La maîtrise du risque dans l’eau potable est un enjeu majeur de sécurité sanitaire. De nouvelles solutions apparaissent pour la mesure de la qualité microbiologique mais leur coût représente encore un frein pour les exploitants. L’application de la nouvelle directive sur l’eau potable devrait permettre de doper le marché.
Aujourd’hui, la méthode la plus couramment utilisée pour contrôler la qualité microbiologique de l’eau est la culture bactérienne. Réalisées par les laboratoires agréés, les analyses sont généralement rendues au bout de 48 à 72 heures pour les bactéries, et peuvent s’étendre jusqu’à 13 jours pour les tests légionelles. « Nous avons déjà optimisé au maximum les temps de prélèvements, tout en gardant les contraintes des méthodes pour les analyses qui sont normées et qui doivent répondre à un protocole strict », explique Jean-Philippe Laval, directeur Phytocontrol Waters. Les temps d’incubation sont en effet incompressibles pour déterminer avec précision la nature des micro-organismes détectés et différencier les cellules potentiellement pathogènes de celles qui ne présentent pas de risques avérés pour la santé. « Notre laboratoire est en veille sur l’automatisation de certaines étapes des protocoles normés ainsi que sur des solutions digitalisées permettant de gagner en temps d’analyses tout en gardant une bonne fiabilité des résultats », commente Sophie Dussargues, responsable du pôle µBiologie.
Plusieurs laboratoires tels que AdGène, Cebedeau, Labocea, SGS ou Wessling disposent des équipements performants et des agréments nécessaires pour répondre aux exigences réglementaires en menant à bien les différentes méthodes d’analyse et de contrôle des eaux. Aux techniques traditionnelles de culture s’ajoutent des techniques cellulaires plus sophistiquées ou encore les méthodes issues de la biologie moléculaire. Toutes se développent au rythme des évolutions de la réglementation, bien qu’à l’évidence, la technique miracle n’existe pas, ou pas encore. Il s’agit donc de choisir judicieusement son approche, voire de les combiner en fonction des espèces recherchées, de la qualité des matrices d’où elles sont extraites, des objectifs de la mesure et du degré de précision et de rapidité requis.
A titre d’exemple, la technologie de cytométrie de flux que propose le Cebedeau à ses partenaires, est un compteur de particules utilisé actuellement principalement dans le domaine de la santé. Elle permet de compter et caractériser les microorganismes dans un délai court inférieur à 60 minutes. La cytométrie en flux est bien adaptée pour des mesures en ligne et pour l’automatisation des contrôles.
Une surveillance pour optimiser les process
Premier analyseur de surveillance microbiologique en continu à utiliser la bioluminescence avec succès, l’EZ7300 de Hach est capable d’effectuer une analyse des échantillons avec un cycle d’analyse de 10-15 minutes, et jusqu’à 8 voies d’échantillons possibles par analyseur. Dans la première étape du processus de mesure, le niveau d’ATP dans l’échantillon “brut” est mesuré - ce qui représente l’ATP extra-cellulaire (ou “non vivant”). Dans la seconde phase, une méthode ultrasonique (non chimique) est utilisée pour analyser les cellules dans l’échantillon et libérer l’ATP “vivant”. Une seconde mesure est ensuite prise, donnant l’“ATP total” de l’échantillon. La différence entre ces deux mesures représente l’ATP “vivant” et est proportionnelle à la quantité de micro-organismes vivants dans l’échantillon. Avec une limite de détection de 0,05 picogramme d’ATP par mL, l’EZ7300 est capable de mesurer à des niveaux très bas (0,05 pg ≈ 50 bactéries de taille E. coli), avec une large plage de mesure s’étendant jusqu’à plus de 200 pg/mL.
En 2018, la régie des eaux de Montpellier Méditerranée Métropole a fait le choix de son côté, d’appliquer dans le cadre de son PGSSE la méthode de quantification de la flore bactérienne totale par ATP-métrie, développée par la société GL Biocontrol. Fondée sur le principe de la bioluminescence, cette méthode s’appuie sur le dosage d’une molécule présente dans les cellules vivantes : l’adénosine triphosphate (ATP). Cette technique repose sur une filtration de l’échantillon, l’extraction de l’ATP et la détection de la quantité de lumière à partir d’un luminomètre. La mesure fournit un résultat en quelques minutes seulement. Elle informe sur la quantité de bactéries vivantes cultivables et non cultivables présentes dans l’eau, par mesure directe de l’ATP intracellulaire. « La production d’eau potable repose sur des traitements qui éliminent tous les micro-organismes. Il est donc pertinent de contrôler leur efficacité sur l’ensemble de la flore microbienne, dont les pathogènes », argumente Yannick Fournier, ingénieur commercial chez GL Biocontrol.
Ces kits permettent de contrôler la qualité microbiologique de l’eau du point de forage jusqu’au point d’usage grâce à une limite de détection jamais égalée pouvant aller jusqu’à 0,0001 pgATP/ml soit 0,1 bactérie par millilitre.
GL Biocontrol développe en outre le logiciel d’aide à la décision Dendridiag App, combinant les résultats d’analyses bactériologiques et les mesures physico-chimiques réalisés sur site. Cet outil permet de confirmer l’efficacité des opérations de désinfection après une opération de purge, de lavage des réservoirs ou de remplacement d’une canalisation. « Cette Web App est gratuite et téléchargeable sur smartphone, tablette ou PC. Elle permet d’aider l’exploitant dans son choix de décision sur la reprise ou non de la distribution de l’eau potable après une intervention », résume Yannick Fournier. Le fabricant a aussi développé un appareil de mesure en ligne par ATP-métrie dans le cadre du programme européen Biowyse pour le contrôle de la qualité microbiologique des eaux au sein de la Station spatiale internationale. « Une automatisation de notre technologie pourrait aussi être envisagée pour les stations de traitement d’eau potable, mais le coût représente encore un frein pour les exploitants. À terme, l’application de la nouvelle directive sur l’eau potable devrait permettre d’accélérer le marché », espère l’ingénieur commercial.
De son côté, Swan a développé l’AMI SAC254, un nouvel analyseur pour le suivi en continu de la pollution organique basé sur l’absorption UV à 254 nm. « Notre équipement répond aux besoins des collectivités qui traitent leur eau potable à partir des eaux de surface. Il permet d’optimiser le process en informant en continu sur les pollutions organiques présentes dans les eaux brutes », résume Guillaume Schneider, responsable des ventes cher Swan.
Vers une prévention du risque légionnelle
Pour détecter de faibles quantités d’agents pathogènes sur des surfaces environnementales, la technique moléculaire la plus développée est la PCR (Polymerase Chain Reaction). Simple à mettre en œuvre, elle permet d’obtenir un résultat en quelques heures à un prix modéré. Il s’agit d’une technique d’amplification qui permet de multiplier les brins d’ADN afin de rendre le signal détectable. Très sensible pour la détection (seuil de 160 UG/L), sa limite de quantification se situe autour de 960 µg/l, ce qui peut poser des problèmes dans le cas où l’on veut être capable de détecter un seul individu et générer des faux positifs résultant de la détection de fragments d’ADN d’agents pathogènes déjà tués.
Parce que les méthodes ADN avec enrichissement ou immunologiques restent supérieures aux autres en termes de sensibilité et de sélectivité, l’engouement pour la PCR, dans le domaine de l’eau, et en premier lieu pour l’identification des légionelles ne se dément pas. Nombreux sont par conséquent les acteurs à intervenir ou à proposer des kits de détection par PCR, parmi lesquels, Capsis ou Carso, Eurofins, Phytocontrol, SGS ou Synlab (membre du groupe SGS).
Les kits Aquadien pour l'extraction d'ADN et les kits iQ-Check Legionella spp et pneumophila sont validés AFNOR selon les normes NF T90-471 et ISO TS 12869 dûment cités par la nouvelle directive Européenne et gage de fiabilité et de performance. De plus, Bio-Rad propose une extraction de l’ADN permettant la gestion de l’ADN libre afin d’éliminer les fragments d’ADN d’individu déjà tués. Ce nouveau protocole est très facile à mettre en œuvre et sans danger (pas un intercalant).
Enfin des nouveaux tests innovants dédiées à l’eau potable s’introduisent sur le marché. Basé sur la méthode culturale traditionnelle, c’est-à-dire la seule méthode qui permet d’obtenir des résultats en UFC/L (Unité Formant Colonie par Litre) comparables à ceux des analyses habituelles en laboratoires, MICA Legionella détecte spécifiquement les Legionella pneumophila cultivables, les seules à même de provoquer une infection. Intelligent et semi-automatique, le compteur MICA associe l’utilisation d’un équipement optique de pointe à une technologie brevetée de marquage spécifique des Legionella pneumophila. « Doté d’une intelligence artificielle basée sur le machine learning, MICA Legionella permet de détecter et de dénombrer les Legionella pneumophila de tous sérogroupes au stade très précoce de microcolonie. Véritable accélérateur de culture, MICA Legionella délivre un résultat en UFC/L en seulement 48 heures au lieu de 10 jours avec la méthode de culture traditionnelle, tout en conservant les étapes-clé du protocole de référence. Destiné aux laboratoires comme aux entreprises de traitement de l’eau, MICA Legionella a vocation à devenir l’outil incontournable pour tous les tests légionelles de routine, et ce, pour un tarif très compétitif et une technicité moindre par rapport aux autres méthodes alternatives existantes » se félicite Diamidex.
Un nouveau défi : détecter les cyanobactéries et micropolluants
Bionef propose de son côté une vaste gamme de matériels de contrôle, de suivi et mesure des algues de l’eau, dont les cyanobactéries, depuis plus de 20 ans avec ses sondes BBE. Très sensible pour la détermination des groupes d’algues, la sonde spectrofluométrique PhycoProbe bbe permet la détection in situ et en temps réel dans la colonne d’eau des divers groupes de phytoplancton, dont les cyanobactéries, ainsi que le suivi de la Phycoyanine libre (méthode brevetée), pour suivre la lyse des cellules témoignant du risque de libération des toxines. Le résultat de la mesure est exprimé en µg de Chlorophylle a par litre d’eau et en µg de Phycocyanine par litre d’eau, comme une analyse de laboratoire. Les profils individuels pendant les mesures sont obtenus pour les algues vertes, bleues-vertes/cyanobactéries, diatomées/dinoflagélées et cryptophycées. Ceci permet l’analyse des cas et de la distribution, par ex. d’algues bleues-vertes, sur place, sans avoir besoin d’un laboratoire. La technologie utilisée par de nombreux site de traitement d’eau, des bureaux d’études collectivités et centres de recherche est disponible au format de mesures in situ, en ligne ou au laboratoire.
La sonde PhycoProbe utilise la fluorescence in vivo des cellules d’algues obtenue par excitation à lumière visible. Les interférences possibles dues aux matières organiques en suspension (MOCD) et la turbidité sont prises en compte (mesures intégrées). Il s’agit donc de la quantification de biomasse vivante et non seulement d’un pigment, ce qui peut être trompeur. La version compacte de terrain, l’AlgaeTorch, très présente sur les sites de baignades, notamment au bassin de La Villette, est également disponible pour des mesures en ligne.