Déshydratation mécanique des boues : comment améliorer les performances des procédés ?
07 janvier 2019Paru dans le N°417
à la page 33 ( mots)
Rédigé par : Jacques-olivier BARUCH
Le choix d’une filière de déshydratation mécanique des boues dépend de très nombreux paramètres: nature des boues, coûts d’évacuation, filière de valorisation... Chaque critère mérite réflexions et essais pour optimiser les processus de déshydratation mécanique. Une approche globale est d’autant plus indispensable que la déshydratation n’est pas toujours l’étape ultime. Explications.
Selon la base de données des eaux résiduaires urbaines (BDRU), la France comptait, en 2016, 21.421 stations de traitement des eaux usées (STEU) qui représentaient une charge globale de 79 millions d'Équivalents-Habitants (EH) pour une capacité épuratoire de l'ensemble des STEU de 104 millions d'EH. La grande majorité concerne des petites agglomérations, et donc des petites STEU, car seules 3.881 stations de traitement des eaux usées gèrent les eaux des agglomérations de plus de 2000 EH.
Toutes ces stations d’épuration génèrent des boues qu’il faut traiter et gérer au mieux, non seulement du point de vue économique mais aussi environnemental. La plupart des exploitants organisent cette gestion des boues sous l’angle de l’épandage, du compostage ou de leur incinération, puisque la mise en décharge est exclusivement réservée aux déchets ultimes constitués des boues qui auront subi tous les traitements possibles, ce qui n’est pas économiquement viable sauf pour les boues très chargées en métaux lourds.
Évidemment, moins le volume à traiter est important, moins le coût de cette gestion est élevé. Or, en sortie de stations, les boues contiennent 99 % d’eau. Le traitement principal consiste à diminuer ce pourcentage, c’est-à-dire augmenter celui de matières sèches présentes dans la boue, ce qu’on appelle la siccité. Cela commence souvent par une étape d'épaississement, soit par une décantation gravitaire au-dessus d’une table d’égouttage dotée de toiles semi-perméables qui concentrent la matière sèche à raison de 15 à 100 g/L, soit une séparation par flottation, en injectant de l’air, ce qui sépare par différence de densité les phases solides et liquides, une technique assez efficace puisque la concentration de matières sèches en sortie est alors de 40 à 60 g/L.
Cette étape est souvent précédée - et presque toujours suivie - d’un ajout de floculants, pour que les matières solides en suspension floculent de façon à former des flocs. Puis arrive l’étape cruciale, celle de la déshydratation.
La déshydratation : une étape cruciale
Cette étape peut être réalisée par différents types d’équipements. On trouve des décanteurs centrifuges ou des systèmes filtrant comme les presses à bandes, les presses à plateau (appelées couramment filtres-presse), mais aussi depuis peu des presses à vis, à disque ou à piston. Avec les décanteurs centrifuges tels que ceux proposés par Alfa Laval, Andritz, Aqua Traitements, Flottweg ou Pieralisi, la boue se vide de son eau sous l’action de la force centrifuge d’un cylindre tournant à grande vitesse. Les filtres-presse et les presses à bandes essorent la boue en la compressant entre des toiles filtrantes. Dans les presses à vis, à disque ou à piston, c’est la vis, le disque ou le piston qui pousse la boue dans la chambre de compression. Chaque équipement a ses avantages… et ses inconvénients.
Le premier critère de l’opération de déshydratation est la siccité en sortie. C’est elle qui détermine le volume de boues finales. L’avantage va généralement aux filtres-presse et aux presses à piston qui peuvent atteindre de 26 à 45 % alors que les centrifugeuses atteignent de 19 à 32 % et les filtres à bandes de 15 à 22 %. Mais ces valeurs ne sont que théoriques. Selon le rapport final de l’Onema (Office national de l’eau et des milieux aquatiques) et de l’Irstea (Institut de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture) sur la déshydratation mécanique des boues paru en 2015, la forte variabilité observée sur les siccités constatées pour un même procédé peut s’expliquer « d’une part, par l’impact des paramètres opératoires et des propriétés des boues sur les performances des procédés de déshydratation mécanique (et) d’autre part, par le fait qu’à l’échelle des stations, les exploitants optimisent leur procédé de déshydratation aussi en fonction du coût de fonctionnement et des contraintes auxquelles ils sont soumis pour la valorisation des boues déshydratées. Le point d’équilibre entre ces deux critères de décision est différent d’une station à l’autre et peut également expliquer les variations de performance observées pour les différents procédés ».
Car il y a presque autant de types de boues qu’il y a de stations d’épuration. Tout dépend de la nature des eaux usées traitées et des traitements mis en œuvre avant que celles-ci ne deviennent des boues. Si elles sont seulement issues d’un processus de dégrillage et de décantation gravitaire, ce sont des boues primaires. Si elles subissent un traitement biologique par des bactéries en suspension qui assimilent les polluants dissous, on parle de boues secondaires. Les boues mixtes sont un mélange des deux. Elles peuvent également être digérées dans un méthaniseur afin de produire du biogaz. Ces boues deviennent alors des boues digérées. De plus, les paramètres d’une boue changent au cours du temps. Dans sa thèse soutenue fin 2015 à l’université de Clermont-Ferrand, Julian Tosoni a montré que le temps de digestion anaérobie des boues influe grandement sur la déshydratation des boues secondaires. Dans ses tests en laboratoire, il a ainsi remarqué que la déshydratabilité d’une boue diminue tout d’abord jusqu’à un temps critique pour s’améliorer ensuite sans atteindre celle de la boue brute. Ceci est du à deux modifications : celle des équilibres osmotiques entre les flocs et le milieu interstitiel et celle de la matrice des polymères solubles des flocs.
Autant dire que le rapport équipement/type de boues est essentiel. Selon l’association Amorce, qui regroupe des collectivités territoriales et de nombreux fabricants, les filtres à bandes ne sont pas adaptés aux boues fibreuses, les filtres-presse ne le sont pas non plus pour les boues collantes. Pour les centrifugeuses, « il faut que les boues ne contiennent pas de sable, sinon, la centrifugeuse risque de se détériorer rapidement. Un contrôle permanent de la nature des boues est donc nécessaire. De plus, les coûts d’investissement et d’exploitation (consommation importante en poly-électrolytes et en énergie) restent assez élevés », écrit Amorce. De plus, il faut noter qu’elles ne sont pas adaptées, tout comme les filtres à bandes, aux boues très organiques. Bien que ses performances aient beaucoup progressé, la centrifugation ne permet d’atteindre qu’une siccité limitée comprise entre 19 à 32 % selon la nature de la boue.
Des études poussées de procédés de séparation liquide-solide puis des essais pilotes sont donc bien souvent nécessaires pour sélectionner la technologie de déshydratation la plus adaptée au cas considéré. C’est notamment ce que propose l’IFTS dans le cadre d’une démarche visant à mieux caractériser pour mieux traiter et qui s’est équipé pour ceci d’un tout nouveau centre d’essais près d’Agen, dédié à l’expérimentation en conditions réelles de pilotes et de matériels industriels pour qualifier et certifier leurs performances de manière indépendante.
Pour Claire Courbet, ingénieur application biosolides chez Suez, l’essai pilote n’est cependant pas systématiquement nécessaire en municipal. « Nous disposons de données basées sur plusieurs dizaines d’années de retours terrains qui nous permettent, en fonction de la configuration de la file eau et de l’origine des flux d’eaux usées arrivant sur la station, ou selon le point de captage d’eau brute dans le cas d’une usine d’eau potable, de prédire la nature des boues que l’on va devoir traiter et les performances qu’atteindront chaque équipement. En revanche, en industries, les essais sont indispensables car les boues ont des matrices très variables avec parfois des comportements atypiques d’un site industriel à un autre, même sur des activités identiques ». Un point de vue confirmé par Jean-François Mischler chez Bucher Unipektin. « En industrie, chaque projet est un projet d’ingénierie complet. C’est la raison pour laquelle nous avons développé un système qui permet d’évaluer rapidement la déshydratabilité d’une boue. On simule le fonctionnement de la presse à piston à l’échelle laboratoire ce qui permet d’obtenir un résultat très proche de ce que l’on obtient par les méthodes normées de définition de la siccité limite. La différence, c’est que l’on obtient un résultat reproductible qui ne dépend pas de l’opérateur, et en moins d’un quart d’heure ».
Une autre solution consiste à effectuer des tests instrumentés directement sur site, comme le conseille un participant sur le forum d’échanges techniques FluksAqua.
Un élément clé : le conditionnement
Le conditionnement consiste à ajouter des réactifs chimiques dans la boue pour assembler les particules colloïdales dispersées en flocs plus importants, de manière à faciliter la séparation solide-liquide et obtenir un bon taux de capture des solides dans les flocs, de façon à faciliter l’expulsion de l’eau et atteindre la siccité souhaitée. Chaque boue ayant sa propre composition et chaque équipement de déshydratation ses contraintes spécifiques, il existe sur le marché une très grande diversité de produits chimiques de conditionnement des boues d’épuration. L’ajout de chaux permet par exemple d’augmenter la siccité et de ralentir l’activité pathogène en augmentant le pH tout en éliminant les bactéries. « La norme NF U44- 003 impose, pour l’épandage en agriculture, un taux de chaux de 30 %, un pH supérieur à 11,5 pour leur stabilisation et une siccité supérieure à 30 %, développait Jean-Pierre Deltreil, directeur général de Faure Equipements, dans ces colonnes (EIN 407). L’avantage du filtre presse est d’être capable d’atteindre cette siccité avec le taux de chaux exigé sans surcoût. Les autres technologies doivent augmenter le taux de chaux et, par conséquent, le coût global de réactifs. Le filtre-presse pourrait ainsi devenir un choix intéressant pour les stations d’épuration supérieures à 10 ou 20.000 EH ».
Outre la chaux, la plupart des équipements nécessitent l’ajout de polymères de synthèse et même, pour certains comme les filtres-presse, de sels métalliques de fer ou d’aluminium afin de favoriser la floculation de la boue. Les centrifugeuses, par exemple, ne fonctionnent pas si les boues sont exclusivement biologiques. Il leur faut se mélanger à des polymères fortement cationiques. Mais leur coût est important. Et attention au risque lié à la tentation de surdoser les polymères pour maintenir les performances, comme le souligne un participant au forum d’échanges techniques sur FluksAqua…
Dans un test réalisé en 2014 par Atlantique Industrie dans une usine de volailles du groupe LDC en Vendée, une comparaison entre une centrifugeuse et une presse à disque (EC EAU presse) a montré que la seconde utilisait entre trois et quatre fois moins de polymères. Rapporté à une consommation annuelle de plusieurs tonnes, le constat a son importance... Mais attention, chaque équipement de déshydratation, chaque boue, a ses propres particularités et comparaison n’est pas toujours raison.
La société catalane Andreu Boet Equipaments a par exemple comparé l’efficacité de ses centrifugeuses de la série S et a constaté que la consommation de floculants en poudre varie du simple à plus du double, de 60 g/m³ à 160 g/m³, selon que les boues soient fraîches, issues de filtres biologiques, activées ou digérées.
De manière plus générale, les polymères disponibles sur le marché progressent, tant au niveau de leur formulation (les billes par rapport aux poudres par exemple) qu’au niveau des principes actifs qui se diversifient et permettent de répondre aux cas les plus complexes. Mais c’est surtout l’importance du conditionnement, de mieux en mieux compris, intégré et suivi par les exploitants, qui progresse selon Claire Courbet chez Suez. « Il y a eu beaucoup plus de progrès dans la façon d’utiliser les produits de conditionnement que dans la formulation intrinsèque des produits » estime t-elle.
Équipements de déshydratation : des équilibres qui se modifient
En matière de déshydratation conventionnelle, les centrifugeuses restent les équipements les plus répandus. 64 % des stations en étaient équipées en 2014 contre 23 % de filtres-presse et 9 % de filtres à bandes. Mais l’irruption sur le marché il y a quelques années des presses à vis a sensiblement modifié les équilibres et les choix de certains exploitants. Ainsi, en octobre dernier, à Graulhet (Tarn), sur une station de traitement des eaux usées de 222.000 EH avec 50 % d’effluents issues de mégisseries, Huber Technology a réalisé le remplacement clés en mains de deux filtres à bandes par deux presses à vis de dernière génération pour une capacité de 180 kg à 227 kg de matières sèches (MS) chacune. Au même moment, EMO, modifiait le système de déshydratation des boues activées par centrifugation par une de ses presses à vis à Rochefort (Charente-Maritime).
Adequatec, dix ans après avoir installé la première presse à vis de déshydratation des boues en France (Adequapress, STEP d’Idron (64) exploitée par Suez depuis 2007), vient de mettre sur le marché fin 2017 une nouvelle gamme de presse à vis en rupture avec les technologies existantes. Les ingénieurs d’Adequatec ont mis à profit les retours d’expérience et les souhaits de leurs clients et ont procédé à un ré-engineering méthodique et complet de la technologie Adequapress®. Les tambours des nouveaux Adequapress, 40 % plus légers, sont éco-conçus (70 % de matière réutilisable et 30 % recyclable), autoportants et offrent une maintenance in situ facile, rapide et sans arrêt de production. Un industriel de l’agroalimentaire, Veolia, la ville de Castres (81) et Suez en sont les premiers bénéficiaires. « Adequatec a toujours mis l’accent sur la qualité de son procédé, c’est pourquoi l’Adequapress® est la seule presse à vis qui assure un taux de capture particulièrement élevé de l’ordre de 98 % et plus. Ceci nous permet d’afficher un bilan d’exploitation 60 % moins cher qu’une centrifugeuse, et 2 à 3 fois moins cher qu’une presse à tamis », affirme Alexandre Peulon, technicien en Process de déshydratation chez Adequatec.
Les centrifugeuses, qui font partie des équipements qui consomment le plus d’énergie, perdent du terrain. La consommation croissant avec la vitesse de rotation, il est normal qu’une centrifugeuse tournant à 4.500 tours/minute soit plus gourmande qu’une presse à vis en rotation à seulement 9 tours/minute. Les presses à disque Ec’Eau press d’Atlantique Industrie utilisent des moteurs de 0,2 à 6,7 kW. L’équivalent d’une presse à vis de 1,5 kW serait une centrifugeuse de 15 kW de puissance, soit 10 fois plus.
« Les performances de ces presses sont aujourd’hui bien connues pour les boues de stations municipales. Mais pour des boues industrielles, il faut faire quasiment systématiquement des essais. C’est la première action à mener quand on veut équiper une station et même faire fonctionner un équipement, explique Henry de Miramon, directeur général d’Huber Technology. Les boues ne sont en effet jamais identiques sur deux stations industrielles. Il y a aussi 6 ou 7 formules de polymères qu’il faut tester afin de trouver le meilleur compromis entre coût et efficacité ». Dans une usine de plats cuisinés du groupe Leduff, Atlantique Industrie a installé son Ec’eau presse à disques MDS313 (débit de 70 à 120 kg MS/h), pour traiter sans polymères des boues graisseuses (8 %) issues d’un flottateur. Ils ont obtenu une siccité entre 35 et 40 %. En Martinique, Huber a remplacé l’ancienne presse à bandes par sa presse à vis Q-Press. Avec une même boue issue de rejets d’une usine d’embouteillage de boissons gazeuses et de crèmes glacées, la Q-Press gagnait 4 % à 8 % de siccité.
Les presses à vis développées par Adequatec, Huber Technology, Emo ou Horus Environnement ont progressé. Un participant, sur le forum d’échanges techniques Fluksaqua, se déclare bluffé, en termes d'efficacité, par la faible consommation d’énergie et de polymères de ces équipements, qu’il juge cependant encore onéreux à l’achat.
Face à cette situation, les fabricants de centrifugeuses ont réagi.
A Pollutec 2018, Andritz a présenté une nouvelle génération de décanteuses centrifuges dédiée au marché municipal, la gamme DU, qui se caractérise par une plus faible consommation d'énergie. La technique de Haute Pression Hydraulique de l‘assemblage en rotation réduit le rayon de décharge des liquides clarifiés (centrâts). Cette conception, en plus d’améliorer les caractéristiques de séparation, permet de récupérer l‘énergie cinétique du fluide pour réduire jusqu‘à 15 % la consommation d‘énergie. Les plaquettes de niveau TurboJet récupèrent le reste de l‘énergie cinétique des liquides clarifiés sur le même principe qu‘un turboréacteur. En créant des jets de liquide orientés dans la direction opposée à la rotation du bol, la force de réaction soutient ainsi la rotation du bol. La plaquette de niveau réduit la consommation électrique totale jusqu‘à 30 % en configuration autonome. Sur cette gamme, Andritz propose deux systèmes d‘entraînement en standard : un entraînement direct et un rétro-entraînement régénératif. Alors que les systèmes de rétro-entraînement classiques dissipent l‘énergie de freinage de la vis sous forme de chaleur, le rétro-entraînement régénératif récupère cette énergie et la renvoie vers le moteur principal. Le système d‘entraînement direct alimente directement la vis en énergie d‘enroulement et évite ainsi les pertes de recirculation, contribuant à une réduction de 5 % supplémentaires de la puissance totale consommée. Au total, Andritz annonce jusqu'à -50 % par rapport à une décanteuse centrifuge traditionnelle), une haute siccité des solides (+ 1 %), une grande capacité ce qui permet d’augmenter les volumes sans changer de machine et de faibles consommations de polymère. En fonctionnement, la décanteuse centrifugeuse Andritz DU nécessite un dosage de polymère inférieur de 1 kg/TDS, ce qui permet de réduire notablement le coût total de possession de l’équipement.
Flottweg a également présenté une nouvelle série la X-Xelletor dont leurs performances permettent de gagner en siccité tout en économisant en polymères et en énergie.
La conception de la centrifugeuse a été entièrement revue. Au cœur de cette évolution, l’élément central composé du rotor et de la vis. Le système Xelletor repose sur une accélération du liquide directement dans la zone de centrifugation. Il n’y a pas de corps de vis, le liquide est accéléré de manière progressive ce qui permet de réduire la quantité de floculants. L’absence d’usure dans la zone d’alimentation permet de se passer de protection. Par ailleurs, le corps de la vis ne limite plus la profondeur des anneaux. Grâce à cette évolution, une plus grande profondeur des anneaux est possible ce qui a des effets positifs sur la compression, la zone de clarification et par conséquent sur l’efficacité de séparation. Résultat, Flottweg annonce jusqu’à 10 % de quantité de boues en moins grâce à une siccité plus élevée, jusqu’à 20 % d’économies en floculants, avec 20 % d‘économies d'énergie supplémentaires et jusqu’a 15 % de capacité en plus.
Des tests réalisés dans la station d’épuration de Rosenheim, en Allemagne, ont montré une progression de + 2 % en siccité avec des économies notables en polymères grâce au design interne optimisé. Des essais réalisés à l’échelle industrielle ont permis des économies de polymère pouvant atteindre 25 % à siccité constante. De plus, les gains annoncés en énergie de la série Xelletor sont de l’ordre de 50 %. Dans le cas de la station de Rosenheim, il s’est avéré possible d’économiser plus de 20.000 € par an… En fonction de la capacité requise, la consommation énergétique de la série Xelletor ne s’élève qu’à 0,7 kWh/m³. Ces économies résultent du nouveau concept bol/vis de la série Xelletor.
Quelques temps auparavant, Alfa Laval avait annoncé avec sa série Aldec G3 - 40% en consommation d’énergie pour 10% d’augmentation de capacité en plus. Mais les autres équipements évoluent également. Adequatec a ainsi procédé à un ré-engineering complet de sa gamme de presse à vis qui a ainsi été allégée de 40% en moyenne et a été rendue plus ergonomique, plus compacte et moins haute afin de faciliter la tâche des exploitants.
Conçus comme des cartouches filtrantes rechargeables, les nouveaux tambours Adequapress, Plug and Play, en rupture avec les technologies existantes, se caractérisent par une consommation d’énergie, de réactifs et d’eau encore plus limitée.
Cette nouvelle génération d’Adequapress® plus efficace et plus sobre a été essayée sur des boues digérées diluées (2,5 %) derrière un méthaniseur d’une STEP de 130.000 EH. La siccité obtenue était de 23 à 25 % avec une consommation électrique de moins de 10 kWh par tonne de matière sèche, 6 kg de polymère actif, 50 litres d’eau de lavage par heure, le tout avec un taux de capture mesuré à 98 %. « Ces performances font des presses à vis Adequapress un véritable outil d’efficacité énergétique et économique, se félicite-t-on chez Adequatec. Le coût de production à la tonne de matière sèche revient à moins de 40 € contre environ 100 à 120 € pour les autres technologies ».
De nouveaux équipements apparaissent également. C’est le cas du Rotary Press de Faure Equipements, un pressoir rotatif conçu par Fournier Industries, le spécialiste canadien de la déshydratation des boues. La technologie est concurrente des presses à vis, avec des siccités de 14 à 20 % sur les boues biologiques et des consommations de polymères et d’énergie comparables.
Pousser plus loin la déshydratation
« Nous avons l’habitude, chez Suez, de classer les objectifs de déshydratation en 4 catégories, explique Claire Courbet. La déshydratation conventionnelle ou encore historique, que l’on peut réaliser avec des équipements bien connus tels que des filtres à bandes ou des centrifugeuses. La déshydratation poussée qui consiste à chercher à atteindre la déshydratabilité limite de la boue, que l’on peut obtenir avec un filtre-presse ou une presse à pistons sur la base de conditionnements différents. La déshydratation poussée se justifie lorsqu'il y a un intérêt à atteindre l'auto-thermicité (cas d'une incinération en aval) ou lorsque l'on cherche à diminuer les volumes, que ce soit pour des raisons de coût d'évacuation, de stockage, ou pour réduire la taille des équipements de post-traitement (association avec un séchage solaire par exemple). Enfin, on peut encore aller au delà, avec la déshydratation boostée qui met en jeu des conditionnements thermiques et qui peut aller jusqu’à l’ultra-déshydratation qui consiste à carboniser la boue avant de la déshydrater ce qui permet d’atteindre jusqu'à 70% de siccité avec une presse à piston, sans sécheur et sans produit de conditionnement ». Pour répondre à ces différents objectifs, Suez a développé une offre baptisée Dehydris™. Ainsi, Dehydris™ Lime, est un atelier de préchaulage des boues avec centrifugation utilisé en dernière étape du traitement des boues. Dehydris™ Twist une déshydratation poussée qui repose sur la presse à piston de Bucher Unipektin qui constitue l'équipement le plus performant, à l'heure actuelle, en matière de déshydratation.
Enfin, Dehydris™ ultra, qui nécessite une siccité minimale des boues en entrée ce qui requiert parfois une pré-déshydratation sur centrifugeuse, repose sur un conditionnement basé sur une carbonisation hydrothermale puis un passage sur une presse à piston (sans ajout de produits de conditionnement) ce qui permet d’atteindre des siccités jusqu'à 70 % avec une capacité de traitement multipliée par 3 et une consommation énergétique globale 2 à 2.5 fois moins élevée qu'un séchage thermique.
Évidement, ces performances ont un coût. L’investissement initial est plus important ce qui ne signifie pas qu’il ne se justifie pas. « Une vision globale de l’ensemble de la filière est absolument indispensable, explique Claire Courbet. Car la déshydratation n’est pas forcément l’étape ultime du traitement. Si derrière, un séchage thermique, solaire ou une incinération sont requis, l’approche globale permet de comprendre que si l’atelier de déshydratation va coûter plus cher en mettant en œuvre une presse à piston par rapport à une centrifugeuse par exemple, l’étape suivante, de séchage ou d’incinération, par contre, va coûter bien moins cher ». « Une presse à piston a de très nombreux avantages, y compris en termes d’exploitation mais son coût, qui reste plus élevé, la destine plutôt aux stations d’épuration de forte capacité (>30.000 Eh) dont les coûts et/ou les volumes d’évacuation de boues sont importants, confirme Jean-François Mischler chez Bucher Unipektin. Mais elle se justifie également dès que des procédés thermiques sont mis en œuvre car le point de siccité gagné thermiquement est très coûteux comparé à la déshydratation mécanique ». L’investissement initial, plus important, est alors assez facilement compensé par les économies réalisées sur l’évacuation, le personnel et la longue durée de vie des presses à piston, comparable à celle d’un filtre presse. « Le retour sur investissement est concret et direct à partir de 600 T de MS et 60 €/tonne de boues, quelle que soit la technologie comparée, y compris le séchage », estime Jean-François Mischler.
Les retours d’expériences sur les stations d’épuration de Strasbourg ou Béziers, toutes deux équipées d’ateliers de déshydratation Dehydris™ Twist intégrant une presse à piston Bucher montrent qu’il est possible d’atteindre un bilan énergétique global positif pour les filières boues, avec ou sans digestion installée. A Strasbourg, l’intégration de la presse Bucher permet d’injecter sur le réseau assez de gaz pour couvrir la consommation de 5.000 habitations BBC.
A Boneo en Australie, Suez a remplacé un parc de centrifugeuses par deux presses à piston Bucher 7507. L’investissement, plus élevé au départ, a permis de réduire d’un tiers la surface nécessaire au séchage solaire. Le retour sur investissement s’est avéré rapide grâce à la réduction de volume apportée par le fait de faire de la déshydratation poussée en réduisant fortement l’empiétement au sol du séchage solaire.
Mais alors, quels sont les critères qui doivent conduire aux choix d’un équipement de déshydratation ? « Le principal critère, c’est la filière de valorisation, explique Claire Courbet. En fonction de la destination finale de la boue, on va rechercher une performance plus ou moins élevée. C’est ce qui va déterminer le taux de siccité qu’il va falloir se fixer comme objectif. L’autre idée, qui doit guider l’exploitant, c’est que lorsque l’on entre dans le cercle vertueux d’une valorisation énergétique, il faut faire en sorte que l’étape de déshydratation ne soit pas un frein, mais au contraire un tremplin vers cette valorisation énergétique, par exemple en produisant directement des boues autothermiques quand la déshydratation est suivie d’une incinération ».
Aller au delà de la siccité
Au delà des performances de déshydratation, les conditions d’exploitation ont également leur importance. « La facilité d’exploitation, la simplicité de l’équipement, son emprise au sol, l’impact odeur ou encore la maintenance sont des critères essentiels, souligne Claire Courbet. Ainsi, en déshydratation poussée où la presse à piston va être mise en parallèle avec le filtre presse, de grosses différences séparent ces deux équipements : l’un est 100 % automatique, entièrement capoté, et peut fonctionner 24h/24 7j/7, ce qui n'est pas forcément le cas de l’autre ». La presse à piston permet également un suivi plus fin de la qualité des boues produites et sait s’adapter automatiquement aux variations à l’entrée. Suivant le lieu d’implantation de l’équipement, la centrifugation, qui permet une déshydratation continue en circuit fermé (automatisé) pourra être préférée. En revanche, les filtres à bande qui fonctionnent en circuit ouvert tendent à produire des aérosols, ce qui oblige souvent à capoter les équipements pour éviter la dispersion de mauvaises odeurs.
Question capacité de traitement, les divers équipements ne sont pas non plus équivalents. La capacité des presses à piston HPS de Bücher Unipektin varie d’environ 200 kg de MS par cycle de deux heures pour la petite taille jusqu’à 1,6 tonne de MS pour le grand modèle. Les décanteurs centrifuges de Haus peuvent traiter de 1 m³/h à 250 m³/h, ceux de Flottweg de 10 à 250 m³/h. Les presses à disque d’Atlantique Industrie traitent de 1 m³/h pour le modèle MDS-101 à 44, 2 m³/h pour la MDS 453, la plus grosse, selon la siccité de la boue injectée, la presse à vis C-press d’Andritz de 2 m³/h à
50 m³/h. Les presses à bandes de la série SMX-Q d’Andritz gèrent quant à elles de 22,5 m³/h à 67 m³/h, et jusqu‘à 30 m³/h pour les modèles Omega NHP d’EMO.
La question des retours en tête mérite également d’être posée. Cette eau retournant en effet en tête de filière eau, sa qualité est importante en vue d’éventuels traitements. Dans leur rapport de 2015, l’Onema et l’Irstea ont étudié des postes de traitement comprenant une déshydratation par centrifugation de boues biologiques pour l’un, de boues mixtes digérées pour le second et de boues biologiques par filtre-presse pour le troisième. Le rapport montre que la déshydratation de boues biologiques par centrifugation a un impact négligeable sur le fonctionnement de la filière eau même si l’ensemble des éléments analysés sont en grande partie sous formes biodégradables. Pour les boues mixtes digérées, « la part de DCO contenue dans les retours en tête est négligeable. Cependant, environ 100% de cette DCO est de la DCO réfractaire. La charge en azote représente 12% de la charge d’azote NTK entrante (NDLR : Azote Total Kjeldahl : représente la somme de l’azote ammoniacal et de l’azote organique) et la quasi-totalité de l’azote est présent sous forme ammoniacale ce qui se traduira par une charge importante en azote à traiter ». Pour les boues biologiques déshydratées par filtre-presse, les charges en DCO total, en azote total et en phosphore total sont supérieures à celles issues de la centrifugation. Cependant, les deux organismes avertissent que chaque cas est particulier et ne sauraient être généralisés. Ils avertissent que « ce critère de performance prend une importance particulière dans le cas de la déshydratation mécanique des boues digérées pour laquelle les retours en tête peuvent impacter significativement la filière de traitement des eaux ».
Un facteur clé : le taux de capture
Un facteur lié au retour en tête est le pourcentage d’eau claire en sortie de déshydratation, appelé taux de capture. Car la séparation de l’eau des matières solides sert autant à diminuer le volume des boues destinées à l’épandage, au compostage ou à l’incinération, qu’à réinjecter une eau la plus claire possible dans le milieu naturel ou en tête de station. C’est donc un critère important. « Les meilleurs sur ce critère sont les filtres-presses, avertit Yves Hamelin, directeur commercial France d’EMO. Leur taux de capture approche les 100%, permettant aux filtrats restant de retourner directement dans le milieu naturel ». Le taux de capture des centrifugeuses est de 95 à 98%, meilleur que celui des presses à vis qui est d’environ 90% même si Atlantique Industrie annonce 95% pour son Ec’Eau presse à disque. Ce taux sera meilleur sur des boues biologiques polymérisées.
Adequatec met l’accent à la fois sur le taux de capture de ces Adequapress® qu’elle garantit entre 95 et 98 % selon la nature des boues et sur la consommation de polymère qu’elle garantit à plus au moins un point par rapport au besoin de la floculation déterminé par le Jar Test. « Il faut savoir que le taux de capture détermine le surcoût d’exploitation. Plus il est faible, plus il faut traiter de boues brutes afin d’atteindre l’objectif de production fixé. De même, outre le surcoût induit par la surconsommation de polymère, celle-ci induit un résiduel de polymère trop important dans les retours en tête qui affecte la qualité épuratoire de la filière liquide et engendre un surcoût à l’aération », précise Alexandre Peulon chez Adequatec.
Celui des presses à bandes développées par ATR Créations et Aqua Traitements est d’environ 90%. La qualité de la toile filtrante ne semble pas un paramètre important. En revanche, des toiles plus fermées, comme celles des filtres-presses à plateaux améliorent la qualité du substrat et donc le taux de capture.
Question maintenance, les centrifugeuses, considérées comme des horloges, sont clairement exigeantes. Elles requièrent un personnel qualifié que seules les grandes installations peuvent s’offrir.
Certaines ont externalisé cette maintenance en faisant appel à des sociétés spécialisées comme la société rochelaise Meca Centrifugation ou l’Allemande Huning, qui viennent réparer sur place ou emporter les pièces défectueuses en usine.
Moins de qualification demandée mais plus de travail pour les presses à bandes dont le nettoyage est régulier. « Les presses à disques demandent très peu de maintenance et de nettoyage », souligne Jean-Pierre Murzeau, directeur d’Atlantique Industrie. Les presses à vis, et plus encore les filtres-presse, sont des technologies plus rustiques. Malgré tout, leur nettoyage demande beaucoup d’eau et il faut régulièrement changer quelques pièces sujettes à usure. « La nouvelle génération de presses à vis demande moins de maintenance, avertit Henry de Miramon chez Huber Technology. Le joint en tête de vis dure entre 3.000 et 8.000 heures et est d’accès plus facile. La vis résiste entre 10.000 et 30.000 heures ».
Adequatec qui bénéficie d’un long retour d’expérience avec ces presses à vis Adequapress®, procède à une seule opération de maintenance une fois tous les 5 à 6 ans.
Pour la nouvelle génération avec tambour « Plug & Play », l’opération de maintenance se fait sur site en quelques heures et sans arrêt de production pour les machines composées de plus d’un tambour. « Nos presses à vis Adequapress® se distinguent des presses à vis à tamis par la qualité du filtrat et par leur taux de capture supérieur à 95 %. Elles consomment deux à trois fois moins de polymère et infiniment moins d’eau que les presses à vis à tamis ce qui se traduit dans leur coût d’exploitation 2 à 3 fois moins cher par rapport aux autres presses à vis », précise Alexandre Peulon, chez Adequatec.
Quand un exploitant veut s’équiper ou modifier ses installations, il cherche naturellement les conseils les plus avisés et contacte ses collègues qui l’ont précédé sur ce chemin. Sur le forum d’échanges techniques Fluksaqua, un exploitant écrit : « Nous avons comparé le remplacement d'une presse à bande par une presse à vis Huber et une centrifugeuse Alfa Laval. Capacité 80 kg de MS/h. L'investissement est quasi identique. La différence se fait sur la consommation électrique qui est plus faible avec une presse à vis, mais le coût d'évacuation des boues est plus élevé car la différence de siccité est favorable à la centrifugeuse de 3%. Le comparatif a été réalisé grandeur nature sur 6 semaines d'essai. Le gain global sur 1 an est de 10 % en faveur de la centrifugeuse. Nous avons pris en compte le coût d'achat, le coût des polymères, la consommation électrique, la maintenance et l’évacuation des boues. Sur une autre affaire, nous avons pris la presse à vis car avec une centrifugeuse, il fallait remplacer le transformateur électrique et modifier la ligne et le contrat EDF ». Il faut en effet penser à tout et bien garder en tête que comparaison n’est pas toujours raison.
« On a souvent tendance à comparer les équipements les uns aux autres sans qu’ils aient été préalablement optimisés et sans que le conditionnement requis par l’un et par l’autre, qui n’est pas forcément le même, ait été adapté, explique Jean-François Mischler chez Bucher Unipektin. Cela fausse les performances et donc les comparatifs. Il est important de garder à l’esprit qu’il n’y a pas de bons ou de mauvais équipements. Chacun a ses qualités propres et ses champs d’application privilégiés. C’est au maître d’ouvrage et à tous ceux qui le conseillent de choisir les outils les plus adaptés ».
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