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Saponifier : simplifier la gestion et valoriser le potentiel des déchets gras

26 avril 2017 Paru dans le N°401 à la page 86 ( mots)
Rédigé par : Erwan TROTOUX de SAPOVAL

Source de nuisances pour les agro-alimentaires comme pour les centres de traitements, les déchets gras et leur gestion représentent aujourd’hui un enjeu majeur pour tous ces acteurs. De nouvelles solutions techniques apparaissent parmi lesquelles des procédés, aujourd’hui standardisés, de saponification. Ceux-ci sont une « brique » génératrice d’économies dans les filières biologiques existantes. Applicables sur les stations d’épuration aussi bien industrielles qu’urbaines ou encore en amont d’un méthaniseur, ce prétraitement est alors source de gains techniques et environnementaux permettant des temps de retour sur investissement très courts.

Mettre fin aux nuisances liées aux déchets gras de flottation

De par leur nature, les déchets gras de flottation sont souvent sources de nombreux désagréments. Que ça soit chez les producteurs agro-industriels ou dans les centres de traitement (station d’épuration, unité de méthanisation), ils sont régulièrement à la source de colmatages, débordements et pannes matérielles des installations, de croûtage, de difficultés de biodégradation et moussage ou encore de nuisances « odeurs ».

Sur le plan économique, il existe une très grande disparité locale dans les coûts de gestion associés. Celle-ci est évidemment liée aux coûts du transport de ce déchet (composé souvent de plus de 80 % d’eau) et  à la filière d’élimination/valorisation mise en place. Selon les territoires, une tonne de déchet gras peut coûter en traitement de 10 € à plus de 100 €.

Depuis 1992, ces déchets doivent être valorisés (enfouissement interdit) ce qui représente donc un enjeu majeur, d’autant plus que leur épandage a été interdit en 1997. En 2015, l’ADEME a réalisé un état des lieux des gisements et des pratiques : 670 000 tonnes de graisses de ces matières ont été recensées (ADEME, 2015).

Figure 2 : Intégration de la saponification dans le panorama des voies de gestion des déchets gras.

Les filières de gestion sont, elles, multiples (Lievyn, 2009 ; ADEME, 2015 comme présenté ci-après). Malgré leur interdiction, l’enfouissement et l’épandage gardent une place non négligeable (23 %). Elles ont fait place dans les années 90 et 2000 successivement à l’incinération (2 %), aux traitements biologiques (34 %) et à la valorisation en tant que biocombustibles (11 %). Enfin depuis les années 2010, les solutions de compostage (11 %) et de méthanisation sont en plein essor.

Malgré ce panel de solutions et leur fort potentiel carboné, les substrats graisseux restent synonymes de nuisances et dysfonctionnements dans ces différentes filières (Kallel et al, 1994 ; Canler, 2001) :

  • • Mécaniques liées aux propriétés physiques des graisses : non solubles, densités plus faibles, solides à température ambiante,
  • • Biologiques de par leur faible bio-accessibilité et une longue biodégradation.

En proposant une transformation de la nature de ces déchets - forme liquide et soluble aux propriétés tensio-actives évitant les colmatages et facilitant grandement toute biodégradation - la saponification se positionne comme une « brique » simplificatrice dans la gestion de ces graisses.

Saponifier, une « brique » source de gains techniques, économiques & environnementaux

Quelle que soit la filière biologique de gestion existante, le prétraitement par saponification des déchets gras permet d’y apporter du gain. Cela se matérialise par une diminution des dysfonctionnements et des coûts de fonctionnement du process biologique et même dans le cas de la méthanisation par une augmentation des recettes associées à l’élimination de ces graisses.

La saponification est une réaction chimique connue et maîtrisée industriellement pour la production de savons à partir d’huiles végétales ou animales. Elle correspond à la transformation irréversible d’un ester en acide carboxylique et alcool sous l’action d’une base forte comme la soude, la potasse ou la chaux.

Pour la gestion des déchets gras, le prétraitement par saponification a été étudié dans les années 90 dans le développement des systèmes biologiques aérobies. Celui-ci est depuis réalisé partiellement et de manière non-maîtrisée dans un certain nombre d’installation de ce type (injectant un réactif basique dans les déchets gras). Cependant, aucune solution de saponification exclusive n’a alors été industrialisée. La complexité de manipulation de ces matières pâteuses et les travaux de l’époque privilégiant une élimination de la pollution carbonée expliquent sans doute cela.

Le contexte actuel - des stations d’épuration majoritairement sous-chargées, une filière méthanisation en plein essor à la recherche de ce type de matière, des coûts de transport qui ne cessent d’augmenter - redistribue les cartes et ouvre une réelle place à ce type de prétraitement dans les filières de gestion de ces déchets en amont d’une filière classique d’épuration ou de méthanisation.

La maîtrise de ce procédé réside dans les différents points suivants que l’entreprise SAPOVAL a réussi à contrôler et automatiser :

  • • Méthodes d’agitation & d’homogénéisation d’un mélange souvent bi- voire tri-phasique,
  • • Suivi et contrôle reproductible de l’avancement de la réaction malgré un substrat initial très hétérogène allant du liquide au très pâteux,
  • • Choix et dosage de la base forte pour permettre une compétitivité économique de ce prétraitement,
  • • Méthode de réintégration et valorisation des matières saponifiées dans un système biologique aérobie ou anaérobie : maîtrise et optimisation des impacts technico-économiques (amélioration des performances de traitement, réduction des coûts indirects).

Applications sur stations d’épuration urbaines et industrielles

Déjà fonctionnelles sur sites industriels et via une unité mobile, ces solutions permettent de réaliser une saponification autonome et in situ des déchets gras produits et collectés. Le procédé préalablement testé à l’échelle laboratoire et préindustrielle entre 2005 et 2013 est aujourd’hui applicable à tout site de production et adaptable à chaque situation (agro-industrie, station d’épuration urbaine, unité de méthanisation…).

L’effluent obtenu par saponification est assimilable par tout type de station d’épuration locale aérobie ou anaérobie (boues activées, lagunage, SBR, digesteur…). Ce prétraitement réalisé directement sur site - sous la forme d’une installation placée entre le flottateur et le traitement biologique - permet la gestion de ces déchets via un circuit le plus court possible. Il évite un transport tout en automatisant la gestion de ces matières. Les impacts économiques et environnementaux en sont ainsi grandement diminués.

Les coûts de gestion complets de ces graisses varient alors entre 30 et 50 € (saponification, traitement de l’effluent saponifié et gestion des boues associées) pour un bilan carbone divisé a minima par 2. L’analyse de deux unités SAPO’FIX¹ en fonctionnement montre des gains technico-économiques notables :

  • • une diminution des coûts opérationnels allant jusqu’à 70 %
  • • un temps de retour sur investissement inférieur à 4 ans (voire 2 ans dans l’agro-industrie).

Elle s’applique aussi bien à des sites industriels comme celui du spécialiste des olives préparées Menguy’s à Frontignan (34) - voir encadré ci-contre - qu’à des STEP urbaines recevant des effluents industriels (notamment par dépotage) comme celle de Graulhet (81) où la saponification des déchets gras est appliquée.

Il est possible d’aller plus loin dans la valorisation de ces sous-produits sur une station d’épuration. En effet, à l’instar de l’utilisation du méthanol dans le cas de carence carbonée, l’effluent saponifié est un concentré de carbone (200 à 800 g DCO/L et ratio C/N moyen de 200). Ainsi, le rejet de cet effluent dans les stations d’épuration carencées en carbone permet d’améliorer les performances de traitement de l’azote comme cela a été démontré sur la station d’épuration de Graulhet dans le Tarn (cf. encadré ci-dessous). De plus, ce mode de fonctionnement est une parfaite économie circulaire avec l’utilisation d’un sous-produit comme matière première.

Enfin, ce prétraitement est d’autant plus intéressant dans des zones géographiques où peu de solutions existent : zones rurales, montagneuses ou encore insulaires. Dans ces situations, la gestion en circuit court présente de véritables avantages pour le producteur de ces déchets puisqu’elle évite leur transport tout en offrant la possibilité d’améliorer la gestion de l’ensemble des effluents du site.

Application dans la filière de méthanisation

La méthanisation est en plein essor en France depuis une dizaine d’années. Les graisses de flottation possèdent un pouvoir méthanogène atteignant jusqu’à 750 m³ de méthane par tonne de matière organique. Elles sont donc très recherchées pour augmenter la rentabilité de ces unités. Cependant, leur utilisation à l’état brut est souvent imparfaite entraînant différents désagréments d’exploitation : croûtage, départ de moussage, vitesse lente de dégradation et présence non-négligeable de résidus lipidiques dans le digestat.

Une étape de saponification des déchets gras - réalisée en amont du méthaniseur - présente des avantages notables pour l’installation. En effet, les propriétés de la matière saponifiées (citées précédemment) permettent de mieux contrôler le processus biologique et d’éviter les problèmes mécaniques.

Les graisses saponifiées jouent alors un rôle de booster dans la productivité de l’installation en améliorant la quantité de méthane réellement produite et cela tout en permettant un meilleur contrôle du digesteur par une régulation de son pH et de son pouvoir tampon (Battimelli et al, 2009, Carrère et al, 2010).

Dans ce contexte, le développement de procédés de saponification des graisses associables aux unités de méthanisation - tel que le SAPO’FIX¹ - est fortement recherché. Afin d’apporter stabilité et gains aux gestionnaires de méthaniseurs, Sapoval développe actuellement une solution spécifique d’intégration de ces graisses saponifiées à cette activité, SAPO’METHA. Les études réalisées à ce propos laissent envisager des gains de 30 à 80 € par tonne de déchets gras bruts méthanisés et des temps de retour sur investissement pour ce type d’installation inférieurs à 3 ans.

Dans ces développements, sont aussi bien visés les stations d’épuration urbaines (co-digestion boues/graisses) que les sites de méthanisation de biodéchets acceptant des graisses.

Application pour de petits gisements et sur les sites de transit

Dans le cas de sites de production de petite taille (gisement < 100 T/an) - comme les STEP de moins de 20 000 EH, les agro-industries de 20 salariés, ou encore les établissements de métiers de bouche - le temps de retour sur investissement d’un prétraitement fixe par saponification est souvent trop long (> à 5 ans). Pour répondre à ces cas de figure, il existe des unités mobiles de prétraitement.

Le service SAPO’MOB¹, proposé grâce à la nouvelle unité mobile SAPO’HYDRO¹ mêlant hydrocurage et saponification apporte les avantages précités de ce prétraitement à travers une relocalisation en collaboration avec les gestionnaires d’assainissement et de méthaniseurs. Ces solutions permettent à des coûts compétitifs une gestion simplifiée de ces graisses.

Dans ces unités mobiles, l’hydrolyse des déchets gras est réalisée sur la durée de leur transport vers leur exutoire final. Ces solutions mobiles ouvrent aussi la voie à de nouveaux exutoires : rejet au réseau via des partenariats avec les gestionnaires d’assainissement locaux, dégradation en unité de méthanisation ou encore stockage sur site - facilité par la forme liquide des déchets - avant traitement.

 ¹ : Solutions proposées par l’entreprise SAPOVAL






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