L’essor d’une gestion décentralisée des eaux de pluie pousse au développement de solutions de traitement des eaux de ruissellement. Ces solutions foisonnent désormais, notamment à destination des zones urbaines très concentrées. Cependant, les aquatextiles épurateurs, caniveaux dépollueurs, décanteurs-dépollueurs, séparateurs d’hydrocarbures et autres équipements décentralisés de traitement répondent à des besoins différents. L’établissement d’un diagnostic solide, le choix d’un équipement adapté et la maîtrise des ruissellements restent essentiels.
Désormais, l’heure est à la gestion des eaux de pluie au plus près de leur point de chute, d’un point de vue quantitatif en favorisant notamment l’infiltration, mais aussi au plan qualitatif. « En supprimant le ruissellement des eaux pluviales, 80 % de la pollution est supprimée, souligne Maelle Ancelle, Directrice d'Adopta. Et dans ce cas, l'infiltration peut être faite sans autres dispositions. Toutefois, dans certains cas, pour le ruissellement sur des surfaces imperméables (parkings, voiries...), les eaux pluviales vont se charger en polluants de toutes natures (matières organiques, hydrocarbures, métaux lourds, pesticides, etc) qui s'accumulent et risquent, en s'infiltrant, de contaminer les milieux naturels et les nappes souterraines sous-jacentes ».
Quand la nécessité de traiter les eaux pluviales se justifie et avant leur infiltration, des solutions de prétraitement peuvent être mises en place, solutions diversifiées développées par des industriels. Selon les cas, elles associent drainage et dépollution comme par exemple les caniveaux épurateurs ou les aquatextiles épurateurs ou sont spécifiquement développés pour traiter certaines formes de pollution tels que les séparateurs d’hydrocarbures ou les décanteurs-dépollueurs.
Comment choisir la bonne solution et sur quels critères ?
Quand les contraintes foncières sont trop importantes, il faut passer à des systèmes compacts et artificiels de traitement.
« La base est l’étude de l’environnement du site, explique Christophe Chastel, directeur technique de Fraenkische France. Suivant le type de polluants, la pluviométrie chronique ou exceptionnelle, il faudra choisir le dispositif le mieux adapté à la problématique, du décanteur de matières en suspension (MES) à l’équipement qui traite aussi les métaux lourds ».
Cette étude de site coûte cher et prend du temps pour caractériser les polluants et les concentrations selon tous les types de pluviométrie à retenir. Mais elle est indispensable car outre une dégradation parfois irréversible de la ressource, des pénalités financières pour non atteinte du bon état des milieux aquatiques du fait des pollutions liées aux rejets par temps de pluie peuvent être infligées par l’Europe aux collectivités (cf. décret 2016-1910 du 27 décembre 2016 sur la responsabilité des collectivités au regard des objectifs européens).
A chaque équipement ses fonctionnalités
Pour le reste, à chaque type d’équipements ses fonctionnalités. Séparateurs d’hydrocarbures et décanteurs particulaires ne répondent pas aux mêmes besoins. Les premiers permettent de piéger, par gravité et/ou coalescence, les hydrocarbures présents dans les eaux de ruissellement. Leur principe de fonctionnement repose sur la différence de densité entre les éléments présents à l’intérieur du séparateur. Les seconds, qu’ils soient à flux croisé ou à contre-courant, ont pour fonction de traiter les polluants fixés sur les matières en suspension.
Les séparateurs de liquides dits légers (densité de 0,85 comme les hydrocarbures), sont adaptés aux stations-service, aire de lavage, milieu industriel ou garages.
Ils comportent parfois un débourbeur à l’instar de la gamme SH4730 de Simop ou de l’Hydroclair de Stradal, également doté d’un filtre à coalescence constitué de mousse filtrante à porosité contrôlée garantissant une teneur résiduelle en hydrocarbures inférieure ou égale à 5 mg/l (Classe 1). A la condition d’être bien dimensionnés, ils sont efficaces. Il y a en effet une corrélation directe entre le volume utile du séparateur et les performances épuratoires. Selon Techneau, qui propose quatre gammes de séparateurs (HydroPE en polyéthylène, HydroBAC et HydroGD en acier peint et PolyGD en polyester), « En dessous de 90 s de temps de passage dans le compartiment séparateur, il est nécessaire d'utiliser des médias filtrants supplémentaires qui sont des consommables qu'il convient de changer fréquemment pour assurer un rendement < 5 mg/l en hydrocarbures de densité 0,85. Par ailleurs, diminuer le volume du compartiment séparateur, c'est effectivement diminuer le volume de stockage d'hydrocarbures piégés, ce qui implique des fréquences plus importantes de vidange ».
Chez Simop, l'objectif du décanteur particulaire type 6740 est de piéger les particules de densité 2,4 avec un diamètre inférieur à 100 microns, ce qui représente 80 % des particules contenues dans les eaux de ruissellement. Lors du dimensionnement du décanteur particulaire, Simop utilise la vitesse de Hazen, qui permet de définir la vitesse des chutes de particules en fonction du pourcentage de particules à piéger. Cette vitesse de sédimentation donnera donc une indication quant au rendement en MES, DBO et DBO5, et aussi sur les hydrocarbures liés. « En effet, lorsqu’il y a des particules dans l’eau, les hydrocarbures s’y lient, par conséquent, si les particules sont retenues, les hydrocarbures le sont aussi, explique Aline Sanson chez Simop. L'écoulement dans ce type d'appareil doit être laminaire afin de favoriser l 'élimination des hydrocarbures légers par flottation ».
« Il est possible de coupler ces appareils avec un régulateur de débit tel Réguleo », note de son côté Gérald Baudry, directeur commercial chez Simop. Un système d’alarme est obligatoire selon la norme NF EN 858-1 : « Les installations de séparation doivent être équipées de dispositif d’alarme automatique… Elles permettent de détecter un niveau d’hydrocarbures et/ou de boues dans le séparateur. Une alarme optique et/ou acoustique se déclenche quand le seuil souhaité est atteint ».
Attention donc, non seulement à bien dimensionner son équipement en vue de faire face aux débits les plus importants, mais aussi à diversifier les techniques de traitement en fonction des problématiques rencontrées : « à chaque bassin versant, son type de traitement adapté, avertit Tiphaine Guillaume, attachée technique chez Rehau. Parfois, il peut s’avérer nécessaire d’associer plusieurs solutions de traitement afin de capter un spectre de polluants plus large ».
Logiquement, les solutions de prétraitement ou de traitement décentralisées se sont diversifiées. A côté des caniveaux de prétraitement développés par Birco (BIRCOpur®), Funke (D-Rainclean®) ou Hauraton (Drainfix® Clean), les chambres verticales de dépollution associant piégeage des MES et/ou adsorption des polluants dissous se sont multipliées : Nidatreatment de Nidaplast, Stoppol de Saint Dizier Environnement, First Defense® de Stradal et Hydro International et Certaro HDS de Wavin sont les plus répandues. Elles se caractérisent par leur compacité et leur facilité de mise en œuvre. Le décanteur hydrodynamique Certaro HDS de Wavin est ainsi jusqu’à 9 fois plus compact qu’un bassin de sédimentation et jusqu’à 4 fois plus compact qu’un décanteur lamellaire.
Des polluants qui évoluent
Les polluants contenus dans les eaux de ruissellement évoluent. Les pollutions aux hydrocarbures sont moins fréquentes aujourd’hui, de par la meilleure conception des moteurs et autres organes mécaniques qui perdent moins d’huile qu’auparavant. En revanche, les eaux de ruissellement tendent à se charger en HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques), en métaux lourds, pesticides et autres microplastiques. Il faut alors mettre en œuvre des matériaux sorbant chimiquement actifs afin que ces polluants dissous ou agglomérés sur les particules puissent être captés.
Rehau a ainsi conçu un système complet et modulaire de prétraitement des eaux de ruissellement combinant décantation et filtration des métaux lourds. L’unité HydroMaxx résulte de l’association de modules SediClean avec l’HydroClean AF, ce qui permet d’abattre également les métaux lourds tels que le cuivre, le zinc, ou le plomb. « Le principe consiste à faire passer l’eau polluée dans un substrat de granulats sous forme de billes qui, par adsorption, retient les métaux lourds dissous », explique Tiphaine Guillaume, qui s’appuie sur les recommandations allemandes de la DWA M153 en attendant les travaux de l’Afnor. A l’intérieur, la vitesse d’écoulement, très faible puisqu’elle est de l’ordre de 0,05 m/s, permet d’optimiser la cinétique de l’adsorption sur le filtre.
L’Hydrosed Active, développé par Aco, repose sur un principe analogue pour traiter les ions les plus courants tels que le cuivre, le zinc et le plomb. Paris en est l’exemple avec ses toits en zinc, métal qui charge les eaux usées après les orages et peuvent se retrouver en station d’épuration ce qui perturbe l’activité épuratoire des bactéries.
Ce décanteur hydrodynamique, est doté d’un filtre contenant un substrat développé pour retenir la quasi-totalité des substances dissoutes grâce à un processus physico-chimique.
Plusieurs couches de substrat, chacune d’un diamètre de grain différent pour un tamisage très fin permet d’adsorber les particules fines en retenant les métaux lourds dissous grâce à un échange d’ions. L’Hydrosed active est qualifié pour le prétraitement d’un débit nominal de 5 litres/seconde.
Fraenkische propose également une gamme de solutions analogues avec son décanteur accéléré Sedipipe, seul système de prétraitement, à ce jour, sous avis technique du CSTB, pour les particules de moins de 200 µm. Son Sedipipe Substrator, un décanteur Sedipipe auquel est adjoint un regard de sortie équipé d’une cartouche à substrat Sedi-sorp permet de traiter les polluants dissous, dont les métaux lourds. Le constructeur allemand a ainsi installé 50 Sedipipe en parallèle à Meyrin, en Suisse, un bassin versant de 150 hectares dont l’eau rejoint le lac de Vernes, qu’il faut évidemment protéger.
Un exemple emblématique : le plomb
Or, dans l’urgence de la situation, aucun système de récupération n’a été mis en œuvre. Pas facile d’installer en urgence un décanteur, surtout en ces circonstances exceptionnelles… En revanche, il aurait été possible, avant de commencer à utiliser les lances à incendie, d’étendre directement au sol des rouleaux de 50 cm sur 10 m de textile adsorbant comme le propose Ajelis avec ses nappes dépolluantes Geocapt® présentées à Pollutec l’année dernière. « L’eau ruisselle librement au travers du textile non tissé dans lequel les ions métalliques sont piégés, expliquent Ekaterina Shilova et Pascal Viel, cofondateurs d’Ajelis. Ils sont placés en aval des chantiers de BTP pour les sécuriser comme le prévoient les cahiers des charges ou dans les bassins routiers ». En plus du plomb, les nappes textiles d'Ajelis captent le cuivre, le nickel, le zinc, le cadmium, le cobalt, le strontium, le chrome et le fer. C'est la nature textile des solutions d'Ajelis qui permet, avec une grande liberté, de les utiliser hors des conditionnements habituels des sorbants granulaires en cartouche ou en colonne.
L’Aquatextile TenCate GeoClean®, développé par TenCate Geosynthetics repose sur un principe analogue. Il en est même complémentaire puisqu’il est conçu pour dégrader les hydrocarbures. Comme l’expliquait Olivier Artières, Innovation Manager chez TenCate Geosynthetics, à la revue EIN (n° 416), « Sa structure se compose d’une première couche supérieure de couleur bleue dont la fonction est de fixer les hydrocarbures en phase diffuse ou libre puis de diffuser l’activateur de croissance qui va favoriser la biodégradation des hydrocarbures par les micro-organismes du sol qui vont coloniser la structure poreuse de l'aquatextile. La couche inférieure, de couleur blanche, permet quant à elle de conserver l’humidité nécessaire à la survie des microorganismes tout en constituant une réserve de rétention supplémentaire d’huile, en cas de pollutions accidentelle par exemple ».
TenCate Geosynthetics se targue d’obtenir moins de 1 mg/l de teneur résiduelle d’hydrocarbures dans l’eau qui passe à travers son aquatextile, soit 5 fois moins qu’un séparateur à hydrocarbures de classe 1 selon la norme EN 858-1. Les hydrocarbures fixés sur la couche supérieure de l’Aquatextile bicouche sont biodégradés naturellement par un microbiote durable dont le développement est favorisé par la diffusion lente par ses filaments actifs de compléments de croissance naturels. Cette solution est sans entretien, écologique et durable.
Ne pas négliger la maintenance
Conscients des contraintes auxquelles sont soumis les exploitants de ces équipements, les fabricants se sont attachés à alléger la maintenance au maximum tout en la facilitant.
Ainsi, pour son unité modulaire Rausikko HydroMaxx, Rehau préconise une vérification et un rinçage du filtre à une fréquence annuelle et un remplacement de la matière filtrante tous les quatre ans, sauf en cas d'événement accidentel qui nécessitera une intervention immédiate.