La valorisation des boues de stations d’épuration dans le cadre de filières règlementaires et pérennes suppose que leur qualité corresponde à des exigences très précises en termes de siccité mais aussi vis-à-vis de deux types de pollutions : les éléments traces métalliques (ETM) et les composées traces organiques (CTO). Les solutions permettant de répondre de manière constante à ces exigences se diversifient et gagnent en efficacité.
Dernier maillon de l’épuration des eaux usées, la question du devenir des boues d’épuration a longtemps constitué un casse-tête jugé quasiment insurmontable par de nombreux exploitants. La mise en place de filières de valorisation structurées et pérennes permet d’absorber aujourd’hui une large part des 3 litres de boues que nous produisons, chacun d’entre nous, tous les jours.
Quelles sont ces filières et que représentent-elles en volume ?
Un récent rapport sur l’évolution de la qualité des boues recyclées des stations d’épuration urbaines de 2000 à 2014 publié par l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse1 recense quatre filières de traitement et d’élimination des boues. Le recyclage en agriculture sous statut de déchet qui concernait en 2014 près de 18 % des boues produites, une transformation en compost normé sous statut de produit pour 45 % des boues produites, une élimination par incinération (32 % des boues) et un stockage des boues en C.E.T. (3 %). Même si l’épandage des boues en agriculture reste la filière jugée comme étant la plus économique et la plus respectueuse de l’environnement dès lors qu’il existe une proximité entre les lieux de production et d’utilisation, l’étude constate une nette poussée du compostage, en particulier de la production de compost normé (NFU 44095) qui permet de diversifier les débouchés.
C’est que la qualité des boues produites a nettement progressé ses dernières années, poussée par le renforcement d’exigences réglementaires qualitatives spécifiques à chaque filière qui ont incité les exploitants à améliorer sans relâche la performance de leur assainissement.
Logiquement, les techniques de traitement et les équipements associés ont suivi. Bien qu’en station d’épuration, aucune des différentes techniques de déshydratation ne se soit révélée systématiquement plus avantageuse que les autres, toutes voient leurs performances s’améliorer.
Une bonne part de ces avancées sont dues à une amélioration très nette du soin apporté au conditionnement chimique des boues.
Conditionnement chimique des boues : soigner la méthodologie et le dosage
Une évidence qui vaut tout de même d’être rappelée : la qualité d’un conditionnement chimique (coagulation, floculation, chaulage) a une grande influence sur le résultat d’une opération de déshydratation. Cette étape, qui peut représenter jusqu’à 15 % des coûts d’exploitation d’une Step, consiste à introduire des quantités définies de floculant dans la boue. Il peut s’agir de floculants primaires minéraux (sels de fer ou d’aluminium) ou de floculants secondaires organiques (polyélectrolytes) ou encore d’un emploi combiné de solutions de sels de fer et de floculants polymères.
L’objectif est toujours le même : il s’agit d’agglomérer les particules colloïdales en flocs plus gros et plus compacts pour faciliter l’opération de séparation solide-liquide, améliorer le taux de capture dans les flocs et faciliter l’expulsion de l’eau.
Pour optimiser les process de floculation des boues, une méthode a été développée pour conduire des essais de floculation en laboratoire répétables pour la détermination précise de la dose optimale de floculant.
Cette méthode discutée et validée par les membres du groupe CEN TC 308 a été normalisée et publiée sous la référence NF EN 14742 (Juin 2015).
Pour mener ces essais sous conditions contrôlées, l’IFTS a développé un appareil, le Bootest Laboratoire, qui applique cette méthode et permet d’enchaîner rapidement de nombreux essais avec 2 postes en parallèle. Les incertitudes dans les résultats sont limitées. Ceci est indispensable pour déterminer les conditions optimales et précises pour l’épaississement et la déshydratation des boues floculées et éviter les surdosages coûteux et inefficaces.
L’IFTS a aussi développé un appareil portable, le Bootest Terrain équipé d’une cellule d’essais, pour conduire des essais de floculation-épaississement, toujours selon la norme, directement sur sites en stations.
Les conditions d’introduction des agents de conditionnement dans la boue d’épuration ayant une importance capitale, des solutions de mélange et/ou de dosage par mesure de matière sèche en ligne et suivi et ajustement des résultats sur site se sont également développées.
C’est par exemple le cas d’un nouvel équipement développé et breveté par Nalco Water, le FLOCMASTER qui permet de préparer un floculant à forte concentration sans post-dilution, en fiabilisant et en stabilisant la concentration de préparation du floculant et en obtenant un mélange Polymère/Boues optimal et variable en fonction des conditions de marche. « Le FLOCMASTER ™ associe un process d’injection du polymère à son automatisation tout en permettant un mélange dynamique boues/polymères au sein même du flux de boues, explique Patrice Hervé chez Nalco Water. Il en résulte un floc de bien meilleure qualité qui provoque une amélioration de la siccité de l’ordre de 2 à 5 % ». Le taux de traitement est optimisé et ce quelles que soient les variations qui peuvent intervenir sur le volume ou la qualité des boues. Mise en oeuvre chez un grand de l’agroalimentaire en amont d’une centrifugeuse, FLOCMASTER ™ a permis de réduire le coût de la déshydratation des boues de 25 %, soit près de 40 000 euros (cf. encadré).
Andritz a développé de son côté le RheoScan, un système de mesure optique capable de détecter la viscosité réelle des boues pendant les processus d’épaississement et de déshydratation.
Il ajuste de manière précise la dose de polymère nécessaire pour s’adapter aux variations de débit et d’état des boues. Le RheoScan permet de réduire la consommation de polymères et autorise une augmentation du rendement en gaz par un dosage de polymère optimisé pour les boues digérées.
Il peut être mis en oeuvre sur des filtres à bande et tables d’égouttage de tous les fabricants et dans tous les types d’installations municipales ou industrielles de traitement des boues.
Le contrôle du process de mélange peut également être optimisé via la mise en place d’une mesure du débit volumique pour un contrôle correct de la dilution et du dosage via un débitmètre électromagnétique résistant aux produits chimiques.
Mais dès lors que la concentration de polymère obtenue peut varier, il n’est pas toujours possible d’obtenir un ratio optimal entre polymère et solides en suspension dans les boues. Un débitmètre massique Coriolis offre un contrôle plus pointu avec, en plus du débit, la densité du fluide. La densité mesurée de la solution de polymère ouvre la possibilité d’un dosage constant dans le flux de boue améliorant ainsi la déshydratation.
Pour des résultats optimisés, il faut aussi contrôler la concentration des boues à l’entrée. Une solution souvent utilisée consiste à associer un débitmètre électromagnétique avec un capteur optique pour les solides en suspension dans les boues tels que les modèles ITX ou ITX-IL de chez Cerlic groupe Eletta. Cette combinaison est efficace dans la plupart des cas, mais la mesure optique des solides en suspension peut être limitée lorsque les boues sont foncées. La mesure de la densité au moyen du principe Coriolis représente une alternative éprouvée qui garantit une déshydratation stable et correcte.
La mesure de concentration de boue, en combinant une mesure de débit électromagnétique et une sonde de turbidité permet également une nette amélioration. Endress+Hauser a ainsi développé une solution permettant une amélioration de la déshydratation, une plus grande constance de celle-ci et une diminution des consommations en polymères de 15 à 20 %. De même, Krohne propose une solution sur-mesure reposant sur son débitmètre massique Corimass®, qui assure une mesure directe de la masse volumique, du débit-masse, associé à un régulateur de process Sesame chargé d’asservir les débits en fonction des consignes de concentration en polymère et des débitmasse de matières sèches. Deux modules de régulation PID, dotés d’une fonction d’autoréglage, permettent d’asservir les débits des pompes de floculant et de boues.
La mesure en ligne de la concentration des boues permet d’effectuer une régulation afin d’injecter un débit parfaitement maîtrisé de floculant, proportionnellement au débit de matières sèches de boues. « Les surdosages de floculants sont ainsi supprimés et le retour sur investissement est obtenu en moins de 8 mois d’utilisation » assure-t-on chez Krohne.
Au-delà du conditionnement, les équipements ont eux aussi progressé, en gagnant en sobriété et en automatisation.
Des équipements automatisés, toujours plus sobres
Même si elles demeurent aujourd’hui encore minoritaires au sein du parc des équipements de déshydratation, les presses à vis ont fait, ces dernières années, une entrée remarquée sur le marché (Voir notre dossier dans EIN n° 387). Portées par leurs performances en termes de siccité et leur sobriété, elles sont proposées par Adequatec, Alfa Laval, Atlantique Industrie, Huber Technologies, Andritz Separation, EMO, Andre Boet Equipaments, Horus Environnement, ou encore Orège.
Ces machines permettent d’obtenir des performances comparables aux centrifugeuses en termes de siccité (de 18 à 20 % ± 1 %), de consommations de polymères (10 kg ma/Tn MS à ± kg) et en taux de capture (95 % ± 2 %). L’investissement initial est sensiblement plus élevé qu’une centrifugeuse mais la consommation électrique est divisée par un facteur 6 à 10 et il génère des économies d’exploitation significatives en personnel et maintenance.
L’offre en presses à vis s’élargit donc de manière régulière en ajoutant à ses qualités reconnues une maintenance allégée.
Adequatec qui bénéficie d’un long retour d’expérience en France sur ses presses à vis Adequapress, continue d’améliorer les performances de son procédé et projette de mettre sur le marché à l’automne 2017, une nouvelle gamme munie d’une vis de plus grande taille qui ne nécessite plus de maintenance.
En effet, conformément à son brevet Swingpress, le mouvement des anneaux mobiles ne sera plus assuré par cette dernière mais par deux arbres à cames externes au tambour.
Plus de phénomène d’usure donc, tout en maintenant l’efficacité de filtration, la faible consommation de polymère et une efficacité énergétique accrue.
Alfa Laval a élargi sa gamme avec la presse à vis 40, destinée aux stations d’épuration de moyenne taille avec une capacité allant jusqu’à 10 m3/h de boues digérées ou 20 m3/h de boues activées résiduelles.
Cette nouvelle presse intègre une boîte épicycloïdale garantissant une transmission de puissance permettant d’obtenir un couple élevé en contrepartie d’une faible consommation énergétique. On peut ouvrir les trappes de la presse à vis 40 Alfa Laval à la verticale, ce qui permet de procéder facilement, et sur site, à la maintenance de la vis convoyeuse par le côté alors que cette dernière est encore montée dans le bâti. Si nécessaire, on peut démonter la vis convoyeuse par le côté sans avoir à envoyer toute la presse à vis à l’entretien. « Grâce à son tamis spécial et à sa boîte de vitesse épicycloïdale, la nouvelle presse à vis 40 Alfa Laval présente un poids extrêmement léger et ne nécessite aucun renforcement des fondations, ce qui réduit les coûts d’installation » indique Anders Jönsson, chef produit des presses à vis Alfa Laval. « Des trappes de visite verticales permettent un bien meilleur accès que sur les modèles classiques de presse à vis. Cela simplifie la maintenance et réduit les temps d’immobilisation et les coûts au minimum ».
Parmi les autres caractéristiques de cette presse, un système de nettoyage pneumatique qui purge les tamis de la presse pendant que celle-ci reste en fonctionnement continu, une vis convoyeuse optimisée et une vanne de mélange du polymère qui supprime la nécessité d’un mélangeur séparé, réduit la consommation en polymère et fournit un gâteau d’une qualité jusqu’à 5 % meilleure que sans vanne de mélange.
Atlantique Industrie a choisi de se positionner sur les presses à disques dont la technologie, assez voisine des presses à vis, repose sur un tambour filtrant composé d’une succession d’anneaux plats fixes et d’anneaux plats mobiles permettant une filtration contrôlée de la boue. « Ces performances en termes de siccité et de consommation de polymère et d’énergie sont similaires à celles des presses à vis mais elles présentent l’avantage d’être véritablement autonettoyantes sans nécessiter beaucoup d’eau, souligne Jean-Pierre Murzeau chez Atlantique Industrie. Autre avantage, les presses à disques ne nécessitent que très peu de maintenance, ce qui leur permet de rivaliser avec tous les autres équipements de déshydratation ».
Parce qu’il n’existait pas de solutions dédiées aux applications en hydro-curage ou méthanisation, Atlantique Industrie a développé son offre en proposant désormais la presse de déshydratation KDS, un séparateur de phase dont la technologie, assez semblable à celle de la presse à disques repose sur la rotation en continu de cylindres de forme ovale. « Cet équipement se situe entre l’épaississement et la déshydratation en fonction du type de boues traitées. Sur certains digestats on approche les 25 %, souligne Jean-Pierre Murzeau. Ce type de presse est une réponse très adaptée aux problématiques des boues physico-chimiques, toujours difficiles à traiter, ou encore aux déchets graisseux. De même, la machine étant insensible aux corps étrangers, elle est bien adaptée aux marchés de l’hydrocurage ou encore de l’assainissement autonome ». D’autres applications liées à sa capacité à capter certaines matières agronomiques pourraient lui ouvrir d’autres marchés, par exemple dans le domaine de l’élevage.
Adequatec diversifie ces applications, notamment en industrie, ou elle a menée avec succès des essais pilotes qui lui ouvrent des horizons sur des boues réputées difficiles. Fruit de l’un de ces essais, une Adequapress vient d’être livrée sur un site Seveso en Charente Maritime pour traiter des boues ayant une salinité deux fois plus grande que celle de l’eau de mer. "Notre procédé se distingue des presses à vis classiques avec tambour à tamis par une floculation optimale qui lui permet, avec une faible consommation de polymère (8 kg PA/t MS contre 14 kg PA/t MS pour les autres presses à vis), de déshydrater avec une grande stabilité même des boues diluées, d’obtenir un haut rendement de filtration (taux de capture > 95 %) sans avoir besoin d’un poste d’eau industrielle pour le lavage », précise Abel Smati chez Adequatec.
Les centrifugeuses, un temps handicapées par une consommation électrique importante, évoluent également. C’est par exemple le cas de la C2E de Flottweg, qui, avec un débit d’environ 10 m³/h pour la déshydratation ou 15 m³/h pour l’épaississement, s’adresse plutôt aux petites stations d’épuration. Elle embarque un dispositif breveté qui permet de réguler la vitesse différentielle entre le bol et la vis sans fin du décanteur en fonction du couple de la vis sans fin, ainsi qu’un système d’évacuation ciblée du centrât qui permet de récupérer l’énergie de rotation de l’entraînement principal. À la clé, des économies d’énergie à hauteur de 20 %.
Les gains énergétiques concernent également les équipements les plus sobres. C’est par exemple le cas de la presse à boue de Bucher, dont le modèle HPS 12007, dédié aux fortes capacités, est équipé d’un tout nouveau groupe hydraulique qui permet de réduire la consommation électrique à seulement 18 kW/h, soit de 20 à 40 kWh/T MS en fonction du type de boues. Grâce à un renouvellement régulier des surfaces de contact durant le cycle, la presse HPS crée sans cesse de nouveaux chemins de filtration pour extraire le maximum d’eau des boues, allant jusqu’à la production de boues auto-thermes. Les boues produites peuvent ainsi directement alimenter un incinérateur en évitant une étape de séchage coûteuse et énergivore.
C’est par exemple ce qui s’est passé sur la station de traitement des eaux usées de Béziers (220 000 EH) ou la mise en oeuvre de deux presses à piston de Bucher-Unipektin a permis d’obtenir une siccité de 24 à 26 % contre 18 à 20 % précédemment avec des process de centrifugation, avec un taux de capture de 98 %. De plus, le gâteau de boue obtenu, autothermique, mélangé avec une petite quantité de graisses externes également traitées sur site, permet de faire fonctionner un incinérateur en aval sans consommer ni gaz ni carburant. A Strasbourg-La Wantzenau (1 000 000 EH), le recours à une presse à boues Bucher HPS a contribué à passer d’une filière boues qui consommait de l’énergie fossile à hauteur de 1 500 m3 de carburant par an à une filière qui produit de 17 à 18 GWh/an de biométhane valorisé...
« Ces exemples montrent que des boues provenant de process totalement différents peuvent être intégrées dans une approche globale combinant performances et efficacité énergétique », souligne Jean-François Mischler chez Bucher Unipektin.
De nouveaux équipements apparaissent également.
Faure Equipements, qui développe une offre importante en filtre-presses à plateaux et filtre-presses automatiques a ainsi enrichi son offre en présentant à Pollutec 2016 un nouvel équipement de déshydratation, le Rotary Press, complémentaire au filtre-presse lorsque celui-ci n’est pas pertinent.
Fruit d’un transfert de technologie avec le groupe Fournier Industries qui l’a développé au début des années 1980, cet équipement, de conception simple, fonctionne en continu et se caractérise par de bonnes performances et une grande fiabilité. « En termes de siccité, il se situe dans la catégorie des équipements susceptibles d’atteindre les 15 à 20 % sur les boues biologiques, avec des consommations en polymères et énergie comparables à celle des presses à vis, souligne Jean-Pierre Deltreil chez Faure Equipements. C’est surtout un équipement modulaire, très facilement extensible, qui permet d’augmenter les capacités de traitement sans devoir envisager un remplacement comme cela peut être le cas avec les autres techniques de déshydratation ».
Parmi ses particularités, une pression d’alimentation inférieure à 1 bar ainsi qu’une vitesse de rotation très lente (2 RPM), ce qui en fait un équipement silencieux, exempt de vibration et très compact ce qui le rend facilement adaptable en unité mobiles.
« Le Rotary Press répond également aux exigences des exploitants en matière de propreté et de sécurité, souligne Jean-Pierre Deltreil. Il est particulièrement propre et ne produit pas de gêne olfactive puisqu’il est entièrement fermé ce qui assure également une exploitation sécurisée. Son fonctionnement, entièrement automatique 24 heures sur 24, inclue une seule opération de lavage de 5 minutes et se réalise avec une simple surveillance ponctuelle en journée par un opérateur ». Les opérations de démarrage et d’arrêt ne nécessitent pas de présence humaine.
En amont de l’équipement, une chambre de mélange dotée d’un agitateur dynamique intégré permet un conditionnement en ligne en assurant une floculation optimale des boues.
Les domaines d’applications du Rotary Press sont larges et concernent aussi bien les stations d’épuration urbaines sur des boues, mixtes ou digérées que des stations industrielles en agroalimentaire, papeterie, élevage, etc…