Poissons, amphibiens, bactéries, moules, ARN ribosomique, algues… Il existe aujourd’hui un large éventail d’organismes vivants utilisés pour la surveillance de la qualité de l’eau.
La société Hydreka, qui a été racheté en juin 2024 par le groupe Claire, commercialise, depuis 2019, les biocapteurs NODE suite à l’acquisition de la start-up Enoveo. Ils exploitent les bactéries indigènes, naturellement présentes dans le milieu à surveiller, comme bioindicateurs pour la détection en continu de pollutions (à-coups de charge, toxicité…) et l’évaluation de la charge organique. « Les biocapteurs génèrent un signal électrique qui est le reflet direct de l’activité des bactéries présentes à la surface des électrodes et qui, adaptées au milieu et représentatives du site, sont sensibles à tout changement intervenant dans la qualité de l’eau. Les biocapteurs sont déployés pour la surveillance des milieux aquatiques naturels, urbains ou industriels (captages, déversoirs, STEU, procédés de traitement…) », rappelle Jean-Michel Monier, docteur en microbiologie et responsable technique Water Applications chez Hydreka (groupe Claire).
Du côté de Biomae, un essaimage du Laboratoire d’écotoxicologie d’Irstea (devenu l’Inrae suite à la fusion avec l’Inra en 2020) créé en 2014, la société propose des bioessais, et non des mesures en temps réel, destinés à la biosurveillance de la qualité chimique et écotoxicologique des cours d’eau. « Notre offre repose sur l’élevage de gammares (crustacés d’eau douce) qui sont ensuite exposés directement sur site, dans les cours d’eau, pendant une à trois semaines via une méthode d’encagement normalisée (Afnor NF T90 721). Après exposition, les organismes sont rapatriés au laboratoire, puis analysés pour mesurer les substances chimiques accumulées et l’impact toxique sur plusieurs réponses biologiques telles que la survie, le comportement (alimentation), la reproduction, le taux d’altérations de l’ADN, des activités enzymatiques témoins de l’exposition à des insecticides, etc. L’interprétation des résultats est faite au regard de seuils de contamination et de toxicité définis dans le gammare au niveau national (brevet Inrae/Biomae) », poursuit Guillaume Jubeaux, cofondateur et directeur de Biomae.
Citons aussi la start-up molluSCAN-eye, créée en 2023 par Ludovic Quinault, statisticien, et Jean-Charles Massabuau, biologiste marin et directeur de recherche émérite au CNRS. Sa technologie de valvométrie haute fréquence non invasive (HFNI), issue d’une vingtaine d’années de recherche à la Station marine d’Arcachon (UMR CNRS EPOC de l’Université de Bordeaux), est basée sur la capacité des mollusques bivalves (huîtres, moules, pétoncles…) à informer sur la qualité de l’eau dès que celle-ci les perturbe. L’analyse comportementale appliquée in situ (surveillance des cycles d’ouverture et de fermeture des valves, de leur croissance, des pontes…) est 10 à 100 fois plus sensible que la chimie en eaux naturelles, sans a priori et généraliste, sans idée préconçue sur la nature du polluant, de ses produits de dégradation ou du cocktail inconnu de molécules produit.
Le groupe des « Eaux de Marseille » et la société Cifec ont également associé leurs expériences respectives dans le domaine des détecteurs biologiques, pour permettre la protection instantanée contre les pollutions accidentelles non détectées par les analyseurs physico-chimiques. « Dans la gamme Truitosem, Cifec propose aujourd’hui le détecteur Truitel, particulièrement adapté à la surveillance des eaux de surface et des eaux de nappes destinées à la potabilisation. Une variante de cet appareil permet le contrôle des effluents des stations de traitement d’eaux usées ou d’eaux chlorées sur les réseaux de distribution d’eau potable. Le détecteur (breveté Cifec-SEM) est basé sur le principe du sonar. Toutes les secondes, un train d’ondes ultrasoniques est envoyé dans la chambre de surveillance contenant une dizaine de truitelles ou une cinquantaine de vairons. Elle est alimentée en continu avec l’eau brute à surveiller. Ces ondes sont réfléchies par tous les obstacles qu’elles rencontrent, principalement poissons et parois de verre. L’écho est réfléchi vers le récepteur puis amplifié et mémorisé par un micro-contrôleur », explique Cifec
[Illustration : © MolluSCAN-eye : La technologie de valvométrie haute fréquence non invasive (HFNI) de la start-up MolluSCAN-eye est basée sur la capacité des mollusques bivalves (huîtres, moules, pétoncles…) à informer sur la qualité de l’eau dès que celle-ci les perturbe.]