Il existe des unités mobiles de traitement de l’eau ou des effluents adaptées à toutes les circonstances. Firmes spécialisées ou branches dédiées de grands groupes se partagent un marché en pleine santé.
Mais, au juste, qu’est-ce qu’une unité mobile ? « Mobile ne signifie pas forcément “monté sur roues”. Des unités sont installées dans des camions pour des opérations de courte durée, d’autres en skids ou en conteneurs posés sur le sol pour des interventions plus longues. Dans tous les cas, l’issue est un démontage et un transport vers un autre site » répond Jean-Pierre Deltreil, directeur général de Faure Equipements. « Le contenant n’a pas d’importance. Pour nous, les unités mobiles sont destinées à la location, en tout cas sont déplaçables à volonté. Une unité conteneurisée mais installée à demeure, comme on en voit de plus en plus pour des raisons de place disponible sur les sites, n’est pas mobile » précise François Piétri, responsable des ventes Suez (division Water Technologies & Solutions). Pour le reste, qu’il s’agisse des missions ou des techniques embarquées, tout semble possible.
Une gamme de situations… et de services
Suez, qui s’adresse aussi essentiellement aux industriels, propose des unités mobiles pour la production d’eau de procédé, le traitement des effluents et, de plus en plus, la réutilisation. Là encore, les mêmes trois grands types de services sont offerts : la réponse à l’urgence (par exemple un changement de sources d’approvisionnement suite à la sécheresse), la continuité de service pendant un arrêt planifié ou un regain d’activité saisonnière (très courante en sucrerie par exemple) et la location longue durée. « Cette dernière est de plus en plus demandée actuellement après la crise sanitaire et économique : des industriels n’ont plus les moyens d’investir dans des installations fixes et louent pour plusieurs années. Nous pouvons simplement mettre une unité à disposition de l’industriel ou externaliser le service et produire nous-mêmes l’eau avec cette unité mobile » précise François Piétri. La mise à disposition d’unités pilotes pour tester une technologie reste anecdotique car les unités de Suez sont réalisées à l’échelle industrielle. La société dispose en Europe de plusieurs centaines d’unités toutes prêtes pour répondre aux urgences et aux arrêts programmés. « Pour la location longue durée, nous construisons des unités adaptées aux besoins du client » ajoute François Piétri.
Production d’eau industrielle : le gros des troupes
Même politique chez Suez, dont les unités sont réalisées avec les technologies standard du groupe, en particulier autour des membranes “maison”. Cela vaut pour l’ultrafiltration, l’osmose inverse, etc. Pour produire de l’eau déminéralisée - indispensable pour la microélectronique, les chaudières haute pression, les turbines - sans devoir régulièrement changer d’unité car la résine échangeuse d’ions est saturée, Suez utilise des membranes d’électrodésionisation (EDI). Le parc comprend toutefois des unités plus classiques, y compris à base de résines, pour les réponses en urgence. Une flotte en constante amélioration, que ce soit en termes de débit, d’économie d’énergie par l’utilisation de pompes de dernière génération, d’automatisation ou de télégestion (par intégration de la plateforme de diagnostic et communication Insight). « Récemment une raffinerie a subi une panne de son installation de déminéralisation. Nous avons fourni sous 48 heures une unité mobile de 70 m³/h » relate François Piétri. D'autres clients mettent en place des unités à plus long terme pour optimiser leurs installations. C'est par exemple le cas d'une plateforme chimique qui a ajouté un osmoseur mobile Suez en amont de son unité de déminéralisation. Suez affecte également une partie de son parc à un contrat avec « un grand producteur d'électricité français »…
BWT, spécialiste du traitement d’eau, dispose également d’un parc complet d’unités mobiles pour accompagner ses clients : osmoseurs, unités d’ultrafiltration, adoucisseurs et autres unités de désinfection, pour une gamme de débit allant de 0,5 à 15 m3/h. « Nous lançons un nouvel adoucisseur, le Perla Pro XL, avec des cycles de rinçage optimisés permettant une économie de 50 % d’eau par rapport aux appareils classiques. Il sera aussi installé dans nos unités mobiles de location » révèle Dimitri Monot, responsable de l'activité Reuse à BWT.
Assainissement et traitement des effluents, une affaire de spécialistes
Les trois sociétés disposent d’un parc d’unités conteneurisées allant jusqu’à 200 EH. Pour les opérations plus importantes, Bio Tec Environnement construit rapidement l’unité ad hoc. Un grand vidangeur a ainsi récemment installé une unité mobile Tec'Bio de 800 EH pour améliorer la capacité de sa lagune, insuffisante pour répondre aux exigences sanitaires actuelles. Les bases de vie de chantiers comme celui de la réfection des pistes de l’aéroport d’Orly (Colas), l’usine d’éolienne Gamesa Siemens au Havre ou l’extension du port de Calais (Bouygues) sont équipées de STEP mobiles Tec'Bio. « Nous voyons en ce moment apparaître beaucoup de demandes de réutilisation des eaux traitées. Nous rajoutons alors un traitement membranaire, ou une chloration, en sortie de réacteur » précise Samir Chennouf, directeur de Tec'Bio.
Spécialiste de l’assainissement et du traitement des effluents, Nomado est essentiellement un concepteur et constructeur d’unités mobiles. « La location n’est pas notre métier, même si nous disposons d’un parc réduit de petites unités (jusqu’à 100 EH) pour les urgences. Nous fabriquons pour les grands du BTP (bases de vies de chantier), les petites collectivités (campings par exemple), les industriels et la défense » énumère Simon Edouard, responsable commercial chez Nomado. Indépendant des grands groupes, Nomado “pioche” dans toutes les technologies disponibles sur le marché pour réaliser ses unités. « Nous avons fourni sept unités de traitement à Vinci pour le chantier de construction de la ligne 18 du métro, dans le cadre du Grand Paris Express. Elles sont installées pendant quelques mois sur un site puis déménagent pour suivre l’avancement du chantier. Il s’agit de traiter l’eau des nappes rencontrées, très chargée en MES et parfois en métaux, avant de la rejeter au milieu » explique Simon Edouard.
Une particularité : Nomado travaille beaucoup à l’export, ce qui implique des dispositions particulières. « Il faut minimiser la consommation de réactifs et tropicaliser les installations. De plus, les conteneurs doivent obtenir une certification de navigabilité, ce qui n’est pas évident pour des unités pourvues de raccordements pour les flux entrants et sortants. Nous sommes peu nombreux à maîtriser cette compétence » souligne Simon Edouard. Nomado a ainsi équipé une base de vie de mille personnes sur le chantier de construction du barrage hydroélectrique de Nachtigal, au Cameroun. La société encourage par ailleurs ses clients à donner une seconde vie à ces unités en les mettant à disposition d’ONG gérant des camps humanitaires. « Nous nous chargeons alors de la logistique vers les ONG » assure Simon Edouard.
L’unité conteneurisée NCWT de Nantaise des Eaux a été également conçue pour le traitement des eaux usées à l’export. Déplaçable et réutilisable, elle est particulièrement adaptée aux sites isolés. Le traitement est basé sur la technologie MBBR (Moving-Bed Biofilm Reactor) qui permet de dégrader la pollution par une activité bactérienne en présence d’oxygène apportée par des soufflantes. L’eau traitée peut être désinfectée (par rayonnements UV ou ajout de chlore) pour être réutilisée sur place.
ACQUA.ecologie, autre spécialiste de l’assainissement et du traitement des effluents, peut installer son réacteur à membrane BioBarrier dans des unités mobiles. « On nous demande de plus en plus de le placer en conteneur pour des bases de vie de chantier, des aires d’accueil de gens du voyage ou des situations d’urgence. Nous concevons même des installations complètes avec douche, sanitaire et STEP intégrée, avec toujours la possibilité de recycler et réutiliser l’eau » précise Romain Salza, président d'ACQUA.ecologie. En pur fabricant, ACQUA.ecologie vend ces unités à des loueurs, des collectivités ou des industriels.
De la même manière, Bionest peut installer sa technologie de retraitement des eaux usées, à base de culture bactérienne fixée sur un milieu breveté (voir le dossier assainissement semi-collectif dans ce même numéro), dans des conteneurs de 10, 20 ou 40 pieds. « Une unité de 10 pieds peut traiter les effluents de 25 EH, soit environ 70 travailleurs sur un chantier. Au-delà, nous pouvons concevoir des conteneurs sur mesure, notamment pour intégrer des traitements tertiaires » affirme Jean-François Jauliac, responsable de l’ingénierie et des études chez Bionest. La société vend ces unités à des prestataires de service ou les loue directement à des clients, en assurant alors la livraison sur site et la mise en service.
Suez intervient également dans ce domaine, en particulier avec des unités dotées de réacteurs à membranes (MBBR). D’autres comme Exonia, Polymem, Salher ou Toro Equipement transposent leur expertise particulière dans le domaine des solutions mobiles et s’ajustent facilement à la demande. « Nous avons, en effet, une offre pour des unités mobiles de traitement d’eau par ultrafiltration, l’Aquamem Express. Opérationnelle en container 20 pieds, elle met en œuvre les modules Gigamem® à fibres creuses Neophil® de dernière génération dans des centaines de systèmes installés dans le monde entier. Cette unité automatisée, de mise en service aisée et avec production d’eau ultrafiltrée instantanée, a une capacité de production de 2 000 m³/jour », résume Isabelle Duchemin responsable marketing et commercial chez Polymem. « L’Aquamem Express transforme toutes les eaux (souterraines, de surface, de process) ou les effluents secondaires en une eau clarifiée et désinfectée, avec l’élimination des matières en suspension, bactéries et virus. Elle produit une qualité d’eau constante et sécurisée dans un procédé basse pression jusqu’à des turbidités de 200 NTU en pointe ».
La réutilisation : on y vient
Qualité des effluents, qualité de l'eau exigée à l'entrée du procédé, quantité à traiter : rien n'est standard d'une usine à l'autre. Résultat, même avec des études poussées, il est impossible de prévoir en théorie ou au laboratoire les performances réelles d'un système de reuse. « Depuis septembre dernier, nous utilisons un conteneur de 40 pieds, le Plug & Reuse pour réaliser des essais pilotes sur site. C’est la seule manière de valider à la fois les choix technologiques et les coûts. La simulation donne une vision assez claire de l’aspect salinité même si, l’Opex, pourtant primordial, est impossible à simuler précisément » explique Dimitri Monot. La base du traitement embarqué combine ultrafiltration et osmose, avec la possibilité de traiter les concentrats d'osmose pour améliorer le rendement. BWT peut ensuite ajouter divers blocs : traitement UV, filtre à charbon actif, adoucisseur....
Toutes les branches industrielles sont concernées et veulent réutiliser l’eau soit pour les utilités soit dans le procédé lui-même. En agroalimentaire, s’il est toujours interdit de réutiliser les effluents traités pour en faire un ingrédient, la réglementation est plus floue pour le nettoyage. « Il faut pouvoir prouver l’innocuité de l’eau recyclée. C’est là, aussi, que pourrait intervenir notre unité Plug & Reuse » affirme Dimitri Monot.
Le traitement des boues, un marché particulier
L’interdiction d’épandage des boues liquides non hygiénisées a également soutenu la demande de location d’unités mobiles auprès de nombreux spécialistes de la filière de déshydratation des boues : centrifugeuses, filtres presse, filtres à bandes, tables d’égouttage… elles sont proposées par Actibio, Atlantique Industrie, ATR Créations, Aqua Traitements, ABB-Andreu Boet Equipaments, PLM Equipement, MPO Environnement, Sede, ou encore Semeo, et comprennent parfois des prestations d’ingénierie ou une aide à l’exploitation. « Nous avons la plus large gamme d’unités mobiles pour la déshydratation de boues par centrifugation allant de 3 m³/h à 90 m³/h de capacité de traitement hydraulique. Elles sont adaptées aux besoins des boues d’épuration urbaines et industrielles, à la fois pour tous les débits et tout type de boues (biologiques, digérées, sableuses, etc.). Chaque unité est logée dans un conteneur ou une structure avec décanteur centrifuge, pompes à boues, pompes polymères, unité de préparation de polymères, vis convoyeur de décharge, panneau de commande avec automate et de tuyaux et de câbles pour la connexion. Elles sont livrées sur site par camion et sont connectées très simplement aux services du site », précise Lluís M. Boet. Outre la location de matériel de traitement des eaux, Atlantique Industrie propose des skids de déshydratation pour la location courte ou longue durée. « Nous proposons différents modèles couvrant une plage de débit massique variée. Nos skids sont équipés de l'ensemble des matériels rendant autonome l'installation (pompage, centrale polymère, presse, automate) et plug and play pour l'utilisateur. Notre prestation va du raccordement à la mise en service et la formation du personnel utilisateur » souligne Fabien Petit, chargé d'affaires Hauts de France/Grand Est.
Reconnue comme l’une des technologies les moins énergivore de tous les outils de déshydratation, Christophe Pierrel, co-fondateur de MPO Environnement expliquait au début de la pandémie de Covid anticiper les besoins à venir d'unités mobiles équipées de la presse à vis : « les caractéristiques technologiques de la presse à vis, Rotamat Q de Huber Technology, (les composants massifs comme l’arbre à vis, les joints, le tamis à fentes résistant à l’usure et insensible à l’obstruction, le mode de drainage en continu…) permettent d’assurer une déshydratation plus flexible des boues grâce à la plage de vitesse du moteur étendue, et d’afficher des taux de capture qui se situent autour de 95 %. A cela s’ajoute le dispositif de télésurveillance à distance que nous avons conçu, qui permet un report des informations de fonctionnement et de pannes à distance. L’unité mobile est aussi équipée d’un dispositif de mesure de niveau de remplissage de la benne ». Visant le même objectif, Sede, filiale de Veolia, propose le Mobile Sludge Services. Un parc de plus de 30 machines disposant de centrifugeuses, filtres-presses, filtres à bandes, presses à vis, ainsi que des unités de pré-traitement de dégrillage et de dessablage. Quant-à Semeo, une quarantaine d’équipements est disponible pour le traitement des boues et des effluent, et aussi des lixiviats.