Bien que l’analyse en ligne présente un réel intérêt pour les industriels de l’eau, tous n’ont pas encore sauté le pas. Beaucoup sont freinés par les coûts de maintenance qui peuvent être associés aux instruments de mesure. Pour les convaincre, les fabricants ont donc fait évoluer leurs produits, de manière à faciliter leur entretien.
Aqualabo, AquaMS, Bürkert, Datalink Instruments, EFS Environnement, Endress+Hauser, Krohne, Metrohm, S::can, Swan, Shimadzu, Tethys Instru-ments, Xylem Analytics ou encore Waltron, TMR et Walchem… Tous ont innové pour faciliter l’entretien de leurs appareils.
Longévité des matériaux
Metrohm, lui, a développé un capteur thermométrique, la Thermoprobe, qui ne comporte ni membrane, ni diaphragme. Compacte, elle est facile à nettoyer. Et, comme elle ne comporte pas non plus d’électrolyte interne, elle n’a pas besoin d’être étalonnée. Même chose avec la sonde de chlore SZ283, fabriquée par B&C Electronics pour l’eau potable : « ce capteur s’appuie sur une mesure potentio-statique ouverte qui, parce qu’elle ne nécessite ni électrolyte ni de membrane, a une durée de vie plus longue, indique Joël Guilleray, directeur d’Aquacontrol, distributeur exclusif de cette marque en France. Le capteur est compact et très facile à nettoyer et à remplacer. En outre, ses électrodes en platine, en forme d’anneaux, permettent une grande stabilité du zéro, ce qui évite un réétalonnage fréquent ».
Chez Swan, c’est la gestion des stocks de pièces détachées qui a été simplifiée. « Tous nos instruments sont conçus avec le même boîtier électronique, appelé AMI, explique Guillaume Schneider, directeur commercial chez Swan. Seul le logiciel change. Si bien qu’il suffit d’avoir une carte électronique en stock. Quand un appareil AMI tombe en panne, quel qu’il soit, cette carte sera valable. Il n’y aura qu’à mettre dessus le bon soft, correspondant au paramètre à mesurer ».
Sans contact et sans réactifs
Chez Swan, on a même réussi à concevoir un turbidimètre sans contact, l’AMI Turbiwell. « Au lieu que l’échantillon d’eau remplisse toute la chambre de mesure, comme sur un modèle classique, il n’occupe que la partie basse. Les sondes sont placées au-dessus. Et cela n’impacte pas la qualité de la mesure, puisque le logiciel de calcul tient compte de la diffraction du signal lumineux au moment où il entre et sort du liquide », explique Guillaume Schneider.
Pour les appareils qui ne peuvent pas fonctionner hors de l’eau, il existe divers systèmes d’auto-nettoyage : essuie-glaces, jets d’air ou d’eau comprimée, etc. Certains sont particulièrement élaborés, puisqu’ils empêchent carrément les dépôts. Exemple chez Krohne : « l’Optisys CL 1100, pour l’analyse du chlore dans l’eau potable, est équipé d’une fonction de nettoyage automatique de sonde, dit ASR (pour Automatic Sensor Cleaning), explique Damien Jacquier, responsable de la division Eau. Un processus électrochimique interne à l’appareil provoque la génération d’oxygène et d’hydrogène au niveau de la sonde, ce qui dissout le calcaire et évite d’avoir à le nettoyer manuellement ». Sur le turbidimètre Optisys TUR 1050 de la même marque, un système de nettoyage par ultrasons permet d’éviter les dépôts dans la cuvette de mesure. Même s’il ne se substitue pas complètement à un nettoyage manuel, cela permet d’allonger considérablement le temps entre deux interventions de maintenance.
Avec les analyseurs colorimétriques, un autre problème se pose : celui des réactifs, qu’il faut recharger régulièrement. Des méthodes de mesures alternatives commencent à voir le jour. Ainsi, le nouveau capteur de nitrate d’Endress+Hauser ne fonctionne plus avec des réactifs chimiques, mais avec un spectromètre UV. Au-delà de telles révolutions technologiques, la plupart des appareils colorimétriques évoluent vers une moindre consommation de réactifs. Les gammes Liquiline Système CA80 d’Endress+Hauser, ou Instran d’Anael, sont ainsi équipées de seringues et pompes micro-doseuses, qui permettent de prélever de plus petits échantillons d’eau, donc d’utiliser trois à six fois moins de réactifs pour faire les mesures. Même chose avec l’analyseur de phosphates Phosphax, chez Hach : la mesure y a été optimisée, de manière à réduire le nombre de fois où le technicien doit se déplacer pour recharger le réservoir de réactifs. Idem pour l’analyseur de carbone organique total COT B3500, lancé cette année par le même fabricant : une méthode d’oxydation avancée a été mise au point qui, parce que plus efficace, offre à l’appareil une autonomie de six mois au lieu d’un.
Étalonnage sécurisé
Dans certains domaines, comme celui de la turbidimétrie, l’étalonnage nécessitait jusqu’à présent la manipulation de liquides toxiques, comme la formazine. C’est de moins en moins le cas, les fabricants proposant désormais des étalons solides ou des fioles scellées de produit stabilisé. Mieux, les turbidimètres AquaScat de Sigrist, en plus d’être sans contact, disposent d’un étalonnage automatisé : à une fréquence programmée, un bras motorisé vient positionner un étalon solide devant l’optique, sans gêner ni interrompre l’écoulement de l’eau dans l’appareil.
Sur d’autres instruments, le risque lié à l’étalonnage n’est pas chimique mais postural. Il faut se pencher au-dessus d’un bassin pour accéder à la sonde, tout en regardant l’écran du convertisseur fixé plus loin sur un mur. Une opération acrobatique évitée par les SmartPat, sondes avec convertisseurs intégrés fabriquées par Krohne : il est possible de déconnecter l’ensemble (capteur + convertisseur) pour réaliser l’étalonnage hors ligne, dans des conditions optimales, et ainsi permettre d’allonger la durée de vie de la sonde par une meilleure régénération des sondes.
Plus de prédictif, moins de curatif
Au-delà de la facilité et de l’ergonomie de l’entretien, les fabricants communiquent de plus en plus sur la maintenance « qui ne sera pas la même sur de l'eau potable et en assainissement, comme l’explique un intervenant sur le forum d’échanges techniques FluksAqua. Pour l'assainissement, il faut systématiquement penser à l'auto-nettoyage pour alléger, autant que possible, la maintenance ». La maintenance préventive, permet en effet de mieux planifier les interventions. Les capteurs ne se contentent plus d’envoyer des données. Ils peuvent aussi être configurés et consultés à distance, et alerter l’exploitant en cas de problème. Ils intègrent même des dispositifs internes d’autodiagnostic.
Chez Endress+Hauser, par exemple, « nous proposons l’option Heartbeat sur tous nos capteurs de dernière génération, explique Matthieu Bauer, responsable de marché Environnement. Dans sa version de base, Heartbeat indique de façon très visuelle sur l’appareil, à l’aide d’un picto souriant ou non, s’il fonctionne correctement ou si, au contraire, il y a besoin d’intervenir. Dans sa version communicante, ce système peut être interrogé à distance. Il peut aussi donner l’alerte à la moindre mesure suspecte ». En plus de signaler le problème, Heartbeat fournit dans son message une notice d’intervention pour le technicien : que faire ? comment ? avec quels outils ? etc.
Même chose chez Hach, avec les capteurs associés au transmetteur connecté Claros : « Les appareils en ligne deviennent pro-actifs. Les instructions de maintenance étant incluses dans les messages d’alerte, ils permettent même à des non-spécialistes de l’instrumentation d’intervenir », explique Jean-Pierre Molinier, spécialiste produits sondes et analyses en continu chez Hach.
Metrohm propose aussi cette fonction d’autosurveillance. Mais, pour Pierre Guillou, chef de produits Analyseurs process de la marque, cela ne suffit pas : « L’implantation d’un analyseur, c’est d’abord la recherche de la meilleure technique d’échantillonnage en vue d’une maintenance la plus réduite possible. Que celle-ci soit préventive ou curative, elle doit être réalisée de façon appropriée, pour ne pas nuire à la longévité de l’appareil, ni impacter les coûts de maintenance initialement prévus. C’est pourquoi nous avons aussi un important volet formation ».
Chez Mettler Toledo Analyse Industrielle, la technologie ISM permet de connaître les performances des sondes et savoir à quel moment il faudra les étalonner, assurer leur entretien ou les remplacer. Les données prédictives, disponibles partout où cela est nécessaire, permettent de réagir en toute confiance en cas de défaillance intempestive d’un point de mesure. Cette technologie permet également de réduire les coûts liés au cycle de vie de la sonde et d'optimiser son utilisation.
La maintenance est réduite au strict minimum grâce à des diagnostics prédictifs et la durée de fonctionnement de la sonde accrue grâce à des mécanismes de protection intégrés.