Que faire lorsqu’une technologie, qui ne donne pas satisfaction, perturbe l’exploitation ? La première possibilité consiste généralement à se tourner vers l’agence de l’eau pour obtenir des conseils individualisés et une aide à l’exploitation. Mais il arrive que l’agence elle-même, faute de retours d’expériences suffisants, ne soit pas en mesure de formuler une préconisation. Il revient alors à l’exploitant et au gestionnaire de passer en revue l’ensemble des solutions techniques disponibles. C’est le sens de la démarche menée par les exploitants et gestionnaires de la station d’épuration de Corbie, dans la Somme, démontrant l’intérêt d’un remplacement de ponts-brosse par des aérateurs à vis hélicoïdales Isma-Fuchs. Explications.
En boues activées, l’aération, est un point clé. Elle permet la transformation de la matière organique par les microorganismes aérobies et assure les réactions de nitrification et de dénitrification. Mais pour qu’elle se déroule de façon satisfaisante, il faut aérer les effluents pour assurer aux microorganismes un approvisionnement suffisant en oxygène et les brasser de manière à assurer une bonne répartition des bactéries en évitant les dépôts en fond de bassin qui provoqueraient leur asphyxie.
Aérateurs et agitateurs permettent de réaliser
ces deux opérations indispensables qui représentent, à elles seules, près de 70
% de la consommation en énergie d’une station d’épuration. En bassin
d’aération, elles peuvent être assurées en surface par des turbines lentes, ou en
fond de bassin par des dispositifs fines bulles. En petite station
d’épuration, les fonctions aération et brassage sont fréquemment réalisées par
un seul et même équipement. La faible profondeur des bassins permet en effet à certains équipements d’assurer un brassage
correct des effluents tout en assurant l’introduction de l’oxygène dans les
couches inférieures du bassin.
C’est
par exemple le cas des ponts-brosse, très utilisés dans petites stations
d’épuration communales mais aussi industrielles pour l’aération et l’agitation
des effluents dans les bassins circulaires ou oblongs dont la dimension ne
permet pas la dissociation des fonctions aération et brassage. Ces aérateurs
horizontaux existent de 2 jusqu'à 9 m de longueur et sont généralement montés
sous passerelle béton en stations neuves ou sur passerelle métallique en extension
ou en rénovation. Les ponts-brosse se composent d’un axe horizontal en acier
sur lequel sont fixés une série de disques composés d’étriers boulonnés ou
soudés. L’axe est fixé d’un côté au réducteur entraîné par un moteur électrique
et de l’autre à un palier. Il assure, par rotation de la brosse ainsi
constituée, une circulation des effluents au sein du bassin tout en générant,
par battement, une fonction d’aération jusqu’à une profondeur d’environ 3
mètres.
Problème :
les pannes et maintenances des ponts-brosse deviennent fréquentes après
quelques années d’utilisation et génèrent, outre d’importants
dysfonctionnements en termes de traitement, des interventions lourdes et nécessitant
un recours à des engins de levage particuliers (démontage, remontage). Elles
sont aussi longues et souvent coûteuses si bien que leur récurrence peut
remettre en cause l’exploitation même de ce type d’équipement. C’est ce qui est
arrivé sur la station d’épuration de Corbie (80), affectée par des problèmes de
ponts-brosse récurrents.
Des problèmes de ponts-brosse récurrents
Construite
en 2001 et mise en service en 2002, la station d’épuration de Corbie, gérée par
la Communauté de communes du Val de Somme, est une station de type boues
activées d’une capacité de 15.000 EH. Elle traite les effluents domestiques des
communes de Corbie, Fouilloy, Aubigny et de quelques villages alentours à hauteur
d’environ 60 % de sa capacité hydraulique, le dimensionnement initial ayant été
effectué sur la base d’activités industrielles aujourd’hui disparues.
Au
sein de la station, l’effluent brut est d’abord acheminé dans une zone de
biosorption, puis dans une zone anaérobiose avant de gagner la zone d’aération
d’une capacité de 2.291 m3. « Lors de la mise en service de la station
d’épuration, il a été décidé de compenser les besoins en aération en en
brassage par l’apport de 2 ponts-brosse de 45 kW d’une longueur de 9 mètres et
d’un diamètre de 1000 mm et de 4 agitateurs lents (2,3 kW et 63 trs/min),
explique Peggy Dupont, ingénieure à la Communauté de communes du Val de Somme. Le
dispositif, asservi à une régulation de type redox/O2, était dimensionné pour apporter
112 kg/O2/h en conditions réelles d’exploitation, largement de quoi satisfaire
aux besoins réels enregistrés en 2012 de 781 kg O2/jour (60 kg O2/heure en
pointe horaire).
Mais
dès le démarrage de la station de Corbie, les premiers dysfonctionnements
affectent les ponts brosse. Des problèmes d’alignements du palier par rapport
au réducteur qui se traduisent par une usure prématurée des roulements. Durant
les premières années, les désalignements et les casses d’arbre se succèdent, entrainant
à chaque fois un arrêt de 15 jours, voire 3 semaines des ponts-brosse avec de
lourdes conséquences en termes de traitement. Des arrêts qui obligent les agents
de la SAUR, chargée de l’exploitation de la station, à louer des hydroéjecteurs
pour assurer une aération minimale. Et à chaque fois ou presque, la nécessité
de faire intervenir des engins de levage lourds pour extraire les ponts-brosse
et les réparer. Des problèmes qui s’avèrent rapidement multiples, récurrents,
et qui génèrent d’importantes vibrations qui vont peu à peu affecter le génie
civil du bassin. « Les ponts brosse, même quand ils fonctionnaient bien,
généraient d’importantes vibrations qui fragilisaient le génie civil fragile de
la station construite sur une zone humide », explique Peggy Dupont.
Très
vite, les élus de la Communauté de Communes du Val de Somme comprennent qu’il
leur faut trouver une technologie alternative pour sortir de cette
problématique. « En charge de la Commission Assainissement depuis mars
2014, je n’ai jamais vu plus d’un pont-brosse fonctionner, explique Jean-Louis
Bruxelle, Vice-Président de la Commission assainissement, et bien souvent aucun
des deux. Il ne s’est pas passé une année sans un, voire deux arrêts des ponts-brosse
avec, à la clé, de grosses factures de réparations, jusqu’à 38.000 euros en
2015. A la fin, la durée de vie des ponts brosse ne dépassait pas les 8 mois en
lieu et place des 15 ans annoncés ». Démarre alors une phase de recherche
et de réflexion qui va conduire les agents de la SAUR à proposer aux élus de la
Communauté de communes du Val de Somme une rénovation intégrale du dispositif
aération-brassage en remplaçant les ponts-brosse par des aérateurs à vis
permettant une insufflation d’air tout en dirigeant un courant oblique vers le
fond du bassin pour assurer la fonction de brassage.
Remplacer les ponts-brosse par des aérateurs à vis
Christophe Lichtle, gérant de la société Isma, connait bien les problèmes liés à l’exploitation et à la maintenance des ponts-brosse. L’homme, qui commercialise en France les aérateurs Fuchs, dont le fameux aérateur à vis hélicoïdale, propose régulièrement ces équipements en remplacement ou en complément d’appareils existant ne délivrant pas les rendements attendus. « Ces aérateurs, souvent utilisés sur supports flottants en lagunage aéré, sont bien connus dans l’Est de la France et au sud de la Loire, mais un peu moins dans l’Ouest et au Nord de la France. On peut pourtant les adapter à une grande diversité d’applications et notamment en rénovation de ponts-brosse, domaine dans lequel nous comptons quelques dizaines de références en France ».
A la base du
succès de l’aérateur à vis hélicoïdale Isma-Fuchs, sa simplicité : un
moteur, un roulement, un arbre creux. Et une conception privilégiant robustesse
et durabilité : absence de boitier réducteur, des roulements non immergés
et des moteurs triphasés surdimensionnés. Mais aussi sa capacité à associer
aération et brassage au sein d’un seul et même équipement grâce à l'hélice
hélicoïdale qui, en rotation, génère un Vortex assurant une dépression dans le
tube et une aspiration de l'air 'extérieur. Brassé vigoureusement, l’air est
transformé en fines bulles projetées vers le fond du bassin assurant l’aération
et le brassage recherché en lagunage naturel ou aéré mais aussi en stations
d’épuration en remplacement de process défectueux.
Aussi
Christophe Lichtle n’est-il pas surpris par les sollicitations de la SAUR et de
la Communauté de Communes du Val de Somme. « L’agence de l’eau Artois-Picardie
ne connaissait pas cette technologie, explique Jean-Louis Bruxelle, nous avons
donc choisi de solliciter directement Isma en Moselle pour en savoir plus ».
Une visite est organisée qui permet à une délégation d’exploitants et d’élus de
visiter quatre sites et de rencontrer des exploitants utilisant la technologie
en lagunage aéré ou en station d’épuration sur bassins d’aération. « Il
n’y avait pas d’alternative, se souvient Peggy Dupont. Soit on continuait avec
les ponts-brosse, soit on changeait de système d’aération. Les exploitants que
nous avons rencontrés nous ont convaincus, nous avons décidé de changer ».
Une technologie rapide à installer
« Lorsque
nous avons vu arriver les aérateurs à vis Isma-Fuchs, nous avons été un peu
sceptiques, se souvient Olivier Colmaire, chargé d’exploitation à la station
d’épuration de Corbie. Comment des appareils aussi compacts allaient-ils
pouvoir remplacer deux gros ponts-brosse ? ». La rapidité de
l’installation et de la mise en service va rapidement contribuer à lever les
doutes, à commencer par ceux pesant sur le dimensionnement. « La prise en
compte de la charge réelle en lieu et place de la charge nominale de
l’installation permettait d’envisager une réduction de la puissance totale à
mettre en place, se souvient Christophe Lichtle chez Isma. Mais les besoins en
oxygène n’étant pas linéaires, on ne pouvait pas les caler sur le seul pourcentage
de la charge de l’installation. Nous avons donc opté pour un dimensionnement
intermédiaire de 9.500 E.H. pour un fonctionnement de 15 heures par jour. Sur
cette base, nous pouvions placer 6 appareils de 18 kW. Nous avons finalement
choisi d’en placer 4 de 22 kW pour pouvoir en ajouter 2 de 18 kW ou 2 de 22 kW
si la station atteint un jour son nominal de charge. L’ajout d’un appareil
suffit, peu de technologies permettent d’évoluer aussi simplement ».
Une
fois l’installation dimensionnée, une proposition d’implantation des aérateurs
à vis hélicoïdales est formulée. « Sur voile de bassin, sous passerelle ou sur
les structures d’anciens ponts-brosse, les possibilités, en termes de montage,
sont nombreuses », souligne Christophe Lichtle. A Corbie, les 4 aérateurs seront
montés sous l’ancienne structure des ponts-brosse, sans qu’il soit nécessaire
ni de vidanger le bassin, ni d’interrompre le traitement, ni de modifier le
génie civil. Quatre cadres galvanisés, un pour chaque aérateur, sont réalisés
sur mesure avant d’être splittés et vissés en sous-face de l’ancien bâti. Chaque
aérateur, doté de sa propre chaise, qui permet d’ajuster son orientation et sa
hauteur d’immersion, vient ensuite se fixer sur cadre sur mesure doté de
silentblocs pour éviter toute vibration.
Au
mois de juin 2016, en une journée seulement, les quatre aérateurs sont posés et
entrent en service. Au mois de Février 2017, après 7 mois de fonctionnement,
quel bilan en tirer ? Pour les élus de la Communauté de Communes du Val de
Somme comme pour les exploitants de la station d’épuration, l’opération est un
plein succès. « Les rendements d’aération sont au moins aussi bons que
ceux observés précédemment, le brassage est plus intense, notamment en fond de
bassin, et la consommation en énergie légèrement moindre, souligne Laurent
Couanard, chef de Travaux chez Saur. « Il est souvent fait état d’une
consommation d'énergie plus importante pour les aérateurs à vis par rapport aux
ponts-brosse, indique de son côté Christophe Lichtle, cette réalisation montre
qu’il n’en est rien, bien au contraire, puisque la consommation d’énergie s’avère
légèrement moindre malgré des charges nettement plus élevées ». Le
fonctionnement est stable et ne souffre d’aucun arrêt lié à des filasses ou des
phénomènes de bouchage. Autres avantages, les aérateurs fonctionnent en
silence, sans projection d’aérosols, ni vibrations. La maintenance, quasi-nulle,
se résume à un simple changement des roulements toutes 25.000 heures (de 6 à 7
ans de fonctionnement).
Au
plan financier, l’opération représente un investissement de 140.000 € HT
(compris dépose des ponts brosses et installation des nouveaux appareils),
intégralement financés par la Communauté de communes, l’agence de l’eau
Artois-Picardie n’ayant pas connaissance de cette technologie. « Cela
reste deux à trois fois moins que ce qu’auraient coûtés deux nouveaux ponts-brosse,
indique Jean-Louis Bruxelle. Et eu égard aux sommes dépensées en réparations et
en maintenance ces dernières années, nous devrions amortir notre investissement
en 5 à 6 ans, sans parler des gains réalisés en termes d’exploitation et de
fonctionnement ».