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Boues d’épuration : quelle valorisation ?

31 decembre 2024 Paru dans le N°477 à la page 37 ( mots)

Méthanisation, compostage, séchage solaire, incinération : il existe plusieurs manières d’extraire de la valeur des boues de STEU, qui représentent essentiellement une charge pour l’exploitant. Petit tour d’horizon des tendances actuelles…

Pour les exploitants de STEU, les boues représentent surtout… une charge. Leurs stockage, transport et évacuation sont coûteux. Même leur «valorisation» n’occasionne pas forcément un profit pour la STEU, à l’image de l’épandage, qui certes enrichit le sol (et indirectement l’agriculteur) mais pour lequel l’exploitant de STEU doit payer. Avant même d’espérer en tirer un profit, les exploitants de STEU chercheront donc à diminuer les coûts qu’elles entraînent. Pour cela, il n’existe qu’une solution: diminuer leur volume. Que ce soit à la source, en produisant moins de boues au cours du traitement des eaux usées, ou en aval en concentrant ces boues. Rappelons à ce propos que ce qui sort du traitement sous le nom de «boues» ne contient que 5 à 10 grammes de matière sèche par kilo, soit moins de 1%. 

Autant dire qu’il est impensable de manipuler, transporter ou valoriser ce qui s’apparente essentiellement à de l’eau sale. Elles subissent donc des étapes d’épaississement et de déshydratation, plus ou moins poussées selon leur destination finale. Tables d’égouttage, tambours filtrants, filtres-presses à plateaux, centrifugeuses, presses à vis ou à piston: les technologies sont maintenant bien connues. C’est le domaine de fournisseurs comme, entre autres, Alfa Laval, Amcon, Andritz, Bucher Unipektin, EMO, Flottweg, Faure Equipements, Atlantique Industrie, Andreu Boet Equipaments S.L., Aqualter, ou Huber Technology

Traitement biologique Unibiocell Waste Water Box adapté pour les industriels. 

«Pour les boues biologiques fines municipales, Amcon propose l’épaississeur Volute Série VT qui permet d'atteindre une siccité de 8 à 10 %, ou la Volute Série GS qui inclut un pré-épaississement dans son bassin de floculation et qui peut offrir une siccité comprise en moyenne entre 15 et 25%. Le choix dépendra du niveau de siccité nécessaire pour l’exutoire choisi par le client», explique Audrey Gabarre, Gestionnaire grands comptes chez Amcon. 

Ces procédés de séparation liquide-solide nécessitent aussi la mise en œuvre de polymères choisis selon la nature des boues, comme ceux proposés par des entreprises telles que Solenis, Kemira, ou encore SNF. A partir de là, tout est techniquement possible pour valoriser ces matières : retour au sol avec ou sans compostage, méthanisation, incinération… Le cadre réglementaire et les contraintes propres à chaque site ou territoire restreignent cependant l’éventail des solutions économiquement réalistes.

UN CADRE RÉGLEMENTAIRE TOUJOURS ÉVOLUTIF

Presse de déshydratation Volute 404 d'Amcon. 

Les évolutions récentes ou à venir du cadre réglementaire incitent les exploitants à revoir leur stratégie de valorisation. Après des années de discussions, les ministères de l’agriculture et de l’alimentation (MAA) et de la transition Ecologique (MTE) ont enfin publié, en 2023, le projet de règlement (deux décrets et deux arrêtés) du «socle commun» concernant les Matières fertilisantes et supports de culture, prévu par la loi Egalim de 2018… «Les textes ne sont toujours pas parus à ce jour. La version finalisée, dite V4, devrait sortir avant la fin 2024 mais nous n’avons pas connaissance de son contenu. 

Il sera probablement moins sévère que nous ne le craignions en ce qui concerne les seuils qualitatifs mais le flux autorisé sur les sols risque d’être abaissé, ce qui aura évidemment un impact sur les plans d’épandage et les surfaces concernées. Il est difficile actuellement d’avoir une bonne visibilité sur le retour au sol des boues» explique ainsi Christelle Métral, Chef de Marché Transition Energétique et Economie Circulaire chez Suez Eau France

STEU construite par Sources à Val de Reuil (60 000 EH sur la File Eau – 90 000 EH sur la file Boues avec compostage des boues in situ).

Par ailleurs, le plan REPower EU, qui prévoit entre autres une multiplication par 10, environ, de la production européenne de biogaz en 2035 (par rapport à 2022), a été pris en compte dans le projet de révision de la Directive sur les eaux résiduaires urbaines (DERU) qui fixe un objectif global de neutralité énergétique pour le parc des STEU de plus de 10000 Eh. Ce texte devrait rapidement être publié au JO européen, avant transcription dans les Etats membres. «Le traitement, en particulier l’aération, étant par nature énergivore, nous nous dirigeons probablement vers une généralisation de la méthanisation des boues pour compenser, au moins sur les stations de taille significative» affirme Christelle Métral. 

«Pour optimiser la gestion des eaux usées avant même leur transformation en boues, l’enrichissement en oxygène par aération douce mini-invasive à longue distance offre une solution préventive. En garantissant une oxygénation linéaire et continue dans les conduites, cette technologie réduit les émissions d’odeurs et protège les infrastructures contre la corrosion. Cela garantit une qualité homogène des eaux usées qui, après leur traitement en station, facilite les étapes ultérieures de valorisation des boues, qu’il s’agisse de la méthanisation ou de la co-incinération», précise de son côté la société Drausy®.

LE RETOUR AU SOL RESTE MAJORITAIRE

STEU de Pau Lescar (190 000 Eh) opérée par Suez. 

C’est une exception française: dans notre pays, plus des trois quarts des boues de STEU retournent au sol, soit directement soit après compostage. Un rapport1 de 2019 de la Fédération Professionnelle des Entreprises de l’Eau (FP2E), avec le BIPE, donnait même un chiffre de 80%, proportion qui a marginalement baissé depuis. Conséquence de la crise de la Covid, l’hygiénisation est devenue quasiment systématique. «Le chaulage est de plus en plus répandu, pour assurer l’hygiénisation. D’autres technologies d’hygiénisation existent, comme le séchage solaire avec plancher chauffant. 

Nous avons par exemple «gagné» une STEU de 60000 Eh à Valff, en Alsace, avec cette option. Le plancher chauffant, qui fonctionne en hiver, est alimenté par une pompe à chaleur prenant ses calories sur l’eau traitée. Dans tous les cas, les boues sortent hygiénisées de la serre, avec une siccité de 80%, ce qui réduit très fortement le volume à évacuer avant épandage» explique Florian Routhier (Sources). 

Le Baby Solstice® Huber permet la démonstration in-situ de la capacité de séchage de la boue, afin notamment de consolider le bilan de rentabilité sur des application industrielles.

Pour étudier la pertinence d’un séchage solaire des boues, Huber Technology propose aux collectivités et industriels la mise en œuvre d’un sécheur en taille réduite instrumenté afin de documenter la capacité de séchage de la boue et son comportement avec l’action du pont retourneur Solstice® Huber. La valorisation est ensuite possible en compostage, épandage ou incinération. «Huber Technology propose une solution complète de séchage solaire Solstice depuis plus de 20 ans, avec 100 % des installations toujours en fonctionnement. Le dimensionnement des sécheurs est donc un élément maîtrisé. Le Baby Solstice® Huber permet par ailleurs la démonstration in-situ de la capacité de séchage de la boue, afin notamment de consolider le bilan de rentabilité sur des application municipales et industrielles», explique Etienne Morel Responsable Commercial Équipements France chez Huber Technology France. 

Aujourd’hui, environ une moitié des boues retournant au sol sont préalablement compostées. Il existe alors deux options : soit elles sont compostées sur le site de la STEU, donc sous la supervision de l’exploitant, soit elles sont dirigées vers une plateforme de compostage centralisée dont les services sont évidemment payants et qui vend elle-même le compost. «Le compostage sur site s’est beaucoup fait à la fin des années 2000. C’est moins le cas aujourd’hui: on envoie plutôt les boues déshydratées sur des plateformes de compostage centralisées. Le compostage reste un débouché important» affirme Florian Routhier (Sources).

 
Filtre-presse Titan Full Auto de Faure Equipements sur une STEP de 25 000 Eh. 

Sources a par exemple construit un compostage in situ à la STEU (80000 Eh) de Val-de-Reuil (communauté d’Agglomération Seine-Eure). La station d’épuration de Maxéville (54), opérée par Sovem (filiale de Veolia) pour le compte de la Métropole du Grand Nancy, a quant à elle récemment bénéficié d’une intervention pilotée par la société Valgo, qui a permis de valoriser 1100 tonnes de sable comme substituts dans la fabrication de béton, et de rediriger 625 de boues vers un centre de compostage. Ce projet de dépollution a mis en lumière la capacité de l’entreprise à concevoir des solutions sur mesure pour maximiser la valorisation des matériaux extraits, tout en répondant aux enjeux environnementaux et économiques du territoire. 

Par ailleurs, pour le pesage des bennes type Ampliroll, la société AS Technologies a conçu la solution industrielle PBA400, en conformité avec la norme NF R17- 108. Celle-ci permet la réduction des coûts opérationnels de transport et de l’empreinte carbone via l’automatisation et l’optimisation du cycle de remplissage des bennes, tout en améliorant la sécurité des opérateurs. Sa faible hauteur permet au PBA400 d’être installé et utilisé dans des espaces restreints, et sa conception modulaire facilite la réinstallation sur d’autres sites.

DES SOLUTIONS DE SÉCHAGE OPTIMISÉES POUR LE RECYCLAGE

Sécheur à pales Andritz Gouda. 

Outre les étapes de dégrillage, d’épaississement et de déshydratation, une phase de séchage est souvent nécessaire pour la valorisation. En fonction de l’utilisation finale des boues et de leurs caractéristiques, diverses technologies de séchage peuvent être proposées (sécheur à pale, sécheur à tambour ou à bande, ou encore sécheur à lit fluidisé) afin d’améliorer leurs propriétés. «En fonction des propriétés des boues et des objectifs de valorisation (énergie, agriculture, matériaux), nous sélectionnons la technologie la plus adaptée pour garantir une efficacité optimale et réduire les coûts (OPEX-CAPEX)» indique Thibault Voisembert, Directeur commercial Environnement pour Andritz Separation. 

À Dubaï, dont la municipalité a décidé d’augmenter la capacité de traitement des eaux usées de la ville, Andritz a ainsi été sélectionné pour concevoir et fournir une usine de séchage des boues, ayant pour but de réduire leur volume et de les rendre aptes à être réutilisées sur le terrain. Sur ce site, l’entreprise a installé trois lignes de sécheurs à pales, pouvant chacun sécher 5,6 tonnes par heure de boues déshydratées. Au-delà de la réduction de la consommation énergétique, ces sécheurs ont surtout permis une valorisation signifiante des boues : au lieu de la mise en décharge habituelle, qui était coûteuse et peu respectueuse de l’environnement, le processus génère désormais des bio-solides que Dubaï peut utiliser comme engrais et conditionneur de sol dans ses nombreux espaces paysagers.

LA MÉTHANISATION, TOUJOURS LE VENT EN POUPE ?

Traiter les boues dans un digesteur anaérobie pour produire du biogaz constitue une des rares solutions permettant d’en tirer un profit qui reviendra directement à l’exploitant de la STEU. Reste que cette technique produit elle-même des boues, le digestat, dont il faudra bien évidemment disposer. C’est donc une manière de valoriser «au passage» les boues, sans éliminer le problème. La digestion a toutefois l’avantage de réduire le volume final de boues, ce qui constitue d’ailleurs souvent la première motivation des MOA qui choisissent cette solution. 

Dessiccateur PBM 60 de Precisa permettant de déterminer par une mesure directe le résidu sec des boues et leur siccité. 

Le digestat lui-même suivra les mêmes voies que les boues classiques : déshydratation puis épandage (avec ou sans compostage) ou incinération. Reste que la méthanisation suppose un investissement non négligeable, et du personnel: sa rentabilité économique de n’est donc pas évidente pour une station de taille moyenne. Il faut donc trouver une manière de «booster» la production de biogaz. «Le premier levier peut être une gestion optimisée du process existant de digestion, ou même plus globalement de la filière boues, grâce à des solutions digitales de pilotage en temps réel. Nous avons ainsi mis en œuvre plusieurs solutions sur une gamme variée d’installations, dont un projet qui démarre sur deux sites en Espagne avec pilotage de co-digestion», précise ici Lynne Bouchy, Product Line Manager chez Createch360.

L’hydrolyse thermique des boues, en général avant la digestion, est une possibilité maintenant bien établie. Elle consiste à chauffer les boues à 165-170°C sous une pression de 6-7 bars pendant une trentaine de minutes. Cela suffit à lyser les bactéries constituant les boues, rendant leur contenu plus accessible pour celles qui le digèreront dans le réacteur. Au total: une production de biogaz supérieure pour le même volume de digesteur. «Si j’en crois les retours de mes prospects, en France, de nombreuses STEU de 50 à 100000 EH n’envisagent pas la digestion anaérobie conventionnelle parce qu’elles estiment que la valorisation du biogaz ne rentabilisera pas l’investissement. Or nos solutions standardisées d’hydrolyse thermique améliorent la rentabilité de la digestion à partir de de 4 à 5 tonnes de matière sèche par jour, ce qui correspond à des STEU de cette taille» explique Thierry Arnaud, Directeur Commercial France de Cambi

Pilote semi industriel CH4 Booster de Micr’eau.

Des collectivités comme Damusen (Danemark) ou Franklin (Etats-Unis) utilisent des unités Cambi de cette taille. Autre avantage du procédé: après hydrolyse thermique, la centrifugation du digestat produit un «jus» plus concentré en azote et phosphore. «Pour cette phase de centrifugation, il est très important d’obtenir à la fois une siccité élevée et un très bon taux de capture afin que les centrats présentent une charge très faible en MES, ainsi que le meilleur rendement possible du procédé d’annamox. Pour atteindre ces performances, la sélection du polymère le plus adapté et l’optimisation de sa mise en œuvre sont essentielles», souligne l’entreprise Solenis. 

Les procédés de dénitrification biologique de type anammox ou par stripping de l’azote et de déphosphatation avant retour en tête ont donc un meilleur rendement, ce qui soulage d’autant le bassin de boues activées. «Il est parfois souhaitable de récupérer ces éléments sous forme de struvite, par exemple avec le procédé Ostara» ajoute Thierry Arnaud. C’est le cas dans la station de Jarocin (100000 Eh, Pologne) où une unité d’hydrolyse thermique Cambi facilite la production de struvite. «En France, les conditions de plus en plus strictes sur les rejets d’azote et de phosphore dans les effluents favorisent également ce type de solution» affirme-t-il. 

La société Orège a quant à elle développé une technologie qu’elle présente comme une «alternative aux solutions classiques d’hydrolyse thermique. «Actuellement en cours de test sur deux STEU en France après un pilote réussi au Royaume-Uni, cette technologie, plus simple à installer et à exploiter, permet d’augmenter la productivité et le rendement biogaz. Grâce à sa conception optimisée, elle se révèle particulièrement adaptée aux stations de taille moyenne, offrant une solution rentable et accessible pour maximiser la valorisation des boues», explique Orège, qui a également présenté en 2024 une «offre Services mobiles destinés aux industriels, acteurs du secteur agricole, municipalités, exploitants d’installations d’eau». 

«Le groupe Micr’eau a signé un accord avec le groupe BKT/Tomorrow Water pour élargir sa gamme de produits sur la filière du biogaz et proposer différentes nouveautés dans le secteur de la méthanisation telles que le procédé Draco , technologie d’hydrolyse thermal appliquée aux effluents urbains et industriels (agro-alimentaires) permettant de réduire les volumes de boues à traiter, et le procédé AAD, technologie de digestion anaérobique avancée et séquentielle , pour le traitement des boues au sein de réacteur anaérobique séquentiel et de manière discontinue», souligne pour sa part Pascal Guasp , président de Micr’Eau.

INCINÉRATION : LA VALORISATION THERMIQUE

Boues pré-traitées par THP (hydrolyse thermique) sur la station d’épuration d’Oxford (Angleterre), par Bucher Unipektin.

Longtemps très minoritaire, et «réservée» aux STEU de grande taille, l’incinération ou co-incinération des boues revient quelque peu en grâce. «L’incinération reste très minoritaire en France mais, du fait des incertitudes sur l’avenir du retour au sol, certaines collectivités ont décidé de passer à valorisation thermique» explique Christelle Métral (Suez). Degrémont, filiale de Suez, achève ainsi la construction de la nouvelle STEU de La Roche-sur-Yon (Vendée), qui comporte un incinérateur de boues in situ. «Nous travaillons avec une température de four plus élevée que classiquement, afin d’éviter la production de protoxyde d’azote (N2 O)» précise Eric Judenne, directeur Marketing, Communication & Développement durable chez Suez International. 

Bien entendu, pour tirer avantage de l’incinération, ou tout au moins ne pas dépenser d’énergie, il faut que les boues tendent vers l’autothermicité, autrement dit qu’elles aient une siccité suffisante pour pouvoir brûler sans apport de combustible. «Pour atteindre cet objectif, nous disposons de deux moyens : la déshydratation mécanique avancée par une presse à piston Bucher Unipektin, comme à Béziers, ou l’utilisation de la chaleur du four pour sécher les boues en amont, comme à La Roche-sur-Yon» précise Christelle Métral. 

A l’international, Suez vient de «remporter» le plus gros projet mondial de valorisation énergétique des boues, pour la STEU de Dongguan, en Chine. Sources constate aussi un certain renouveau de l’incinération. «Nous voyons de plus en plus de projets avec valorisation thermique sur le site de la STEU car les MOA craignent une évolution réglementation défavorable au retour au sol. Ils récupèrent les calories pour les utiliser sur place ou les envoyer dans un réseau de chaleur urbaine. Comme les boues sont alors incinérées seules, nous utilisons des fours particuliers, en général à lit fluidisé» explique Florian Routhier. 

Là encore, l’hydrolyse thermique, couplée à la méthanisation, peut apporter un plus pour l’incinération du digestat. «Nous rencontrons cette problématique sur de grosses STEU pratiquant l’incinération mais qui ont du mal à atteindre l’autothermicité. Avec notre technologie, on peut gagner 7 à 8 points de siccité. Sur un projet en France, l’installation d’une unité Cambi a permis de diminuer la taille de l’incinérateur prévu, grâce à un moindre volume de boues à la siccité plus élevée. Dans cette configuration, la vapeur nécessaire pour l’hydrolyse thermique est produite grâce à la chaleur générée par l’incinérateur, ce qui économise du biogaz» souligne Thierry Arnaud (Cambi)

VERS UNE CENTRALISATION DES BOUES

Plusieurs procédés de valorisation, qu’il s’agisse de compostage, méthanisation ou incinération, ne prennent un sens économique qu’à partir d’un certain volume de boues à traiter. D’où un mouvement vers la centralisation des boues de plusieurs STEU dans un centre de traitement unique, une pratique très courante dans le Nord de l’Europe et qui émerge en France. «Nous avons récemment inauguré à Villiers-Saint-Frédéric (Yvelines, 42000 Eh) une méthanisation mutualisée des boues du syndicat intercommunal d’assainissement Neauphle le Château. La STEU est devenue de ce fait une ICPE2 mais cela ne pose pas de problème particulier si les dispositions nécessaires sont prises à la conception. Le digestat est valorisé en épandage agricole» signale ainsi Christelle Métral (Suez). 

La société Atlantique Industrie propose ainsi différentes solutions pour s’adapter à un maximum de besoins : «Devant l’hétérogénéité des boues à traiter, nous avons adopté une stratégie permettant de proposer des stratégies sur-mesure, avec des gammes de matériels différents : de la presse à vis, à la presse à disques en passant par une presse à ovoïde et chacun de ces matériels est lui-même 2. Installation classée pour la protection de l’environnement complètement adaptable (pression, perforation, vitesse, etc.). L’ensemble de ces équipements constitue notre gamme gamme Ec’Eau Press, qui compte notamment deux produits clés, l’Ec’eau Press MDS et l’Ec’eau Press Wave, des presses autonettoyantes consommant très peu d’eau et fonctionnant avec ou sans ajout de polymère. Pour accompagner le client dans la définition de son besoin et de la meilleure solution à mettre en œuvre, nous proposons systématiquement un essai in situ pour qualifier au mieux le matériel à dimensionner», explique Stanislas Grivet Directeur Commercial (Atlantique Industrie).


LES TECHNOLOGIES ÉVOLUENT 

Si les grands principes sont désormais fixés, certains acteurs font encore évoluer leurs technologies pour extraire encore un peu plus de valeur des boues. Suez propose par exemple deux améliorations pour la méthanisation. Digelis BH est un procédé de méthanisation en double étage, avec une hydrolyse biologique en amont. « L’ensemble est plus compact, avec 40% de volume de moins qu’un digesteur classique, ce qui intéresse les STEU au foncier contraint. La production de biogaz est augmentée de 5 à 10%. Nous mettons ce procédé en œuvre sur la STEU de Nice Haliotis, en cours de rénovation. Dans ce cas, les digestats sont dirigés vers une co-incinération avec les ordures ménagères » précise Christelle Métral. 

«Nous mettons en route à New Delhi Okhla une STEU de 3,5 millions d’équivalents habitants, sur 55 hectares, avec ce type de digestion « boostée ». Le biogaz sert à de la cogénération de chaleur et d’électricité. Les boues sont séchées dans 40 serres solaires. Ainsi hygiénisées, et avec une siccité de 60%, elles vont en épandage agricole» ajoute Eric Judenne (Suez). Pour l’optimisation du processus de déshydratation des boues, la société VTA propose aussi son procédé Nanofloc® basé sur la nanotechnologie de pointe. Digelis Advanced est pour sa part un procédé de méthanisation «concentrée» basé sur l’expertise de Suez (et de ses partenaires scientifiques) en métagénomique3 des populations bactériennes. «Cela nous permet d’aller au-delà du dimensionnement conventionnel. Nous travaillons avec des boues plus concentrées en entrée, épaissies au-delà de 90g/L de matière sèche, ce qui diminue le volume du digesteur et les besoins de chauffage. Ces conditions de fonctionnement du digesteur suffisent à modifier la population bactérienne» explique Christelle Métral. 

Suez met en œuvre ce procédé à la Roche-surYon, une STEU en cours d’exécution qui démarrera au printemps 2028. Suez propose également Dehydriss ultra, un procédé de carbonisation hydrothermale des boues, préalablement déshydratées avec une presse à piston de type Bucher Unipektin. La carbonisation produit un biocoal (une sorte de biochar). «L’intérêt est de réduire la quantité de boues de plus de 80% en consommant 3 à 4 fois moins d’énergie qu’un sécheur thermique » explique Christelle Métra. La première installation en France est l’emblématique STEU de Pau Lescar (190000 Eh). Les essais de performance ont confirmé l’atteinte d’une siccité supérieure à 60%, et le biocoal sera à terme dirigé vers une co-incinération dans UVE située à proximité immédiate de la STEU. 

Suez déploie également le procédé à Belgrade (Serbie) sur une STEU d’un million d’EH en début de construction. Florian Routhier signale de son côté que Sources propose une technologie de méthanisation « boostée » basée sur l’association d'une digestion thermophile et d’une digestion mésophile. Cette technologie est notamment mise en service sur Cométha, une filière de co-méthanisation des boues du SIAAP avec des ordures ménagères du SYCTOM. 

Cométha déploie une palette complète de technologies avancées : méthanisation boostée, stripping du « jus » de centrifugation pour récupérer l’azote et pyrolyse en fin de système. «Nous ne produisons pas de biochar mais poursuivons la pyrolyse jusqu’aux cendres, car le cahier des charges prohibait le retour au sol. L’énergie nécessaire peut être récupérée sur les fumées» explique Florian Routhier.


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