30 novembre 2020Paru dans le N°436
à la page 75 ( mots)
Rédigé par : Patrick PHILIPON
En STEP, en usine de production d’eau potable, dans l’industrie, l’aquaculture ou au bord des piscines, il faut mesurer la concentration d’une grande variété de paramètres chimiques dans l’eau. De nombreuses technologies automatiques en temps réel, compactes et sans réactif sont désormais disponibles. Et pourtant la très classique colorimétrie, qui exige souvent l’intervention d’un opérateur, consomme toujours des réactifs et demande du temps, garde toute sa place. De plus, elle règne en maître au laboratoire. Pourquoi cette persistance ?
En STEP, en usine de production d’eau potable, dans l’industrie, l’aquaculture ou au bord des piscines, il faut mesurer la concentration d’une grande variété de paramètres chimiques dans l’eau. De nombreuses technologies automatiques en temps réel, compactes et sans réactif sont désormais disponibles. Et pourtant la très classique colorimétrie, qui exige souvent l’intervention d’un opérateur, consomme toujours des réactifs et demande du temps, garde toute sa place. De plus, elle règne en maître au laboratoire. Pourquoi cette persistance ?
Une précision inégalée
La colorimétrie s’impose, tout d’abord, par sa précision qui en fait la méthode de référence pour les autorités sanitaires. « Nous continuons à proposer de la colorimétrie pour fournir de bonnes mesures à nos clients. Elle reste l’unique méthode de référence, normée et indiscutable. Rien ne l’égale en termes de précision et fiabilité. Ces instruments répondent à des normes, contrairement à tout le reste. Il s’agit tout simplement de méthodes de laboratoire mises en ligne », explique ainsi Guillaume Schneider, directeur commercial chez Swan. Jérôme Porquez, directeur commercial de Macherey Nagel, renchérit : « dans les eaux de piscine par exemple, on contrôle le chlore, le pH… Il existe des automates pour ça mais tous les exploitants utilisent la colorimétrie pour vérifier et étalonner leurs automates. L’analyse en ligne ne suffit pas, les ARS exigent une analyse contradictoire par colorimétrie ».
Sans même se préoccuper d’exigences réglementaires, qui ne concernent pas tous les paramètres, la précision de la colorimétrie s’impose pour certaines applications. « Pour mesurer l’ammonium, par exemple, les électrodes ont une précision de 5 et la colorimétrie de 2 %. Le choix dépendra de l’application. En eau potable, où il faut doser précisément de faibles concentrations, la colorimétrie s’impose. En bassin d’aération, où l’on veut surtout une tendance, l’électrode suffit » explique Matthieu Bauer, responsable marketing chez Endress+Hauser. Il en va de même pour le chlore. « Différentes technologies de mesure existent pour les piscines. Mais sur les tours de refroidissement, on n’utilise jamais autre chose que la colorimétrie. L’enjeu sanitaire (légionnelle…) est trop important », ajoute Guillaume Schneider (Swan).
Par ailleurs, pour un grand nombre de paramètres, la colorimétrie s’impose tout simplement car il n’existe pas d’autre méthode ! « Le débat peut exister pour la mesure d’oxydants (chlore, ozone…) puisque différentes technologies existent. Mais pour la silice, les orthophosphates ou des ions un peu spécifiques, il n’y a pas le choix : on ne dispose que de la colorimétrie », souligne Guillaume Schneider.
Quelles applications ?
« La colorimétrie concerne tout le monde » affirme d’emblée Elisabeth Garet, responsable Produits Spectro-Chimie chez Aqualabo. « Elle s’impose en production d’eau potable pour l’ammonium, l’aluminium, le fer, le chrome, le cuivre, la dureté, les nitrites, en chaudière et turbines pour la dureté et la silice, en STEP pour la DCO, les nitrites, l’ammonium, les orthophosphates, le phosphore total, les chromates… », énumère Matthieu Bauer.
Beaucoup d’acteurs de ce marché sont des fabricants proches des métiers de l’eau, proposant des solutions de contrôle en ligne et intégrant la colorimétrie à leur gamme de technologies. C’est le cas d’Anael, Aqualabo, Endress+Hauser, Cifec, TMR, ou Swan ou Trace Analysis. Tous proposent une gamme de tests couvrant les besoins courants des exploitants.
En France, Siemens détient l’exclusivité de la commercialisation des produits de la société suisse Sigrist et propose la famille des ColorPlus 3 pour la mesure des nitrates et des matières organiques dissoutes. « Les Colorplus 3 sont utilisables sans réactif. Leur conception ingénieuse permet un accès rapide à la cellule de mesure et en facilite le nettoyage. Ils sont équipés de plusieurs filtres pour la vérification automatique de l’appareil et pour la compensation de certains paramètres comme la turbidité ou l’encrassement. Leur double trajet optique leur permet de contrôler en continu le degré d’encrassement de la cellule de mesure et de donner une alarme si celui-ci devient trop important. Ces appareils qui sont d’une très grande fiabilité ne requièrent que très peu de maintenance », explique Christophe Barbier chef de produit Siemens. Des chimistes “purs”, comme Macherey Nagel, plus axés sur le laboratoire, développent une variété encore plus large de réactions.
Une colorimétrie, des colorimétries
Le principe de la colorimétrie consiste à ajouter à un échantillon d’eau un produit réagissant spécifiquement avec le composé (ou paramètres physico-chimique) à mesurer et changeant de couleur à cette occasion. L’intensité de la coloration obtenue dépend de la concentration du paramètre à mesurer dans l’échantillon. Ce principe peut s’appliquer selon trois grandes méthodes. « Tout d’abord, les tests à base de bandelettes changeant de couleur que l’on trempe dans l’échantillon et qui donnent une réponse semi-quantitative. Nous sommes le premier fabricant mondial de papier test. Ensuite les kits à lecture visuelle : l’opérateur ajoute le réactif à son échantillon et compare la couleur obtenue à une échelle colorée. C’est plus quantitatif mais on dépend toujours de l’œil humain, des conditions d’éclairement, etc. Enfin la colorimétrie associée à des photomètres ou spectrophotomètres, qui s’affranchissent des conditions externes et dont la sensibilité dépasse celle de l’œil humain » énumère Jérôme Porquez (Macherey Nagel). Autre avantage de ces appareils : ils peuvent être intégrés à des automates en laboratoire. « Les kits visuels conviennent pour l’autocontrôle mais pas pour le contrôle officiel. Ça, c’est le domaine de photomètres et spectrophotomètres, ainsi d’ailleurs que le laboratoire en général » précise Elisabeth Garet (Aqualabo).
Le PhotoLab 7600 de WTW, spectrophotomètre UV-VIS de laboratoire peut contrôler sans réactifs la DCO, NO3, NO2 avec la fonction OptRef. Après avoir mesurer plusieurs eaux de station d'épuration, WTW a conçu un algorithme dédié pour ces paramètres, qui permet de vérifier, d'étalonner ou d'ajuster les matrices des capteurs en ligne.
Des opérateurs sur le terrain…
Quel que soit le mode de lecture, il existe des systèmes colorimétriques portables utilisables au “bord du bassin”. Aqualabo propose ainsi une gamme de mallettes comprenant un nécessaire à prélèvement, des réactifs et une échelle de couleur. « La force d’Aqualabo est de proposer des mallettes personnalisées, avec la gamme de paramètres demandée par le client. Nous construisons leur laboratoire portatif, en quelque sorte » souligne Elisabeth Garet. Aqualabo peut aussi relier un photomètre, le Photopod® à son analyseur portable Odéon®, permettant ainsi de mesurer une quarantaine de paramètres.
Chez Cifec l’analyse sur site d’un échantillon d’eau, sans nécessiter l’envoi au laboratoire, se fait en colorimétrie pour la plupart des paramètres physico-chimiques. Le fabricant utilise un réactif (comprimé ou liquide), spécifique du paramètre analysé, qui développe une couleur proportionnelle à la concentration cherchée. La couleur est mesurée avec un comparateur visuel à disque ou un colorimètre ou photomètre électronique qui donnent la correspondance couleur/concentration.
Le photomètre PC7500 Cifec permet notamment d’effectuer la mesure de plus de 70 paramètres dans l’eau potable, les eaux de piscine et les eaux usées avec port USB et Bluetooth.
Swan propose ses mallettes avec photomètres Chematest 30 et 35, en particulier pour les mesures d’oxydants en eau potable et de baignade. « C’est une nouvelle génération sortie en 2019, étanche et paramétrable pour plusieurs utilisateurs. Les données peuvent s’exporter en Blue Tooth sur smartphone » précise Guillaume Schneider. Macherey Nagel a pour sa part développé une gamme de mallettes Visocolor® et Nanocolor®, soit préconstituées pour certaines applications (eau potable, pisciculture, etc.) soit configurées à la demande du client.
Xylem Analytics France avec sa marque WTW, propose le PhotoFlex Turb, un colorimètre portable tout-en-un avec plus de 160 méthodes colorimétriques disponibles et la possibilité de mesurer pH, l'ORP par sondes, et la turbidité selon l'ISO 7027.
… à la colorimétrie en ligne
Même s’ils sont moins compacts que des sondes et nécessitent un rechargement périodique en réactifs, il existe des analyseurs automatiques en ligne reposant sur la colorimétrie. Selon les paramètres, les réactions chimiques mises en œuvre peuvent demander de plusieurs secondes à quelques minutes, auxquelles il faut ajouter les temps de pompage et de lavage. Il n’est donc pas question de suivi en temps réel, mais une mesure toutes les dix minutes représente déjà une fréquence appréciable. Et la précision est incomparable.
Endress+Hauser propose depuis quelques années son Liquiline System CA 80. « Nous sommes passés de la pompe péristaltique à la seringue, qui ne consomme qu’un ou deux millilitres, voire moins, par mesure. Cela augmente l’autonomie et réduit les déchets puisque la seringue est le seul consommable » précise Matthieu Bauer. L’analyseur Liquiline peut être couplé à différents systèmes de préparation d'échantillons selon l’application visée. Swan intervient aussi sur ce marché avec ses analyseurs AMI et Codes II. Parmi les petits derniers : l’AMI phosphate 2HL de nouvelle génération pour les orthophosphates (chaudières, chauffage urbain) ou le Codes II ozone qui mesure de très faibles teneurs en ozone dans les eaux de l’industrie pharmaceutique. « L’évolution porte principalement sur la consommation de réactif avec une amélioration des pompes péristaltiques d’injection. Le coût d’exploitation a ainsi été divisé par deux » affirme Guillaume Schneider. « Nous avons vendu beaucoup de silicemètres AMI Silitrace chez Sita (Suez), qui fait de l’incinération d’ordures ménagères, par exemple pour les sites de Poissy, Bellegarde ou Argenteuil » ajoute-t-il.
Trace Analysis propose toujours son Orion XP, un analyseur classique avec injection par pompe péristaltique. Yann Bouvier annonce cependant pour cet automne le lancement commercial (aux USA et en France) du tout nouvel analyseur RSI. « Nous l’avons développé avec Custom Sensor, une société américaine spécialisée en mesures optiques. Il n’a ni pompe ni électrovanne mais une seringue numérique de très haute précision et une vanne rotative multivoies. Le nouvel analyseur RS1 de Trace Analysis est un analyseur colorimetrique en ligne pour la surveillance automatique d'une large variété de paramètres, Silice, Manganèse, Phosphate, Aluminium, Ammoniac, Cuivre, Fer, Dureté et Hydrazine dans de multiples applications » précise-t-il. Il est configuré à la commande pour un paramètre, lequel détermine le choix d'un éclairage LED d'une longueur d'onde adaptée. « La silice a besoin de précision et demande une grande qualité optique. En revanche, cela n’a pas grand sens de prendre le RS1 pour du chlore: l’Orion XP suffit » complète Yann Bouvier. Anael propose également un analyseur automatique en ligne à seringue ultraprécise, l’Instran, disponible pour tous les paramètres courants ou plus exotiques.
La mesure en ligne d'orthophosphate et d'ammonium par colorimétrie ne consomme presque plus de réactifs, précise WTW. L'Alyza en utilise moins de 1 ml par jour grâce à la vanne multi-voie.
« Mesurer le chlore libre ou total, par colorimétrie DPD est aussi la norme dans beaucoup d'applications : en station d'eau potable ou d'eaux usées, en optimisation de process, dans les tours de refroidissements et même dans les habitats aquatiques », précise Julien Garrigues, responsable Process WTW, qui propose le nouvel analyseur Chlorine 3017M.
Indétrônable au laboratoire
On entre ici dans le domaine de la mesure de référence, celle qui se fait dans les instances de contrôle (ARS) ou dans les laboratoires de grands exploitants ou industriels. Dans tous les cas, l’analyse est effectuée par un opérateur humain et l’accent est mis sur la précision. « La colorimétrie associée à la spectrophotométrie est la solution la plus sensible et la plus précise en laboratoire comme sur le terrain. Malgré tout, l’expertise du technicien reste essentielle. Il portera son attention sur la qualité de l’échantillon, prérequis pour une analyse de qualité : son homogénéisation, sa turbidité, sa conservation, son mode de prélèvement… En tant que fabricant, Macherey-Nagel propose une large palette de réactions : plus de 200 pour une centaine de paramètres. La colorimétrie est une méthode analytique éprouvée et qui continue à se développer. Nous offrons en effet, encore beaucoup de nouveautés en créant des chimies moins toxiques, plus simples à mettre en œuvre, plus réactives et plus sensibles » révèle Jérôme Porquez. Autre nouveauté : une nouvelle chimie pour l’analyse des sulfates, qui se fait certes depuis des années mais avec un réactif très toxique. « Nous venons de mettre en point une nouvelle chimie qui évite désormais l’emploi de ce réactif toxique mais qui offre en plus une reproductibilité analytique deux fois plus élevée. Ce nouveau kit d’analyse a fait l’objet d’un dépôt de brevet » annonce-t-il.
Aqualabo, plus spécialisé dans les métiers de l’eau, reste dans la palette plus courante de réactions, qui comprend tout de même une soixantaine de paramètres. La firme a récemment revu sa gamme de spectrophotomètres de laboratoire. « Nous n’avons gardé que les modèles 9300 et 9600, qui disposent d’un faisceau interne de référence. Ce sont d’ailleurs les plus demandés par les clients » justifie Elisabeth Garet. Pour sa part, Macherey Nagel a ajouté un turbidimètre à ses spectrophotomètres. « Il donne l’alarme à l’opérateur qui doit appliquer un protocole spécial (et non automatisable) pour corriger le résultat si l’échantillon n’est pas assez limpide. Nous sommes les seuls à le proposer » précise Jérôme Porquez.
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