Malgré la prise de conscience générale, la gestion des eaux pluviales urbaines marque encore le pas, surtout en centre-ville, dans le tissu urbain existant. Et pourtant les solutions existent, les expériences réussies se multiplient. Un problème d’organisation ?
Automne 2019 : comme il se doit à cette saison, les pluies reviennent en France. Et, comme de plus en plus souvent, cela déclenche des crues puis des inondations, faisant parfois des victimes, dans certaines régions. De toute évidence, il est nécessaire de revoir la manière de gérer les eaux pluviales, de sortir de l’imperméabilisation et du “tout tuyau” pour les infiltrer le plus près possible de leur point de chute. Tout le monde en est conscient, mais cela se traduit-il dans les faits ? Les avis divergent… Jean-Jacques Hérin, président d’Adopta (Association pour le Développement Opérationnel et la Promotion des Techniques alternatives en matière d’eaux pluviales, voir par exemple EIN 408 et 418), reste ainsi réservé : « je sillonne la France et constate que ça ne bouge pas beaucoup ! C’est acquis dans l’urbanisation nouvelle où l’on doit appliquer les règles, mais cela ne s’applique pas, ou de manière anecdotique, dans l’urbain existant ». Elodie Brelot, directrice du Graie (Groupe de Recherche, Animation technique et Information sur l'Eau, à Lyon), se veut plus optimiste : « Le principe de gérer l’eau de pluie à la source, de la considérer comme une ressource, une opportunité pour développer la biodiversité en ville, est entré dans le champ culturel général. Notre observatoire régional1, mis en place en 2014, a déjà repéré plus de 200 opérations allant dans le sens d’une gestion durable. Beaucoup de gens, surtout dans les petites collectivités, adoptent cette démarche sans forcément le faire savoir » affirme-t-elle. Des collectivités plus importantes – Douai bien sûr, Lyon et Paris mais aussi, par exemple, Roanne ou Valenciennes – commencent à travailler systématiquement dans ce sens, non seulement pour les opérations nouvelles mais aussi à l’occasion de la réhabilitation d’infrastructures existantes dans le tissu urbain ancien. Jean-Jacques Hérin souligne également le volontarisme de collectivités comme Poitiers, Angers, Besançon, le département de la Mayenne, Strasbourg, Châlons-sur-Saône, ou du SIAAP.
Dans son schéma directeur d’assainissement, le syndicat conclut à l’absolue nécessité de gérer le maximum de pluie - et a minima les petites pluies - en dehors des réseaux. Cela joue un double rôle : la réduction de l’impact des pluies fréquentes (déversements et réduction du volume de pluie acheminé et traité inutilement en station d’épuration ; ce qui a un coût) et la réduction du volume à gérer lors des pluies plus importantes (chaque goutte d’eau infiltrée – et au moins ralentie – participe à la réduction du risque d’inondation). « C’est un peu comme une fonction exponentielle… insiste Afrit Bilel, chargé de mission Politique de l'eau, une pluie décennale en zone parisienne revient à environ 40 mm qui tombent. 40 mm, c’est 4 cm… 4 cm dans son jardin, une fois tous les 10 ans et après une forte pluie peut être compréhensible et acceptable. En revanche, si ces 40 mm sur des milliers et milliers de kilomètres-carrés sont cumulés et concentrés vers les quartiers bas des villes, évidemment, ces quartiers seront inondés ; et ce, même avec une petite pluie (<10 mm). C’est pourquoi il convient, tant que possible, de réduire les volumes collectés par la conservation d’un maximum d’eau de pluie à la parcelle. D’autant que cela participe à viser par ailleurs de nombreux autres objectifs : nature en ville, développement de la biodiversité, lutte contre les îlots de chaleur, valorisation écologique des projets, etc. tout en pouvant coûter moins cher à réaliser ! ».
Les industriels du secteur, qui par définition traitent avec des maîtrises d’œuvre ou d’ouvrage sensibilisées au problème, semblent plus optimistes. « Les collectivités demandent de plus en plus d’infiltration pour gérer l’eau de pluie où elle tombe, ou au moins à la parcelle, c’est maintenant avéré. La rétention arrive en substitution si on ne peut pas infiltrer à un endroit » affirme par exemple Géraldine Rousseau, directrice marketing & communication chez Fränkische. Jean-Yves Viau, directeur opérationnel de Saint-Dizier, confirme : « l’évolution est très claire : on va de plus en plus vers le traitement à la source, avec infiltration lorsque c’est possible ». Les faits sont cependant têtus et, si l’on en croit par exemple un rapport sur le territoire des Hauts de Seine (voir EIN 418), il reste beaucoup de chemin à faire, en particulier dans l’urbain existant. Et pourtant toutes les conditions sont réunies…
Des circonstances favorables
« Nous vivons un “alignement des planètes” : de multiples réglementations vont dans le sens d’une gestion des eaux pluviales à la source : directives européennes, arrêté de 2015, Sdage, Sage, Sraddet, etc. » affirme Jean-Jacques Hérin. A cela s’ajoute la compétence “gestion des eaux pluviales urbaines” (GEPU) que doivent désormais endosser les intercommunalités (ou les communes). « Les discussions autour de cette compétence font remonter la question dans la sphère politique. C’est un levier important », estime Elodie Brelot. Les eaux urbaines restent toutefois un SPA (service public administratif, donc dépendant du budget général) et non un SPIC (service public industriel et commercial, percevant une redevance). Jean-Jacques Hérin aurait toutefois « préféré que cela soit une mission de service public plutôt qu’une compétence car, dans les faits, ce sont les porteurs de projets, publics ou privés, qui intègrent la gestion des eaux pluviales dans leurs plans ».
Le contexte du réchauffement climatique modifie également la perception des eaux pluviales en ville : de nuisance, elles deviennent une aide dans la lutte contre les îlots de chaleur. « Les grandes agglomérations sont confrontées à cette problématique, et ont besoin d’infiltrer de l’eau dans le sol pour alimenter les systèmes racinaires des plantes, ou de la retenir pour pouvoir intervenir en cas de stress hydrique prolongé » avance Géraldine Rousseau, de Fränkische. A ce propos, Jean-Jacques Hérin souligne un premier résultat, inattendu, du programme de recherche TAM (Techniques Alternatives et Micropolluants, voir plus loin) : « il n'y a pas d'eau sous les structures réservoirs malgré 20 mm de pluie. Cela démontre que les sols urbains sont desséchés. C’est un enseignement important pour végétaliser la ville. Il faut vraiment réinjecter de l’eau dans les sols : tous les revêtements perméables sont bienvenus ».
Les outils existent
Les collectivités ne sont pas démunies et peuvent mettre en œuvre des techniques “proches de la nature” (noues, fossés, espaces verts, fosses des arbres, chaussées drainantes, toits végétalisés,...) ou/et des solutions industrielles.
L’Adopta plaide pour les premières. « Les maîtrises d’œuvre ont souvent tendance à changer non pas le mode de gestion des eaux pluviales mais simplement l’exutoire. Ne pouvant plus se raccorder au réseau, elles continuent à poser des tuyaux… menant à des bassins souterrains en SAUL. Or, nous avons toute une boîte à outils de techniques alternatives et c’est en fonction du site, de ses contraintes qu’on choisit un outil ou une combinaison d’outils. En privilégiant quand c’est possible les “solutions fondées sur la nature”, moins chères et rendant en plus des services écosystémique » affirme ainsi Jean-Jacques Hérin.
Les industriels proposent deux grandes approches. Tout d’abord le désormais classique “tuyaux plus bassin d’infiltration ou de rétention”. Des sociétés comme ACO, ATE, Dyka, Eluvio, Fränkische, Funke, Hauraton, Graf, Nicoll, Hamon, Nidaplast, Polypipe, Rehau, Simop ou Wavin développent des structures alvéolées ultralégères (SAUL) pour constituer les bassins. Birco, pour sa part, distribue en France et en Allemagne les chambres d’infiltration StromTech du Canadien ADS. Il existe également des solutions à grande échelle, à base de canalisations de fort diamètre “perforée” en acier, développées par Tubosider ou Tubao ou bien en composites par Eaux Vives (groupe FP), Polieco, ou Polypipe.
Disponible depuis fin 2019 en France, Triton Voute est la seule solution de stockage alvéolaire entièrement visitable installée sous voirie lourde. « Conçue en PRV plutôt qu’en PEHD pour apporter plus de résistance à la compression, Triton Voute s’installe 4 fois plus rapidement que les systèmes similaires et permet l’entretien à 100 % de l’ouvrage. Elle optimise le temps d’installation (220 m³/h), limite l’apport de matériaux de remblai de 75 % et est donc beaucoup plus économique pour l’installateur et pour l’utilisateur par son entretien aisé », précise Franck Bertin, directeur général d'Eaux Vives.
On peut aussi envoyer l’eau vers ces bassins non pas via des canalisations mais par des caniveaux hydrauliques préfabriqués qui ont l’avantage de pouvoir capter de grandes quantités d’eau au plus près du point de chute, donc de limiter le ruissellement. C’est le domaine de Birco, Hauraton, ACO ou Funke, entre autres.
ACO propose ainsi des caniveaux étanches menant à ses SAUL Stormbrixx. Depuis un an, la firme a ajouté le “dernier maillon de la chaîne”, selon Thomas Gaudebert, chef du marché Gestion des eaux pluviales chez ACO. Il s’agit d’un limiteur de débit de fuite à effet vortex. Construit sur mesure en acier inoxydable, le Q-brake® peut s'adapter à des regards carrés ou circulaires. Il est muni d'un système d’évacuation d’urgence déclenchable depuis la surface. En 2016, ACO a équipé l'aéroport de Marseille (à Marignane) de plus de 700 mètres de caniveaux à fente régulateurs de débit ACO QMAX. Pour le réaménagement du square Valin, près du port, la ville de La Rochelle a choisi un drainage par ACO Linedrain 200, plus discret dans un cadre à préserver. Le Stormbrixx SD a été déployé, entre autre, à Halluin, près de Lille, pour réaliser un bassin souterrain de 1.000 m³ pour la collecte et l’infiltration des eaux pluviales d’un lotissement.
Fränkische continue à développer ses SAUL Rigofill. Comme beaucoup de ses confrères, l’entreprise propose des systèmes complets allant du drainage à l’infiltration-rétention en passant par le prétraitement certifié de l’eau. A noter une nouveauté, que Fränkische présentera à Rennes début 2020. Cela consiste à équiper les bassins souterrains et autres techniques alternatives de gestion des eaux pluviales, de capteurs de niveau à ultrasons. La solution, proposée par Nivotech, une start up d’Aix-en-Provence, comprend des capteurs autonomes en énergie (jusqu'à trois ans) utilisant des réseaux basse consommation comme Sigfox ou Lora : les capteurs envoient leurs données à une plateforme dédiée à la gestion des eaux pluviales. « C’est la vraie valeur ajoutée : la plateforme propose une cartographie de tous les ouvrages (instrumentés ou non) avec une bibliothèque des dates d’installation, des contraintes de maintenance, un journal. Cela permet d’optimiser les interventions sur site, de comprendre la réaction du système aux précipitations et de mieux dimensionner les futures installations » explique Géraldine Rousseau. Nivotech gère la plateforme et, selon ses moyens en personnel et compétences, une commune pourra recevoir ses données analysées ou avoir un accès direct et individualisé à la plateforme. « D'ici la fin du mois de janvier 2020, tous nos clients ayant accepté de poser des capteurs pilotes pourront accéder à la plateforme gérer leurs parcs d’ouvrages et analyser les données remontées par les capteurs » précise Géraldine Rousseau.
« Nos SAUL Rausikko Box n’ont pas sensiblement évolué techniquement mais la demande reste soutenue. Nous insistons surtout auprès des maîtrises d’ouvrage sur la nécessité d’un entretien adapté. Nos SAUL sont d’ailleurs les seules à être dotées d’un tunnel de sédimentation, et donc d’hydrocurage, dissocié du volume de stockage » insiste Cynthia Him, chef produit gestion des eaux pluviales et réseaux secs chez Rehau. La nouveauté chez Rehau s’appelle Rausikko One. Depuis quelques mois, la firme propose en effet une solution “clés en main” : des petits bassins de rétention constitués de Rausikko Box assemblées et revêtues de plaques de PP soudées en usine. D’une largeur fixe, ces bassins peuvent aller de quelques m³ à 40 m³, selon la hauteur et la longueur choisies. « Ils sont acheminés par camion, munis d’une sangle de déchargement et prêts à poser dans la fouille. On s’affranchit ainsi des contraintes habituelles de ce type de chantier, en particulier la pluie » explique Cynthia Him.
Certains industriels optent pour une tout autre approche : plutôt qu’acheminer les eaux pluviales vers un bassin, autant les infiltrer sur place. Funke, MEA ou Nidaplast proposent à cet effet des caniveaux infiltrants. A cela s’ajoutent des plaques de stabilisation du gazon ou du gravier (Aco, Nidaplast, Funke) ou des structures pour toits végétalisés.
Pour les zones collectées en système séparatif et lorsque le foncier est rare ou cher, le concept de la start-up F-Reg est approprié.
Spécialisée dans la gestion des eaux pluviales, la société déploie son concept de vanne hydrodynamique autonome sur deux nouveaux chantiers, dans les Alpes-Maritimes et les Bouches du Rhône. La vanne, qui a obtenu en 2019 la certification européenne ETV (Environmental Technology Verification) pour le DN400, permet de donner une fonction de stockage aux canalisations de collecte en limitant les écoulements pendant les pluies sans modifier leurs capacités d’évacuation maximales grâce à l’ouverture progressive de son battant mobile. On peut ainsi mobiliser tout le réseau de collecte, éventuellement surdimensionné, pour l’utiliser à des fins de stockage en complément ou remplacement des bassins de rétention, comme cela a par exemple été fait à Marseille, pour la ZAC Littorale Euroméditerranée. Cette solution a également été validée par la préfecture des Alpes Maritimes pour compenser l’imperméabilisation générée par un parking à Biot.
Dans ce projet, la vanne hydrodynamique autonome concourt également à forcer l’infiltration des eaux de pluie sous les places de stationnement qui sont réalisées en revêtement perméable.
Pour préserver la qualité des milieux aquatiques et ne pas éviter les risques d'inondations, la maîtrise quantitative et qualitative des ruissellements est nécessaire, dans le cadre de projets d'aménagements et de construction, les eaux pluviales pourront être gérées à la parcelle via l'infiltration, la réutilisation... par exemple. Mais parfois, cette gestion est compliquée voire impossible, l'ensemble du flux ne pouvant pas être géré seulement à la parcelle, l'excédent pourra être rejeté vers les eaux superficielles ou le réseau public à un débit limité, un débit de consigne en L/s/ha.
Pour ce faire, Simop propose la solution Réguléo, un dispositif breveté, éprouvé et testé par le CSTB, qui est un système de régulation de débit à axe vertical permettant une régulation assez précise. Réguléo permet une plage de régulation de 0,3 l/s à 12 l/s, le système contient un dégrilleur et noyau anti - colmatage. Réguléo sera présenté à Rennes le 29 et 30 janvier prochain pour une commercialisation en février.
S’adapter à l’environnement
En fait, loin de s’opposer, tous ces outils peuvent se combiner pour répondre à chaque situation. Trois logiciels complémentaires Parapluie, Hyetos et XPDrainage aident à trouver la solution la mieux adaptée au contexte local (dont réglementaire) et aux besoins de l’utilisateur. L'application Parapluie-Hydro - Pour un Aménagement RAisonné Permettant L'Utilisation Intelligente de l'Eau, est un outil développé pour les petites opérations d'aménagement et les projets de surfaces de l'ordre d'un hectare. Il est destiné aux aménageurs architectes et particulier pour simuler différentes combinaisons de techniques alternatives sur une parcelle. Le logiciel peut être adapté aux spécificités des collectivités, intégrer les données de pluviométrie et les règles locales et fournir un dossier technique adapté pour l'instruction des demandes de PC par exemple. Le SIAAP travaille activement à la mise à disposition de l'outil pour le dimensionnement des ouvrages, qu’ils concernent de grands projets ou bien le jardin des particuliers du territoire pour que chacun puisse s’engager pour une meilleure gestion des eaux pluviales.
« Sur une même opération, on peut cumuler plusieurs solutions différentes. Végétaliser le toit et rendre perméable les espaces au sol dans toute la mesure du possible. Les solutions techniques industrielles interviennent pour le reste. Ce n’est pas souvent le cas en pratique car on demande souvent à un technicien de gérer les eaux pluviales après coup : elles n’entrent pas encore dans la définition même du plan masse d'un projet » regrette Jean-Jacques Hérin. Elodie Brelot, Graie, interrogée à ce sujet l’année dernière (voir EIN 418), ne disait pas autre chose : « il n’existe pas de choix technique unique. Quand on veut imposer une solution, on perd en intelligence. Nous ne faisons pas la promotion de technologies particulières mais essayons de rassembler différents acteurs pour aller vers une gestion durable de l’eau. C’est une question de culture, de stratégie, pas d’outils technologiques ».
Les SAUL arrivent en substitution des noues et systèmes plantés en cas de pluie exceptionnelle » explique Géraldine Rousseau. A la suite de cette expérience, Fränkische et Métamorphose continuent de travailler ensemble pour des solutions combinées et clé en main destinées aux collectivités.
Une démarche adoptée par exemple à Saint Parres aux Tertres, près de Troyes. Pour gérer les eaux pluviales de la zone commerciale Begreen, la société de paysagisme Métamorphose innovante en matière de gestion intégrée des eaux pluviales, a conçu le projet avec des modules Fränkische, et combiné de petits bassins de décantation plantés de macrophytes, des noues engazonnées, avec des bassins paysagés de stockage et infiltration et des bassins souterrains en Rigofill®. « Les SAUL arrivent en substitution des noues et systèmes plantés en cas de pluie exceptionnelle » explique Géraldine Rousseau. A la suite de cette expérience, Fränkische et Métamorphose continuent de travailler ensemble pour des solutions combinées et clé en main destinées aux collectivités.
S’adapter aux configurations du terrain, c’est aussi ce que permet TenCate GeoClean® qui vise à nettoyer naturellement des hydrocarbures les eaux de ruissellement qui s’infiltrent dans le sol. Installé dans le sol sous les surfaces d’infiltration des eaux pluviales, soit sous la couche de roulement perméable, soit sur les bas-côtés des surfaces circulées, soit dans tout dispositif de rétention et d’infiltration des eaux pluviales, l’aquatextile TenCate GeoClean® adsorbe sur ses filaments continus oléophiles plus de 99 % des hydrocarbures, et laisse s’infiltrer une eau propre : la teneur résiduelle en hydrocarbures dans l’eau est très faible, inférieure à 2 mg/l. Ce rendement est supérieur à celui des séparateurs à hydrocarbures de classe 1. Les hydrocarbures fixés sur les filaments oléophiles de l’aquatextile bicouche sont biodégradés naturellement par un microbiote qui s’installe dans sa structure poreuse et dont le développement est activé par la mise à disposition sur ses filaments de compléments de croissance naturels.
TenCate GeoClean® est un système autonome et durable. Il se régénère naturellement. Aucun entretien n’est nécessaire sur toute la durée de vie de l’infrastructure.
La dépollution nécessaire ou non ?
L’eau de pluie transporte des polluants, l’eau pluviale – celle qui a ruisselé – concentre davantage les flux, c’est bien connu.
« Après avoir passé des décennies à améliorer la performance de nos stations d’épuration, encore faudrait-il qu’elles ne servent pas à traiter des eaux pluviales qui ne nécessitaient pas de traitement et que les eaux usées puissent être acheminées sereinement jusqu’à elles, rappelle Afrit Bilel. Si l’imperméabilisation des sols et la connexion des eaux pluviales aux réseaux continuent de croître, alors l’efficacité des investissements nécessaires et conséquents, planifiés voire déjà engagés, s’en trouveraient fortement affaiblie ».
A cela plusieurs réponses : soit limiter au maximum le ruissellement en laissant le sol retenir la pollution, soit récupérer les eaux pluviales (caniveaux étanches, conduites, etc.) et les prétraiter avant infiltration-rétention. Dégrillage, décantation-filtration pour les MES et séparation des liquides légers (hydrocarbures) pour les sites industriels ou les pollution accidentelles sont devenus des classiques. La préoccupation grandissante pour les micropolluants dissous (métaux lourds, HAP, PCB, résidus de médicaments, pesticides, etc.) fait que de nombreux industriels - ACO, Birco, Fränkische, Funke, Hauraton, MEA, Nidaplast, Rehau, Saint-Dizier, Wavin - proposent maintenant d’ajouter des substrats adsorbants à leurs solutions de dépollution, qu’il s’agisse de caniveaux drainants, d’avaloirs ou de chambres verticales de dépollution.
Les solutions se diversifient. Stradal utilise ainsi les principes de rotation des fluides (décantation hydrodynamique) pour fournir une plus grande efficacité de captation des MES, comparées aux systèmes de traitement gravitaire. Le First Defense® augmente ainsi la capacité de décantation par la gravité en imprimant une rotation au flux à traiter. En combinant plusieurs forces (gravité, force centrifuge, frottements), le temps de séjour augmente et donc, l’action de séparation des polluants est renforcée. De plus, un bypass interne unique empêche la remise en suspension des polluants capturés lors des épisodes de pluies intenses. Lorsque le débit entrant dépasse le débit de traitement de l’appareil, celui-ci est détourné de la partie de stockage des polluants à travers un bypass de dérivation fermé.
Mais jusqu’où aller ? Là encore, les avis divergent. « On utilise la capacité auto-épuratrice du sol dans la mesure où l’usage des surfaces ne génère pas de risque important. Sinon, on met en place des surfaces imperméables, on collecte, on traite et on infiltre après. Mais c’est rarement nécessaire » estime Jean-Jacques Hérin. « Les travaux de recherche développés depuis 20 ans dans le cadre de l'OTHU - Observatoire de Terrain en Hydrologie Urbaine - avec les scientifiques et la Métropole de Lyon, montrent que la pollution particulaire est piégée dans les 50 premiers centimètres du sol » affirme pour sa part Elodie Brelot.
Dans le cadre de l'appel à projet national sur les micropolluants dans l'eau, 3 projets à Nantes (Matriochkas) Lyon (MicroMegas) et Paris (Roulepur) ont étudié la performance des ouvrages, petits et gros, à la source et centralisés, de stockage décantation filtration et infiltration, pour le piégeage et le traitement des micropolluants. L'Adopta a également lancé en février 2018 le projet TAM, financé (300.000 euros) par l'agence de l’eau Artois-Picardie et la région Hauts de France, ainsi que certaines collectivités qui ont donné leur accord pour équiper des sites. Il s’agit en effet d’équiper des noues et des chaussées réservoirs déjà existants de drains, placés un mètre sous ces structures, pour recueillir des échantillons d’eau infiltrée. « En analysant plusieurs familles de micropolluants, nous verrons en situation réelle si ces installations dépolluent bien l’eau envoyée vers les nappes » explique Jean-Jacques Hérin. Il est encore trop tôt pour annoncer des résultats significatifs.
« Le traitement des eaux pluviales est peu abordé en France, ou alors avec des méthodes archaïques et souvent inadaptées. A l’exception de quelques grosses métropoles sensibilisées à la problématique, on reste encore soit sans traitement, soit avec un traitement inadapté : le séparateur à hydrocarbures, qui n’a pas lieu d’être pour les eaux pluviales », affirme pour sa part Raphaël Vite, directeur de Funke France. « Le sol fait en général très bien son travail et, s’il est nécessaire d’intervenir, en particulier pour les métaux lourds, il existe des solutions efficaces, pas forcément très chères » ajoute-t-il. Outre ses désormais classiques SAUL D-Raintank, Funke propose D-Rainclean, un caniveau traitant et infiltrant qui prend l’eau en charge au plus près de son point de chute. Il est traditionnellement couvert de grilles mais Funke privilégie désormais des caniveaux plantés de diverses essences végétales. « Le substrat absorbant se change en théorie une fois tous les 20 ans, mais les premiers retours montrent qu’on est alors loin de la saturation. Nous nous orientons donc vers un changement encore plus espacé. Le produit traite 90 à 99 % de la pollution et, étant donné sa fréquence d’entretien, à un coût de revient très faible » affirme Raphaël Vite. La plateforme d’Amazon près d’Amiens est ainsi entièrement équipée de caniveaux D-Rainclean. Funke réalise actuellement un projet à grande échelle au Bois de Boulogne, avec la ville de Paris, dans le cadre du programme européen Life Adsorb2. Le substrat du D-Rainclean est alors posé directement en couche sur le fond d’une noue.
Birco, spécialiste du drainage, propose également des versions traitantes de ses caniveaux, qui deviennent ainsi des unités de prétraitement en ligne. Les Birco SED et Birco Twin Pack utilisent la sédimentation pour récupérer les MES. Le Birco Pur combine récupération MES et traitement des pollutions dissoutes dans un “sac” contenant du charbon actif et des billes de céramique. « Le sac filtrant du BIRCOpur® a une durée de vie de 10 ans. Le substrat retient au minimum 92 % des MES, 80 % des hydrocarbures, 70 % de cuivre et 80 % du zinc (valeurs minimums à respecter selon les exigences de l’institut DiBt en Allemagne) contenue dans l’eau de pluie. Un mètre de caniveau BIRCOpur® peut traiter entre 20 et 80 m² de surface selon l’application, la pluviométrie de la région et le degrés d’impuretés des surfaces à traiter. Nous proposons un contrat de maintenance : nous réalisons nous-mêmes l’échange standard du substrat et le faisons retraiter. La collectivité doit tout de même vider régulièrement les bacs de sédimentation, qui se retirent, se rincent et se replacent facilement » explique Olivier Kuhlmann, directeur général Birco France.
Fränkische, avec ses SediPoint et SediPipe, peut également ajouter à la sédimentation une adsorption des polluants dissous sur un substrat ad hoc. « Nous l’installons surtout en Suisse et dans des pays utilisant beaucoup de sel pour déverglacer les routes car notre substrat résiste au sel. La France demande très peu ce système, nous le vendons plutôt dans des pays à la conscience écologique un peu plus forte » regrette cependant Géraldine Rousseau. Fränkische a participé en 2017 à un gros chantier de réhabilitation du centre-ville de Valenciennes. Le SIAV (syndicat intercommunal d’assainissement de Valenciennes) a installé un réseau de prétraitement des eaux pluviales combinant des systèmes dont ceux de Fränkische et Rehau, de rétention des polluants par sédimentation. « Un site qu’il sera intéressant de suivre et d’étudier pour les mesures de performances propres à chaque technologie de pré-traitement » explique Géraldine Rousseau.
Thomas Gaudebert, chez ACO adopte pour sa part une position nette : « nous partons du principe que les eaux de pluie sont polluées et risquent de contaminer les nappes. Nous sensibilisons les collectivités, bureaux d’études ou sociétés de pose à l’étanchéité des caniveaux. Nos produits respectent très largement les normes en ce domaine puisqu’ils garantissent jusqu’à 72 heures d’étanchéité ». Les eaux arrivent ensuite sur des unités de prétraitement. Lancé en 2018, l’Hydrosed est une solution verticale (2 mètres de diamètre) à “petite échelle”, pouvant traiter jusqu’à 5 litres d’eau par seconde. Les MES sont d’abord séparées par sédimentation hydrodynamique grâce à un mouvement cyclonique, puis l’eau remonte à travers un substrat captant les polluants dissous. Le substrat se change tous les 4 ans. Fin 2019, ACO a lancé le Storm Clean, un système à plus grande échelle pouvant traiter jusqu’à 40 litres/seconde. « Nous avons retravaillé le substrat. Certifié par un organisme indépendant, Storm Clean supprime plus de 83 % des MES, 98 % du cuivre, 99 % du zinc et rejette moins de 9 µg/l de plomb. Et il ne relâche pas les polluants même en présence de sel de déverglaçage » affirme Thomas Gaudebert.
Saint-Dizier est spécialisé dans les dispositifs de prétraitement, qu’il s’agisse de dégrilleurs, débourbeurs, séparateurs à hydrocarbures, dispositifs de sédimentation, etc. Pour les eaux pluviales, la firme propose depuis plusieurs années son décanteur-filtreur Stoppol, en version polyester ou béton. Grâce à une cloison siphoïde en sortie, le Stoppol retient également les liquides légers (essentiellement hydrocarbures). Il est proposé en version CKF, qui ajoute un substrat d’adsorption pour la pollution dissoute. Traditionnellement associé à des bassins d’infiltration ou des solutions de rejet en milieu naturel, le Stoppol peut également se placer avant une noue. « Cela augmente la durée de vie de l’ouvrage d’infiltration. Or l’intervention sur une noue (ou autre dispositif d’infiltration) est assez complexe et coûte relativement cher » prévient Jean-Yves Viau, directeur opérationnel de Saint-Dizier. La firme améliore continuellement ses media filtrants pour s’adapter au spectre de micropolluants présents en ville.
La balle plus que jamais dans le camp des décideurs
« La gestion des eaux pluviales est un problème transversal par excellence. Services voirie, espace verts, assainissement, urbanisme, espaces publics, commune, intercommunalité : qui fait quoi ? Si on confie toutes les tâches au nouveau service des eaux pluviales urbaines, le coût paraîtra énorme, alors qu’il faut le répartir » explique Elodie Brelot. En France, 15 à 40 % 15 à 40% des budgets assainissement servent à la gestion des eaux pluviales alors qu’ils ne sont pas dotés pour, d'après le rapport du CGEDD, Dix ans pour relever le défi, 2017. « L’organisation des collectivités en silos, en directions qui ne se parlent pas, ou pas assez, est la principale cause de la lenteur des progrès en la matière. Quand une commune refait une rue, elle doit se demander si elle ne fait pas une chaussée réservoir ». Or dans tous les cas, éviter de développer des usines à gaz ! martèle le GRAIE. Toutes les solutions et technologies de traitement répondent à des contraintes générées par la collecte et la concentration des flux d'eau de ruissellement, ou encore sont spécifiques à des secteurs d'activité ou de trafics denses susceptibles de générer des risques importants. Si l'on infiltre l'eau là où elle tombe, si on limite le rapport entre les surfaces collectées et les surfaces d'infiltration, il n'est pas nécessaire de développer des technologies de traitement particulière. Quant à la pollution des nappes par infiltration, l'association souligne que toute l'urbanisation de l'Est de l'agglomération lyonnaise s'est faite avec des solutions d'infiltration des eaux pluviales.
« On trouve évidemment des micropolluants dans les nappes, notamment des pesticides, mais pas plus qu'ailleurs et on ne peut pas établir de lien de cause à effet. Le service voirie ne se pose pas la question puisque c’est le service assainissement (ou aujourd’hui le service GEPU) qui gère les eaux pluviales. C’est ce genre de démarche qu’il faut changer » renchérit Jean-Jacques Hérin.
Autre incohérence, relevée par Elodie Brelot : « la compétence “eaux pluviales urbaines” est transférée à l’intercommunalité, avec abondement des communes sur ce budget, or ce sont les communes qui écrivent leur programme politique. Résultat : personne n’inscrit les eaux pluviales dans son programme ». Les solutions techniques étant disponibles, il revient donc aux décideurs de prendre la mesure des enjeux de l’eau pluviale en ville et de s’organiser en conséquence.