La mesure du niveau est utilisée dans de très nombreuses applications de surveillance et/ou de pilotage d’installations dans le domaine de l’eau. Si les principales technologies de mesure de niveau sont la pression hydrostatique, les ultrasons et le radar, qui a d’ailleurs tendance à supplanter les ultrasons, les utilisateurs doivent néanmoins se poser les bonnes questions pour trouver la solution de mesure la mieux adaptée à leurs besoins.
Dans le domaine de l’eau, on
entend beaucoup parler de
débit. Il ne s’agit toutefois pas
de la seule grandeur physique contrôlée.
«Le niveau est tout aussi important que
le débit, affirme Joan Petringer, directeur commercial Hydrologie et cycle
de l’eau, responsable DOM-TOM chez
Paratronic. Par exemple, le débit d’une
rivière est déterminé à partir d’une hauteur d’eau (la donnée primaire) et de
courbes de tarage.» Ce que confirme
Stéphane Peyrache, spécialiste Niveau
chez Wika Instruments, en ajoutant que
«les capteurs de niveau, associés à un
déversoir ou à un canal, permettent également de surveiller et de gérer le débit
d’eau en entrée et sortie des installations de traitement des eaux usées.
Dans les installations de production d’eau potable, la mesure de niveau intervient au niveau de la surveillance des sources d’eau, des différents procédés de filtration ou des réservoirs d’eau.» Guy Deiber, responsable marketing Produits chez Vega Technique, distingue deux grands types d’applications : «Il y a, d’une part, les applications de régulation, avec, par exemple, des fosses de relevage équipées de pompes qu’il faut réguler en fonction du niveau de la fosse et de la charge hydraulique de l’ouvrage, et, d’autre part, l’alimentation d’un système d’information pour la prévention de crues ou la vérification d’un débit d’eau minimum en aval d’un barrage. Connaître le niveau d’un fleuve ou d’une rivière permet également de s’assurer qu’il y a suffisamment d’eau pour la navigabilité, le bon fonctionnement d’une centrale de production d’électricité.»
Et François Hamon, directeur Stratégie
et Innovation Greencityzen, de compléter : «Sans capteur installé, un exploitant
de réseaux pluviaux ou d’assainissement
serait obligé de gérer des interventions
préventives, souvent inutiles (vérification
d’un point noir, par exemple), alors que
des colmatages peuvent, malgré tout, se
produire par ailleurs. Il s’agit tout autant
d’un enjeu d’efficacité que d’un service
rendu à la collectivité. Par ailleurs, l’installation de capteurs de niveau permet
de mieux comprendre le comportement
dynamique d’un réseau et, donc, d’adapter
les actes d’exploitation ou de justifier des
décisions d’investissement sur le réseau
(identification d’entrées d’eau clair parasite [ECP] venant charger une station
de traitement, détection de graisses et
sensibilisation des entités en cause, qualification d’un sous-dimensionnement du
réseau…»
Et l’on pourrait encore mentionner,
pêle-mêle, les forages, les châteaux
d’eau potable, les stations d’épuration
(STEP), les écluses, les lacs, les marais,
le secteur de l’irrigation, les étiages
de cours d’eau, les hauteurs de neige,
etc. Comme on peut le voir, les applications pour la mesure de niveau sont
très nombreuses et variées. D’aucuns
pourraient ainsi croire qu’il existe un
large éventail de technologies de mesure
pour répondre à toutes ces applications. Mais en fait, l’offre se concentre,
principalement, sur trois technologies
différentes, la pression hydrostatique
et les techniques sans contact, à savoir
les ultrasons et le radar.
LE FLOTTEUR MAGNÉTIQUE FAIT ENCORE SES PREUVES
«Nous exploitons une douzaine de technologies pour la mesure et la détection de niveau, mais nous privilégions le flotteur magnétique et la pression hydrostatique pour les applications dans le domaine de l’eau, car elles présentent, notamment, un excellent rapport qualité/prix», précise Stéphane Peyrache (Wika Instruments). La première technologie, éprouvée et particulièrement fiable, consiste en un flotteur intégrant un aimant et qui coulisse dans un tube ou autour d’une tige selon le type d’instrument. Dans le cas d’un indicateur de niveau bypass, le flotteur coulisse dans un tube en acier inoxydable positionné en dérivation de la cuve. Un indicateur à rouleaux magnétiques, fixé au tube, indique visuellement le niveau en fonction de la position du flotteur dans le tube, lequel suit le niveau du liquide dans la cuve. Sur les détecteurs et capteurs de niveau, le flotteur aimanté coulisse autour d’un tube de faible diamètre. Pour un détecteur de niveau, le tube sera doté en son sein de contact(s) Reed (jusqu’à 4) placés à la hauteur de commutation requise.
Dans le cas d’un capteur de niveau, c’est une chaîne Reed s’étendant sur toute la hauteur de mesure qui va générer une variation de résistance en fonction de la position du flotteur ; cette résistance est ensuite convertie en signal de sortie standardisé (par exemple 4/20 mA). Le tube peut aussi recevoir un système de mesure magnétostrictif, sensiblement plus onéreux que la chaîne Reed mais parmi les plus précis en terme de précision de mesure (résolution maximale de 0,5 mm de la hauteur de mesure). Les solutions à flotteur magnétique sont destinées à la mesure de hauteurs de liquides jusqu’à 6 mètres, et elles se déclinent en différentes versions qui peuvent s’adapter à des eaux agressives ou corrosives.
«Si elles ne subissent pas la présence éventuelle de mousse à la surface du liquide, les solutions à flotteur magnétique sont néanmoins sensibles aux vagues et remous, et la présence d’obstacles (tuyauteries, dispositifs de mélange, buses diverses…) peut constituer un problème pour l’installation. La présence de dépôts ou de particules doit également être prise en compte, parce qu’ils peuvent gêner le coulissement du flotteur sur le tube guide», ajoute Stéphane Peyrache. «Parmi les autres technologies disponibles, on peut mentionner l’indication visuelle par réglé métré principalement destinée aux rivières et ports, la mesure optique du voile de boues et l’indication locale pour ballons de surpression, ainsi que les détecteurs Tout ou Rien (TOR) de type poires pour la gestion d’alarmes, notamment en station de relevage», ajoute Max Fossey, responsable produits et marché chez Krohne France. A noter que les détecteurs TOR (voir encadré page 38) ne permettent pas de réaliser une mesure continue.
DEUX TYPES DE CAPTEURS DE PRESSION HYDROSTATIQUE
La méthode par pression hydrostatique, elle, repose sur la mesure de la pression due à la hauteur de colonne d’eau et à la densité du liquide. Une hauteur de 10 m correspond à une pression de 1 bar au pied de la colonne. Le capteur de pression piézorésistif délivre alors un signal de sortie continu proportionnel au niveau de l’eau. «On distingue deux types de modèles : les capteurs installés à l’extérieur, en pied de cuve (non invasifs), et les capteurs immergeables. Les premiers sont orientés vers la mesure sur des cuves, des réservoirs. Les seconds répondent aux applications où un piquage est impossible, telles que les réservoirs de stockage en béton ou les bassins de rétention d’eau», résume Sylvio Léal, responsable produits Instrumentation chez ifm electronic France. Ce que confirme Emmanuel Kubler, chef de marché chez Endress+Hauser France: «Lorsque l’on est en présence de mesures dans des zones très étroites et très profondes, ou lorsque de la mousse se forme en surface, les ultrasons ou le radar peuvent être perturbés. On privilégie alors la pression hydrostatique avec une sonde plongée au fond du puits.
Si les capteurs hydrostatiques
pendulaires ne sont pas sensibles à la
mousse, il est quand même préférable
d’éviter leur utilisation dans des eaux
très chargées, comme cela peut être le
cas en assainissement, à cause du risque
d’encrassement», souligne Christophe
Barbier, chef de produits Niveau chez
Siemens France. «Endress+Hauser dispose d’une base installée importante de
sondes hydrostatiques FMX21 avec cellules céramiques affleurantes très bien adaptées à ces applications et reconnues pour leur robustesse», explique
Emmanuel Kubler, chef de marché chez
Endress+Hauser France.
Compte tenu des applications possibles, le câble au bout duquel se trouve
le capteur de pression doit être suffisamment long pour atteindre le point le
plus bas du puits, du château d’eau, du
bassin, etc. Les profondeurs d’immersion, ou hauteurs, en question peuvent
atteindre 50 m ou 100 m, voire même
200 m. Sachant que le câble sert à la fois
à l’alimentation électrique du capteur et
à la transmission du signal.
DES CONTRAINTES LIÉES À LA PRÉSENCE DU CAPTEUR DANS LE MILIEU
Parmi les avantages d’un capteur de pression hydrostatique, Stéphane Peyrache (Wika Instruments) met en avant «une étendue de mesure allant de quelques centimètres à plusieurs centaines de mètres, avec une justesse jusqu’à 0,075% selon les modèles, une installation très facile aucune configuration n’est requise et, tout au plus, faut-il installer un piquage dans le cas d’un transmetteur externe, une insensibilité aux vagues et à la présence de mousse à la surface du liquide. Mais si celui-ci est agité, la fixation du capteur immergeable au fond du réservoir peut être nécessaire».
Le fabricant vient d’ailleurs de lancer le transmetteur immergeable LS-1000 (1 à 10 m, 0,5% ou 0,25%, boîtier de diamètre de 22 mm), qui se caractérise par un indice d’étanchéité IP68 et une consommation d’énergie limitée. Comme toutes technologies de mesure, la pression hydrostatique présente quelques limitations. «Avec un piézomètre, ou capteur de pression hydrostatique, des éléments se trouvent forcément en contact avec le milieu à mesurer. Il ne faut donc pas oublier de protéger le capteur et/ou le câble contre les risques d’arrachement ou d’envasement, dans une rivière par exemple», rappelle Guy Deiber (Vega Technique).
Ou encore contre les risques liés à une eau agressive ou corrosive les fabricants comme Wika proposent des matériaux spécifiques pour certains modèles de leurs transmetteurs immergeables (câbles en polyuréthane en FEP), les problèmes d’étanchéité du capteur et/ou du câble au cours du temps. «De la même façon, des eaux chargées en particules diverses pourraient colmater le canal de pression d’un capteur immergeable. La présence d’obstacles (tuyauteries, dispositifs de mélange, buses diverses…) peut par ailleurs constituer un problème pour l’installation de ce type de capteurs. Et, pour des mesures à l’extérieur et/ou en milieu naturel, les orages et la foudre associée peuvent même réduire la durée de vie des transmetteurs immergeables.
Certains modèles sont dotés en option d’une protection contre la foudre», indique également Stéphane Peyrache (Wika Instruments). «L’une des évolutions des capteurs de pression hydrostatique est l’utilisation de membranes en céramique, au lieu de membranes métalliques, qui sont plus résistantes vis-à-vis des chocs», indique Max Fossey (Krohne France).
LES ULTRASONS RESTENT UNE TECHNOLOGIE MATURE ET ÉPROUVÉE
Pour pallier certaines limites des capteurs immergeables, notamment le fait que ces derniers soient en contact avec le milieu à mesurer, les fabricants d’instrumentation proposent des technologies sans contact. Il existe, par exemple, des solutions basées sur une technologie optique. «Nous proposons le détecteur de niveau optique O1D300, qui utilise le principe de la télémétrie, à savoir un laser en temps de vol (ToF).
Si le liquide est assez opaque pour réfléchir suffisamment de lumière, c’est une solution très compétitive en termes de prix pour mesurer un niveau dans un environnement intérieur», affirme Sylvio Léal (ifm electronic France). Mais les technologies sans contact les plus souvent déployées dans le domaine de l’eau restent les ultrasons et le radar. La mesure par ultrasons repose sur le principe de fonctionnement suivant: «Il s’agit de l’excitation d’un cristal piézoélectrique (un disque de verre de la taille d’une pièce de monnaie): le cristal est polarisé et se dilate à une certaine fréquence lorsqu’une énergie électrique est appliquée à des électrodes situées à la surface du cristal. Lorsqu’il “pulse”, le transducteur émet un faisceau ultrasonore. L’écho de retour (une impulsion de pression) impacte à nouveau le cristal qui crée alors de l’énergie électrique mesurable. Le temps nécessaire pour que le signal revienne est lié à la distance de l’objet», explique Dany Engel, dirigeant d’ADCPro.
Depuis les tout premiers modèles analogiques, des progrès techniques ont été apportés aux capteurs par ultrasons, en particulier le passage à l’électronique numérique. Cela a significativement facilité la mise en place et la fiabilité des mesures par ultrasons. «Il est également possible de ne plus tenir compte des échos parasites provenant d’objets fixes situés sur le trajet de l’onde ultrasonore (échelles, barres ou agitateurs) et, ainsi, d’identifier l’écho issu de la surface du fluide. Les signaux générés par ces “faux échos” interféraient en fait avec le véritable écho et l’annulaient. Cela signifie qu’aujourd’hui, il y a très peu d’applications pour lesquelles les ultrasons ne fonctionnent pas», poursuit Dany Engel.
Il ajoute que la nature sans contact des
ultrasons fait qu’il n’y a pas de pièces
mobiles, donc pas de maintenance.
Emmanuel Kubler (Endress+Hauser
France) abonde dans ce sens: «Les ultrasons peuvent être vus comme la technologie à tout faire. Elle a l’avantage d’être très
réactive (un temps de réponse court), elle
est relativement simple et économique à
mettre en œuvre, il existe des capteurs
compacts et séparés, et elle peut être utilisée dans de nombreux domaines. Les
ultrasons sont particulièrement bien
appréciés dans le domaine de l’eau, aussi
bien pour des mesures de niveau que pour
des mesures de débit en canal ouvert. C’est
pour toutes ces raisons que nous continuons à proposer cette technologie.»
LES ULTRASONS PLUTÔT RÉSERVÉS À DES APPLICATIONS PARTICULIÈRES
Plusieurs personnes interrogées pointent cependant certains inconvénients des ultrasons. «Les mesures par ultrasons, tout comme les mesures par radar vont être sensibles à la mousse quand celle-ci est présente en quantité importante», indique Christophe Barbier (Siemens France). La technologie des ultrasons peut également être pénalisée par l’environnement extérieur. «Quand il y a des intempéries, beaucoup de vent ou alors de fortes variations de température, nous privilégions la technologie radar. En revanche, les ultrasons sont adaptés lorsque l’on est en présence de glace ou de condensation», nuance Emmanuel Kubler (Endress+Hauser France).
Pour Dany Engel (ADCPro), «les appareils de mesure par ultrasons ont encore évolué pour, par exemple, intégrer la maintenance prévisionnelle, faisant de ces derniers, non plus de simples capteurs de niveau, mais de petits contrôleurs de stations de pompage. Et, pourtant, l’un des mythes les plus récents est que la mesure par radar serait supérieure à celle par ultrasons». Ce qu’affirme Joan Petringer (Paratronic): «En plus d’être inférieurs technologiquement parlant, les ultrasons représentent aujourd’hui un volume de vente moins important que celui du radar cela explique aussi la baisse du coût des capteurs radar. On retrouve encore des mesures par ultrasons en sortie de STEP, mais cette technologie tend à disparaître au profit du radar.»
La technologie radar à ondes électromagnétiques continues modulées en fréquence (FMCW) repose sur l’émission d’une énergie radiofréquence et la mesure du temps (une fraction de microseconde) que met le signal réfléchi par une surface, dont la constante diélectrique est nettement plus élevée que celle de l’air l’eau en est un parfait exemple, mais il ne faut pas qu’il y ait d’obstructions, avec une constante diélectrique élevée aussi, sur le trajet de l’onde à revenir au capteur. «Le radar FMCW mesure le temps de vol entre lui et la surface en émettant en continu, c’est à-dire en faisant varier constamment la fréquence du signal.
Cette méthode est réputée être plus précise, en raison de son angle de rayonnement plus
étroit et, dans la plupart des cas, d’un
signal plus fort, qu’un radar à impulsions», rappelle Dany Engel (ADCPro).
«À l’intérieur des réseaux d’assainissement, où les gradients de température
sont absents, les technologies ultrason ou
ToF restent les meilleurs rapports coût/
bénéfice», estime enfin François Hamon
(Greencityzen).
LE RADAR PRÉSENTE BEAUCOUP D’AVANTAGES
Les avantages de la technologie radar dans le domaine de l’eau résident, donc, notamment, dans sa polyvalence, sa fiabilité, la précision des mesures, l’absence de perturbations par tous les phénomènes externes, excepté la nature conductrice du fluide à mesurer, dans la facilité d’installation et d’exploitation, etc. «Les nouvelles technologies en électronique, comme les cartes flexibles, permettent de réduire les dimensions des boîtiers, qui, de plus, sont désormais en plastique. Mais la miniaturisation ne va pas jusqu’à pouvoir utiliser un capteur radar pour des mesures souterraines», constate Max Fossey (Krohne France).
Les capteurs radar sont aujourd’hui grandement plus simples à configurer que les premières générations. Si l’utilisation des capteurs radars étaient plutôt réservés à des spécialistes de l’instrumentation, le réglage se limite aujourd’hui au choix de la distance ou du niveau et de la hauteur à mesurer. «Il n’y a plus besoin de connaître la valeur diélectrique du fluide, la zone morte, etc. Très concrètement, le Quick Start (la notice de mise en service) du plus simple des capteurs radars avait 24 pages et se résume aujourd’hui à une feuille A4», poursuit Max Fossey.
Mais les évolutions en termes de facilité d’utilisation, et pas uniquement pour les capteurs radar, portent sur d’autres aspects encore. Les opérations de configuration peuvent très facilement se faire depuis un smartphone équipé d’une interface Bluetooth et d’une application. «Et il est possible de remonter, de manière automatisée, les données vers un cloud tel que Netilion, les rendant ainsi accessibles depuis n’importe quel endroit connecté», ajoute Emmanuel Kubler (Endress+Hauser France). Cela est même possible pour des capteurs autonomes en énergie, tels que le radar Micropilot FWR30 d'Endress+Hauser. «Dès que l’on parle de transmission sans fil et d’autonomie, il est question de la durée de vie des batteries. S’il était envisageable d’associer un panneau solaire à un système de transmission 2G/3G, nos capteurs autonomes Vegapuls Air affichent aujourd’hui des durées vie de plusieurs années. Il y a une demande de ce type de solutions, parce que les clients s’affranchissent des coûts liés à la pose de câbles», rappelle Guy Deiber (Vega Technique).
Pour François Hamon (Greencityzen),
«le premier avantage des solutions
connectées est bien évidemment l’accès à la donnée à distance et en temps
réel, même si la présence d’un datalogger est toujours privilégiée dans certaines applications pour s’assurer de ne
pas perdre de données. Mais ces solutions
s’intègrent dans des écosystèmes interopérables qui permettent de mobiliser de
multiples outils d’analyse des données et
de prise de décision».
VERS LE DÉPLOIEMENT DE CAPTEURS CONNECTÉS ET AUTONOMES
Ce que confirme Jean Garnier, spécialiste IIoT chez Wika Instruments : «De plus en plus de fabricants investissent dans le segment des solutions connectées, en s’appuyant sur des partenariats avec des acteurs du numérique. Nous avons par exemple développé des capteurs de niveau d’eau connectés compatibles avec le réseau LPWAN de Loriot. En transmettant des données en temps réel via des réseaux LPWAN ou NB-IoT [LoRaWAN, mais aussi 4G/LTE-M, NDR], les capteurs connectés s’intègrent aux systèmes d’aide à la décision, à l’automatisation des procédés et aux modèles prédictifs.» «L’avenir de l’internet des objets (IoT) s’annonce particulièrement prometteur, renchérit Dany Engel (ADCPro). Couplé avec les technologies d’intelligence artificielle (AIoT) actuellement en plein essor, il pourrait permettre entre autres, d’améliorer la maintenance, tant prévisionnelle que corrective. À terme, si les capacités de bande passante augmentent, si des protocoles sécurisés protègent efficacement les données, et si la compatibilité entre les différents appareils est assurée, il est raisonnable d’imaginer, que comme dans d’autres applications, les solutions connectées prennent le pas sur les solutions actuelles plus classiques dans le choix d’une mesure de niveau.»
«La part d’instrumentation traditionnelle reste majoritaire. On peut avoir ponctuellement des demandes de capteurs connectés, mais nous savons également proposer une gamme de transmission de la donnée à distance RTU (Remote Terminal Unit), permettant de connecter des instruments traditionnels, ou de libérer les données disponibles qui restent, la plupart du temps, bloquées dans les capteurs déjà installés, faute d’interface de communication adaptée», nuance Christophe Barbier (Siemens France). «Quelle que soit la technologie (piezo, ultrason, radar), la mesure de niveau connectée et autonome continue de se développer rapidement car elle permet de suivre à distance les ouvrages et d’être alerté en cas de comportement anormal.
La remontée de données vers
un système de supervision et de traitement de données permettant une analyse
sur le long terme et une amélioration des
performances des systèmes. La mesure de
niveau est souvent localisée à des endroits
difficiles, sous des tampons en fonte ou
à l’intérieur de bâtiments mais nécessite
quand même une très grande fiabilité
dans la transmission des données, d’où
la nécessité d’avoir des produits performants tels qu’un datalogger communicants, comme le SOFREL DL4W offrant
une grande autonomie», explique
Frédéric KNITTEL, product Manager
chez Lacroix Environnement.
LES CAPTEURS RADAR 80 GHZ DEVIENNENT PRÉPONDÉRANTS
Autre avantage de la technologie radar, les utilisateurs n’ont à planifier ni vérification, ni étalonnage. «Il n’y a aucune contrainte métrologique comme on peut en avoir avec un capteur de pression, par exemple. Le vieillissement du quartz qui sert de référence de temps dans un capteur radar est de l’ordre de quelques ppm sur des années, ce qui correspond à 0,01 mm pour la mesure de niveau, largement dans les tolérances du capteur. Et, même avec des capteurs de pression hydrostatique pendulaires, je n’ai pas souvenir de clients faisant des vérifications périodiques», précise Guy Deiber (Vega Technique). Emmanuel Kubler (Endress+Hauser France) le confirme en ajoutant qu’«il est toujours possible de réaliser la vérification, ou l’étalonnage, d’un capteur en mettant une potence réglable pour comparer les mesures en plusieurs points. C’est bien souvent sur des applications de mesure de débit en canal ouvert, parce qu’il s’agit de points de mesure réglementaires».
Une première évolution majeure dans le domaine de la mesure radar est la montée de la fréquence de fonctionnement desdits radars. Les premiers modèles fonctionnaient à une fréquence de 6 GHz, les générations suivantes ont ensuite travaillé à 26 GHz et, aujourd’hui, à 80 GHz, grâce, notamment, au développement des composants hyperfréquences et à la libération successive des bandes de fréquences.
«Aujourd’hui, nous travaillons, dans 90% des applications, avec des modèles 80 GHz, parce qu’ils présentent l’avantage d’un signal avec des angles d’émission beaucoup plus faibles qu’aux fréquences inférieures», explique Guy Deiber (Vega Technique). Cette caractéristique est particulièrement intéressante lorsque le capteur radar doit être installé dans une fosse de relevage, encombrée d’une échelle, de tuyaux ou de renforts. Emmanuel Kubler (Endress+Hauser France) fait toutefois remarquer que «la fréquence de 80 GHz n’est pas forcément indispensable pour la plupart des applications dans le domaine de l’eau. Nous proposons d’ailleurs, principalement, des modèles fonctionnant à 26 GHz».
Et Joan Petringer (Paratronic)
de renchérir : «On constate une course
à une bande de fréquences toujours plus
élevée et une uniformisation des gammes.
Mais sur le terrain, l’utilisateur n’est pas
au millimètre près dans un poste de relevage ou un château d'eau. Le choix du
modèle est fait selon l'application et les
besoins.»
La société Hydreka dispose ainsi de trois
technologies utilisées dans le cadre des
diagnostics temporaires réglementaires
et des instrumentations permanentes :
la mesure par capteur piézométrique
immergé (permettant d’anticiper les
problématiques liés aux mousses,
macrodéchets, etc.), la mesure par
capteur sans contact radar HR22, sans
bande morte pour faciliter l’installation
dans les réseaux, et enfin la technologie bullage, spécialement adaptée à la
mesure de niveau en canal venturi ou en
diagnostic assainissement, notamment
prisée pour sa précision et ses besoins
limités en termes de maintenance.
LE PRIX DES CAPTEURS RADAR A DRASTIQUEMENT BAISSÉ
Avec la démocratisation de la technologie radar, les quantités de capteurs vendus ont augmenté significativement notamment avec de nouveaux débouchés comme le secteur de l’eau, ce qui permet aux fabricants d’optimiser le prix de revient. «Le prix d’un capteur radar se rapproche désormais de celui d’un modèle par ultrasons, et la (petite) différence de prix peut facilement se justifier par la possibilité de mieux sécuriser son processus de mesure», met en avant Sylvio Léal (ifm electronic France). Il faut compter, quel que soit le fabricant, un prix aux alentours de 500 euros pour les premiers modèles d’entrée de gamme. Joan Petringer (Paratronic) avance même que «ces capteurs sont devenus des consommables pour certains clients et qu’une maintenance réduite est un critère de choix pour eux, parce que c’est désormais l’intervention des personnels qui coûte cher».
Au-delà des prix compétitifs, la démocratisation de la technologie radar peut également s’expliquer par le travail d’évangélisation du marché, mené par des fabricants très actifs, tels que Vega, depuis des années. «Aujourd’hui, notre objectif est d’accompagner nos clients pour définir les meilleurs produits pour leurs applications, au travers de notre action commerciale, de la présence de techniciens itinérants et sédentaires sur le territoire français», indique Guy Deiber (Vega Technique). La connaissance des différentes technologies de mesure de niveau, ainsi que de leurs forces et faiblesses n’est qu’une étape pour les exploitants, les industriels et tous les acteurs du marché de l’eau. «Les choix se font en fonction des contraintes liées à l’application, eaux potable, usées et industrielles ne présentant pas les mêmes difficultés de mesure. La simplicité d’installation et de mise en service est donc un critère important à prendre en compte», insiste Christophe Barbier (Siemens France). «Un projet n’a de sens que si le coût de la solution est couvert par les bénéfices escomptés. L’échelle de déploiement des capteurs impose ainsi des contraintes sur les coûts», ajoute François Hamon (Greencityzen).
LES FABRICANTS ACCOMPAGNENT LES UTILISATEURS
«Chaque modification répondant à un enjeu, nous devons être à même de comprendre cet enjeu et l’impact sur la production de l’industriel. Pour cela, il est essentiel d’aborder, avec lui, les aspects techniques, économiques, de gestion et de vision à long terme, afin de déterminer la solution technique la plus adaptée à son application et à l’objectif à atteindre (meilleure compréhension du procédé, optimisation de sa gestion, aide à la prise de décision en maintenance…)», explique Sylvio Léal (ifm electronic France). Des fabricants proposent d’ailleurs des outils pour aider les utilisateurs dans leur sélection (voir encadré). «Sur notre site Internet, nous avons un “configurateur” destinés à nos utilisateurs et nos partenaires pour leur faciliter la prise de décision en fonction du procédé, des attentes et des applications déjà proposées par notre groupe», signale Max Fossey (Krohne France). Endress+Hauser propose, de son côté, l’outil en ligne Applicator. Les équipes commerciales prennent ensuite le relais pour le dimensionnement et les conseils.
L’éventail des technologies et des produits disponibles fait toutefois dire à Dany Engel (ADCPro) que «la littérature présentant, péremptoirement, des listes d’avantages et d’inconvénients pour chaque technologie est très abondante sur le Web. Abondante mais, finalement, un peu réductrice, car il y a finalement autant de réponses que de couples technologie/application. Chaque technologie a ses propres avantages et inconvénients, et certaines peuvent convenir à plusieurs types d’applications. La méthode la plus avantageuse dépendra de la bonne prise en compte de toutes les caractéristiques spécifiques à l’application». Matthieu SCHORPP, ingénieur commercial chez NKE instrumentation, explique par ailleurs : «La compacité et la discrétion du matériel sont également des aspects importants dès lors que la zone à instrumenter est sujette à des risques de vandalisme. Nos équipements, composés d’un capteur de pression et d’un transmetteur 4G, permettent de mesurer, enregistrer et transmettre le niveau de l’eau de façon autonome, tout en s’insérant entièrement dans un tubage de diamètre 2’’ (50mm), pour les suivis de niveau d’eau dans le milieu naturel ou la surveillance des niveaux d’eau souterraine».
Et il ne faut pas sous-estimer un autre
paramètre dans le choix d’un capteur
de niveau, et ce qui est vrai aussi pour
tous les types de capteurs et analyseurs.
«Au-delà des avantages et inconvénients,
ainsi que de la question du budget, il y
a vraiment des habitudes de marché. En
assainissement, par exemple, il y a deux
écoles: les clients qui privilégient les technologies de mesure niveau économiques,
comme les capteurs immergeables, et
les clients qui ne veulent plus du tout
entendre parler des capteurs immergés et
qui se tournent vers le radar», explique
Joan Petringer (Paratronic). Ce qui fait
dire à François Hamon (Greencityzen)
que «derrière l’instrumentation, il y a un
enjeu de transformation du métier, enjeu
qui est souvent sous-estimé. Obtenir les
bénéfices pour l’organisation se joue
souvent dans l’adaptation des modes de
fonctionnement».