Fortes précipitations et crues peuvent perturber le fonctionnement des réseaux d’assainissement, voire causer de sérieux dégâts en ville. Les collectivités dotées de la compétence Gemapi s’équipent donc peu à peu de systèmes d’alerte, venant en complément des services de l’État. L’offre technologique, et/ou de services, tend à se diversifier.
Alertes crues : différents types de capteurs
Une étude complète préalable, confiée à un bureau spécialisé comme par exemple Artelia, Hydratec, Merlin, ou Société du Canal de Provence, s’avère indispensable pour déterminer le fonctionnement du système d'alerte de crue et notamment l’implantation idoine des stations. Ces dernières, généralement dotées de capteurs de niveau, doivent être tarées pour établir la relation niveau-débit et déterminer les seuils d’alerte. A ce moment-là interviennent des agents munis de courantomètres, fournis par des sociétés comme Xylem, Nivus ou Hydreka. « Nous pratiquons beaucoup la location de courantomètres car il est plus intéressant économiquement pour une collectivité de louer ponctuellement que d'acquérir un appareil qui ne servira qu’occasionnellement, uniquement quelques jours dans l’année » souligne Korentin Jolivet, responsable marketing et communication chez Hydreka.
Hydreka préconise également des radars pour ce genre d’application. Il s’agit soit d’un radar de hauteur, le Vegapuls, sélectionné dans la gamme Vega, soit d'un débitmètre sans contact : le SurfaceFlo, un double radar (hauteur et vitesse) adapté pour l’utilisation en milieu naturel. « Par exemple, ces appareils sont souvent installés sous des ponts, soumis à des conditions spécifiques telles que les vibrations, le vent... Le SurfaceFlo est doté d’un correcteur angulaire automatique afin de corriger ces contraintes terrain et améliorer la qualité de la mesure. Il est évidement qualifié IP 68 » explique Korentin Jolivet. Hydreka a également développé un automate autonome en énergie, le DTU2 permettant d’interfacer le radar – et toutes sortes de capteurs, par exemple qualitatifs, que le client peut souhaiter ajouter - à la supervision. « Si une collectivité n’a pas de supervision, notre environnement logiciel, WinFluid NG peut en tenir lieu, remonter les données, historiser et générer des alertes, par exemple par SMS » ajoute Korentin Jolivet. Hydreka a par exemple installé un ensemble SurfaceFlo plus DTU2, remontant les données via Modbus dans l’écosystème Winfluid NG pour une étude des transits dans un bassin pluvial sensible au dessus de Sophia Antipolis.
« Vega fait de la mesure de niveau et de pression en général. Nous mesurons soit une distance de vide, avec un radar placé au-dessus de la surface, soit une hauteur de liquide avec un capteur hydrostatique » explique Luc Heusch, responsable commercial chez Vega. Il insiste sur la précision des radars comparée à celle des systèmes à ultrasons. « Sur une petite rivière, une imprécision de quelques centimètres n’a pas d’importance, mais sur un gros fleuve, ça représente une vraie différence de débit… » plaide-t-il. Vega propose différents modèles de radars Vegapuls. D’une part des appareils “traditionnels”, alimentés par soit par le réseau (armoire électrique, pont…) soit par batterie et panneaux solaires. Le signal est transmis en GSM-GPRS. D’autre part des appareils autonomes, les VegaPulse Air, munis d’une batterie embarquée et d’un module de transmission LoRa ou LTE-M/NB-IoT. Le capteur hydrostatique immergé VegaWell est peu utilisé pour l’instrumentation en milieu naturel du fait de sa vulnérabilité au courant et objets charriés par le cours d’eau. « Notre offre va de la fourniture du radar à celle d’un service complet. Plusieurs capteurs sont alors installés à différents endroits, les données remontent sur notre serveur VEGA Inventory System (VIS) et sont consultables par internet. VIS peut également envoyer des alertes. L’avantage de ce système est que nos serveurs redondants garantissent la sauvegarde des données. Nous apportons un haut niveau de sécurité. Les serveurs sont certifiés SOC 2, et nous sommes en voie d’obtenir la qualification ISO 27001 pour la disponibilité » souligne Luc Heusch. Vega a ainsi équipé en 2021 l’agglomération de La Roche-sur-Yon (Vendée). Le système comprend cinq radars installés sous des ponts, un système de transmission et de visualisation des données et une alerte crue. Le syndicat de l’Orge, les communes de Lux (Côte d’Or), Montbéliard (Doubs) ou de Gerstheim (Bas Rhin) ont également choisi la solution clé en main proposée par Vega.
Des capteurs aux systèmes complets
La communauté d’agglomération Caux Vallée de Seine disposant de 42 stations ou encore le Syndicat Mixte de l’Entente Oise Aisne, ont opté pour cette solution (SIGMA). « A l’inverse, la Déal Martinique, la SNCF à Reims ou encore le Syndicat d’Aménagement du Bassin de l’Indre ont choisi le système plus simple hébergé chez Paratronic (Superviseur Web), mettant à disposition différents types d’informations (niveaux, photos…) issues de nos stations de mesure ».
Fort de ses différentes marques (entre autres Ysi, SonTek, GlobalWater, Exo…), le groupe Xylem est également en mesure de proposer des stations complètes. « Nous proposons aux États Unis des solutions de surveillance complètes, comprenant la mesure de niveau (radar Nile de Waterlog), un échantillonneur d’eau, des sondes Exo pour la qualité de l’eau, etc., ainsi que les systèmes de remontée d’information et d’alerte. Nous pourrions fournir et installer ces solutions en France mais ce n’est pas encore arrivé. Ici, nous vendons surtout des éléments séparés » précise Mehalia Medjahed, Ingénieure Produits Solutions. C’est le cas des courantomètres à poste fixe de SonTek. Le modèle SL peut mesurer en temps réel le niveau et la vitesse, et en déduire le débit, sur des rivières dont la largeur peut atteindre 120 mètres. « Il est installé au bord du cours d’eau, sur une échelle que nous fournissons, ce qui permet de le remonter pour entretien et le replacer à sa position exacte. Les données sortent en SDI12, RS232 ou Modbus. Notre plateforme Hydrosphere peut envoyer des alarmes en temps réel en cas de variation de valeur ou dépassement d’un seuil critique » explique Mehalia Medjahed.
Alerte pluie : encore peu développée
Pour des installations rapides sur piétement en toiture ou au sol, C2AI propose la station météo multi-paramètres séries HD 52.3D : prémontée et rapide à installer elle peut embarquer, sur une même tête de mesure, un pluviomètre un anémomètre à ultrasons à 2 axes, un thermo-hygromètre, un baromètre, un pyranomètre. Outre la forme aérodynamique du pluviomètre de la gamme standard scientifique ELM, la présence physique de la jauge, qui provoque l’accélération de l’air entraînant les précipitations loin du collecteur, a pour effet d’assurer un haut niveau de confiance dans la précision des mesures récupérées.
A Aix-en-Provence, Anglet ou à Nancy, Nivotech a déployé dans ce sens ses capteurs à ultrasons pour délivrer en temps réel les informations sur le taux de remplissage des bassins de rétention. Connectées via un réseau sécurisé à un tableau de bord de NivotechDesk, les collectivités disposent de toutes les données en temps réel des épisodes de pluie issues des seuils d’alertes programmables leur permettant de les historiser et de les exploiter pour un large panel d’usages.
Une autre approche
La société offre aux collectivités un service clé en main depuis l’installation des stations jusqu’à la distribution des données via une plateforme dédiée (Maelstrom) ou une API accessible depuis n’importe où dans le monde. « Les stations restent notre propriété, nous en assumons l’installation et la maintenance, et ne vendons que l’accès aux données sous forme d’abonnement mensuel » précise Guillaume Valladeau. La société entend déployer 10 000 microstations en France pour créer un système d’observation de tous les cours d’eau contribuant aux risques inondation et sécheresse. « En France, 13 000 cours d’eau nécessitent une observation en temps réel, et plus de 8 000 communes n’ont aucun système de surveillance. Nous visons ce type de segment grâce à notre rapidité de déploiement : petites collectivités, syndicats, voire grands industriels. La base de données est accessible à tout un chacun » affirme Guillaume Valladeau. La démarche d’ores et déjà séduit un certain nombre de communes dont celle de Gardouch, à côté de Toulouse, qui adhère au service depuis deux ans. « Gardouch a subi une grosse inondation en 2018 et les services se sont tournés vers nous car le réseau étatique n’était pas déployé à proximité de la commune » souligne Guillaume Valladeau.