Les exploitants doivent assurer un suivi régulier du fonctionnement de leurs ouvrages. À partir d’une certaine taille, dans un souci de protection des milieux récepteurs, cet “autocontrôle” est doublé d’une “autosurveillance”, obligatoire et réglementée, dont les prescriptions sont régies par un arrêté daté du 21 juillet 2015. Ces suivis permettent aux collectivités de mieux connaître le fonctionnement de leurs systèmes d’assainissement tout en optimisant leur exploitation. De nouvelles analyses concernant la recherche de micropolluants en sortie de station de traitements des eaux usées et l’identification de leurs sources d’émission devront également être mises en place en 2018.
Il faut différencier autocontrôle et autosurveillance d’un système d’assainissement même s’ils répondent à un seul et même objectif : suivre la stabilité des paramètres de fonctionnement d’un réseau ou d’une station de traitement des eaux usées (Steu) et détecter des pollutions pour agir en conséquence. Ils exploitent parfois les mêmes systèmes de mesure, normalisés ou inspirés de la normalisation. L’autocontrôle se pratique aussi bien dans les petites que dans les grosses stations, en entrée et en sortie, avec une périodicité de mesures qui dépend de la pollution admise par l’agence de l’eau. Lorsque la réglementation n’impose rien, c’est elle qui définit les règles selon le milieu dans lequel sont rejetés les effluents et selon la charge polluante entrante.
Certains points (comme les surverses de postes de relevage) doivent être équipés, selon les cas, de mesures permanentes ou ponctuelles sur la base d’analyses normalisées ou non. En général, plus la station est importante, plus les mesures se multiplient, notamment en amont.
Par ailleurs, collectivités et industries sont soumises à des réglementations très différentes.
Certains font des mesures toutes les heures, d’autres chaque mois, voire moins fréquemment encore.
Quant à l’autosurveillance des réseaux d’assainissement, elle est imposée par la réglementation aux collectivités locales, au-delà d’une certaine charge polluante (directive européenne sur le traitement des eaux résiduaires urbaines (ERU) et lois nationales). L’objectif est de lutter contre la pollution en limitant les rejets d’effluents urbains au milieu naturel y compris dans des circonstances exceptionnelles (accident, événement météorologique extrême).
Le premier arrêté concernant cette autosurveillance date de 1994.
Celui du 21 juillet 2015, entré en vigueur le 1er janvier 2016, rappelle l’obligation des maîtres d’ouvrage d’assurer une surveillance continue des déversoirs d’orage en instrumentant les points les plus importants pour les ouvrages situés à l’aval d’un tronçon destiné à collecter une charge brute de pollution organique supérieure à 120 kg/j de DBO5 (soit 2 000 équivalent-habitants).
L’arrêté fixe les prescriptions de conception et d’exploitation. Mais il se confirme que sur le terrain, la mise en oeuvre prend du retard.
Sur le seul bassin Rhin-Meuse, plus de 500 déversoirs d’orage n’étaient pas encore dotés d’équipements d’autosurveillance en 2015… Le coût moyen pour la mise en autosurveillance d’un déversoir d’orage (20 000 €) n’y est sans doute pas pour rien....
Système de collecte et station de traitement doivent former un ensemble cohérent
Concrètement, les trois points à surveiller sont le système de collecte, le déversoir d’orage en tête de station et les entrées d’eaux usées. Les données, à collecter quotidiennement, sont à transmettre tous les mois à l’agence de l’eau et à la police de l’eau. Au-delà de 600 kg/j de DBO5 (ou 10 000 EH), les mesures doivent être prises en continu (au plus tard le 31 décembre 2020) et les flux de pollution estimés en DBO5, DCO (demande chimique en oxygène), MES (matières en suspension), pollution azotée (NTK) et phosphore. Une note technique du 7 septembre 2015 précise que les rejets au milieu naturel sont limités à 5 % en volume ou en charge de pollution sur l’année ou moins de 20 jours calendaires.
Les agences de l’eau expertiseront chaque année le dispositif et les données d’autosurveillance.
La pollution d’un effluent comporte une phase particulaire et une phase soluble. MES et DCO sont analysés par turbidimétrie, une mesure optique de transparence du liquide, sans réactif alors que la pollution soluble est mesurée par conductimétrie (mesure de la conductivité). Complémentaire de la turbidité, elle permet de déduire la pollution totale rejetée. Les autres analyses de polluants font appel à des préleveurs automatiques installés sur les points représentatifs du réseau (armoires réfrigérées et thermostatées à 4 °C+/-1 °C) ou portables (isothermes ou réfrigérés sur batterie).
La réfrigération garantit la bonne conservation de l’échantillon jusqu’à son analyse en laboratoire, en général dans la station. Les prélèvements peuvent être réalisés à des pas de temps réguliers, asservis à des débits ou à un événement comme un seuil de pluie.
Les fréquences de prélèvement (nombre de jours par an) sont précisées dans l’arrêté du 21 juillet 2015 selon le paramètre et la taille de la station, de même que leur précision (estimation ou mesure) et le recours à des préleveurs mobiles ou fixes. Laboratoire, préleveurs d’échantillons, mesures de débits sont contrôlés par un organisme extérieur qui en assure la conformité avec une erreur tolérée de 10 %.
De nombreux fabricants développent une offre assez complète d’instruments conçus pour les applications liées à l’autosurveillance : canaux venturi, mesure de niveau, mesure de débit, préleveurs d’échantillons…
Les mesures reposent le plus souvent sur des sondes en continu ou sur des prélèvements d’échantillons analysés en laboratoire, 24 h voire 48 ou 72 h plus tard (même si on parle d’analyse en ligne ou au fil de l’eau), ou in situ.
« Le dispositif de mesure généralement installé en entrée de station est composé d’une mesure de débit complétée, selon la capacité de traitement de la station, par un préleveur d’échantillon comme notre Liquistation CSF48, rappelle Matthieu Bauer chez Endress+Hauser. Nous proposons différentes solutions de mesure de débit en conduites fermées et en canal ouvert (Venturi ISO, plages de 1,5 à 2 200 m3/h) par le biais d'une sonde de niveau à ultrasons Prosonic FDU90 et un transmetteur Prosonic S FMU90. En cas de mousse, nous préconisons une sonde hydrostatique Waterpilot FMX21 ou, selon le type de mousse, le radar Micropilot FMR20. Pour les mesures en conduite en charge, le débitmètre électromagnétique Promag 10L est une solution simple, précise et économique ».
Endress+Hauser propose également des mesures de nitrates, de matières organiques avec son capteur optique d’absorption Viomax, d’ammonium et d’orthophosphates par colorimétrie (Liquiline System CA80) ou, pour les stations industrielles, un analyseur de carbone organique total (CA72TOC) par oxydation catalytique à haute température qui permet de surveiller les pertes de produits.
Pour mettre en conformité les dispositifs d’autosurveillance, un contrat spécifique alliant maintenance préventive, contrôle de bon fonctionnement des systèmes et traçabilité documentaire des mesures peut être proposé.
Soigner la mesure de débit
Même si la nouvelle réglementation n’impacte pas directement la mesure de débit, sa précision est la condition pour que les prélèvements et mesures associés soient fiables. Elle repose le plus souvent sur la mise en oeuvre de canaux calibrés associés à une chaîne de mesure adaptée et surtout correctement installée.
Mais des solutions se développent qui savent s’affranchir des structures de jaugeage sans perdre en précision. Krohne, qui propose différentes technologies de mesure en canal ouvert ou conduites fermées, insiste sur l’importance de la qualité de la mesure : « nous garantissons une précision de 0,2 % de la valeur mesurée avec notre capteur électromagnétique pour conduite fermée ou pleine (Optiflux 2000), le plus simple, indique Patrick Bret. Avec nos débitmètres électromagnétiques pour canaux partiellement remplis (Tidalflux), la précision est de 1 % de la valeur mesurée ou 1 % de la pleine échelle. Nos débitmètres peuvent aussi mesurer la conductivité comme l’Optiflux 2300C. Même si la mesure n’est pas aussi précise qu’avec un conductivimètre, cela fournit une valeur indicative suffisante qui permet de signaler automatiquement les écarts et d’agir en conséquence ».
Le choix de la technique de mesure est d’abord fonction du milieu dans laquelle elle s’insère mais aussi des stratégies retenues.
D’où l’importance de proposer une offre complète capable de répondre aux contraintes de l’existant. C’est ce que s’attachent à faire plusieurs fabricants comme par exemple ADCPro avec sa gamme Doppler de débitmètres sans génie civil “IQ”, ou Flow Lab Technologies qui insiste sur l’adaptation des produits aux contraintes de chaque site et sur l’importance des montages et des interfaçages pour augmenter la fiabilité de la mesure finale.
« En ce qui concerne l’instrumentation des conduites en charges d’eaux usées, le problème le plus fréquemment rencontré est lié au fait qu’il est compliqué de couper les conduites pour mettre en place une mesure de débit, par manchette par exemple, explique Robert Galluffo chez Flow Lab Technologies. Cette opération nécessite l’intervention de plusieurs camions de pompage pour vider les cuves des postes de relevage pendant le temps de l’intervention sur la conduite, opération réalisée de préférence de nuit ». Flow Lab Technologies propose une mesure de débit ultrasons par différence de temps de transit, le FLT10. La mise en place des deux sondes est réalisée après le percement en charge de la conduite. Insensible aux salissures, ce type de mesure ne nécessite que peu d’entretien et offre une précision de 1 %.
Cometec, spécialiste du calcul de débit à surface libre, propose également un ensemble de solutions complètes pour l’autosurveillance des réseaux et des déversoirs d’orage, allant de l’organe à contraction, du débitmètre H/V (hauteur/vitesse), jusqu’aux préleveurs d’échantillons.
L’offre comprend un seuil jaugeur Palmer Bowlus, système simple à contraction à installer directement dans la conduite, ainsi qu’un débitmètre Doppler Hauteur Vitesse numérique (Beluga), raccordable directement sur l’automate client en RS485, adapté aux conduites potentiellement en charge ou à faible encrassement, et également le Raven Eye, débitmètre radar sans contact hauteur/vitesse.
Ces deux dernières solutions ayant l’avantage d’être parmi les rares solutions à pouvoir être raccordées soit directement sur automate type Sofrel S500, soit de manière totalement autonome sur un logger type LT42 en 4-20 mA, sans raccordement EDF.
Quoi qu’il en soit, la mise en place de l’autosurveillance reste progressive et plus avancée sur les grosses collectivités. Les difficultés sont d’ordres méthodologique, technique et financier.
Elle nécessite une analyse fine et des choix quant aux points à instrumenter, aux paramètres et aux techniques de suivi. Elle génère aussi de nombreuses données dont l’exploitation est relativement complexe. « Lorsque la réglementation ne les concerne pas, les stations de traitement des eaux usées en restent à l’autocontrôle, sur la base des méthodes inspirées des méthodes normalisées mais bien plus économiques et qui ne nécessitent aucune connaissance en chimie », confirme Cyril Bellaïche chez Aqualabo, qui développe une gamme complète de solutions clés en main pour l’autocontrôle de la plus simple, la bandelette colorimétrique à tremper dans l’effluent, à la plus élaborée avec un spectrophotomètre.
Aqualabo a notamment packagé deux types de solutions qui permettent de contrôler plus de 60 paramètres (nitrate, phosphate, pH, métaux…) : par titration (avec des kits rapides pour des mesures sur le terrain ou des mesures plus précises au laboratoire) ou par méthode colorimétrique (bandelette, plaquette colorée avec des réactifs, photomètre). « Une petite station communale utilisera surtout des bandelettes pour évaluer régulièrement phosphate, nitrate, ammoniac », précise Cyril Bellaïche.
Pour les mesures de MES ou DCO, en général moins fréquentes, Aqualabo propose le boîtier Calypso utilisable sur le terrain ou en laboratoire : associé aux sondes numériques optiques et électrochimiques Digisens ou au photomètre Photopod, il permet de mesurer respectivement 7 à 47 paramètres physico-chimiques (pH, redox, conductivité, salinité, turbidité, oxygène dissous, température, nitrates, phosphate, DCO, aluminium, ammonium, azote, etc.).
Les réactifs sont disponibles en pilule ou en tube pré-dosé et les longueurs d’onde (UV et visible) sont sélectionnées automatiquement.
« Pour des petites et moyennes exploitations, nous installons également depuis un an des spectrophotomètres (Pastel Uviline), l’idéal pour le suivi d’une station de traitement des eaux usées, poursuit Cyril Bellaïche. Leur originalité est d’associer des méthodes avec et sans réactif. Ils permettent non seulement de mesurer en 4 à 5 mn des échantillons avec réactifs mais aussi, par analyse du spectre UV de l’échantillon, donc sans réactif, 6 paramètres simultanément (MES, DBO-DCO, nitrates, COT, détergent) en moins de 2 mn. Ces mesures nécessitaient auparavant beaucoup de moyens et de temps ou des analyses séparées. La précision des mesures est moindre (entre 10 et 20 %) mais cela permet de faire un suivi à moindre coût de la station ».
De nombreux autres fabricants proposent des capteurs et analyseurs comme Anael (QuickTOC pour COT, DCO, azote et phosphore total, Tox-Alarm pour la toxicité, le nouvel AccuSeries pour la titration et la colorimétrie, Monitek pour la turbidité, les MES et la mesure UV et ROW pour la détection d'hydrocarbures), Metrohm (titration, COT, analyse multiparamètres), Macherey Nagel (solutions d'analyse à lecture visuelle ou spectrophotométriques) ou Datalink Instruments (spectrométrie UV, IR, colorimétrie pour la mesure de l’ammoniaque, de la DCO, des nitrates…) avec pour objectif de fiabiliser la mesure tout en la rendant plus rapide, plus simple et plus économique en allégeant la maintenance : l’autosurveillance inclut la vérification du bon fonctionnement de l’instrumentation et des analyseurs…
Stations de traitement des eaux usées : la présence de micropolluants sous haute surveillance
Les micropolluants (métaux, pesticides, résidus médicamenteux, cosmétiques…) dont les principales sources sont les eaux rejetées dans le milieu naturel en sortie de station de traitement des eaux usées vont également de voir être suivis. Une note technique datée du 12 août 2016 prend la suite du suivi national des rejets de substances dangereuses dans les eaux ( RSDE) lancé en 2002 pour assurer le bon état écologique des masses d’eau conformément à la directive cadre sur l’eau (DCE).
Visant les stations de traitement des eaux usées métropolitaines de plus de 600 kg/j de DBO5 (hors rejets infiltrés dans le sol), elle précise les modalités de recherche d’une liste de micropolluants dangereux dans les eaux brutes en entrée et dans les eaux traitées en sortie.
L’objectif est d’identifier les substances présentes dans la station concernée et de quantifier l’évolution annuelle de leurs concentrations. La première campagne de mesure doit avoir lieu en 2018 (au plus tard le 30 juin 2018).
Elle fera office de référence. Elle devra comporter 6 mesures de concentration moyenne sur 24 h espacées d’au moins un mois sur les substances susceptibles d’être présentes dans les effluents.
La deuxième campagne est prévue en 2022, les suivantes tous les 6 ans.
Cette note technique de 2016 favorise également le recours aux bio-essais pour effectuer ces surveillances et aborde la notion d'impact sur l'environnement.
À ce titre, les nombreux moyens de mesure et de contrôle in situ déployés depuis plusieurs années par les acteurs spécialistes du domaine comme Tronico Vigicell, permettent de compléter et enrichir les données produites par les outils déjà évoqués. « Intégratifs, opérationnels et peu coûteux, nos packs d'analyses “Découverte” et “VigiWater” (Impact sur le vivant, Perturbation endocrinienne, Génotoxicité, Reprotoxicité, etc) ont largement fait preuve de leurs efficiences à rendre compte de manière simple, rapide et graduée de la qualité des eaux, explique-t-on chez Tronico Vigicell. Appliqués en surveillance, pilotage ou diagnostic comme ce fût le cas en amont, aval et à l'intérieur de la chaîne de traitement de l'usine d'eaux usées de Seine centre, ces analyses de laboratoires se déclinent aussi désormais en appareil de mesure in situ pour répondre au besoin d'autonomie des opérateurs ».
Les dispositifs d’échantillonnage utilisés en autosurveillance ne sont pas autorisés en raison de risques de contamination des échantillons ou d’adsorption de certains micropolluants.
Les analyses doivent être menées par des organismes accrédités disposant des méthodes de prélèvement normalisés.
Le maître d’ouvrage peut néanmoins les effectuer en certifiant des moyens mis en oeuvre pour justifier l’absence de contamination, un plan qualité et une traçabilité.
La note prévoit également une phase de diagnostic, en amont de la station de traitement des eaux usées, pour rechercher les sources d’émission et engager les collectivités à les réduire.
Avant le 31 mars 2017, des arrêtés préfectoraux incluront ces mesures concernant les micropolluants à l’autosurveillance.
Ces dispositions, qui vont concerner dans un premier temps plusieurs centaines de stations de traitement des eaux usées en France, devraient modifier profondément les stratégies en matière d’autosurveillance…