La dépollution des sols, une pratique au coeur des solutions durables
02 juin 2020Paru dans le N°432
à la page 55 ( mots)
Rédigé par : Arnault PERRAULT de COLAS Environnement
Dans un contexte où les questions de la protection de l’environnement et de la prévention des risques sanitaires sont cruciales, la dépollution permet, au-delà de la réduction de notre impact actuel sur l’environnement, de pallier les effets de notre impact passé pour préserver l’avenir.
La dépollution consiste en effet à maîtriser le risque sanitaire et environnemental engendré par des composés chimiques (hydrocarbures, solvants…) présents dans les sols et à en gérer les sources. Pour certains, « dépollution » est synonyme de coûts et de contraintes ; une logique court-termiste qui se placerait dans une équation uniquement financière avec un retour sur investissement immédiat. Un tel raisonnement ne prendrait donc pas en compte les coûts et les bénéfices indirects. Aujourd’hui la dépollution est un formidable outil de reconquête des friches, tout en conservant sa fonction historique de protection des citoyens qui sont sous la menace d’une exposition immédiate.
Protéger les citoyens et l’environnement
La crise sanitaire, qui a conduit au confinement de la population et à l’arrêt d’une très grande majorité de chantiers, a mis en évidence le caractère essentiel et d’intérêt général de certains chantiers de dépollution. Parce qu’ils protègent directement la santé des citoyens en captant les flux de polluants avant leur mise en contact avec l’air des habitations, des bureaux… ou parce qu’ils protègent des ressources en eau potable, certains chantiers ont dû impérativement se poursuivre. C’est le cas d’un chantier en région parisienne géré par COLAS Environnement où une unité de pompage et de traitement capte des eaux de nappe impactées par des cyanures et protège une vingtaine de captages d’alimentation en eau potable.
Ce chantier est réalisé pour l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME) qui engage, pour le compte de l’État, la maîtrise d’ouvrage des opérations de mise en sécurité des sites pollués lorsque le responsable de la pollution est défaillant.
A l’origine de ce chantier, une pollution par les cyanures apparaît en mai 1996 dans les eaux souterraines pompées dans cinq puits d’alimentation en eau potable (AEP) de plusieurs communes du Val d’Oise. Ces puits de captage sont fermés et une interconnexion est mise en place afin d’assurer la distribution d’eau potable.
La pollution est liée à une ancienne usine de fabrication de cyanures qui a fonctionné de 1907 à 1951 et a été démolie en 1989 pour laisser place à un centre commercial. La construction du supermarché aurait provoqué la libération des cyanures déposés au cours de l’exploitation. Ces cyanures ont migré vers les nappes destinées à l’alimentation en eau potable.
Dès 1997, le Préfet du Val d’Oise a saisi l’ADEME par Arrêté Préfectoral, afin de réaliser plusieurs études, puis installer un système de pompage des eaux souterraines polluées.
Aujourd’hui, l’ADEME a la charge de réaliser :
une barrière hydraulique par pompage et traitement des eaux souterraines,
la surveillance des eaux pompées, traitées et rejetées dans le réseau communal,
la surveillance et la protection des eaux souterraines,
les investigations complémentaires au droit de l’ancienne usine,
la synthèse et la transmission des résultats.
Dans ce cadre, COLAS Environnement a été mandaté pour l’exploitation et la maintenance de l’unité de pompage et de dépollution des eaux souterraines, ainsi que la réalisation d’analyses de la qualité des eaux rejetées après traitement.
Aujourd’hui, cette unité de pompage et de dépollution fonctionne 24h/24 et 7j/7. Elle est connectée par automate permettant une surveillance en continu. COLAS Environnement réalise un suivi sur site deux fois par semaine et est en mesure d’intervenir en moins de 48h en cas de panne ou dysfonctionnement.
Durant la période de confinement, le suivi sur site des installations a été mené par le personnel de COLAS Environnement. Un seul chef de projet a été désigné pour réaliser ce suivi afin de limiter les contacts et pour faciliter la distanciation. Des mesures de protection spécifiques ont été mises en place sur le site.
La « démarche établissements sensibles » est un autre exemple de protection des citoyens. Elle concerne les établissements des secteurs public et privé accueillant des jeunes jusqu’à 17 ans et a permis d’identifier plus d’une centaine d’établissements nécessitant la mise en œuvre de mesures techniques de gestion, voire la mise en œuvre de mesures sanitaires (source : http://ssp-infoterre.brgm.fr/page/liste-etablissements). Les techniques de dépollution et de maîtrise des voies de transfert (ventilation sous-dalle…) sont tout indiquées pour protéger les personnes.
Ces exemples, comme de nombreux autres, illustrent bien le caractère essentiel de la dépollution pour la protection des citoyens.
Au-delà de couper des voies de transferts immédiates vers différentes cibles (bureaux, habitations, écoles, etc.), les dépollutions jouent un rôle déterminant dans la maîtrise et la suppression des sources de contaminants qui, si elles ne sont pas gérées correctement, impacteront les générations futures (dans l’exemple pris ci-avant, la source de pollution provient d’une usine qui a cessé son exploitation dans les année 50). Les sources exposent la société à des risques sanitaires, environnementaux et économiques très importants… une véritable bombe à retardement ! Cela devient d’autant plus vrai lorsque les sites sont réutilisés, ce qui est une nécessité pour réduire l’artificialisation des sols.
Réduire l’artificialisation des sols
L’artificialisation des sols peut se définir comme la transformation d’un sol naturel – agricole ou forestier – par des opérations d’aménagement pouvant entraîner une imperméabilisation partielle ou totale, afin de les affecter notamment à des fonctions urbaines ou de transport. L’artificialisation des sols participe donc au recul de la biodiversité.
Aussi, les logiques changent : « hier », peu de personnes s’interrogeaient sur les coûts financiers et écologiques indirects liés à l’étalement urbain. Aujourd’hui, l’ensemble des acteurs prend conscience que ces coûts, souvent supportés par le contribuable, et la protection de la biodiversité (mise en place de réseaux, infrastructures, transport en commun éloignés…) doivent être intégrés avant le démarrage des projets de construction. Lorsque tout cela est appréhendé avec anticipation, les friches deviennent souvent de bons emplacements, particulièrement lorsqu’elles sont situées en cœur de ville et disposent donc déjà de toutes les facilités.
Les données de mars 2020 indiquent, pour la période 2017-2018, une artificialisation de plus de 60 ha par jour en France métropolitaine, soit une centaine de terrains de football ! En cumulé sur la période, cela représente plus que la surface du département des Yvelines (78).
Pour atteindre l’objectif de « zéro artificialisation nette des sols » mis en avant par France Stratégie1, il est indispensable de réutiliser les sites existants et notamment les friches. Or, ces friches ont accueilli par le passé diverses activités souvent polluantes. La dépollution est une brique essentielle du processus de requalification. Elle permet en effet de gérer les sources de polluants et de rendre ces friches compatibles avec leur usage futur. La dépollution est donc indispensable pour maîtriser l’artificialisation des sols.
Les chantiers de réhabilitation de friches peuvent être complexes et font généralement appel à tout le savoir-faire des spécialistes de la dépollution. Pour optimiser les coûts, il n’est pas rare de recourir à plusieurs techniques de dépollution sur un même site. COLAS Environnement met en œuvre très régulièrement ce type de stratégie multi techniques en combinant traitement in-situ, traitement sur site et gestion hors site.
Sur un site en région parisienne de plusieurs hectares qui a connu plus de 80 ans d’activité industrielle, un projet d’aménagement d’ampleur a nécessité la réalisation d’une dépollution des sols et des eaux souterraines. Cet aménagement prévoit la construction de bâtiments de logistique, mais également d’une école et la création d’un parc de quartier.
COLAS Environnement a mis en place des solutions de dépollution adaptées aux besoins :
malaxage et volatilisation des polluants, puis traitement des gaz sur site pour 7.500 m³ de terres polluées par des solvants chlorés ;
évacuation de bétons pollués par des hydrocarbures en filières agréées ;
réduction chimique des eaux souterraines polluées par du Chrome VI.
Après traitement, les terres polluées ont été réutilisées en remblais sur site.
Ainsi, la dépollution mise en œuvre a permis de rendre le site compatible avec son usage futur et de reconvertir une friche urbaine en limitant les évacuations de matériaux pollués en décharges.
Réutiliser les matériaux
Par ailleurs, le secteur des travaux publics génère chaque année environ 3,6 millions de tonnes de déchets non dangereux et 1,9 millions de tonnes de déchets dangereux (Source SOeS - 2014). Les chantiers de dépollution, et particulièrement les reconversions de friches industrielles, amènent à gérer de grandes quantités de sols pollués correspondant à de tels déchets.
Il est souvent dit que « le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas ». Les techniques de traitement in-situ et sur site maîtrisées par les sociétés de dépollution permettent de ne pas évacuer les terres du site et donc de ne pas générer de déchets. En 2012, 67 % des terres étaient traitées in-situ et sur site, soit environ 3,7 millions de tonnes sur 5,5 millions (source rapport ADEME - Taux d’utilisation et coûts des différentes techniques et filières de traitement des sols et eaux souterraines pollués en France en 2012).
En plus de limiter la production de déchets non dangereux et dangereux, les travaux de dépollution via des techniques in-situ et sur site permettent de limiter l’apport de matériaux de remblai. Cette démarche s’inscrit complétement dans le contexte d’économie circulaire ; ce sont donc plusieurs millions de tonnes de granulats qui sont économisés chaque année, sans oublier l’impact CO2 qu’auraient généré les camions de transport de terres !
Conclusion
Que ce soit pour protéger au quotidien les citoyens des polluants présents dans les sols et les gaz du sol, pour préserver les ressources en eau des sources de polluants ou encore pour limiter l’artificialisation des sols et ainsi protéger la biodiversité, la dépollution s’affirme comme une activité essentielle à la société. En outre, les techniques maîtrisées par les acteurs du domaine permettent d’éviter la production de millions de tonnes de déchets non dangereux et dangereux et d’économiser certaines ressources naturelles comme les granulats.
La dépollution est définitivement indispensable pour répondre aux enjeux sanitaires et environnementaux d’aujourd’hui et de demain !
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