Industriels et laboratoires académiques s'allient pour mettre au point une toute nouvelle filière de traitement des eaux usées, répondant à la fois à des problématiques de micropolluants et d'efficacité énergétique.
Le projet SAVE (Station Avancée pour la Valorisation des Effluents) entre dans sa phase opérationnelle. Budgétisé à hauteur de 3 millions d'euros par la Région Occitanie, les agences de l’Eau Rhône Méditerranée Corse et Adour-Garonne ainsi que par l’ADEME, ce projet de trois ans vise à mettre au point et tester sur site en réel une nouvelle filière d'épuration des eaux usées et de traitement des boues. Cette filière vise un double objectif : d'une part éliminer les micropolluants, les souches bactériennes antibiorésistantes, et de manière générale l'écotoxicité des effluents rejetés, et d'autre part maximiser la production de biogaz tout en diminuant celle des boues finales. Les partenaires regroupent quatre laboratoires publics[1] et deux industriels : Nereus, qui coordonne le projet, et Sapoval. Chacun apporte sa contribution, que ce soit sous forme de brique technologique, de compétence en matière d'analyse et traitement des micropolluants ou de capacité de développement industriel.
Une filière originale
Le traitement
envisagé comprend en premier lieu une filtration des eaux usées sur membrane – après
dégrillage tout de même. « L'idée
est de fournir des boues primaires en plus grande quantité, plus chargées en
carbone, donc plus méthanisable » explique Guillaume Nourrit, de Nereus.
La filtration directe des effluents entraîne toutefois un risque de colmatage. Nereus
apporte donc sa technologie de "filtration dynamique", en céramique, aptes
à supporter des eaux très chargées. Reste ensuite à éliminer les micropolluants
encore présents dans le filtrat. C'est la tâche d'une combinaison de traitements :
biologique, oxydation avancée et filtration membranaire pour arriver à des eaux
finales sans polluant ni sous-produit de dégradation biologique, et donc
exemptes de risque écotoxicologique ou d’antibiorésistance.
Les boues issues
de la filtration primaire et du traitement biologique du filtrat sont quant à
elles dirigées vers une "digestion anaérobie hybride". « C'est une digestion couplant des conditions mésophiles
et thermophiles. Cela dégrade plus de matière organique, donc produit plus de
méthane, que la digestion classique, tout en favorisant l’élimination des micropolluants
présents dans les boues » affirme Erwan Trotoux, de Sapoval.
De manière générale, les laboratoires partenaires apportent des compétences sur les différents procédés de traitement (modélisation, analyses systémiques et impacts des files eau et boues) et sur la caractérisation des polluants (méthode d’extraction unique quelle que soit la matrice et analyse des micropolluants des effluents liquides aussi bien que des boues, matrice notoirement difficile à analyser). Le Laboratoire écologie fonctionnelle et environnement apporte pour sa part une méthode d'analyse fine de l'écotoxicité des rejets, basée sur l'utilisation d'écosystèmes conteneurisés.
Un démarrage imminent
Nereus et Sapoval
commercialiseront la filière en visant, d'une part, les STEP rejetant leurs
effluents en milieu sensible et, d'autre part, les centres hospitaliers, dont
les effluents contiennent un mélange d'antibiotiques, de biocides et de
produits de contraste pouvant favoriser l'émergence de bactéries
antibiorésistantes.
Le Sicoval[2],
la CCVH[3]
et l'Oncopole de Toulouse fourniront des effluents pour la phase d'essais en
laboratoire, qui commence dès maintenant pour deux ans. Puis une démonstration sur
site réel sera effectuée sur une STEP de la CCVH et au pied de l'Oncopole.
[1]
Laboratoire de génie
chimique (LGC, Université de Toulouse, UMR 5503 CNRS INP UPS), Toulouse
Biotechnology Institute (TBI, Insa, Inrae, CNRS), Institut Européen des
Membranes (IEM, Université de Montpellier, CNRS) et Laboratoire écologie
fonctionnelle et environnement (UMR CNRS 5245, Université de Toulouse, Institut
National Polytechnique de Toulouse, Ecole Nationale Supérieure Agronomique de
Toulouse)
[2] Syndicat
Intercommunal pour l'aménagement et le développement des coteaux et de la
vallée de l’Hers, regroupant 36 communes du sud-est toulousain