Réhabilitation des réseaux d’assainissement : un long chantier en perspective
28 février 2021Paru dans le N°439
à la page 33 ( mots)
Rédigé par : Patrick PHILIPON
Prises en tenaille entre la vétusté des réseaux d’assainissement et le coût prohibitif du remplacement intégral, les collectivités choisissent bien souvent la réhabilitation de l’existant, au cas par cas. Différentes technologies s’affrontent sur le marché, avec chacune ses avantages spécifiques.
En France, la majeure partie du réseau assainissement a été posée dans les années 1950 – voire bien plus tôt dans les grandes villes. Les ouvrages arrivent donc en fin de vie. Entre racines, mouvements du sol, abrasion interne, corrosion et vieillissement des matériaux, les agressions ne manquent pas. A ces risques communs à tous les réseaux enterrés, celui de l’assainissement en ajoute un autre : l’hydrogène sulfuré, ou H2S. Dans les portions hors d’eau, ce gaz est en effet transformé en acide sulfurique (H2SO4) par des bactéries aérobies. Or acide sulfurique et béton ou métal ne font pas bon ménage…
Les conclusions du premier volet des Assises de l’Eau le soulignent : il est grand temps d’agir (voir EIN 433). Dès lors, faut-il tout remplacer ou réparer/réhabiliter l’existant ? Attendre des travaux sur voirie ou lancer des opérations indépendantes ? Choisir des technologies sans tranchée ou “ouvrir” ? Étant donné le coût du remplacement et l’ampleur du chantier, beaucoup de collectivités optent pour la réhabilitation ponctuelle (fraisage, pose de manchette, injection de résine…) ou la réhabilitation continue (chemisage, tubage…), souvent à l’occasion d’intervention sur voirie afin de ne pas multiplier les nuisances pour les riverains. Avant tout choix de stratégie, il importe d’établir l’état des lieux. La connaissance du réseau et un bon diagnostic constituent un préalable nécessaire.
Vanessa Legaigneur, directrice adjointe à la direction du système d’assainissement et du réseau du SIAAP (Service Public de l’Assainissement Francilien) précise : « Dans le cadre des travaux de réhabilitation, la mise à disposition des ouvrages pour réaliser un chantier en toute sécurité reste une tâche complexe et limitée dans le temps. Je prends pour exemple notre chantier en cours sur l’émissaire Sèvre-Achères branche de Rueil (SAR-Aval). Sur une distance de 15 km, cet ouvrage traverse 8 communes et récupère les effluents de 6 exploitants d’assainissement différents. La connaissance fine du réseau nous a permis de détourner la majeure partie des effluents et le débit restant, soit près de 70.000 m³/j, est actuellement géré avec une station de pompage adaptée pour permettre la réalisation du chantier ». Cette mise en œuvre complexe souligne la nécessité de limiter la durée des travaux au strict minimum et impose donc, de disposer d’un diagnostic précis dans l’objectif de déployer les solutions les plus adaptées dans un minimum de délai.
Les sociétés intervenant à ce stade peuvent proposer différentes technologies ou solutions (voir EIN 433). « Pour les installations qui le permettent, nous réalisons de manière régulière des inspections d’ouvrage pour en évaluer l’état et définir les solutions de traitement les plus adaptées » complète Vanessa Legaigneur, « De manière plus générale, pour avancer sur la problématique de l’intégrité de nos ouvrages, accompagnés par notre Direction Innovation et des partenaires scientifiques, nous avons exposé des caisses contenant différentes formulations de béton à différents emplacements de notre réseau. En complément, des tests sont réalisés sur ces mêmes formulations au sein de cellules de vieillissement accélérés. Intégré au cœur de la programmation scientifique du SIAAP, appelée InnEAUvation, l’acquisition de connaissances sur l’intégrité des structures va nous permettre, à terme, d’être en capacité de comparer les différentes solutions disponibles sur le marché et d’avoir les clés permettant de faire les choix les plus adaptés en fonction des situations. Il s’agira également de faire le lien entre nos modes d’exploitation et l’intégrité des ouvrages pour en dégager, pourquoi pas, un guide des bonnes pratiques… ».
La décision prise, le maître d’ouvrage peut choisir dans une palette de techniques adaptées à toutes les situations. Il se décidera en fonction de critères hydrauliques (peut-on réduire la section ? faut-il l’augmenter ?), mécaniques (résistance de la canalisation existante), physicochimiques (présence d’H2S, abrasion) mais aussi environnementaux (milieu urbain ou non) et sociaux (gène pour les riverains, perturbation de la circulation). Sans oublier l’inévitable dimension économique.
Parmi les technologies disponibles : le chemisage, le tubage, la projection de mortier, la pose de coques, etc. La complexité des situations implique bien souvent de combiner plusieurs techniques sur le même chantier. La plupart font l’objet de normes et recommandations et garantissent un réseau de nouveau étanche, solide mécaniquement et résistant aux agressions chimiques pour 10 ans. Dans tous les cas, leur mise en œuvre est l’affaire d’entreprises de travaux spécialisées comme Aquarex, AXEO TP, Kumpen, M3R, Orea, SADE, Soc, etc., faisant “tourner” des équipes formées à l’utilisation de technologies allant bien au-delà de la maçonnerie ou du terrassement traditionnels.
Quelle que soit la technologie choisie, le chantier commence systématiquement par une phase de préparation. Robots ou agents humains, selon le diamètre (on estime qu’un réseau devient “visitable” au-delà de 160 cm de diamètre), interviennent pour couper les racines, raboter les déboîtements, enlever les concrétions et les branchements pénétrants, repérer les embranchements pour pouvoir les ouvrir et les raccorder ultérieurement… « Ce processus reste très chronophage mais constitue le B.A. Ba de la réussite d’un chantier. En outre, cela fait gagner du temps sur le reste de l’opération » insiste David Veltz, directeur commercial (France et Belgique) de RelineEurope. Pour cette opération, Pipetronics propose depuis peu des robots de réhabilitation, qui sont embarqués sur des véhicules de moins de 3,5 tonnes (permis VL) pour répondre à une demande pressante des sociétés de travaux. Puis, une fois effectué le remplacement ou la réhabilitation de la canalisation elle-même, il restera à repercer et raccorder les nombreux branchements, là encore de manière étanche. Les robots coffreurs (dont celui de Pipetronics) réalisent également ces opérations dans les réseaux non visitables.
Certaines sociétés spécialisées dans la maintenance des canalisations utilisent les technologies de l’ultra-haute pression jusqu’à 3.000 bars pour limiter le temps de préparation, et donc le coût du chantier, à l'instar d'Orea qui réalise des opérations d’hydro-fraisage robotisé pour la préparation avant gainage. Ces techniques nécessitent une maîtrise technique peu courante, mais offrent un rendement nettement supérieur au fraisage robotisé traditionnel et permettent de déboucher des canalisations obstruées à 100 %.
S3C assure de son côté l’ensemble des prestations de contrôle et diagnostic avant travaux et après pose de nouvelles canalisations du diamètre 80 mm à 2.000 mm.
Conduites non visitables : le chemisage domine…
Situation très fréquente : une inspection du réseau montre qu’une canalisation non visitable est endommagée, mais il n’est pas question d’ouvrir une tranchée pour la remplacer. Une technique de réhabilitation semble désormais s’imposer, le chemisage UV. Il consiste à introduire, via un regard, une gaine souple imprégnée d’une résine polyester ou epoxydique. La gaine est gonflée pour être plaquée contre la paroi de la conduite existante puis durcie par polymérisation au moyen d'un rayonnement ultra-violet. La première technique apparue est la “réversion” : la gaine est introduite en double épaisseur (la couche extérieure étant fixée au regard de départ) puis retournée comme une chaussette sous la pression d’eau chaude ou de vapeur. Le fluide plaque la chemise contre la paroi et la température provoque la polymérisation.
« Depuis plus de 70 ans, BS Coatings fournit des solutions de protection anticorrosion aux plus grands fabricants de canalisation en acier ou en fonte pour le transport des eaux usées et potables. Fort de cette expertise, BS Coatings propose aujourd’hui une solution de réhabilitation par chemisage continu des canalisations de transports des eaux usées urbaines, industrielles et des réseaux d’eaux pluviales ». Spécialement formulée, sans COV ni produits CMR, le revêtement EUROKOTE® 470 BLEU associé à une gaine souple généralement constituée d’un feutre et d’un liner PE, PP ou Polyuréthanne, offre une solution tout terrain pour la réhabilitation, notamment des canalisations non visitables reliant les habitations collectives ou individuelles avec le collecteur principal. « Les changements de diamètres, la mixité des matériaux ainsi que les coudes et changement de direction des canalisations à traiter, posent des contraintes technologiques et techniques que seul le chemisage continu permet de résoudre. Structurant, il permet la reprise de propriétés mécaniques afin de supporter les charges dynamiques et/ou statiques appliquées sur la canalisation. Il permet également de remédier aux problèmes d’étanchéité, de corrosion ou d’abrasion », résume Frédéric Platon, market manager chez BS Coatings.
L’utilisation de gaines armées de fibre de verre, introduites par traction puis gonflées à l’air comprimé et durcies par rayonnement ultraviolet (UV), est plus récente. Un train de lampes UV équipé d'une ou plusieurs caméras, permet un contrôle visuel avant polymérisation. Cette technique est en passe de supplanter le chemisage par réversion en France, après avoir surtout eu du succès dans d’autres pays européens. « Nous privilégions l’UV car cela permet un contrôle visuel avant la polymérisation, alors que la réversion se fait à l’aveugle. En plus, l’opération dure moins longtemps, est plus économique, et plus respectueuse pour l’environnement » expliquait ainsi Daniel Walther, responsable d’Axeo TP Alsace, dans nos colonnes (voir EIN 423).
« Pour nous, l’UV a remplacé les autres techniques en raison de sa simplicité de mise en œuvre et de la durée maîtrisée des chantiers, explique Vincent Ducamp, dirigeant d’Orea. En tant que spécialistes des canalisations, nous mettons en œuvre des techniques respectueuses de l’environnement dans les processus de préparation des canalisations avant chemisage, avec l’utilisation d’hydrocureurs recycleurs (18.000 m³ d’eau par an économisée) et des curages jusqu’à 3.000 bars si l’état de la canalisation le permet. Par ailleurs, en complément des opérations de réhabilitation de canalisation de grands diamètres, Orea, en partenariat avec Bouygues et la région AuRA, développe des solutions innovantes de réhabilitation des réseaux d’assainissement horizontaux et verticaux de petit diamètre (DN<150), garantissant l’étanchéité de la canalisation et de ses branchements en une seule opération ».
RelineEurope propose toujours ses gaines Alphaliner (diamètre de 150 à 1.900 mm) composées de matrice de fibres de verre imprégné de résine polyester ou époxydique et enroulées hélicoidalement. Ce procédé garantit une épaisseur homogène et une qualité constante. Elles autorisent des “tirs” allant jusqu’à 600 mètres. Début 2021, RelineEurope a revu sa gamme et propose désormais une nouvelle génération de gaine : l’Alphaliner 1800H. « La matrice de fibre de verre a été optimisée, ce qui confère à la canalisation une meilleure résistance mécanique » affirme David Veltz, directeur commercial (France - Belgique) chez RelineEurope. La protection extérieure de la gaine a été renforcée afin d'offrir une meilleure maniabilité du produit lors de sa mise en œuvre et de le protéger lors de son application.
L’Alphaliner 1800H est désormais disponible en deux versions, toutes deux pourvues d’une protection extérieure (préliner) intégrée, soit plate soit tubulaire. « Les réseaux à réhabiliter ne sont pas toujours beaux à voir… La gaine à poser a donc besoin d’une protection pour éviter de l’endommager lorsqu’on la tire. La nouvelle protection intégrée est plus souple que la précédente, ce qui facilite la pose » affirme David Veltz. Pas de modification majeure, en revanche, pour les trains de lampe UV “maison” qui, selon David Veltz, sont les plus puissants au monde, permettant de polymériser 150 mètres de canalisation (en 800 mm diamètre) par heure. RelineEurope s’intéresse désormais au marché des conduites sous autoroute. « Nous avons lancé un projet de test sur deux ans avec les autoroutes du Sud de la France (ASF).
RelineEurope partage le marché du chemisage UV avec des sociétés comme Insituform, depuis longtemps promoteur de la réversion (avec des solutions polyester et époxy) et plus récemment “converti” à l’UV. Sa technologie est mise en œuvre par Video Injection en France. La société Saertex multicom propose également des gaines armées de fibre de verre, imprégnées de résine et durcissables aux UV. La gamme brevetée de gaines SAERTEX-Liner Premium dispose d'un revêtement intérieur avec protection au styrène incorporé à la structure de la gaine qui offre une étanchéité optimale à la conduite réhabilitée. Ces gaines sont mises en œuvre dans de nombreuses régions en France par les entreprises SADE, Rehacana, Chantiers d’Aquitaine et REHA Assainissement notamment.
Le tubage par éclatement permet la mise en place d’une nouvelle conduite après le refoulement latéral de l’ancienne conduite. Des conduites de différentes natures, et de DN 80-700 peuvent ainsi être remplacées.
Dans ses usines de Pont-à-Mousson et Foug, Saint-Gobain Pam, fabrique des solutions pour la réhabilitation et chantiers neufs des réseaux pour des diamètres de DN80 à DN2000. « L’étanchéité et le verrouillage sont assurés avec des solutions de joints standard selon les diamètres ou avec des joints à double chambre Universal standard. La protection aux fluides très agressifs est assurée avec les revêtements intérieurs « DUCTAN® » de DE75 au DN200 et « PUR® » DN150-2000. La gamme de revêtements extérieurs « Tout Terrain – TT » est la réponse aux sols extrêmement agressifs : le « TT PE » Polyéthylène haute densité coextrudé sur le tuyau selon EN14628 en DN60-700 et le Polyuréthane « TT PUX » pour les tuyaux DN150-2000 » explique Carlos Villar, responsable Marketing Tuyaux et Innovations.
Spécialiste de la production de fonte ductile, Electrosteel propose une gamme complète de canalisations ELECTROLOCK®, DN 80 à 700, munies de mortier de ciment alumineux pour les revêtements intérieur. Assorties de collier de verrouillage ELECTROLOCK® DN 80-400, elles offrent une cadence de pose élevée.
En réhabilitation ou pour la pose de canalisations neuves, Egeplast propose des solutions techniques en PEHD jusqu'au diamètre 1600 mm et en PP emboîtables jusqu’au diamètre 630 pour toutes les poses (forage, tubage, éclatement) et pour tous les réseaux sensibles (télésurveillance et localisation des dommages, conduites détectables, passage en sols pollués).
... mais il reste des alternatives
Malgré la domination du chemisage, il arrive toujours que l’on fasse appel à d’autres techniques. Pour les canalisations sous pression, qu’il s’agisse des conduites de pompage et de refoulement ou, comme dans certaines collectivités, de réseaux plus vastes, mieux vaut adopter le tubage. Il consiste en l’introduction de tronçons de canalisation rigide, de diamètre légèrement inférieur à l’existant, suivie du comblement de l’espace annulaire extérieur par un coulis de ciment, comme par exemple le Dammer ou le Blitzdammer commercialisés par Hermes Technologie. Ces coulis de ciment sont déclinés en plusieurs versions selon les caractéristiques recherchées. En effet, ils peuvent être fluidifiés, accélérés, améliorés pour une résistance aux sulfates, une meilleure diffusion de la chaleur, une haute résistance en compression voire même regrouper plusieurs de ces avantages.
Amiblu propose ses conduites en PRV : une matrice en résine de polyester renforcée de fibre de verre, avec une charge minérale. « En général on pratique plutôt le tubage en réseau visitable, pour assembler facilement les éléments préfabriqués, mais c’est possible en non visitable avec des systèmes de centrage. Cela implique tout de même de vérifier auparavant que l’on peut pousser jusqu’au bout des canalisations rigides » prévient Guillaume Valade, responsable des ventes chez Amiblu. La rigidité est un point essentiel : on recourt au tubage lorsqu’il faut garantir une résistance mécanique au moins égale à l’ouvrage d’origine. « Le tubage introduit une canalisation ayant des propriétés mécaniques connues, calculables, alors que la résistance d’une gaine de chemisage dépend des conditions de polymérisation » explique Guillaume Valade. Autre intérêt du tubage : la rigidité des éléments introduits permet de reprofiler l’ouvrage. « On peut redonner une pente, corriger les déformations comme des déboîtements, contre-pentes, désalignements… » énumère Guillaume Valade.
SADE met en œuvre des techniques de tubage classiques mais propose en outre sa solution Tubocontact®. Comme son nom le suggère, il s’agit d’introduire un tube en PEhd de diamètre extérieur légèrement inférieur à la canalisation à réhabiliter. Sur place, juste avant l’enfilage, le diamètre est réduit par passage dans une filière conique et le tube introduit par traction. L’effort de traction maintient cette réduction du diamètre durant l’opération. Une fois installé, le tube reprend son diamètre initial en quelques heures.
La gaine souple armée Kevlar de Primus Line®, pour les réseaux pression ou au moins maintenus entre 2 points avec mini 0,5 bars, permet de réhabiliter des réseaux de plusieurs km, avec des longueurs supérieures au km est l'unique solution qui permet de réhabiliter des coudes jusque 45° sans ouvrir, mais aussi des réseaux de plusieurs kms en un seul tenant sur touret, du DN 150 au DN 500 (jusque 1 km de DN 500 sur 1 touret). Eprouvée entre autres en pose en régions montagneuses en Italie et en réseau d’urgence aux États-Unis, la solution Primus Line® a permis de rétablir en urgence le réseau d’eau potable sur la commune de Saint-Martin-Vésubie. Sa vitesse de pose de près de 600 m/h lui a permis de se développer à travers le monde.
Plus radical, l’éclatement consiste à découper l’ancien tuyau puis agrandir le “tunnel” résultant avec un cône élargisseur tout en introduisant la nouvelle canalisation. L’éclatement présente l’avantage de ne pas dépendre de l’état de l’ancienne canalisation et de permettre de lisser les défauts du fil d’eau du tracé. Aquarex Equipement propose cette technique.
Pour les techniques de pose sans tranchée, la fonte ductile, les joints verrouillés et les revêtements de la gamme DIREXIONAL® de Saint-Gobain Pam représentent une alternative avantageuse et éprouvée sur tous les types de diamètres, explique Carlos Villar. « La résistance mécanique et la capacité de déviation angulaire de la jonction verrouillée « Universal Standard Ve® » permettent de garantir des efforts de traction importants tout en conservant la souplesse offerte par les joints en élastomère ».
Enfin, même en réseau non visitable, il est possible de projeter du mortier par robot. Hermes Technologie propose ainsi son procédé de projection centrifugée horizontale de mortier Ergelit KS1 ou KT10 grâce à un chariot équipé d’une tête rotative qui projette le mortier pompé depuis la surface et transporté par flexible. Ce procédé convient aux réseaux circulaires aussi bien qu’ovoïdes, de diamètre 700 à 2.500 mm. La technique est également appliquée en conduite d’eau potable du diamètre 80 mm à 3,00 m.
Le réseau visitable : surtout renforcer…
Au-delà de 1.600 mm, il devient possible d’envoyer du personnel dans des conditions de travail et de sécurité acceptables. On entre alors dans un tout autre monde, avec ses technologies propres. La préparation est en général manuelle et la technique de réparation/réhabilitation “reine” reste la projection de mortier, en général sur treillis métallique. C’est le domaine de fournisseurs de matériaux comme Hermes Technologie, spécialiste des mortiers en assainissement, lesquels requièrent de nombreuses qualités : en plus de résistances mécaniques élevées, ils seront peu perméables, résistants aux sulfates présents dans les eaux usées (le simple emploi de ciment HSR est généralement insuffisant), éventuellement aptes à supporter une remise en service à court terme (2 à 4 heures parfois), sans retrait, adhérant aux parois, compatibles avec des supports souvent très humides, durables et dans ce domaine au besoin résistants à la bio-corrosion produit par l’acide sulfurique d’origine bactérienne.
Weber propose un mortier original renforcé de fibres métalliques amorphes (Weberep VM 265 et 266), ce qui dispense de poser un treillis.
Imerys (ex Kerneos) va plus loin encore. « Notre produit, le mortier SewperCoat, a trente ans cette année. Et c’est un gage de qualité : sur le terrain, on veut plutôt qu’un matériau dure ! » sourit François Saucier, directeur Prescription Projets Infrastructures chez Imerys. Il en veut pour preuve un regard d’égout fortement dégradé par les émanations très agressives d’une STEP, et réparé avec du SewperCoat en 1991. « Nous l’avons inspecté en 2019 et le mortier est toujours là. Les agents du site l’appellent le “regard magique” car il est le seul à n’avoir jamais eu besoin de remplacement ou de réhabilitation depuis 30 ans. La France n'est pas en reste ! A Trignac, proche de Saint-Nazaire, un puits de pompage a été réhabilité avec le mortier alumineux SewperCoat en 1996, il y a déjà 25 ans. Différentes inspections ont mis en évidence la tenue exemplaire du mortier au fil des décennies malgré des pics de H2S pouvant dépasser les 500 ppm ». Le secret de ce mortier ? Il est constitué en totalité, (le ciment et le granulat), de ciment alumineux, de même nature que le "Ciment Fondu®" que les artisans connaissent bien, à la chimie radicalement différente du classique ciment Portland utilisé dans les mortiers conventionnels. Lorsque l’acide sulfurique d’origine bactérienne l’attaque, ce mortier libère de l’alumine… qui stoppe le métabolisme des bactéries. On ne peut pas vraiment parler de biocide, puisqu’il ne tue pas les bactéries, mais il bloque leur métabolisme et elle cessent de transformer le H2S en acide sulfurique, tarissant la source des dégradations. « Des tests ont été réalisés dans une STEP du bassin d’Arcachon par l'Université Gustave Eiffel (ex-IFSTTAR) pendant plus de 6 ans. Les éprouvettes de ciment Portland y sont rongées de 2 mm par an, celles en éprouvettes de SewperCoat d’environ 100 micromètres, soit vingt fois moins. Or le mortier s’applique en 15 mm épaisseur dans les petits ouvrages et 25 mm dans les gros ouvrages, de quoi assurer des décennies de tranquillité » souligne François Saucier.
SewperCoat s’applique en général par projection “voie humide”, donc sans poussière, sans rebond… et sans solvant, contrairement aux résines époxy, souvent utilisées en protection des ouvrages d'assainissement en béton. « Ces résines résistent à l’acide sulfurique mais, au moindre trou d’épingle, l'acide sulfurique produit par les bactéries passent derrière le revêtement, corrode le béton, et la couche d’époxy se cloque et se détache. Au contraire, notre mortier est efficace dans toute son épaisseur, d’autant que le granulat est lui-même constitué de grains de ciment alumineux. Donc, même si une fissure se produit, la couche résistera » affirme François Saucier. En 2016, le SIAAP a entamé la réhabilitation de son émissaire général (28 kilomètres de Clichy-sous-Bois aux Grésillons), datant de la fin du XIXème siècle. Environ 4 km étaient particulièrement dégradés par la corrosion H2S (voir EIN 398). « Ils avaient réalisé des travaux quelques années auparavant avec un mortier dit “spécial réseau d’assainissement” à base de ciment Portland. A l’inspection, il avait déjà disparu ! Le SIAAP a donc décidé de franchir le pas : notre produit est certes plus cher à l’achat que du mortier classique mais évite de devoir revenir tous les 5-6 ans » se souvient François Saucier. Une délégation du SIAAP avait auparavant vérifié les performances de cette technologie auprès d’un grand opérateur américain. Celui-ci avait utilisé du SewperCoat vingt ans auparavant, et le mortier était encore intact. Pour la première tranche des travaux, un groupement de sociétés de travaux (SADE, EHTP et Parenge) a appliqué par projection voie humide 24.000 m² de SewperCoat PG 25 sur 4,4 kilomètres de conduite particulièrement dégradée. Le tout en quatre mois, soit le délai alloué par le SIAAP qui détournait pendant ce temps les flux vers d’autres STEP.
Autre avantage du SewperCoat : il peut s'appliquer sur une surface humide voire saturée d'eau… ce qui est généralement le cas dans un réseau d'assainissement. « Avec les résines, la première étape est d’assécher le support, ce qui suppose d’établir un by-pass et d’attendre parfois plusieurs semaines que ça sèche » souligne François Saucier. Or pour une opération de réhabilitation, le détournement des eaux est un poste particulièrement coûteux. « On peut même vaporiser un accélérateur de durcissement sur le SewperCoat et remettre en eau dans l’heure suivante » ajoute François Saucier. Une particularité exploitée pour la réhabilitation de l’émissaire du Cap Sicié, près de Toulon (voir EIN n° 407), un tunnel de plus de six kilomètres transportant les eaux usées de Toulon et aboutissant à la STEP de la Seyne-sur-Mer. « Avec une telle longueur et passant sous une colline s'élevant jusqu'à 100 m d'altitude, il était impensable de détourner le flux, ou de l’arrêter. L’ouvrage a donc été réparé en service, par des équipes de nuit travaillant au moment où le niveau d'eau est au plus bas. SewperCoat® était projeté jusqu'au niveau de l'eau puis il durcissait avant que le niveau ne remonte au petit matin » se souvient François Saucier. Plus précisément, le SewperCoat a été utilisé pour la partie inférieure et la cunette, alors que la voûte supérieure était doublée par des coques PRV d'Amiblu.
Lauréat du programme européen de Recherche et Innovation Horizon H2020, Kemica Coatings a développé, de son côté, une nouvelle génération de résine bicomposants, sans solvant, KEMISTATIC, à durcissement rapide et polymérisable à froid. Certifiées ACS, elles peuvent être utilisées en contact direct avec l’eau potable, et offrent une protection anti-corrosive et étanche, pour tous les éléments constituant du réseau. Les conduites de fort diamètre, circulaires ou ovoïdes, se prêtent en effet bien au tubage.
« Notre marché principal actuellement est l’assainissement, même si nous souhaitons nous développer en eau potable et en industrie » affirme Guillaume Valade, d’Amiblu. Avec ses conduites rigides en PRV, Amiblu propose, face au béton projeté, une alternative qui n’a pas besoin de treillis, résiste à l’acide sulfurique et présente une meilleure hydraulicité. La société dispose en fait de deux technologies, portées chacune par une marque. Les produits Flowtite sont fabriqués par enroulement filamentaire et ceux d’Hobas par centrifugation. « Les deux sont performants en assainissement. Le choix peut dépendre des habitudes du client, mais certaines données techniques peuvent intervenir. Flowtite, qui est renforcé sur toute la longueur, peut supporter des pressions jusqu’à 32 bars. Il est en général utilisé en grandes longueurs. Hobas, dont le renfort en fibres est discontinu, a en revanche une épaisseur variable à volonté, ce qui peut être un avantage pour des conduites déformées, ovalisées » explique Guillaume Valade. Les deux peuvent s’utiliser en tubage d’une canalisation existante ou en fonçage (microtunnelage) pour un réseau nouveau.
Des contraintes géométriques interviennent également à la marge, puisque Flowtite est enroulé autour d’un moule, donc la canalisation possèdera un diamètre intérieur fixe, répondant à d’éventuelles spécifications du client. Hobas est pour sa part fabriqué par projection à l’intérieur d’un moule creux. Son diamètre extérieur est donc fixe et c’est l’épaisseur, variable, qui déterminera le diamètre intérieur de la canalisation.
Pour les canalisations de section non circulaire, Amiblu propose sa gamme NC Line, fabriquée sur mesure pour chaque chantier. « Nous réalisons les moules sur mesure, y compris désormais pour de petites séries. C’est une possibilité très appréciée » affirme Guillaume Valade. La réalisation la plus emblématique reste l’émissaire du Cap Sicié. Amiblu a aussi fourni un kilomètre de canalisations Flowtite non circulaires pour refaire par tubage un collecteur situé sous le quai de Dakar, à Dieppe. Telerep préfère utiliser une solution originale : le tubage par pose hélicoïdale d’éléments se présentant en bandes déployées et clipsées sur place. Le Damby® est un profilé en PVC posé avec un vide annulaire empli de coulis.
En général, dans les émissaires et collecteurs visitables de plus de 150 cm, la partie supérieure et le fil d’eau sont traités différemment, avec la pose de cunettes pour ce dernier.
ACO, société bien connue pour ses solutions de gestion des eaux pluviales, conçoit, produit en France et commercialise des cunettes en béton polymère pour la réhabilitation des radiers des collecteurs visitables. « Le béton polymère est particulièrement adapté pour ce type d’application compte tenu de sa résistance aux Hydrogènes Sulfuré (H2S) et de son indice CNR certifié » précise François Desebbe, directeur général. « Notre travail, en partenariat avec les différentes collectivités depuis de nombreuses années, nous a permis de développer un parc de cunettes répondant à une très grande configuration de collecteurs visitables. Dans cette philosophie, le développement de nouveaux produits est toujours réalisable ».
La pose en tranchée
Opération coûteuse mais parfois nécessaire, la pose de canalisations neuves en tranchée se produit lors du remplacement pur et simple d’un réseau ancien ou de la pose d’un réseau dans un quartier nouveau. Il arrive également qu’une collectivité doive détourner une portion existante à l’occasion de grands travaux d’aménagement. Dans ces situations, le maître d’ouvrage peut choisir entre diverses gammes de conduites, allant de tuyaux en polymères ou matériaux composites à des produits en béton ou en métal (dont la classique fonte). Un arbitrage doit se faire entre l’investissement immédiat et la durabilité de l’option choisie.
Durable, minéral, le béton s’inscrit dans une stratégie de réponse aux enjeux du changement climatique, de protection et de valorisation de l’environnement, rappelle Alkern. Il décline des solutions particulièrement adaptées pour satisfaire les diverses fonctions des systèmes d’assainissement, et répondre à l’ensemble des besoins spécifiques des chantiers. « Équipé, prêt à poser, le béton est un produit clé-en-main, 100% recyclable et fabriqué localement, à proximité des chantiers. Il peut être fabriqué selon différentes classes de résistance mécanique (135A au 300A) et les multiples compositions du béton permettent de résister à tous les types d’agressions chimiques. Enfin l'enrobage d'acier permet d'éviter la corrosion », résume Guillemette Groult, responsable marketing, Alkern.
« Nous visons un rapport qualité prix optimal. Nos produits sont plus chers que des canalisations PVC ou polypropylène de bas de gamme, mais avec des performances très supérieures. Et nous sommes aujourd’hui nettement moins chers que la fonte à performances comparables. Sans compter l’absence de corrosion, la facilité de mise en place et l’hydraulicité » affirme ainsi Guillaume Valade, d’Amiblu. Les conduites de cette société sont donc de plus en plus sollicitées pour les chantiers en tranchée. « Pour l’extension du tramway T1 à Colombes, dans le cadre de l’aménagement du Grand Paris, il a fallu détourner un émissaire ovoïde en béton qui passait sous la plateforme prévue du tram. Nous avons installé 1,2 kilomètre de Flowtite NC Line » se souvient ainsi Guillaume Valade.
Les produits en béton et métal souffrent de la corrosion par l’acide sulfurique et doivent donc être protégés. C’est par exemple le cas des conduites en fonte ductile de Saint-Gobain Pam, dont la gamme Integral, destinée aux réseaux d’assainissement, est revêtue à l’intérieur d’une couche du ciment alumineux d’Imerys.
Pour l’assainissement gravitaire, Saint-Gobain Pam a lancé fin 2020 le nouveau tuyau BIOGAN® DN150 et 200, entièrement revêtu de Ductan, un revêtement adhérent et flexible. Les deux composants élastomères (joint et anneau) assurent l’étanchéité et la facilité de pose, tout en garantissant le respect de la profondeur d’emboitement recommandée.
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