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L’ATP-métrie quantitative, un outil pour l’autocontrôle microbiologique des réseaux d’eau potable

31 octobre 2018 Paru dans le N°415 à la page 127 ( mots)
Rédigé par : Nicolas FABRE de GL BIOCONTROL, Adélaïde KASOLTER de Régie des Eaux de Montpellier Méditerranée Métr... et Célia FRANçOIS de GL BIOCONTROL

Le plan de gestion de sécurité sanitaire de l’eau (PGSSE) demande aux exploitants d’appliquer une stratégie générale d’évaluation et de gestion des risques pour garantir une eau de qualité. Dans ce cadre, la présente étude menée en collaboration entre la Régie des Eaux de Montpellier Méditerranée Métropole et GL BIOCONTROL, montre comment l’ATP-métrie quantitative permet une surveillance microbiologique efficace des différents éléments du réseau de production et de distribution. La mise en œuvre de l’ATP-métrie quantitative permet d’anticiper les non-conformités et d’optimiser les installations pour sécuriser le réseau l’eau potable de la ville de Montpellier.

La maîtrise du risque microbiologique de l’eau potable est un enjeu majeur de sécurité sanitaire et donc une priorité pour les autorités sanitaires. La révision de la directive européenne de l’eau destinée à la consommation humaine (EDCH) change le paradigme de la gestion d’un réseau d’eau potable. Une démarche novatrice d’optimisation de la sécurité sanitaire est préconisée. Le plan de gestion de sécurité sanitaire de l’eau (PGSSE) demande aux exploitants d’appliquer une stratégie générale d’évaluation et gestion des risques couvrant toutes les étapes, du captage au consommateur, pour garantir en permanence une eau de qualité saine et durable. Cette démarche s’inscrit dans une approche de gestion du risque qui prend en compte la gravité, la fréquence d’apparition du risque mais également la détectabilité de celui-ci.
Disposer d’un outil de détection rapide et sensible revient donc à faire diminuer l’apparition du risque.
C’est pourquoi le PGSSE fait référence à l’utilisation, en autocontrôle, d’outils de surveillance du risque microbiologique pour réaliser l’étude de dangers, les anticiper et proposer un programme d’actions préventives.
Dans cet objectif, la régie des eaux de Montpellier Méditerranée Métropole en collaboration avec GL Biocontrol, a mis en œuvre la méthode de quantification de la flore totale par ATP-métrie pour suivre l’évolution de la qualité microbiologique de l’eau, du point de forage jusqu’au point d’usage.

Étude de la filière de traitement

Le processus de potabilisation est constitué de plusieurs étapes (captage, traitement, stockage et adduction) permettant de passer d’une eau brute chargée en microorganismes et en matières en suspension à une eau potable. Dans cette étude, l’évolution de la qualité microbiologique de l’eau a été mesurée après chacune de ces étapes par ATP-métrie et par méthode de culture des germes revivifiables à 22 °C et 36 °C selon la norme IS0 6222. Ces analyses ont été mises en parallèle avec des mesures de chlore libre (cf. figure 1).
Figure 1 : évolution de la qualité microbiologique de l’eau au travers du process de potabilisation.

L’ATP-métrie est une technique de quantification de la flore totale présente dans un échantillon d’eau, sur une surface ou dans l’air. La mesure, fondée sur le principe de la bioluminescence, s’appuie sur le dosage d’une molécule présente dans toutes les cellules vivantes : l’adénosine triphosphate (ATP). L’ATP est donc spécifique des milieux vivants ; toute trace d'ATP est le témoin d'une trace de vie. La quantité d’ATP mesurée est donnée en picogramme par millilitre. La flore totale, exprimée en équivalent bactéries par millilitre, est calculée à partir de la relation suivante : 1 picogramme ≈ 1.000 bactéries. La méthode de mesure de la flore totale par ATP-métrie est un test de terrain dont le résultat est obtenu en quelques minutes.

La filière de traitement de l’eau potable de la ville de Montpellier est constituée de plusieurs étapes permettant l’amélioration de sa qualité microbiologique et physicochimique : un pré-conditionnement, à savoir une décantation et une injection de coagulant et de floculant, une filtration au travers de filtres à sable et charbons actifs, et enfin une phase de chloration. L’évaluation du processus de traitement par ATP-métrie montre parfaitement l’évolution de la flore totale tout au long de la filière, jusqu’à l’obtention d’une eau potable de très bonne qualité microbiologique ; bien inférieure au seuil de surveillance fixé à 2 LOG d’équivalent bactéries par millilitre. Les analyses par culture réalisées en parallèle montrent l’absence de germe revivifiable en fin de filière.
Dans une démarche de PGSSE, une évaluation et un contrôle des risques sont nécessaires. L’utilisation en autocontrôle de l’ATP-métrie permet de sécuriser le réseau. Les résultats sont obtenus en temps réel et permettent donc d’adapter les traitements aux variations de la ressource (changement de captage, contamination, pollution d’un élément de réseau, etc.) et s’étendent sur une large gamme de mesure (5 LOG). La méthode de culture selon la norme ISO 6222 ne peut rendre qu’un résultat compris dans une gamme de mesure beaucoup trop restreinte : entre 0 et 300 CFU/ml. Il est donc difficile de qualifier et piloter les différentes étapes de potabilisation à partir de cet indicateur. L’ATP-métrie quantitative permet de contrôler l’ensemble des types d’eaux d’un procédé de potabilisation, de la ressource à la mise en distribution, diminuant ainsi les non-conformités lors des contrôles réglementaires.

Focus sur un point stratégique de la filière : la surveillance des filtres à sable

Les filtres à sable constituent une étape majeure du procédé de potabilisation. Ils fixent la majorité des matières en suspension mais aussi une partie des microorganismes qui y sont associés. De ce fait, le processus de filtration va entraîner un colmatage du lit par les matières en suspension. À partir d'une certaine perte de charge et/ou d’une fréquence définie par l’exploitant, une phase de rétro-lavage se lancera automatiquement. Cependant, chargés en éléments organiques, les filtres à sable constituent un environnement propice au développement bactérien.
Figure 2 : surveillance microbiologique des filtres à sable.

Le risque de relargage de microorganismes par les filtres est fréquent si le nettoyage n’est pas déclenché à temps. Ceci constitue un point critique lors de l’analyse des risques. Dans la filière de traitement, les filtres à sable sont disposés en parallèle pour assurer un mode de filtration continu quelle que soit l’étape d’exploitation des filtres (en service, à l’arrêt ou en rétro-lavage). Ce mode de fonctionnement met en place une rotation des différents éléments filtrant permettant ainsi de limiter les colmatages et/ou les arrêts de production. L’encrassement des filtres dépend de la qualité de la ressource initiale et du temps d’utilisation. La figure 2 montre, par culture et par ATP-métrie, l’état de contamination des filtres en cours d’exploitation (bleu) et des filtres ayant subi la procédure de lavage (vert). L’ATP-métrie permet de visualiser rapidement la charge bactérienne accumulée dans les filtres à sable, de piloter et d’optimiser le lavage des filtres à sable.

Suivi de la qualité microbiologique de l’eau tout au long du réseau de distribution

Le réseau de distribution d’eau potable, ou réseau secondaire, est composé de canalisations interconnectées qui s’étendent sur plusieurs centaines de kilomètres au travers de la ville de Montpellier. Tout au long de ce réseau, des réservoirs permettent de stocker l’eau et d’assurer le maintien en pression. Pour chacun de ces éléments, différents points ont été échantillonnés : bâches de stockage, réservoirs ainsi que trois points de distribution desservis par chacun des réservoirs.


L’ATP-métrie, la culture des germes revivifiables et les mesures de chlore libre sont réalisées pour chaque point d’échantillonnage. Des limites de surveillance et de contrôle ont été fixées au préalable pour chacun de ces paramètres analytiques (figure 3). Les limites définies pour l’ATP-métrie ont été qualifiées au travers de différents retours d’expérience, lors de précédentes études dans le domaine des eaux potables. Elles sont également en accord avec les recommandations faites par l’OMS (Guidelines for drinking-water quality, 2012, WHO website).
Figure 3 : évolution de la qualité microbiologique de l’eau distribuée.

Dans la majorité des cas, ces trois paramètres montrent les mêmes tendances : les réservoirs et la partie du réseau de distribution étudié sont sous contrôle microbiologique. Cependant, les résultats obtenus par méthode d’ATP-métrie qualifient quelques points en dérive malgré, dans certain cas, la présence de chlore libre en concentration suffisante.

Ce phénomène s’explique généralement par la présence d’un biofilm significatif qui protège les microorganismes de l’action du chlore et entraîne un relargage microbiologique permanent. Le développement du biofilm dans un réseau est souvent dû à des défauts hydrauliques comme la présence de zones de faible circulation ou des débits maintenus à régime laminaire.
Identifier une dérive microbiologique en temps réel sur le réseau permet de programmer une action immédiate et préventive ; ce processus s’inscrit totalement dans la démarche PGSSE. L’utilisation de la culture comme outil d’autocontrôle pour la mesure des germes revivifiables n’est pas adaptée dans le cas de l’eau potable. Cumulant le prélèvement, l’acheminement au laboratoire, la mise en analyse et le temps d’incubation, un délai d’au moins 48 heures est nécessaire pour l’obtention des résultats. Dans ce délai, en règle générale, l’eau a déjà été consommée. L’utilisation de l’ATP-métrie en autocontrôle et en complément de la mesure du chlore permet de maîtriser le risque microbiologique dans les réseaux d’eau potable et d’optimiser la réactivité des équipes sur le terrain.

Investigation autour d’un élément non conforme : le réservoir B

Cette bâche de stockage est la plus ancienne de la ville de Montpellier et présente une architecture particulière. Elle est composée de sept bassins cloisonnés (arches) qui communiquent entre eux par des ouvertures latérales. Le remplissage du stockage se fait au niveau du 1er bassin. La canalisation de départ vers le château d’eau attenant est située dans le 4e bassin. Le premier prélèvement, décrivant la bâche en défaut microbiologique, a été réalisé au niveau du 7e bassin (cf. figure 4).
Figure 4 : investigation microbiologique du réservoir B.

Afin de comprendre ce phénomène, de nouveaux prélèvements ont été effectués au niveau des bassins n° 1, n° 4 et n° 7 et analysés par ATP-métrie et culture (ISO 6222) ; parallèlement, le chlore a été dosé (cf. figure 4). Au niveau de l’arche n° 7, la concentration en chlore mesurée est de 0 ppm. L’eau prélevée dans la dernière arche dépasse les limites d’alerte fixées en culture et en ATP-métrie. Les résultats obtenus montent clairement un défaut d’homogénéité du chlore et de la biomasse dans la bâche de stockage. Il apparaît clairement que plus on s’éloigne des points d’arrivée et de mise en distribution, plus la concentration en chlore libre est faible et, de ce fait, plus la biomasse augmente.

Ces valeurs peuvent s’expliquer par un défaut de circulation et d’homogénéisation de la bâche lié à son architecture (zone à risque). Une homogénéisation par agitation n’est pas envisageable. Un point de chloration au niveau de l’arche n° 7 peut être mis en place. Cette amélioration pourra être pilotée par ATP-métrie afin d’optimiser le traitement au chlore.

Conclusion

Comprendre et anticiper ce type de phénomène afin d’y remédier est l’objectif principal du PGSSE. Dans ce cadre, l’ATP-métrie permet de surveiller les différents éléments du réseau de distribution, anticiper les non-conformités et optimiser les installations pour diminuer le risque microbiologique et sécuriser le réseau.  


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