Infiltrer les eaux pluviales, c’est bien. Mais infiltrer des eaux propres, c’est encore mieux. TenCate Geosynthetics vient de présenter un aquatextile capable de biodégrader naturellement, et sur leur point de chute, les hydrocarbures présents dans les eaux de ruissellement. Cette innovation pourrait modifier profondément les pratiques en matière de traitement décentralisé des eaux de pluie. Explications.
Rétablir le
cycle de l’eau par des systèmes d’infiltration de la pluie au plus près de son
point de chute et contribuer au rétablissement du bon état des masses d’eau en
traitant les eaux de ruissellement. Tel est désormais l’objectif poursuivi par
les pouvoirs publics en matière de gestion des eaux pluviales pour répondre aux
exigences de la Directive-Cadre sur l’eau.
Exit donc la
politique du « tout tuyau » qui a longtemps prévalu et qui consistait,
en milieu urbain, à raccorder systématiquement les eaux pluviales au réseau pour
les évacuer hors de la ville.
Désormais, l’heure
est à la gestion de l’eau au plus près de son point de chute, d’un point de vue
quantitatif en favorisant notamment l’infiltration, mais aussi qualitatif. Car recourir
aux techniques alternatives pour infiltrer les eaux pluviales, c’est bien. Mais
infiltrer des eaux propres, c’est encore mieux. Car en ruisselant sur les
surfaces imperméabilisées (toits, parkings, voirie), ces eaux de ruissellement
se chargent en polluants de toutes sortes (matières organiques, hydrocarbures,
métaux, pesticides, etc.) qui risquent, en s’infiltrant, de contaminer les
milieux naturels et les nappes souterraines sous-jacentes.
Conscients de
la nécessité de traiter localement les eaux de ruissellement avant leur
infiltration, les industriels ont développé ces dernières années, à côté des
traditionnels séparateurs d’hydrocarbures et décanteurs-déshuileurs, de
nouveaux équipements susceptibles de traiter ces eaux chargées en polluants, notamment
les hydrocarbures, qui représentent une large fraction des polluants contenus
dans les eaux de ruissellement. A la condition d’être judicieusement implantés
et surtout, de faire l’objet d’un entretien régulier ce qui, dans la pratique,
est plus problématique, ces équipements fonctionnent convenablement. A deux
détails près. Le premier, c’est que leur fonctionnement requiert la mise en
place préalable d’un dispositif de collecte des eaux de ruissellement de
manière à les acheminer vers l’équipement chargé de les traiter. Le second, c’est
que l’un des principes de base d’une gestion plus durable et plus intégrée des
eaux pluviales est de donner plusieurs fonctions à un même espace, c’est-à-dire
ajouter une fonction pluviale à un autre ouvrage : parking, voirie, parking,
toiture...etc.
Or, penser
multifonctions tout en infiltrant et en traitant les eaux de ruissellement sur
leur point de chute, c’est justement ce que permet l’aquatextile
oléo-dépolluant développé par TenCate Geosynthetics et présenté à la presse le
13 novembre dernier.
Une aquatextile oléo-dépolluant
TenCate GeoClean® est un aquatextile oléo-dépolluant composé de filaments oléophiles très fins, capables de retenir puis de biodégrader naturellement les hydrocarbures, et plus largement les résidus huileux issus de moteurs, de pièces mécaniques et de circuits hydrauliques, présents dans les eaux de ruissellement. « Sa structure se compose d’une première couche supérieure de couleur bleue dont la fonction est de fixer les hydrocarbures en phase diffuse puis de diffuser l’activateur de croissance qui va favoriser la biodégradation des hydrocarbures, explique Olivier Artières, Innovation Manager chez TenCate Geosynthetics. C’est au sein de cette couche que va s’établir préférentiellement l’écosystème chargé de biodégrader les hydrocarbures. La couche inférieure, de couleur blanche, permet quant à elle de conserver l’humidité nécessaire à la survie des microorganismes tout en constituant une réserve de rétention supplémentaire d’huile, en cas de pollutions accidentelle par exemple ».
Ainsi constituée, cette structure bicouche permet une infiltration facile des eaux de pluie, même en cas d’évènements pluvieux importants. « La vitesse de perméabilité sous 5 cm d’eau est de 10 mm par seconde, ce qui permet d’infiltrer immédiatement les pluies les plus extrêmes, souligne Olivier Artières. Mais surtout, l’aquatextile va retenir plus de 99% des hydrocarbures qui le traversent, ce qui signifie que le taux résiduel en hydrocarbures de l’eau qui percole est inférieur à 1 mg/l, « un taux d’adsorption très élevé, jusqu’à 5 fois meilleur que les séparateurs d’hydrocarbures de classe 1 ». Dopé par la diffusion d’un activateur de croissance, le microbiote qui s’installe dans la structure très ouverte de la couche supérieure du TenCate GeoClean® permet de dégrader potentiellement 100 g d’huile/m²/an, « ce qui correspond à 10 fois l’apport moyen d’un parking en charge diffuse » comme le souligne Nicolas Laidié, Marketing Manager EMEA chez TenCate Geosynthetics.
Trois produits pour faire face à de nombreuses configurations
Pour faire face à de nombreuses configurations,
TenCate GeoClean® se décline en trois produits selon les applications et les volumes
d’hydrocarbures attendus. Le premier produit de la gamme, TenCate GeoClean®
Origin, offre un taux de rétention de 0,6 l/m², ce qui permet de capter la
fuite complète d’un carter de moteur sous une surface de 10 m², comme le
souligne Olivier Artières. Les deux autres produits, d’une capacité encore plus
importante, répondent à des besoins plus spécifiques.
Cet aquatextile, dont la pose ne
requiert pas de qualification spécifique, s’installe de la même façon qu’un
géotextile classique, en une succession de lés de 5 à 6 m de largeur, sans
qu’il soit nécessaire de les souder les uns aux autres. Il s’installe en
construction ou en rénovation, à proximité des sources de pollution, c’est à
dire sous une voirie, sur les bas-côtés d’une surface circulée, en fond de
fossés ou encore, de façon complémentaire, autour de structures alvéolaires
ultralégères pour traiter l’eau localement, de manière autonome et sans
entretien.
Son prix, de 5 à 20 € HT le m², permettrait
de réaliser de 20 à 30% d’économies par rapport aux moyens de traitements
classiques, compte non tenu des économies potentiellement réalisables sur la maintenance.
Sa durée de vie, estimée « à plusieurs
centaines d’années », devrait lui permettre de s’imposer assez
rapidement sur un large spectre d’applications, notamment en drainage urbain,
mais pas seulement. Plusieurs projets, sur quelques dizaines de kilomètres d’autoroutes,
seraient actuellement en gestation.
Vincent Johanet