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Dépollution des sols et nappes : le métier évolue avec le contexte général

02 juin 2022 Paru dans le N°452 à la page 31 ( mots)
Rédigé par : Patrick PHILIPON

S’il n’a pas vu apparaître de nouveauté technologique, le métier de la dépollution des sols et des nappes évolue pour prendre en compte de nouvelles préoccupations: environnement, reconquête des territoire périurbains, nouveaux polluants, etc.

L’activité de dépollution des sols et nappes n’échappe pas à l’actualité. Le paysage est donc dominé par deux tendances : d’une part la crise sanitaire (épidémie de Covid) et géopolitique (guerre en Ukraine), d’autre part l’émergence de préoccupations environnementales au sens large. « Comme beaucoup d’autres domaines, nous subissons à la fois une tension sur les prix des matières premières et des problèmes d’approvisionnement» expose ainsi Arnaud Perrault, directeur de la société de travaux Colas Environnement. « Le contexte entraîne une flambée des prix de nos “intrants” de base : carburants, énergie et matières premières. C’est sans précédent dans le métier, aussi le marché est-il plus tendu encore, avec une difficulté à formuler des engagements de prix et de planning » confirme Amélie Rognon, directrice du développement chez Ortec Soleo.
Process d’Extraction Sous Vide développé par Colas Environnement et déployé dans le cadre de la dépollution de l’ancienne raffinerie de Dunkerque. L’unité dimensionnée et conçue par nos équipes en partenariat avec SPAC (filiale du groupe Colas Environnement) permet de délivrer des débits dépassant les 5 000 m3/h. D’autres zones du site de l’ancienne raffinerie sont actuellement en cours de traitement par d’autres méthodes de remédiation notamment de traitement sur site.

Si l’on excepte ce contexte somme toute général, comment évolue le métier ? Quelles sont ses nouvelles contraintes ou opportunités ? De nouvelles règles sont-elles apparues ? Les technologies disponibles ont-elles évolué ? Prend-on en considération de nouveaux polluants ?

De nouvelles préoccupations

La première tendance en France, signalée par tous les interlocuteurs, est la montée en puissance d’un type particulier de missions : la réhabilitation de friches industrielles en milieu urbain ou périurbain. « C‘est une tendance forte. Le “Fonds friches” a accéléré les choses et ouvert les yeux de certains acteurs sur le potentiel de ces sites. Notre métier, longtemps perçu comme une contrainte, devient une opportunité de valorisation d’un foncier auparavant délaissé » explique Arnault Perrault. « La nouvelle volonté de l’État de se diriger vers le “zéro artificialisation nette” implique de reconquérir des friches industrielles en zone périurbaine, voire urbaine, plutôt que de grignoter des terres agricoles. L’Ademe ne finançait auparavant que les opérations sur des sites orphelins ; avec les nouveaux fonds disponibles, cela s’étend » reprend Jérôme Pantel, président du bureau d’études Canopée & Partners. Tous deux font allusion au “Fonds Friches” du ministère de la transition écologique, destiné au recyclage des friches et à la réhabilitation du foncier déjà artificialisé, y compris la reconversion d’anciens sites industriels ICPE, et doté de 650 millions d’euros pour la période 2020-2021. Une troisième édition de l’appel d’offres, lancée 15 février 2022, est dotée de 100 millions d’euros supplémentaires. Une petite partie, dédiée aux anciens sites ICPE, est gérée au niveau national et distribuée par l’Ademe, le reste est territorialisé sous l’égide des préfets de région.
Autre grande tendance : la montée de thématiques environnementales comme l’économie circulaire (récupération des matériaux), la protection de la biodiversité (devenir du foncier) ou le bilan carbone des opérations. « Le bilan carbone du chantier devient un critère de sélection des dossiers. Il faut maîtriser les émissions de GES pour ce faire, il faut travailler à différentes échelles et à tous les niveaux (achats, énergie, transport/mobilité, déchets, cela favorise le traitement in situ et, s’il faut exporter des terres, incite à massifier le transport par voie fluviale » affirme Amélie Rognon (Ortec Soleo). Même orientation chez Veolia : « nous devons limiter le recours aux camions, utiliser les transports fluviaux dès que possible. Nos plateformes de Gennevilliers et Epernay sont d’ailleurs en bord de voies d’eau » confirme ainsi Olivier Sibourg, directeur technique adjoint du pôle remédiation chez Veolia1. Le groupe Colas Environnement pousse également ses équipes à diminuer leurs émissions de CO2, comme l’affirme Arnaud Perrault.
La société Haemers détient plusieurs brevets sur la technologie de désorption thermique. Ici la société est ainsi intervenue pour le compte de Remea dans la dépollution d’un ancien site industriel destiné à un usage in situ.

La protection de la biodiversité, une dimension que l’on n’imaginait pas voir surgir dans ce domaine, devient pourtant une préoccupation. « En zone urbaine sur certains sites laissés longtemps à l’état de friche, faune et flore se sont développées, et il peut être préférable de ne pas tout boulever­ser, de penser espaces verts, jardins de pluie, etc. C’est une dimension à intégrer le plus tôt pos­sible dans la conception d’une démarche de dépollution raisonnée » souligne Jérôme Pantel (Canopée & Partners). De son côté, Veolia vient d’achever le programme de R&D Agrege, dédié à ce sujet. « Il s’agit de trouver des moyens de valoriser des fonciers dégradés sous forme d’espaces verts, avec des plantes qui s’adaptent à la structure du sol dépollué. C’est un nouveau paradigme dans notre métier : il ne s’agit pas simplement d’enlever la pollution mais de revitaliser le foncier » explique Pierre Coursan.

Enfin, bien qu’instituée depuis plusieurs années (loi Alur du 24 mars 2014 et décret d’application du 18 août 2015), la procédure du Tiers demandeur commence aujourd’hui à faire sentir ses effets en pratique. « Un industriel qui n’a pas les moyens ou la volonté de dépolluer un site, y compris ICPE, peut désormais le céder en l’état, charge au repreneur d’assumer la responsabilité légale de la dépollution. Cela a créé un nouveau marché : un aménageur ayant des vues sur une friche peut en devenir propriétaire et faire ce qu’il veut, dès lors qu’il prend en charge la réhabilitation » explique Olivier Sibourg (Veolia). « Nous nous inscrivons de plus en plus dans des démarches de type Tiers demandeur. Pour cela, nous accompagnons les industriels, pas forcément à l’aise dans la revalorisation foncière. Nous montons des partenariats avec des promoteurs immobiliers pour proposer une réponse globale : l’industriel n’a qu’un seul interlocuteur. Cette innovation marketing nous permet d’intervenir plus tôt, d’être une force de proposition auprès des industriels pour assurer une dépollution qui tienne compte du projet futur » assure Pierre Coursan (Veolia).

L’activité “classique” continue, en plus délicat

Beaucoup de chantiers font appel à des techniques éprouvées - venting, biodégradation, oxydo-réduction, pompage, excavation, lavage… - mais avec des précautions supplémentaires. « Aujourd’hui on réhabilite des friches en milieu urbain. Afin d’éviter les nuisances pour le voisinage, nous avons développé des méthodologies sous tente. A Neuville sur Saône, pour Sanofi, nous avons ainsi excavé plusieurs dizaines de milliers de m3 de terres contaminées aux polluants organiques volatils sans aucun impact pour le voisinage » affirme Olivier Sibourg (Veolia). Veolia a également dû travailler sous tente pour traiter un site contaminé au mercure dans le centre de Toulouse. « Cela implique une forte ingénierie en amont, puis il faut prendre des précautions sur le chantier pour protéger le personnel, et même assurer son suivi biologique. Nous avons développé cette spécialité pour des terrains très pollués hors des zones urbaines, et devons maintenant utiliser ces méthodes dans les villes, avec beaucoup plus de contraintes » souligne Pierre Coursan.
Autre grand chantier de forme “classique” pour Veolia : la réhabilitation du site de l’ancienne usine Ford de Blanquefort, près de Bordeaux. « Les bâtiments ont été démantelés l’année dernière et nous dépolluons des sols contaminés aux hydrocarbures, par excavation et lavage sur site. La quasi-totalité des terres est réutilisée sur place. Nous avons installé une barrière réactive pour une pollution par des solvants chlorés » énumère Olivier Sibourg.
Pour répondre à ce besoin grandissant de gestion de nouveaux polluants présents dans les sols ou dans des eaux souterraines, Ajelis a élargi sa gamme de fibres réactives pouvant servir de Textiles Barrières Réactifs Perméables. Initialement développés pour piéger les métaux lourds, certains textiles non-tissés de la gamme GEOCAPT® se montrent également efficaces pour la fixation de composés organiques (pesticides, colorants, ...). Ils empêchent la propagation indésirable des contaminants mobiles qui se diffusent sous forme de panache. Ces fibres textiles réactives sont un outil flexible permettant la création de diverses formes d'applications répondant à des conditions d’usage et à des objectifs variés : soit pour se préserver d’une contamination d’eaux souterraines, soit pour limiter la transmission des polluants vers des terres saines.
Colas Environnement utilise pour sa part l’extraction sous vide pour une nouvelle phase de travaux sur le site de la raffinerie de Dunkerque. « Nous traitons des polluants très volatils sur deux hectares, avec un skid qui gère entièrement la problématique ATEX. Ce skid a été désigné entièrement en 3D, puis son jumeau numérique a été utilisé pour le contrôle construction par réalité augmentée. Le traitement est en autothermie et réalisé in situ. Il devrait durer treize mois » précise Arnaud Perrault.
Ortec Soleo dispose d’une plateforme à Saint Ouen l’Aumone permettant le transport sur barge.

Sans doute à cause de l’obligation d’établir un PCT, de plus en plus de sociétés de travaux se dotent de leurs propres laboratoires pour la réalisation d’essais préalables, ainsi d’ailleurs que du matériel nécessaire à la réalisation d’essais pilotes sur le terrain. « Notre laboratoire de Lyon réalise des essais pour nos équipes, pour nos clients comme les bureaux d’études ou les industriels. En tant qu’organisme de recherche agréé au titre du CIR (Crédit Impôt Recherche), les travaux confiés à notre laboratoire permettent à nos clients de bénéficier du CIR, ce qui nous amène à les accompagner sur des développements novateurs. Certains sites industriels posent en effet des problèmes de pollution complexes pour lesquels il n’existe pas de solution toute prête sur le marché. Notre outil laboratoire permet de dimensionner des solutions à façon, réalistes techniquement et financièrement robustes » affirme ainsi Amélie Rognon, pour Ortec Soleo. La société Colas Environnement a également installé un Laboratoire d’Expertise en Dépollution. « Nous travaillons pour nous mais aussi des bureaux d’études ou des clients, et avons été dépassés par la demande. Il a fallu déployer des moyens supplémentaires. Les essais préalables, au laboratoire ou sur site, permettent de fiabiliser le budget de garantir l’atteinte des objectifs du chantier. C’est une vraie plus-value pour le métier » estime Arnaud Perrault. Même configuration chez Veolia, qui a intégré le laboratoire de Mézieux - et le parc de matériel pour les essais de terrain - de Suez Remédiation. « Nous sommes dans un métier tellement empirique que les donneurs d’ordre commencent à comprendre l’intérêt d’investir sérieusement dans les essais préalables, ce qui génère d’importantes économies lors de la phase de travaux » souligne Pierre Coursan.

Pas de révolution technique mais…

Le domaine n’a pas vu récemment d’innovation de rupture mais des inflexions dans le choix des technologies dans la panoplie disponible. Ainsi, pendant la phase préparatoire (du diagnostic au plan de gestion), les bureaux d’études suivent une tendance générale : le recours aux outils numériques. « Modélisation, géostatistique, BIM, etc. sont de plus en plus utilisés. Certains prestataires vont même jusqu’à mettre en œuvre de l’intelligence artificielle pour caractériser la pollution » explique Jérôme Pantel. Des sociétés comme Envisol, GPC Instrumentation Process (Gpc Ip), Tellux, Tesora, Wessling entre autres, sont présentes sur ce créneau.
« Avec sa technologie brevetée, Tellux est la seule entreprise à caractériser la composition des sols à l'aide de l'intelligence artificielle couplée à l'imagerie hyperspectrale », se félicite Antonin Van Exem, Président fondateur de Tellux.
Tellux caractérise la composition des sols en couplant IA avec imagerie hyperspectrale.

Envisol, un bureau d’étude expert en sites et sols pollués, se place également sur le terrain du développement des approches innovantes en traitement de données environnementales. « L’intelligence artificielle et l’utilisation d’algorithmes complets permettant la spatialisation des impacts et la quantification des risques sanitaires comme financiers sont jusqu’à maintenant les méthodes les plus sollicités par nos clients », explique Antoine Heude, chargé de projet en R&D.

Deux réalisations illustrent les mutations technologiques observées dans le secteur. « Sur le choix de friches à réhabiliter, nous avons créé la solution logiciel predicter®, qui intègre des algorithmes d’intelligence artificielle pour prédire les risques liés aux problématiques de dépollution par rapport à un projet d’aménagement. Cette solution a été rendue possible grâce la construction d’une base de données, qui s'appuie sur des cas réels, reliant les caractéristiques des friches à leur prix de dépollution ». Avec le développement d’outils de mesures en temps réel des contaminants dans les sols, la caractérisation des impacts, leur dimensionnement ou encore le suivi de travaux de décontamination évoluent en même temps vers des approches plus flexibles et directes. « L'analyseur RemScan est un instrument portatif qui permet de mesurer les concentrations d’hydrocarbures dans les sols avec une précision de laboratoire et une rapidité d’exécution de l’ordre de la minute, directent sur le terrain ». Une autre solution, le GSTAT Eval a été conçue pour démocratiser l’expertise géostatistique en sites et sols pollués et spatialiser ces mesures en temps réel afin de dimensionner les impacts en trois dimensions, ou encore de mettre en avant les zones d’incertitudes à échantillonner en priorité. « Là encore les champs d’applications sont larges et vont du suivi de chantier de décontamination jusqu’à la mesure de la décroissance des concentrations dans des centres de traitement de terre ». Pour compléter l’approche et l’étendre aux risques sanitaires, Envisol a développé ENVIRISK®, un outil de cartographie désigné lauréat du plan de relance de l’ADEME 2021.
« En sites et sols pollués, les méthodes de Venting, bioventing et thermolyse sont plutôt fréquentes. Des études menées par l’Ademe et ses partenaires ont démontré que d’autres essais physiques, chimiques et biologiques sont en capacité de mobiliser des polluants dans un sol pour assurer son épuration. Dans ce cadre-là, on réalise des protocoles sur mesure pour démontrer en laboratoire que vis à vis d’un terrain défini, une épuration alternative est possible aux procédés habituels » reconnaît Wessling.
Unité de Triple Venting et injection d’air chaud conçu par PLM Equipement pour extraire les polluants volatils du sols et les traiter ensuite sur des filtres à charbon actif.

Pas de révolution technologique non plus sur les chantiers, mais le foncier réhabilité étant de plus en plus souvent destiné à des usages exigeants comme l’habitation, les techniques de dépollution les plus performantes sont choisies. D’où la montée en puissance de la désorption thermique, par exemple. La société Haemers, un des acteurs historiques, détient plusieurs brevets clés sur cette technologie. « Efficace pour toutes les pollutions sauf les métaux lourds, elle consiste à chauffer le sol à plus de 300 °C. Tous les polluants sont évaporés, récupérés puis traités séparément. Le sol est totalement propre, sans pollution résiduelle. Le donneur d’ordre peut donc choisir n’importe quel usage, y compris résidentiel, pour le terrain récupéré, alors que beaucoup de techniques de dépollution partielle limitent la réutilisation du site à un usage industriel » explique Jan Haemers, PDG de Haemers. Le sol est chauffé par des cannes faisant passer un gaz chaud (technique Haemers) ou une résistance électrique (technique de TerraTherm), les polluants désorbés – séparés de la matrice du sol - sont captés par des cannes voisines, perforées et en légère dépression. Particularité introduite par Haemers, le “reburn” consiste à réutiliser immédiatement les polluants de type hydrocarbures comme combustibles pour les brûleurs. « Les bureaux d’études recommandent de plus en plus cette technologie, soit à cause de la présence de polluants lourds, soit pour des raisons de délais » ajoute Jan Haemers. En France, sa société est ainsi intervenue pour le compte d’Ortec Soleo dans la dépollution d’un ancien site industriel destiné à un usage résidentiel, dans le cadre du projet urbain Deux Rives, à Strasbourg (voir EIN 441). Une autre intervention, cette fois-ci pour Séché TP, a eu lieu à Saint-Nazaire, et des chantiers sont actuellement en démarrage à Tahiti.

Ortec Soleo a récemment développé ses propres outils de désorption thermique à partir de matériels disponibles sur le marché. « C’est une technologie mature chez nous. Nous pouvons traiter in situ ou sur site (en piles), avec un chauffage électrique ou au gaz. Nous sommes indépendants sur le marché » affirme Amélie Rognon. Ortec utilise la désorption thermique dans plusieurs chantiers en cours, dont un à l’intérieur même d’un bâtiment industriel à réhabiliter. « Il faut décontaminer 2 000 m2 de sols pollués aux PCB, entre autres. C’est un des plus gros chantiers de désorption thermique in situ en France. Nous avons automatisé tout le procédé » explique Amélie Rognon.
En appui, des sociétés spécialisées dans la fourniture de matériel aux travaux de dépollution comme PLM Equipements, offrent à la fois le dispositif d’échantillonnage et la fabrication d’équipements (filtres à charbon actifs, séparateurs d’hydrocarbures, strippers…) que leur intégration dans des unités de traitement mobiles réalisées sur mesures.

Plateformes : à la frontière entre travaux publics et dépollution

Créées essentiellement pour accueillir les déblais d’opérations de travaux publics, les plateformes de tri et transit reçoivent également les terres excavées sur les chantiers de dépollution où il n’est pas possible de les traiter et réutiliser sur place. Des acteurs comme Baudelet environnement, Brezillon, Englobe France, Serpol, Solvalor ou Remea, entre autres, opèrent ce type d’installations. Elles évoluent pour accueillir, et de plus en plus souvent traiter, ces terres polluées. « La majorité des flux de terre passe par là. Les terres sont triées, prétraitées, voire traitées, pour en valoriser le plus possible et n’envoyer en stockage que la part ultime. En cinq ans, le paysage s’est complètement transformé » explique Arnaud Perrault. Colas Environnement a recourt très régulièrement à ce type d’installation. C’était par exemple le cas en 2021 sur un chantier à Bourgoin-Jailleu (Isère) pour le compte de l’Ademe. Le site, situé en centre-ville à côté d’une école, abritait d’anciennes cuves de créosote. « Nous avons déconstruit, retiré les couvercles et excavé toute la terre polluée, le tout sous tente avec aspiration. Faute de place sur le site, les déblais ont été envoyés en plateforme » se souvient Arnaud Perrault.
Site Icade Latécoère : Traitement des terres sous tente en milieu fortement urbanisé
par Veolia.

Ortec Soleo opère une dizaine de plateformes en France, dont trois en bord de voies d’eau. « Elles ont évolué : tout ce qui y rentre en ressort, valorisé à près de 80 %. Nous voulons surtout éviter d’envoyer des matériaux en décharge. Nous reformulons les matériaux qui repartent pour un autre cycle d’utilisation, le plus souvent dans le BTP. Nous pouvons même recréer de la terre végétale normée » affirme Amélie Rognon. « En milieu urbain, il faut souvent aller vite et sous fortes contraintes. Les plateformes nous servent alors à déporter le chantier vers un site ICPE où l’on pourra mieux maîtriser les nuisances et garantir une parfaite traçabilité. Sur la plupart de nos plateformes, l’arrêté préfectoral permet de renvoyer sur site, après traitement (mise en conformité sanitaire et /ou géotechnique), les matériaux issus d’un chantier. Cette disposition permet de dépolluer aux seuils demandés, ce qu’il n’est souvent pas possible de faire rapidement sur place. Cela permet aussi de s’adapter aux besoins de volume et aux évolutions de planning/phasage du chantier. Enfin, on améliore globalement l’empreinte carbone de nos activités, en économisant des ressources naturelles et en optimisant les flux de transport qu’il soient routiers ou fluviaux » ajoute-t-elle. Ortec utilise néanmoins souvent la plateforme la plus proche du chantier, qu’elle lui appartienne ou non. Une politique suivie par toutes les sociétés de travaux car tout le monde a intérêt à minimiser le transport en camions.

Recevant des terres de plus en plus difficiles, les opérateurs de plateformes élargissent la panoplie de leurs techniques de dépollution. « Des plateformes se dotent de la désorption thermique. Elles accueillent toutes les terres et, en fonction de la concentration en polluants, appliquent le traitement biologique classique ou la désorption thermique. Nous fournissons cette technologie à de plus en plus de centres qui étendent ainsi la portée de leur arrêté préfectoral. Cela évite de devoir exporter des dizaines de milliers de tonnes pour un traitement à l’étranger » explique Jan Haemers. Sa société a déjà équipé deux plateformes en France, l’une à Echarcon, au sud de Paris, pour Englobe France et l’autre près Strasbourg pour Lingenheld. D’autres sont en cours d’autorisation.
« Nous essayons au maximum de traiter sur site, ce qui est avantageux tant du point de vue environnemental que financier. Nous poussons l’innovation dans ce sens mais ce n’est pas toujours possible pour des raisons de pollution rédhibitoire, de manque de place ou de temps… Nous envoyons alors les terres en plateforme » concède Pierre Coursan. Le pôle remédiation de Veolia opère une dizaine de plateformes en France, avec les mêmes technologies de dépollution que sur site.

Les PFAS, des polluants problématiques

Les substances perfluoroalkylées (PFAS), utilisées en particulier dans les mousses de lutte contre l’incendie, sont interdites dans les extincteurs depuis 2015 et le seront en 2025 pour les pompiers professionnels. Elles sont cependant présentes dans les nappes sous certains sites comme des plateformes d’entraînement à la lutte contre le feu. Elles sont également utilisées en papèterie (fabrication du papier glacé) ou comme déperlants pour des vêtements imperméables.
Reconversion d’un site industriel par la réalisation de travaux sous tente et terrassement grande profondeur. Sur ce site des pollutions aux HCT et BTEX étaient contenues dans les sols et la nappe. Le procédé breveté Terrastrip® de Brézillon a permis d’atteindre l’objectif de traitement sur site de 29 000 tonnes de terres polluées en moins d’un an.

Les PFAS sont réglementées et prises en compte dans les projets de réhabilitation de certains pays européens où opèrent des sociétés internationales comme Züblin Umwelttechnik. « Nous dépolluons beaucoup d’installations en Allemagne, comme des aéroports ou des aires de manœuvre de grandes usines. Dans les années 1970 et 1980, les industriels mettaient en effet souvent leur plateforme d’entraînement à la disposition des pompiers municipaux. Aujourd’hui, nous avons de plus en plus de demandes en France, où nous pouvons faire valoir l’expérience acquise en Allemagne ou en Suisse » affirme Frédéric Bossert, chef de projet Dépollution chez Züblin France. Lorsque la source de pollution est bien définie, Züblin traite la nappe avec des charbons actifs spécifiques : les eaux sont pompées, traitées et réinjectées. « Nous installons actuellement une station en aval d’un grand site industriel où les sources de PFAS sont mal identifiées. Il a fallu installer en urgence une barrière hydraulique qui va capter l’ensemble du panache de pollution. Nous fabriquons nous même la solution sur mesure pour chaque chantier » précise Frédéric Bossert. Züblin peut également traiter des terres polluées aux PFAS, à condition qu’il s’agisse de sols à dominante de sable ou de gravier car la technique adoptée est un lavage. C’est ce qui a été déployé en Bavière, sur le site d’une raffinerie de pétrole (Bayern Oil), pollué aux PFAS et aux hydrocarbures. « Le terrain, constitué d’alluvions du Danube, s’y prêtait. Le site est devenu un campus technologique » se souvient Julien Bendler. Le sujet étant nouveau en France, Züblin accompagne les bureaux d’études et MOA, et peut installer de petites stations pilotes pour des tests de terrain, ce qui permet notamment de choisir le charbon actif le plus approprié à chaque cas.

« Les substances perfluoroalkylés sont un sujet d’avenir. Elles demandent des technologies de dépollution particulières car ce sont des composés extrêmement stables, ni volatils ni biodégradables » assure Arnaud Perrault (Colas Environnement). En partenariat notamment avec le BRGM et l’Institut de Physique du Globe de Paris, Colas Environnement participe au projet européen PROMISCES (2021-2025)2, consacré entre autres aux PFAS. Julien Bendler confirme l’ampleur du travail. « Nous sommes au début de cette problématique. Il existe des milliers de PFAS et on n’en recherche et analyse qu’une dizaine, tout doit être revu » estime-t-il.

Sur ce marché, Purolite privilégie sa technologie de résines échangeuses d’ions PFA694E. « Elles ont une fonction chimique spécialement développée afin qu’elles soient sélectives des PFAs. La fixation des PFAs est réalisée par adsorption et échange d’ions permettant des capacités de fixation importantes et une réduction de la concentration en PFAs inférieure au ppb dans des délais rapides », explique Bertrand Gallet, Sales Manager chez Purolite. 

1 Le pôle dépollution de Veolia regroupe désormais les activités de SARPI (taitement des déchets), de l’ex-Suez Remédiation et de GRS Valtech.

2 Preventing Recalcitrant Organic Mobile Industrial chemicalS for Circular Economy in the Soil-sediment-water system, voir https://promisces.eu/

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