Your browser does not support JavaScript!

Gestion alternative des eaux pluviales : la balle est dans le camp des collectivités

31 janvier 2018 Paru dans le N°408 à la page 23 ( mots)
Rédigé par : Patrick PHILIPON

L’ère du “tout tuyau” s’achève. Désormais, contraintes réglementaires aidant, les villes se doivent de gérer leurs eaux pluviales autrement qu’en les rejetant purement et simplement dans le milieu. De nombreuses solutions techniques existent pour capter, dépolluer, infiltrer ces eaux au plus près de leur point de chute. L’environnement a tout à y gagner… les finances locales aussi…

En milieu urbain, la pluie ruisselle sur les surfaces imperméabilisées - toits, parkings, voirie, etc. - avant de s’engouffrer dans le réseau d’assainissement, au risque parfois de déclencher une inondation. Durant son parcours, elle s’est chargée de toutes sortes de polluants (matières organiques, hydrocarbures, métaux, pesticides, etc.) qui arrivent donc plus ou moins brusquement dans les stations d’épuration, dépassant parfois leur capacité de traitement. L’eau peut également être directement envoyée au milieu récepteur par un by-pass en amont de la station, en particulier en cas d’orage.

Un réseau séparatif n’améliore guère la situation.

Pourquoi ?

Tout d’abord, parce que le ruissellement est responsable de 80 % de la pollution de ces eaux, le reste provenant du lessivage de l’atmosphère durant la précipitation. Ensuite, parce que, par définition, les tuyaux impliquent un rejet de la pollution concentrée en un seul point. Enfin, parce que même après dépollution, le rejet court-circuite le cycle naturel de l’eau. L’eau rejetée en rivière rejoint en effet la mer en quelques jours, alors qu’en milieu non imperméabilisé, elle s’infiltre dans le sol et recharge la nappe phréatique.

Pour la voirie, il est possible de créer des chaussées à revêtement poreux surmontant une couche caillouteuse posée sur une géomembrane et servant de réservoir. Ce réservoir peut être infiltrant par lui-même - la membrane est alors remplacée par un géotextile - ou inclure des structures d’infiltration de type drain ou SAUL.

C’est pour contrer ces phénomènes que se sont développées les techniques dites alternatives de gestion des eaux de pluie. « Nous préférons parler de techniques “intégrées et durables”, mais le principe est de gérer l’eau au plus près de son point de chute plutôt que la laisser ruisseler puis l’évacuer hors de la ville via des tuyaux » précise Jean-Jacques Hérin, président d’Adopta, l’Association pour le développement opérationnel et la promotion des techniques alternatives en matière d’eaux pluviales.

Le cadre réglementaire réoriente peu à peu le marché vers ces solutions. La loi de 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques a initié le mouvement. Mais depuis, les collectivités doivent désormais respecter SAGE/SDAGE, SCOT et autres PLU en attendant les contraintes liées à la mise en œuvre de la GEMAPI et celles qui découleront du réchauffement climatique. En retour, en s’appuyant sur la loi du 12 juillet 2010, elles obligent souvent les propriétaires à gérer leurs eaux pluviales plutôt que les rejeter dans le réseau collectif. L’arrêté ministériel du 21 juillet 2015, portant sur les performances des systèmes d’assainissement, renforce encore la contrainte en limitant les rejets en cas de pluie.

Des solutions pour tous les cas de figure

Logiquement les fabricants proposent des gammes de solutions plus larges, intervenant à toutes les étapes de cette gestion “alternative” : captation, collecte, transport (éventuel), dépollution, régulation, infiltration. Ou, à défaut, stockage pour un relargage déporté ou différé lorsque l’infiltration est impossible du fait de la faible perméabilité du sol (présence de couches argileuses ou rocheuses), de sa pollution, de la proximité de bâtiments (à moins de 5 mètres) ou de la présence d’une nappe phréatique à moins d’un mètre du fond de l’ouvrage.

L’université de Lille 2, pour assurer la rénovation de son parking dédié au corps professoral, a fait le choix des dalles pré-engazonnées nidagrass. Cette solution offre une mise en œuvre rapide et une praticabilité immédiate, soit une durée réduite de l’inaccessibilité de la zone de stationnement.

Les collectivités urbaines gèrent des surfaces parfois importantes : voiries, places, espaces verts, parkings… « L’idée est de donner une deuxième fonction à ces espaces indispensables. J’ai besoin d’une voirie, je l’utilise pour stocker l’eau que j’infiltre ou envoie à petit débit selon les possibilités du milieu. J’équipe un espace vert existant de noues ou d’un bassin tampon, etc... » énumère Jean-Jacques Hérin. Première possibilité au sein de la boîte à outil des techniques alternatives, la noue. « C’est d’abord de l’aménagement avant d’être, si besoin, de la technique, souligne Jean-Jacques Hérin. C’est le plus simple, le moins coûteux et le plus favorable au développement de la biodiversité en ville ». Ses dimensions et ses formes la font s’insérer partout et permettent d’assurer une gestion au plus près des eaux pluviales en évitant le ruissellement et le transport. À l’échelle locale, la noue permet tout à la fois de lutter contre les inondations et les sécheresses. Elle contribue au réapprovisionnement des nappes souterraines et permet de moindres rejets polluants dans le milieu naturel grâce au pouvoir épurateur des plantes. De plus, son empreinte écologique est très faible…

L´utilisation de chambres Rigofill-inspect de Fränkische permet aussi à tout moment une inspection ou un curage de l´installation.

Pour la voirie, il est possible de créer des chaussées à revêtement poreux surmontant une couche caillouteuse posée sur une géomembrane et servant de réservoir. Ce réservoir peut être infiltrant par lui-même – la membrane est alors remplacée par un géotextile – ou inclure des structures d’infiltration de type drain ou SAUL. La Communauté d’Agglomération du Douaisis, à l’origine d’Adopta, utilise systématiquement ce type de solutions. En témoignent par exemple la voie Amazon, une voirie lourde du parc d’activité de Lauwin-Planque, ou l’avenue Twickenham à Douai. Il est également possible de placer la structure filtrante sous une bande paysagée aménagée le long ou au milieu de la voie, comme au centre du boulevard de la République (Douai).

Mais il existe une autre possibilité développée par MEA en collaboration avec Adopta qui permet d’adapter ce système aux chaussées à structure réservoir dotées d’enrobés ordinaires ou aux tranchées drainantes. Les eaux pluviales ruissellent alors sur la chaussée avant de se diriger vers une bouche d’injection chargée de récupérer les eaux pluviales et de les introduire dans la chaussée à structure réservoir par l’intermédiaire d’un drain. La bouche d’injection est alors équipée d’un porte filtre fixé sur la paroi et d’un filtre MEAPURE développé par MEA, constitué d’une structure alvéolaire ultra légère (tamis inox avec une maille de taille et de forme spécifiques) comportant un géotextile non tissé sur chaque face. Le dispositif permet de stopper les matières en suspension et les flottants, et ainsi d’injecter une eau “propre” dans la structure réservoir. « Le système est efficace s’il s’accompagne d’une décantation d’au moins 240 litres utiles », prévient Jean-Jacques Hérin.

Les clapets régulateurs F-Reg permettent de donner une fonction supplémentaire de stockage aux conduites de collecte, sans modifier leur capacité d’évacuation

Les réseaux de collecte eux-mêmes peuvent être utilisés pour maîtriser les écoulements de temps de pluie. L’installation de clapets régulateurs F-Reg dans les regards de visite permet par exemple de leur donner une double fonction de stockage et d’évacuation sans modifier leur débit capable. À la manière de feux de signalisation sur un réseau routier, ils transforment les conduites en organe de régulation mobilisant à moindre coût des milliers de m³ de stockage inutilisés dans les réseaux existants. La métropole Nice Côte d’Azur est ainsi en train d’en mettre en place sur ses réseaux unitaires. Environ 100 m³ de stockage par kilomètre de réseau sont ainsi mobilisables. Pour des projets nouveaux, associés à des conduites surdimensionnées, ces dispositifs permettent de mettre en œuvre un stockage simple et économique, particulièrement lorsque le foncier est cher ou peu disponible. La métropole d’Aix-Marseille qui l’utilise déjà, souhaite ainsi compenser l’imperméabilisation des sols provoquée par l’urbanisation du quartier Euro-méditerranée.

L’eau stockée dans le Tubo’Infiltration® de Tubosider se diffuse via une ligne de percements. L’infiltration est favorisée par une couche de matériaux drainants. Cette tranchée drainante est située sous l’assise du réservoir et est confinée dans un géotextile. Elle se gorge rapidement en eau et permet de restituer le débit de fuite sur le substratum en place.

Les Nidagravel et Nidagrass, de Nidaplast, s’adressent à des surfaces autres que la voirie. Ce sont des panneaux stabilisateurs en nid d’abeille de 30 à 40 mm d’épaisseur, fermés d’un côté par du géotextile et remplis de gravier pour l’un ou d’herbe pour l’autre. Posés sur la terre (géotextile au fond), ils permettent de construire des surfaces résistant au poids des véhicules (parkings) ou des usagers des espaces verts. « Le choix entre le gravier et l’herbe dépend de considérations esthétiques. Dans les deux cas, le produit assure le drainage vertical des eaux pluviales » affirme Hatim Bahi Slaoui, responsable technique chez Nidaplast. L’université de Lille 2 a ainsi choisi Nidagrass pour rénover un parking en août 2016, alors que les Monuments de France ont préféré Nidagravel pour les allées de la Villa Cavrois, à Croix.

Les bassins d’infiltration, parfois inévitables en collectif

Si l’infiltration directe n’est pas possible, ou le sol pas assez perméable, il faut adopter des solutions de déportation/retardement à base de bassins d’infiltration. Les structures alvéolaires ultra légères (SAUL), blocs parallélépipédiques en matière plastique (PP, PEHD ou PVC) composés à 95 % de “vide”, dominent aujourd’hui ce marché. Manuportables, faciles à assembler en ouvrages modulables selon la topographie et les contraintes du site, elles peuvent composer des bassins de quelques m³ à plusieurs milliers de m³. Les constructeurs proposent souvent plusieurs classes de résistances mécaniques pour l’installation soit sous une voirie lourde, soit sous un espace vert ou une voirie légère. La profondeur autorisée d’enfouissement varie bien évidemment avec cette résistance. C’est le domaine des fabricants tels que ACO (Strombrixx), Dyka (Rainbox 3S, Rainbox Cube) Fränkische (Rigofill), Funke, Hauraton, Simop, Graf (EcoBloc), Nicoll (Waterloc), Hamon (GEOlight), Nidaplast (AZbox), Polypipe (Polystorm), Rehau (Rausikko), Wavin (Q-Bic et Q Bic plus)…

Saint-Dizier Environnement a développé la gamme UTEP, des décanteurs-dépollueurs horizontaux en acier pouvant traiter de 36 à 540 m³/heure. Après un dégrillage, l’eau passe par une chambre de dessablage avant d’être dirigée sur un décanteur lamellaire en nid d’abeille (en PP). À la sortie, un siphoïde piège les liquides légers.

Rehau a été précurseur sur le concept empilable avec Rausikko Box C en 2012, un SAUL sous Avis Technique. Outre ses qualités en termes de tenue mécanique et de facilité d’assemblage (sans pièce de liaison), Rausikko C a séduit de nombreuses entreprises de pose et collectivités pour ses avantages en termes de surface de stockage et de coûts de transport optimisés, particulièrement lorsqu’il s’agit de poser des bassins de plusieurs milliers de m³ comme cela a été le cas pour le chantier de l’aménagement de la voie U430 à Marseille (5.600 m³) ou plus récemment à Toulouse pour un bassin sur la ZAC Empalot (2.200 m³).

L’atout d’une Saul est de pouvoir s’adapter aux contraintes du terrain. GRAF a ainsi développé le module Ecobloc Inspect Flex empilable sur plusieurs niveaux mais dont la plus faible hauteur est de 36 cm. Ceci, ajouté à une forte capacité de résistance, permet, avec seulement 30 cm de recouvrement, la création d’un ensemble hydrocurable et inspectable d’infiltration ou de rétention pour une hauteur extrêmement réduite le tout circulable en VL. Les profondeurs de fouilles sont réduites, les évacuations peuvent rester en gravitaire évitant du coup l’ajout de pompes de relevage.

Les solutions destinées aux particuliers ou entreprises confrontés à l’obligation de gérer leurs eaux pluviales, se développent. Les solutions proposées à cette échelle reposent sur les mêmes éléments que celles destinées aux collectivités, à l’image du kit Rainbox 3S de Dyka.

De même, Waterloc de Nicoll a été conçu pour réaliser des bassins de faible profondeur (29 cm de décaissement). Légers (13 kg seulement), empilables, ces modules facilitent la manutention, le stockage et la descente dans la fouille. Ils s‘intègrent à tout type d’ouvrages : zones non-circulées, chaussées à trafic léger, chaussées à trafic moyen et fort.

ACO propose une gamme large de SAUL ACO Stormbrixx pour applications légères (ACO Stormbrixx SD en polypropylène, pour espaces verts et passage de véhicules légers) et applications lourdes (ACO Stormbrixx ST en polypropylène renforcé fibres de verre et ACO Stormbrixx certifié QBat en polypropylène, pour trafic intense et charges lourdes). Outre leurs avantages de robustesse, de stabilité dans le temps, d’optimisation du transport, les modules ACO Stormbrixx, en colonnade, sont faciles à installer et sont inspectables et hydrocurables dans toutes les directions et à chaque niveau de la structure. 

En traitant à la fois la pollution sous forme solide et dissoute contenue dans les eaux de ruissellement, HydroMaxx permet aussi à Rehau de proposer aux aménageurs une chaîne de traitement désormais complète.

Fränkische a développé les Rigofill, des SAUL inspectables et hydrocurables. Le désormais classique Rigofill Inspect, certifié en France (CSTB), Allemagne (DIBT) et Grande-Bretagne (BBA), peut supporter des charges lourdes et être installé jusqu’à 6 mètres de profondeur. « Quand il n’est pas encore recouvert, les engins de chantier peuvent rouler dessus » affirme Géraldine Rousseau, responsable marketing de la société. Plus récemment, Fränkische a développé les Rigofill ST, composés de demi-chambres empilables “comme des boîtes d’œuf”, qui s’assemblent par simple pression manuelle. « Nous visons les marchés export et tous les clients préoccupés par le coût du transport. Transporter des SAUL classiques revient en effet à emplir les camions ou conteneurs de vent. Le Rigofill ST permet de gagner 88 % d’espace de stockage par rapport à un SAUL classique » explique Géraldine Rousseau. Le Rigofill ST (vert) supporte les mêmes charges que l’Inspect, alors que le ST-B (noir), moins résistant, est réservé aux voiries légères et aux espaces verts. Fränkische vient d’installer un bassin de 3.100 m³ en Rigofill Inspect sous le parking du théâtre du nouveau quartier de la Duranne, à Aix-en-Provence.

Bassins d’infiltration sur le chantier de l’hippodrome de Longchamp. Réalisation Tubao.

Nidaplast commercialise ses AZ Box, des SAUL en PP inspectables et hydrocurables - et empilables pour le transport. L’inspection et l’hydrocurage des bassins se font via des tubes de réhausse comme l’explique Hatim Bahi Slaoui. Fin 2015, Wavin a présenté Q-Bic Plus à Pollutec. L’atout de cette SAUL inspectable et hydrocurable ? Tous les connecteurs et accessoires sont intégrés. « Les SAUL s’apparentent souvent à un jeu de Lego. Installer les regards et autres accessoires peut prendre du temps. Avec Q-Bic Plus, c’est tout fait. Le gain de temps peut être appréciable sur les gros ouvrages » affirme Jean-Baptiste Chardenal, chef de produits TP chez Wavin. La firme a récemment installé un bassin sous voirie de 112 m³ en Q-Bic Plus, à Thierville-sur-Meuse (près de Verdun), dans le cadre de la mise aux normes du réseau d’assainissement.

Eluvio, ATE, Wavin (Q-Bic) ou Nidaplast proposent également des solutions non hydrocurables… parce qu’elles ne se colmatent pas. Le Nidaplast EP, par exemple, repose sur le principe d’un drain central perforé en partie supérieure. Les eaux le traversent en cas de pluie modérée, ou entrent dans le reste du bassin par les perforations en cas de forte précipitation. Dans tous les cas, les déchets et matières en suspension restent dans le drain (curable) : le bassin est toujours propre. « Le prix peut jouer, mais le choix dépend surtout de l’expérience du bureau d’études. Certains veulent des bassins visitables par sécurité, d’autres savent que les structures de type Nidaplast EP ne se colmatent vraiment pas » affirme Hatim Bahi Slaoui.

Le caniveau D-Rainclean (en PP) de Funke associe les fonctions de drainage, prétraitement et infiltration en un seul ouvrage.

C’est également le cas de la structure Géolight, brevetée par Hamon il y a plus de 25 ans, dont le système de diffusion (drain de diamètre 500 mm) facilite le nettoyage, de même que les perforations et la circulation horizontale de l’eau à travers la structure.

Le système Rausikko Box de Rehau se différencie également en jouant la carte de l’entretien facilité et de la pérennité du bassin en proposant un canal de diffusion et de sédimentation fermé, localisé aux seules arrivées d’eau. Les sédiments ne s’éparpillent pas sur le reste de la structure et cela permet de limiter les opérations de nettoyage aux seuls canaux : un gain de temps non négligeable lors des opérations d’hydrocurage et une économie conséquente dans le nombre de regards de visites indispensables à l’entretien de la structure.

Compte tenu des investissements qui peuvent être conséquents, les collectivités ont également besoin d’outils permettant de hiérarchiser les priorités d’actions au niveau de leur territoire. IRH - Antea Group, dans le cadre du projet de R &D collaboratif SIMPLUV, a développé un outil d’aide à la décision permettant de hiérarchiser les différents bassins-versants en fonction d’une évaluation de leur pression hydraulique et polluante générée et de la sensibilité des milieux aquatiques récepteurs.

Pour les ouvrages de plus grande dimension, les solutions dérivent de collecteurs de grandes tailles à l’image des collecteurs en PRV proposés par Amiblu. Tubao et Tubosider proposent des solutions en  acier galvanisé ondulé reposant sur des bassins d’infiltration circulaires visitables et des puits d’infiltration. Tubo’Infiltration® de Tubosider permet par exemple de stocker de gros volumes d’eau lors d’évènements pluvieux afin de les laisser s’infiltrer dans le sol. Les volumes stockés peuvent atteindre 6,70 m³/ml pour le diamètre 2.900 mm chez Tubosider et plus de 7 m³/ml pour le diamètre 3000 mm chez Tubao. Cimentub et Chapsol proposent de leur côté des solutions en béton qui associent différentes fonctionnalités (stockage, décantation, restitution/infiltration) tout en répondant à des spécificités très différentes en termes de volume, de débit, d’intégration paysagère, etc….

Infiltrer de l’eau propre…

Si l’on tient à préserver la qualité des nappes, autant ne pas y infiltrer de l’eau polluée ! Il faut donc se débarrasser des matières en suspension, de la pollution dissoute (métaux), éventuellement des hydrocarbures (peu présents à l’état libre en zone urbaine). Et ce dès le point de chute, ou à défaut avant les bassins d’infiltration. 

Pour répondre à la problématique de pollutions des eaux pluviales en milieu urbain, Phytorestore a développé un filtre planté intégré breveté appelé Jardins Filtrants® qui permet de traiter les polluants issus du lessivage des voiries (MES, hydrocarbures, métaux). Ces ouvrages techniques paysagers sont constitués de matériaux spécifiques et plantés par un choix de plantes adaptés au traitement des eaux et au développement de la biodiversité. Phytorestore intègre cette démarche dans ces projets urbains notamment sur le projet de la ZAC et du parc des Docks à Saint-Ouen dans le 93 où Phytorestore est maître d’œuvre.

« Les besoins en traitement sont liés au ruissellement plus ou moins important des eaux pluviales avant leur gestion par une technique quelle qu’elle soit, ou bien par la présence d’un risque de pollution particulier par exemple de type industriel, trafic intense poids lourds, souligne Jean-Jacques Hérin. Cette pollution est d’autant plus faible que localement les volumes à gérer sont modestes ». 

Les particules en suspension captant l’essentiel de cette pollution, les constructeurs proposent surtout des décanteurs – outre bien entendu les classiques dégrilleurs pour les gros déchets. Dans ce domaine, les constructeurs se font proactifs. « Pour le traitement, nous nous positionnons comme précurseurs : en l’absence de réglementation claire sur le sujet, nous avons du mal à convaincre les collectivités qui n’ont pas forcément des moyens extensibles » explique ainsi Géraldine Rousseau, de Fränkische. Elle perçoit cependant un frémissement sur le marché, estimant que « les beaux jours sont à venir sur ce sujet ».

Cimentub a développé son offre de solutions sur mesure en proposant la conception et la préfabrication d’ouvrages de décantation particulaire livrés clés en main. Trois unités de décantation particulaire ont été mises en place pour l’aménagement d’une plateforme sur les quais du Port de Saint-Malo géré par la Chambre de Commerce et de l’Industrie d’Ille-et-Vilaine.

Fränkische a conçu une gamme de “tuyaux décanteurs” dont les performances ont été certifiées par le CSTB en 2015. Ce sont des canalisations en PP installées à contre-pente et pourvues dans la partie basse d’une grille anti-remobilisation immobilisant les MES. Les modèles XL et XXL plus comportent des regards d’entrée plus importants, aptes à piéger les hydrocarbures dans leur partie haute. Le Sedi-pipe Substrator comprend une cartouche filtrante pour les métaux lourds dissous. Le type de Sedi-pipe (basic, level, XL ou Substrator) utilisé dépendra donc des contraintes locales : type de pollution, débit accepté, surface à traiter… Fränkische fournit un abaque guidant les bureaux d’études dans leur choix. La firme a équipé en octobre 2016 une aire de déchargement du port autonome de La Rochelle. « Ils avaient, entre autres pollutions, des problèmes de poussières de céréales qui dégradaient les eaux de baignade proches. Nous avons fourni onze Sedi-pipe de 24 mètres, installés en parallèle » se souvient Géraldine Rousseau, qui souligne l’intérêt des ports et autres grandes infrastructures côtières pour le Sedi-pipe, y compris au Maroc. En mai 2017, la firme a fourni une solution de traitement des eaux pluviales le long de boulevards très circulés du centre-ville de Valenciennes. Dix Sedi-Pipe XL, installés en série le long de cette voie, protègent désormais le réseau aval.

Saint-Dizier Environnement a développé la gamme UTEP, des décanteurs-dépollueurs horizontaux en acier pouvant traiter de 36 à 540 m3/heure. Après un dégrillage, l’eau passe par une chambre de dessablage (pour les déchets lourds) avant d’être dirigée sur un décanteur lamellaire en nid d’abeille (en PP). À la sortie, un siphoïde piège les liquides légers. Depuis 2016, Saint-Dizier propose Aspibou, une colonne qui facilite grandement l’utilisation des UTEP. « L’exploitation des ouvrages coûte cher, il faut donc l’optimiser. Aspibou mesure le niveau de boue et, uniquement lorsque c’est nécessaire, permet de récupérer les boues sous les lames » explique Jean-Yves Viau, directeur opérationnel de Saint-Dizier. Pour les gros chantiers, Saint-Dizier peut également créer des solutions sur mesure, à l’instar du décanteur récemment installé sur la zone “polder” du port de Brest. « Ce seul ouvrage traite les eaux de plusieurs dizaines d’hectares » précise Jean-Yves Viau.

Pour les ouvrages de grandes dimensions, les solutions dérivent de collecteurs de grandes tailles à l’image des réservoirs sur-mesure en PRV HOBAS ou Flowtite proposés par Amiblu. Faciles et rapides à mettre en œuvre, ils s’adaptent aux contraintes du site, à l’instar des 570 mètres de coques PRV 820x1420 posées à Chauny. Le dimensionnement du projet a été réalisé par les équipes Amiblu et assure la pérennité de l’installation sous voirie lourde et très faible hauteur de couverture. Le profil retenu permet d’atteindre le volume nécessaire, malgré la faible hauteur de stockage disponible.

De son côté, Cimentub a développé son offre de solutions sur mesure en proposant la conception et la préfabrication d’ouvrages de décantation particulaire livrés clés en main. « Pour le chantier du Port de St Malo (35), nous avons dimensionné trois unités de traitements type décanteur lamellaire afin de dépolluer les eaux pluviales de la plateforme portuaire, explique Stéphane Moncomble, Directeur commercial. Ces ouvrages permettent une interception des matières en suspension (MES) via les blocs lamellaires et des hydrocarbures grâce à l’obturation automatique en sortie ». En complément de ces trois unités, Cimentub a également conçu les ouvrages de by-pass, régulation, surverse et visite ce qui représente une dizaine d’éléments. « Tous ces ouvrages sont bien sûr équipés des vannes, régulateur à flotteur et clapet anti-retour pour une livraison clé en main », souligne Stéphane Moncomble.

Simop commercialise également une large gamme de décanteurs particulaires. Réalisés en polyester armé de fibre de verre, ils sont insensibles à la corrosion et obtiennent les mêmes propriétés mécaniques que l’acier tout en simplifiant la pose par leur légèreté.

Ne pas se laisser déborder

Pour “lisser” les variations de débit propres aux eaux pluviales, les constructeurs comme Dyka, Saint Dizier ou Rehau, entre autres, ont conçu des systèmes de régulation basés soit sur des orifices calibrés (ajutage) soit sur l’effet vortex. Fränkische propose trois outils interchangeables, basés sur le même regard Storm : un dégrilleur, un limiteur de débit par ajutage et un régulateur vortex. « Pour plus de souplesse dans la réalisation des chantiers, le regard est constamment disponible chez tous les négociants. Les plaques amovibles portant les outils sont quant à elles réalisées sur commande en fonction des débits souhaités. Cela permet également de faire évoluer le réseau » explique Géraldine Rousseau. Wavin propose Corso, un dispositif de régulation déclinable lui aussi en version ajutage ou vortex, qui s’installe dans un regard classique soit en aval d’un bassin d’infiltration, soir en amont (et éventuellement en aval) d’un ouvrage de traitement. C’est un Corso réglé à 20 l/s, couplé à un bassin infiltrant en Q-Bic Plus, qui a été retenu pour gérer les eaux pluviales d’un lotissement à Saint Amant-Tallende, près de Clermont-Ferrand.

Des solutions pour les particuliers et petites entreprises

Les particuliers ou entreprises (supermarchés par exemple) confrontés à l’obligation de gérer leurs eaux pluviales représentent un marché distinct. Les solutions proposées à cette échelle reprennent parfois les mêmes éléments (SAUL par exemple) que celles destinées aux collectivités. D’autres sont plus spécifiques, comme les toitures réservoir, systèmes de stockage tampon alimentant souvent des toits végétalisés. Le Prieuré, Nicoll, Hamon (associé à Sopréma spécialiste de l’étanchéité) ou Nidaplast sont présents sur ce marché. Nidaplast propose sa solution Nidaroof, un panneau souple en nid d’abeille d’une hauteur de 4 à 52 cm. « La demande augmente, un peu par effet de mode sur les bâtiments neuf. Nous nous sommes associés à Siplast, spécialiste de l’étanchéité, pour constituer une solution complète appelée Wateroof » précise Hatim Bahi Slaoui, responsable des projets techniques chez Nidaplast. Un tel système a été installé en 2015 sur le toit du groupe scolaire Dauphine-Georges Chardon à Orléans. Soit plus de 2.300 m² de Wateroof surmontés d’une couche de substrat végétalisé, pour créer une toiture “zéro rejet”.

Regard Rausikko DN600 de Rehau avec limiteur de débit intégré (système réglable 4 positions) .

L’eau des gouttières et/ou celle tombant sur la surface non construite (jardin, allée…) peut être dirigée vers de petites structures en sous-sol, inspirée des bassins d’infiltration collectifs et livrées prêtes à monter. La plupart des constructeurs de SAUL ou drains proposent désormais ce genre de kits. Dyka (ex-Sotra Seperef) vend toujours son tunnel d’infiltration Duborain mais met aujourd’hui en avant le kit EP Rainbox 3S, composé de modules Rainbox (douze pour le kit de base plus des extensions possibles de quatre), d’un regard d’inspection muni d’un seau à feuilles et d’un tronçon de tube d’assainissement. « Les particuliers et petites entreprises ne disposant pas d’engins de chantier peuvent le mettre en œuvre par leur propre moyen » avance Stéphanie Ducatillon, chef de produit chez Dyka. Le kit se substitue aux lourds anneaux de béton perforé constituant les classiques puits perdus, qui exigent des fouilles profondes et des engins de manutention. Inadapté à la voirie lourde, le kit EP Rainbox 3S supporte cependant le passage occasionnel de véhicules, comme par exemple en entrée de garage.

Installation d’une quarantaine de cuves de rétention Platine dans un lotissement. La faible hauteur de la cuve Platine développée par Graf permet un gain de temps appréciable lors de l’installation.

Chez Simop, la gamme Aquamop permet de récupérer, filtrer, préserver, stocker et restituer les eaux issues des précipitations avec un débit régulé, une solution alternative pour gérer les eaux pluviales à la parcelle. Conçues pour être enterrées, elles s’insèrent parfaitement dans le paysage. Ces solutions sont disponibles pour les particuliers et les collectivités.

Au tour des centre-ville…

« Aujourd’hui, la gestion des eaux pluviales est plutôt bien maîtrisée dans les quartiers nouveaux, par exemple les écoquartiers. Le gros enjeu des années à venir est l’intervention sur l’urbanisation existante, la déconnexion des réseaux » souligne Jean-Jacques Hérin. Se pose alors la question de l’espace disponible : le sous-sol, en particulier, est souvent très encombré de réseaux divers. Les constructeurs ont donc conçu des versions spéciales de leurs dépollueurs, en les faisant passer à la verticale. Fränkische a ainsi présenté le Sedi-point en 2016. L’eau pénètre par le bas de la chambre de décantation et remonte le long d’une spirale qui la ralentit. Les MES sédimentent au fond, tandis que les hydrocarbures sont retenus par un tube central immergé. Adapté à des surfaces à traiter de l’ordre de 500 à 2.000 m², Sedi-point peut supporter le passage de véhicules jusqu’à 60 tonnes. L’entretien annuel est facilité par un tube de maintenance muni d’une tige télescopique. Un seul opérateur peut réaliser l’intervention, par aspiration et lavage haute pression.

Nidaplast propose son Nidatreatment, conçu pour une surface maximale de collecte de 1.000 m². Pourvu d’un dégrilleur en entrée, il retient les MES grâce à des coupelles et les liquides légers (hydrocarbures) par une cloison siphoïde. La version KF est munie d’un filtre diminuant la pollution dissoute. Saint Dizier Environnement a développé le Stoppol, ouvrage en polyester certifié en Allemagne auprès du NRW, pour traiter les effluents de surfaces allant jusqu’à 1.000 m². Après dégrillage, les MES sont piégées en fond de cuve sur des coupelles de décantation. « Nous proposons également une version pourvue d’un filtre breveté à l’international pour les polluants très fins et dissous » ajoute Jean-Yves Viau. Le Stoppol peut aussi retenir jusqu’à 50 litres d’hydrocarbures mais n’est pas développé pour ce type de pollution, rare à l’état libre en milieu urbain. « Nous disposons de séparateurs pour des applications comme les stations-service ou aires de lavage, mais c’est un autre marché. Certains exploitants d’aires de lavage utilisent cependant le Stoppol après le séparateur, pour réutiliser l’eau » signale Jean-Yves Viau. Wavin a également développé un décanteur vertical à effet hydrodynamique, le Certaro HDS. « Un dispositif siphoïde retient les flottants mais sa fonction première est de piéger les MES, qui fixent 80 % de la pollution » affirme Jean-Baptiste Chardenal.

Meaclean Pro, développé par Mea, est une solution capable de drainer de larges volumes d’eau tout en libérant celle-ci de la pollution organique, inorganique et chimique.

Chez Rehau, l’ensemble HydroMaxx résulte de l’association d’un module de sédimentation SediClean permettant de séparer les particules solides avec une unité d’adsorption et de filtration HydroClean pour séparer les particules fines, les huiles minérales ainsi que les substances polluantes dissoutes telles que le plomb, le cuivre et le zinc. Le passage de l’eau à l’intérieur de l’unité de filtration, par un phénomène d’adsorption, précipite les ions métalliques à l’intérieur de ce filtre. L’intelligence du système réside dans la vitesse à laquelle on fait travailler l’adsorption et l’écoulement à l’intérieur. Travailler à des vitesses très faibles, de l’ordre de 0,05 m/s, permet d’optimiser la cinétique de l’adsorption sur le filtre. En traitant à la fois la pollution sous forme solide et dissoute contenue dans les eaux de ruissellement, HydroMaxx permet aussi à Rehau de proposer aux aménageurs une chaîne de traitement désormais complète.

Et pourquoi ne pas intervenir dès le drainage initial ? C’est ce que propose Hauraton avec DRAINFIX®CLEAN, un caniveau traitant les eaux grâce à substrat filtrant carboné ou Birco avec le BNirco Pur. Funke, de son côté, associe les fonctions de drainage, prétraitement et infiltration dans un seul ouvrage, le caniveau D-Rainclean (en PP). Un ouvrage percé (pour l’infiltration), muni d’un substrat aspirable (tous les 15-20 ans) pour l’adsorption des métaux et d’une réserve d’eau permettant le développement d’une vie microbienne qui élimine les hydrocarbures. Il peut être associé à une structure tampon en SAUL pour différer l’infiltration si le sol est peu perméable. 

Le système, mis en place depuis plus de 15 ans maintenant, ne demande que peu d’entretien.

Décanteur particulaire avec châssis-speed réalisé en PRV sur-mesure (débit de traitement : 54 litres/seconde). Réalisation Simop.

Grâce à sa technologie de substrat à plusieurs niveaux, MEACLEAN PRO, développé par MEA, est une solution innovante capable à la fois de drainer de larges volumes d’eau tout en libérant celle-ci de la pollution organique, inorganique et chimique. Les substances telles que les métaux lourds, les hydrocarbures mais aussi les huiles minérales sont retenues grâce à ce caniveau filtrant. « Ce sont 99 % des métaux lourds qui sont ainsi récupérés par ce système, explique Samuel Koenig, Directeur de MEA. Il s’installe comme un système classique de drainage linéaire, offrant ainsi un avantage de taille par rapport aux solutions traditionnelles de noues : une surface minimale occupée dans l’espace urbain pour un gain incontestable en termes de temps, d’espace et d’entretien ». Avec une durée de vie de plus de 25 ans, ce système de drainage et de traitement en composite armé de fibres de verre est adapté à presque tous les usages sur les surfaces de voirie et de parking, ainsi que dans les espaces privés.

Le principal obstacle à la gestion durable des eaux pluviales en centre-ville n’est cependant pas uniquement technique. Il faut surtout bousculer des organisations en place, accepter la transversalité, imaginer par exemple que la direction de la voirie, et non l’assainissement, prenne en charge cette question lors d’une réfection de rue. Toute réorganisation de ce genre se heurte inévitablement à des obstacles d’ordres psychologiques. Outre les contraintes réglementaires et les préoccupations environnementales, Jean-Jacques Hérin avance cependant un solide argument. « Nous estimons que cette politique mise en œuvre il y a plus de 25 ans à Douai a fait économiser plus de 35 % du coût du service public pluvial. Soit un million d’euros par an pour une communauté d’environ 120.000 équivalents-habitants ». De quoi aider à surmonter bien des obstacles…


Cet article est réservé aux abonnés, pour lire l'article en entier abonnez vous ou achetez le
Acheter cet article Voir les abonnements
Entreprises liées
Produits liés
Activités liées
Contenus liés