Les eaux de pluie ruisselant en ville se chargent de polluants. Qu’il s’agisse de les infiltrer, les rejeter dans le milieu ou les réutiliser, il faut donc les traiter. Les solutions pertinentes combinent dispositifs «?basés sur la nature?» et éléments industriels. Elles nécessitent dans tous les cas une sérieuse étude amont.
Pour des raisons évidentes, la question des eaux pluviales en ville est avant tout abordée sous l’aspect quantitatif : comment gérer un tel flux ? pourra-t‑on l’évacuer ? où va-t-il déborder ? comment s’en prémunir ? Les réponses sont désormais bien connues, même si pas forcément appliquées partout : déconnecter les parcelles du réseau (unitaire ou séparatif), infiltrer au plus près de la chute pour éviter le ruissellement, stocker au besoin, éventuellement réutiliser… bref aller vers une «ville éponge». Il existe pour cela des solutions basées sur la nature (noues, bassins d’infiltration, jardins pluviaux, etc.), promues par exemple par les associations Adopta ou Graie.
Les industriels proposent pour leur part des matériaux ou des éléments préfabriqués de solutions décentralisées dites «grises», comme des SAUL, des caniveaux drainants, des avaloirs, des cuves de stockage, etc. C’est l’affaire de sociétés comme, par exemple, ACO, Alkern, Amiblu, ATE, Birco, Bonna Sabla, Cimentub, Dyka, Fränkische, Eluvio, Funke, Graf, Hamon, Hauraton, MEA, Nicoll, Nidaplast, Polieco, Polypipe, Saint-Dizier Environnement, Sebico, Simop, Stradal, TenCate AquaVia, Tubao, Viacon ou Wavin. Le volume d’eau à gérer ne représente toutefois qu’un aspect du problème.
La
question qualitative, celle de la pollution transportée par l’eau pluviale, ne
peut plus être considérée comme un
simple «dommage collatéral». Afin de
traiter ces eaux avant de les rejeter au
milieu naturel ou de les réutiliser, on
peut certes compter sur les pouvoirs
épuratoires du sol. Les solutions de gestion durable, par infiltration directe à
la source, ont démontré leur efficacité:
les polluants restent confinés (et pour
certains dégradés) dans la souche superficielle du sol. C’est donc à elles qu’il faut
penser en priorité. Néanmoins ce n’est
pas toujours suffisant (en particulier
pour certains «nouveaux» polluants),
ou réalisable en milieu urbain. Les industriels précités, ou du moins une partie
d’entre eux, proposent donc des solutions de traitement venant s’ajouter à
leur gamme: aquatextiles, décanteurs
à particules pour les matières en suspension (MES), porteuses d’une bonne
part de la pollution et, plus récemment,
substrats filtrants et adsorbants pour
prendre en charge la pollution dissoute, dont les métaux. Mais quand et comment les utiliser ? dans quel cadre
normatif ou réglementaire? qui fait les
choix? avec quels objectifs ?
UN CADRE NORMATIF ENCORE EN CONSTRUCTION
«Nous ne pouvons que constater l’absence de règles techniques autour de cette notion de pollution des eaux pluviales, à l’exception évidemment des sites industriels classés (ICPE). On n’a pas aujourd’hui l’équivalent des Documents Techniques Unifiés du secteur du bâtiment, ou de normes établies auxquelles ces solutions pourraient se rattacher» souligne d’emblée Luc Manry, président du Syndicat des industriels des solutions du traitement et du stockage des eaux (ITSEP).
Cette situation contraste
avec l’encadrement des ouvrages de
gestion quantitative, comprenant en
particulier le Memento1
technique de
l’Association scientifique et technique
pour l’eau et l’environnement (ASTEE),
en 2017 (annulant la fameuse et ancienne
instruction technique IT 77-284) ou le
Fascicule2
70-2 de 2019, revu en 2021.
Pour combler ce retard, une première
étape, portée par l’Itsep, a consisté à
engager il y a quelques années des travaux normatifs à l’AFNOR. Il en a résulté
le fascicule3
documentaire FD 16-009
intitulé «La gestion décentralisée de la
pollution des eaux pluviales en milieu
urbain - Présentation des solutions disponibles et de leurs spécificités», publié
en janvier 2023. En partenariat avec l’UIE
et la FNTP, l’Itsep a organisé à Paris,
le 10 octobre 2023, un colloque de restitution de ce document. «Les travaux ont repris pour commencer à codifier l’aspect performanciel: comment mesurer
cette performance ? en fonction de quel
référentiel ? etc.» ajoute Luc Manry.
POLLUTION, QUELLE POLLUTION ?
«Pendant quelques décennies, on s’est surtout préoccupé des hydrocarbures : huiles, carburants… Aujourd’hui, les véhicules ne fuient plus comme avant mais on a toujours des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Et surtout, on s’intéresse désormais à des polluants «nouveaux» comme les métaux ou les microplastiques» ajoute-t-il. Funke participe par exemple à des projets pilotes, en France ou en Allemagne, où sont pris en compte les hydrocarbures mais aussi les métaux et désormais les pesticides. Sans compte les résidus de médicaments dans le réseau unitaire… Jean-Yves Viau, directeur opérationnel chez Saint Dizier Environnement, renchérit.
«On rencontre de plus en plus de micropolluants qu’on n’imaginait même pas à une époque. Nous sommes passés de paramètres généraux, de type MES, DCO, DBO, etc., aux hydrocarbures, aux métaux lourds puis aux HAP. Maintenant, tout le monde parle des PFAS4 , ces polluants «éternels» que l’on retrouve partout, à la fois sur les MES et sous forme dissoute. Actuellement, on nous demande surtout de les caractériser avant et après traitement sur des sites industriels mais cela viendra pour les eaux pluviales urbaines» estime-t-il.
«Nous connaissons et traitons les pollutions classiques : MES, hydrocarbures, particules de pneus… Lors du colloque Istep d’octobre, une intervenante a mis en évidence, par exemple, qu’il existe aussi beaucoup de polluants liés la construction. Les produits utilisés pour enlever les mousses, les peintures de façade, le zinc des toitures, etc. Le panel des pollutions à traiter a changé et changera encore dans le futur. Pour homologuer nos solutions en Suisse, par exemple, nous devons traiter les particules plus fines qu’en France, les hydrocarbures, les métaux lourds et des micropolluants. Cela viendra en France» prédit pour sa part Christophe Chastel, directeur technique chez Fränkische.
TRAITEMENT : COMBINER LES SOLUTIONS
Outre ses classiques dégrilleurs, débourbeurs et séparateurs d’hydrocarbures, Saint Dizier Environnement est connu pour ses STOPPOL, des unités de verticales de traitement des eaux de ruissellement qui se placent après un avaloir, ou ses décanteurs dépollueurs souterrains UTEP. A ces solutions initialement conçues pour une séparation physique des MES, la société peut ajouter, si nécessaire, des médias filtrants et adsorbants pour prendre en charge la pollution dissoute. «Nous testons toujours de nouveaux médias pour de nouveaux polluants, par exemple les HAP,très difficiles à piéger et qui peuvent s’infiltrer facilement dans les nappes» révèle Jean-Yves Viau.
Même démarche chez Fränkische, où un substrat adsorbant peut venir compléter l’action de solutions comme le regard de sédimentation Sedipipe ou le module d’infiltration Rigoplant. «Lors du dimensionnement, il faut tenir compte du fait que l’ajout de substrat ralentit le débit de traitement» prévient toutefois Christophe Chastel. La société installe par exemple des Sedipipe avec substrat sur les quais de Port-la-Nouvelle (Aude), dont les eaux pluviales se déversent dans des canaux rejoignant la Méditerranée. Graf propose sa gamme de regards épuratoires EcoPure. Ils combinent les fonctions de séparation des hydrocarbures, sédimentation de la pollution particulaire par effet vortex et adsorption des polluants dissouts sur le média filtrant PureSorb.
Graf revendique ainsi la capacité de retenir aussi bien les particules que le sel de déneigement, les microplastiques, les hydrocarbures, les HAP ou les métaux. Birco, fabricant de caniveaux préfabriqués, canaux de distribution, conduites, etc. se met aussi à sédimenter et filtrer la pollution. Les caniveaux autoportés en béton, spécialité de la firme, peuvent donc être dotés de cloisonnements amovibles permettant une décantation particulaire (BIRCOprime) et éventuellement d’un sac contenant un média filtrant (BIRCOpur). «Ce substrat, à changer tous les 10 ans, est en fait un système bi-composants apte à retenir tous les métaux lourds. Il en sort une eau à 97% propre qu’on peut réutiliser pour le jardin, le lavage de la voirie ou des voitures, des applications industrielles consommatrices en eau, etc.» affirme Johann Groult, directeur export de Birco GMBH et directeur général de Birco France.
Pour l’infiltration, la firme propose également des caniveaux infiltrants en béton drainant, installés par exemple en Belgique le produit n’est pas encore distribué en France. L’usine principale de la firme automobile Audi, à Ingolstadt (Allemagne) dispose d’immenses zones logistiques sur lesquelles ruisselle l’eau de pluie. «Dans un contexte de nappes phréatiques historiquement basses, ils récupèrent depuis 10 ans cette eau dans un réseau de caniveaux BIRCOpur. Elle en sort suffisamment épurée pour qu’elle puisse être réutilisée dans le procédé de fabrication des peintures automobiles» affirme Johann Groult.
Pour le drainage ponctuel, Birco propose également des regards de sédimentation comme l’Hydroshark ou l’Hydropoint, qui peut s’équiper de cartouches de filtration interchangeables. Funke promeut également une approche hybride. «L’idée est d’utiliser des solutions fondées sur la nature, ses capacités épuratoires, parfois en y associant des dispositifs qui permettent de s’intégrer plus facilement dans l’espace urbain» explique ainsi Raphaël Vite. La firme propose des avaloirs épuratoires, appelés Innolet, des caniveaux filtrants (D-Rainclean) ou des chambres de décantation-sédimentation pouvant «reprendre» des surfaces imperméabilisées importantes. «Dans tous les cas, on peut rajouter un substrat épuratoire pour être plus performants. Nous proposons donc un contenu et un contenant. Avec cela, on compose une solution adaptée aux contraintes, aux demandes de la collectivité» expose Raphaël Vite.
Depuis maintenant une décennie, Funke équipe progressivement - à mesure des installations de nouveaux industriels - une zone industrielle proche d’Amiens en caniveaux traitants D-Rainclean. «L’année dernière, nous avons installé des avaloirs épuratoires Innolet sur la commune de Publier, en Haute-Savoie, afin de restituer des eaux pluviales propres dans le lac Léman» se souvient également Raphaël Vite. Au rayon des nouveautés, Funke lance le BeWa, un avaloir orientable. «En été, on oriente les eaux pluviales vers les racines des arbres. En hiver, on bascule un volet qui permet, en particulier si la voirie est traitée avec du sel de déneigement, de diriger ces eaux vers le réseau d’évacuation» précise Raphaël Vite. Hauraton propose le Drainfix Clean, un caniveau épuratoire ciblant les microparticules issues du trafic routier.
Il est composé d’un corps en béton fibré, adapté aux classes de charge A 15 à D 400 et surmonté d’une grille en fonte. Le traitement proprement dit se fait dans un substrat filtrant Carbotec 60. Celui-ci retient également en surface les débris organiques (feuilles, brins d’herbe) qui peuvent même, une fois dégradés par les microorganismes colonisant le substrat, devenir un support pour une petite végétation. L’eau filtrée par le substrat, et donc débarrassée des microparticules, est évacuée par une gaine de PEHD perforée et entourée de géotextile installée au fond de l’ouvrage. MEA France propose le MEACLEAN PRO, un substrat multiple qui s’installe facilement dans un système classique de drainage linéaire - autrement dit un caniveau. D’une durée de vie pouvant atteindre 25 ans, il filtre plus de 99% des matières polluantes, particulaires ou dissoutes (en particulier les métaux).
Testé dès 2015 puis lancé en 2021, le RigoPlant de Fränkische repose en grande partie sur les capacités épuratoires du sol. L’eau de ruissellement est dirigée vers un premier bac étanche et végétalisé dans lequel les macro-déchets et les matières en suspension sont piégés et cantonnés en surface. Puis, grâce à l’action de la terre et des végétaux, l’eau entre dans un processus de décantation avant d’arriver dans un second bac, lui aussi végétalisé mais filtrant, et alimente un complément de stockage adapté (par exemple des SAUL). L’eau claire peut enfin s’infiltrer et rejoindre son milieu naturel, éventuellement à travers un aquatextile oléo-dépolluant. De son côté, le fabricant SIMOP a développé le TRITHON, un séparateur hydrodynamique placé en aval de surfaces imperméables et capable de piéger flottants, matières en suspension et micro-plastiques. Ses performances ont été vérifiées par le programme européen ETV et il a récemment fait l’objet d’une Appréciation Technique d’Expérimentation favorable (ATEx cas b n° 3243_V1) délivrée par le CSTB pour le traitement de la pollution particulaire d’eaux de ruissellement sur l’aire de compostage de Villeneuve sur Lot.
«Les retours terrains vont au-delà de nos espérances. Pour exemple nous avons installé un séparateur hydrodynamique TRITHON dans un centre de tri des métaux. Après plus d’un an d’utilisation, les performances de rétention s’établissent à 99,8% pour les MES, 95,7% pour la DCO, 99,9% pour les hydrocarbures et 94,2% pour les métaux toxiques totaux» explique Gérald Baudry, directeur commercial de Simop. A grande échelle, Tubao propose toujours des solutions pour des projets comme des infrastructures routières, autoroutières voire ferroviaires. Outre la rétention du volume d’eau pluviale, ces ouvrages abattent une part importante (jusqu’à 90%) de la pollution particulaire.
Cimentub, spécialiste des solutions préfabriquées en béton, réalise des unités de traitement primaire de grandes dimensions, à installer en amont de bassins de rétention. Ces ouvrages retiennent les MES par décantation, les hydrocarbures par effet siphoïde et les déchets flottants par dégrillage. Enfin, même si le temps n’est plus où les systèmes séparateurs d’hydrocarbures, comme par exemple la gamme très complète de Salher, représentaient l’alpha et l’oméga de la dépollution, et si les véhicules d’aujourd’hui sont devenus «propres», ces polluants restent présents sur les voiries à grande circulation et les parkings. «En général, on en trouve de 1 à 10 mg/l dans les eaux de ruissellement. Cela peut paraître faible mais, pour un parking de grande surface, par exemple, cela représente plusieurs centaines de litres d’hydrocarbures par an» souligne Olivier Artières, directeur Technique et innovation chez TenCate AquaVia. Cette société a développé des aquatextiles dépolluants qui s’installent dans (en général sous) les ouvrages d’infiltration. Ils fixent et traitent tous les hydrocarbures C10-C40 (comportant de 10 à 40 atomes de carbone), soit les huiles, graisses et carburants mais aussi les HAP. Le principe: irréversiblement piégés par les filaments du textile, les hydrocarbures y sont également détruits par la flore microbienne du sol, dont la croissance locale est favorisée par des nutriments dispensés par ce même textile.
«Des études réalisées par des organismes publics comme le Cerema et le Leesu ont montré que nos textiles protègent non seulement les nappes mais aussi la biodiversité microbienne du sol. Notre solution fixe plus de 99,9% des hydrocarbures» affirme Olivier Artières. TenCate AquaVia propose deux gammes de ces textiles retenant les hydrocarbures mais laissant passer l’eau sans ralentissement. GeoClean possède des capacités de fixation adaptées au flux important arrivant dans les ouvrages d’infiltration qui gèrent des surfaces imperméables : noues, tranchées, bassins à ciel ouverts ou bassins enterrés à base de SAUL.
Il existe en trois versions : Origin, Crystal et Pure, aux performances croissantes. «On peut même imaginer des ouvrages à plusieurs couches de Geoclean pour, par exemple, des zones de ravitaillement d’engins de chantier avec des risques de déversements importants» précise Olivier Artières. Depuis sa création en 2020, TenCate AquaVia a réalisé plusieurs centaines de projets. Parmi les derniers en date : un bassin d’infiltration enterré sous l’avenue Farbos à Mont-deMarsan (Landes), totalement enveloppé de GeoClean. La Communauté d’Agglomération Royan Atlantique (Charente Maritime) a déconnecté du réseau environ 8 hectares de l’ouest de la ville : les eaux pluviales se déversent désormais dans un bassin à ciel ouvert de 2000 m2 et s’infiltrent à travers une couche de GeoClean Origin.
L’InDi’Green a pour sa part été conçu pour l’infiltration directe sous des surfaces perméables. C’est ainsi qu’à Coignières (Yvelines), où le bailleur social Sequens a réhabilité un ensemble HLM, un parking perméable de 340 places a été «posé» sur une couche d’InDi’Green. Dans le même esprit, Ecovégétal conçoit et construit des parkings perméables, végétalisés ou non. Ce type de structure retient la pollution particulaire dans la couche supérieure de substrat, lequel agit comme un filtre (conjointement avec les racines des végétaux présents). Les polluants peuvent aussi être absorbés dans les différentes couches des parkings perméables et petit à petit dégradés par la vie microbienne du sol. Une étude menée avec le Leesu et le Cerema, dans le cadre du programme Roulepur financé par l’agence de l’eau Seine-Normandie, l’Office Français de la Biodiversité (OFB) et Ecovégétal, a montré que ces parkings retiennent plus de 80% des polluants étudiés : métaux, hydrocarbures, HAP, etc.
LES INDISPENSABLES ÉTUDES AMONT
«Les systèmes de traitement ne fonctionnent de manière satisfaisante que si des études ont été réalisées en amont pour définir le type de polluants présents et la concentration à abattre, ainsi que les capacités du milieu récepteur. Si la collectivité sait à quoi elle est exposée et ce qu’elle veut faire, alors ils est possible de dimensionner des solutions qui fonctionneront. Ce qui n’empêche pas, comme il ne s’agit pas de techniques courantes, de se donner les moyens de vérifier la performance du système en analysant les rejets » insiste Luc Manry (Itsep). Les collectivités n’ont évidemment pas ce type d’expertise. Il leur faut donc faire appel à des «sachants»: bureaux d’études, experts, etc.
Le font-elles vraiment ? «On commence à voir apparaître des Atex à ce sujet, ce que je trouve vertueux. Un donneur d’ordre - dans ce cas une collectivité - ayant un problème spécifique peut, par cette procédure, demander un avis d’expert pour son chantier. Par ailleurs, certaines solutions un peu plus génériques peuvent exister sous avis technique » précise Luc Manry. Raphael Vite (Funke) rappelle un autre aspect important : «lorsqu’on dimensionne un ouvrage de stockage (SAUL ou bassin d’orage), on se base sur une pluie très intense, décennale voire centennale pour déterminer le volume d’eau à retenir temporairement. Le traitement de la pollution implique une approche un peu différente puisque la majeure partie est apportée par les pluies chroniques, habituelles. Dans le même temps, il ne faut pas oublier que plus on est performant en termes d’abattement de la pollution, moins on peut traiter de surface avec le même dispositif. Il faut donc soit réduire la surface imperméabilisée reprise soit multiplier les systèmes, ou augmenter le linéaire de caniveau.»
Connaître la pollution et le milieu récepteur, découper le problème, le quantifier, choisir des objectifs, établir un cahier des charges … L’Itsep a édité une fiche technique présentant un logigramme pour aider les collectivités à gérer leur projet. L’Astee finalise également une charte qualité sur les ouvrages de gestion des eaux pluviales. «L’accent est mis sur toutes les phases d’un projet de A à Z, de manière à guider les collectivités, qui n’en ont pas forcémentles moyens humains ou les compétences, à travers toutes les étapes d’un projet.» révèle Christophe Chastel (Fränkische). Le même association produit également un guide sur la gestion patrimoniale des dispositifs de gestion durable des eaux pluviales.
À ce propos, tous les fournisseurs de solutions, industrielles ou basées sur la nature, insistent sur l’absolue nécessité de l’entretien. «Un système de traitement des eaux pluviales, quel qu’il soit, a besoin d’entretien. Par principe, il accumule un polluant qu’il faut donc périodiquement retirer. On a tendance à l’oublier» rappelle par exemple Christophe Chastel. Luc Manry le soulignait aussi récemment dans nos colonnes : «on constate aujourd’hui qu’une proportion importante des performances de dépollution estliée à l’entretien et qu’il doit être considéré comme une nécessité transverse qui assure la pérennité de toutes les fonctions de l’ouvrage.» Reste la question du devenir de ces eaux pluviales traitées. L’infiltration, souvent évoquée, n’est pas systématiquement la meilleure solution. D’une part parce qu’il ne suffit pas d’infiltrer de l’eau n’importe où pour recharger les nappes, d’autre part parce que cette eau peut créer des problèmes pour les bâtiments, par exemple si elle est infiltrée trop près des fondations. Dès lors, que faire de ces volumes importants d’eau «propre»?
«La bonne solution n’est peut-être pas d’infiltrer ou de rejeter les eaux de ruissellement. Elles peuvent demain constituer une ressource, permettre par exemple d’ajouter du végétal en ville pour apporter de la fraîcheur et lutter contre îlots de chaleur. C’est avec cet objectif que nous avons récemment racheté la start up Source Urbaine» explique Jean-Yves Viau. MEA France plaide également pour l’utilisation des l’eau pluviale traitée pour irriguer les arbres urbains. Arrosage d’espaces verts ou lavage des voiries ne sont que les usages les plus évidents, que d’ailleurs de nombreuses villes pratiquent déjà.