et cette connaissance par des outils “numériques”, plutôt que de rajouter de la donnée. Avec ce genre d’outils, les experts disposent d’une aide à la compréhension ce qui se passe, à l’amélioration de la recherche de fuites et des rendements.»
«C’est également dans cet esprit que Lacroix propose Aquawize, en valorisant l’expertise des techniciens du réseau dans notre algorithme d’intelligence artificielle. C’est grâce à un processus d’entraînement réalisé par les opérateurs que notre système SAAS identifie les comportements anormaux du réseau tels que les fuites ou les casses. Chaque réseau présentant des caractéristiques distinctes, cette méthode d’apprentissage permet d’adapter spécifiquement la détection aux particularités du réseau. Pour les techniciens, cela se traduit par une accélération significative des prises de décision en mettant en évidence les zones présentant des anomalies de comportement. Pour la régie Eau de Nevers Agglomération, par exemple, cela représente une économie de temps de 95%, passent d’une analyse quotidienne prenant une heure et demie à seulement cinq minutes » souligne Roland Crambert, directeur marketing et communication chez Lacroix.
Les «réseaux de chaleur» urbains distribuent une eau chaude sous pression, avec des problématiques de fuites
similaires à celles des réseaux d’eau
potable. ATIM Radiocommunication,
société spécialisée dans les solutions
IoT, et Imagina International, éditeur
de logiciels de gestion, se sont associés pour mettre en place un dispositif
de détection de fuites sur le réseau de
la Compagnie de Chauffage de Grenoble
(CCIAG), qui dessert 100000 équivalent
logements. Des capteurs multisondes,
non intrusifs, seront placés en permanence à des points stratégiques du
réseau. Leurs données seront analysées
en temps réel pour détecter toute anomalie de température, infiltration d’eau
de pluie ou fuite (petite ou importante)
et alerter les responsables du réseau.
Par ailleurs, des systèmes d’intelligence
artificielle (IA) seront à même de prédire et prévenir les futures fuites en se
basant sur les données historiques et les
modèles de comportement du réseau. Il
s’agira alors d’identifier les problèmes
potentiels avant qu’ils ne deviennent des
urgences coûteuses.
L’OFFRE DE LOGICIELS S’ACCROÎT
Hubert Claeyssens (Grundfos) va dans le même sens: «Avoir une alerte 24 h/24 et 7j/7 pour détecter tout ce qui sort de l’ordinaire, en fait une alerte “intelligente” capable de distinguer les vrais problèmes et de tirer la sonnette d’alarme uniquement en cas de problème avéré, permet d’anticiper les problèmes et, ainsi, d’économiser du temps, de l’eau et de l’argent.» Grundfos Utility Analytics est une solution SaaS d’aide à la décision conviviale, proposée en partenariat avec la société Baseform. «Nous avons fait, dans le module Surveillance, le pari de l’IA pour analyser l’ensemble des données déjà disponibles, ce qui permet à nos clients de mieux connaître leur réseau, de disposer d’une modélisation hydraulique à jour, de pouvoir partager plus efficacement les connaissances, de prendre des décisions de manière éclairée, etc.», ajoute Hubert Claeyssens.
Gaël Fraboulet (Xylem) fait toutefois remarquer que, «si l’IA est une innovation au service de l’expérience acquise par le passé, avec une mise en œuvre facilitant l’analyse et fournissant des indicateurs complémentaires, calculés sur l’extrapolation de divers paramètres, la détection des fuites par acoustique reste, à ce jour, la solution la plus fiable pour identifier la présence d’anomalies sur le terrain. Dans le cadre d’opérations de travaux, la prédiction d’un scénario par l’IA ne suffit pas et doit être confirmée par la géolocalisation précise des fuites avant d’engager les travaux sur site.» «L’enjeu du futur n’est pas tant la complexification de la recherche que la mise en place d’une solution métier dédiée, facile à prendre en main et permettant d’appréhender rapidement un réseau sans en avoir une connaissance étendue préalable.
Cela bénéficie à l’ensemble du personnel, avec l’atout d’un support personnalisé par une équipe d’experts hydrauliques dédiée», met en avant Hubert Claeyssens (Grundfos). «En vue d’aider les collectivités à relever leurs futurs défis autour de l’eau, nous proposons des solutions s’interfaçant avec tous les outils matériels du réseau, afin de simplifier l’accès à la donnée et de favoriser sa meilleure compréhension, car il est essentiel de pouvoir faire le tri entre les données pertinentes et celles qui, au contraire, peuvent induire les collectivités en erreur. Notre cœur de métier est donc d’aider le client à réaliser des discriminations en vue d’éliminer les “faux positifs”. Ce dernier sera donc alerté par nos outils si une anomalie se présente sur son réseau de distribution», explique Charles-Alexandre Concedieu (Itron).
LA DONNÉE SERA LE PROCHAIN DÉFI
Au cœur de l’IA et des différents outils pour la recherche des fuites et la gestion de l’eau potable, il y a un élément qui devient essentiel: c’est la donnée. «Les acteurs vont devoir collecter des quantités toujours plus importantes de données (fuites, casses, observations, analyse de vieillissement…) qui vont permettre de créer des modèles répétitifs, reproductifs. Le prochain défi technologique portera sur notre capacité à stocker la donnée et à fournir une donnée fiable, de qualité et dans les formats souhaités par les clients. On ne pourra toutefois jamais se dispenser d’envoyer un technicien sur le terrain, mais on pourra lui faire gagner du temps en localisant la fuite à quelques mètres, voire quelques centimètres près», avance Alain Siozard, P-DG de vonRoll hydro France. «Dans le cadre de notre stratégie de réduction de notre empreinte carbone, nous proposons à nos clients, dans un premier temps, d’utiliser le maximum d’éléments déjà déployés pour travailler sur la gestion de la donnée», explique Licia Maradin, Water Solutions Senior Technical Sales chez Itron.
Avant d’investir massivement sur les réseaux, il faut en effet d’abord régler les anomalies grâce aux données directement disponibles via les outils de télé-relève et de radio-relève, ou bien aux données de facturation et de sectorisation. «En agrégeant les données existantes, auparavant isolées les unes des autres, nous pourrons détecter plus rapidement les anomalies présentes sur le réseau, en vue de tirer des alertes. Cette approche de réduction des pertes financières permet, à terme, de dégager rapidement des capacités d’investissement, tout en augmentant le rendement du réseau d’eau potable. Dans un second temps, nous proposons aux collectivités locales d’investir dans de l’instrumentation complémentaire sur les zones sensibles pour améliorer davantage leur rendement», poursuit Licia Maradin.
DU CURATIF AU PRÉDICTIF
Ali Katraoui (Ovarro) va encore plus loin: «le chemin à parcourir reste encore long afin de transformer la donnée en valeur concrète. Historiquement, les exploitants d’eau ont adopté une approche réactive de la détection de fuites. Les réseaux fixes de surveillance nous permettent aujourd'hui de rechercher des schémas dans les données et peuvent nous renseigner avant qu’une fuite ne se produise. Ce système pourrait nous conduire éventuellement à identifier et prédire les conduites les plus susceptibles de se rompre.». En plus des réseaux fixes, une multitude de données sont capturées par divers systèmes de surveillance. Rassemblées de la bonne manière, ces données ont également le potentiel d’indiquer l’emplacement de la prochaine fuite.
Ce que
confirme Alain Siozard (vonRoll hydro
France): «L’évolution la plus probante
ces dernières années est le passage du
curatif (la recherche de fuites) à l’amélioration du rendement (une détection la
plus rapide possible), voire à l’analyse du
vieillissement du réseau, de la corrosion,
etc. Aujourd’hui, parler de recherche de
fuites sans aborder la gestion patrimoniale serait une aberration.»
D’autant que, plus on se rapprochera
d’un rendement de 100%, plus il faudra de temps et de moyens pour y parvenir. «Nous pensons que le secteur de
l’eau devrait être exigeant et ambitieux
et, ainsi, viser des rendements de réseaux
excellents. Si nous voulons atteindre un
tel objectif, les services publics d’eau
doivent continuer à investir dans l’innovation, soutenir les nouvelles idées et
partager les découvertes», affirme Ali
Katraoui (Ovarro).