Le traitement biologique des eaux usées nécessite une aération efficace pour favoriser l’élimination de l’azote et du carbone. Simples et éprouvés, faciles à maintenir, les aérateurs de surface, dont la durée de vie excède souvent 25 ans, peuvent s’avérer une solution intéressante. Jadis cantonnés aux petites ou moyennes stations d’épuration, ils ont su conquérir les ouvrages les plus importants. Sur le marché, il existe de nombreux aérateurs de surface mais pour des applications parfois très différentes.
Mais l’introduction d’oxygène dans l’eau ne suffit pas. Il faut, de plus, la brasser afin de répartir l’apport d’oxygène à tout le bassin ou toute la lagune en évitant les dépôts en fond de bassin qui provoqueraient l’asphyxie des microorganismes.
Les aérateurs de surface, installés sur pont, sur passerelle ou sur flotteurs, réalisent ces deux opérations indispensables qui représentent, à elles seules, près de 70 % de la consommation en énergie d’une station d’épuration. Il existe sur le marché une grande diversité d’équipements différenciés par leur puissance, qui s’exprime en kilowatts, et oscille entre 1 et 165 kW. Les fabricants tels que Europelec, KAMPS, Aquaméo, Aquasystems, Isma-Fuchs, TMI, SCM Tecnologie, Biotrade, Xylem ou Oxydro ont développé une grande diversité d’équipements adaptés à différentes applications. L’eau est mise en mouvement par des turbines équipées d’un rotor dont la vitesse de rotation donne, soit directement la vitesse de rotation de la vis, on parle alors de turbine rapide, soit la turbine est équipée d’un motoréducteur, on parle alors de turbine lente. Le rotor crée des gerbes en dehors du plan d’eau, gerbes qui retombent chargées en oxygène de l’air occasionnant des remous et donc un brassage des eaux usées. Le choix entre ces deux grandes familles d’aérateurs dépend de nombreux facteurs, mais aussi du montant de l’investissement initial accordé par la collectivité ou l’opérateur.
« La physique montre simplement que plus le diamètre est important, plus on peut atteindre des hauts rendements, explique Alain Mineur, Manager chez KAMPS. C’est prouvé depuis plus de 40 ans. Bien entendu, quand le diamètre grandit, c’est la vitesse de rotation qui diminue, et pour cela il faut un réducteur. Donc le choix entre les turbines rapides, moyennes vitesses, lentes ou ultra lentes, est un compromis entre les aspects économiques et les aspects de rendement. Actuellement, l’intérêt des grandes turbines revient car le client donne plus d’importance au rendement énergétique. C’est la position de KAMPS qui ne fait que des très grands diamètres pour une capacité d’oxygénation donnée ».
Vitesse lente ou rapide ?
Ils reposent en effet sur une technologie plus complexe, du fait qu’ils intègrent un motoréducteur qui permet de passer d’environ 1.000 à 1.500 tours/minute à moins de 100 tours/minute.
Certains équipements tels que l’Oloïde de Inversions Technik commercialisé en France par Ozeau, bien que tournant à seulement 40 ou 80 tours/min, ne comporte pas ce type de réducteur. Ils ne permettent qu’une oxygénation modeste (0,25 kgO2/h pour l’Oloïde 400 avec une puissance de seulement 250 W), mais néanmoins suffisante pour certaines applications telles que l’aquaculture. Pour les bassins des stations d’épuration ou les lagunes, l’Oloïde est néanmoins préconisé par Inversions Tecnik en complément d’autres équipements immergés. « La vocation première de l’Oloïde est de brasser et d’homogénéiser un milieu liquide, explique Jean Grunenberger chez Ozeau. C’est-à-dire favoriser le contact entre des composés de densités différentes (boues, air, pollutions) grâce à un mouvement tri-dimensionnel et pulsatoire qui favorise la mise en suspension de manière générale. L’action de l’Oloïde consiste également à augmenter le temps de séjour de la bulle dans l’eau, avec l’impulsion d’une vitesse horizontale et d’un mouvement rotatif de la bulle. Cela permet d’optimiser l’oxygène apporté par un appareil complémentaire ».
La station d’épuration de Mexico est ainsi équipée de 12 Oloïdes fonctionnant en complément d’aérateurs à turbine. En lagunage, l’utilisation de l’Oloïde améliore le brassage de l’ensemble du bassin. La masse d’eau est intégralement brassée jusque dans les moindres recoins, il ne reste aucune zone stagnante.
Tout est fonction des besoins.
Aquago développe par exemple des brasseurs et aérateurs autonomes en énergie (Sungo) pour les plans d’eau, lagunages naturels ou industriels, réservoirs d’eau potable et réserves de production de neige de culture. Ces aérateurs par brassage lent mettent en mouvement la masse d’eau afin d’éliminer les zones mortes, augmenter les taux d’oxygène dissous, contrôler les odeurs liées à l’anoxie, ce qui leur permet d’augmenter les capacités de traitement des lagunages et de lutter contre l’eutrophisation des plans d’eau. Ces brasseurs autonomes solaires permettent d’éviter les travaux de raccordement au réseau électrique en économisant sur la consommation électrique annuelle qui, pour les aérateurs conventionnels, peut excéder les coûts d’achat du matériel. Sur certaines application, ou en complément des aérateurs conventionnels, ils permettent une meilleure répartition de l’oxygène dissous.
Mais comme toujours, le coût à l’achat n’est pas forcément déterminant. « Les aérateurs à vitesse lente sont plus chers à l’achat mais ils sont plus efficaces en terme d’oxygénation », assure Vincent Midy, directeur général adjoint d’Europelec. En effet, l’efficacité d’oxygénation, calculée en kgO2/kW absorbé, est d’environ 2 pour les aérateurs à vitesse lente (2,5 pour les turbines BSK de Biogest international commercialisées par Atlantique Industrie) contre environ 1 pour ceux à vitesse rapide comme l’Aquafen d’Europélec formé d’une tuyère équipée d’un système anti-vortex et une hélice ou d’une vrille selon les caractéristiques recherchées. Le vortex serait-il l’ennemi de l’efficacité d’aération ? Tout dépend où il apparait. S’il risque de survenir dans l’eau, il faut le contrecarrer. Mais s’il se crée dans l’air, c’est un plus. L'arbre de l’aérateur WBL d’Isma-Fuchs étant en partie immergé, l'hélice à pas hélicoïdale génère ainsi un phénomène de vortex, qui occasionne une dépression dans le tube et une aspiration d'air de l'extérieur. L'air est brassé vigoureusement et transformé en fines bulles projetées vers le fond de la lagune. C’est aussi le mode de fonctionnement de l’Hydropulse de Faivre, un hydro-éjecteur à turbine déprimogène tournant à 3.000 tours/minute dans lequel l’air qui arrive par le tube de guidage est aspiré au centre de l’hélice par un effet Venturi. « L'Hydropulse est adapté aux bassins d'épuration de grandes dimensions, souligne Louis-Fabien Lucas, Ingénieur traitement des eaux chez Faivre. Très performant, il assure à la fois l'oxygénation de l'eau et son brassage. Dans le cas de DBO et DCO à traiter très importantes, l'hydro-éjection pourra être couplée avec le système de surface Flopulse pour renforcer la quantité d'oxygène injectée. Outre son rôle épurateur, l'Hydropulse évitera l'apparition des mauvaises odeurs et assurera le bon déroulement de la nitrification par restauration de processus aérobies ».
Privilégier l’étude de terrain
L’axe de rotation des aérateurs de surface est le plus souvent vertical, mais il peut être aussi horizontal, par exemple dans le cas des ponts-brosses qui balaient l’eau en la projetant en aval avec la fraction immergée de leurs pales. Ceux fabriqués par KAMPS sont constitués d’un axe horizontal en acier ultra-résistant sur lequel est fixée une série de disques faits d’étriers boulonnés ensemble. Mais comme les ponts brosses Passavant d’Aqseptence ou les Landy de Landustrie, ils ne sont préconisés que pour des bassins de faibles profondeurs (3,5 m pour le Landy 700).
« Dans les bassins plus profonds, jusqu’à 8 m, l’opération de mélange est renforcée par des hélices immergées qui autorisent en outre une alternance entre les périodes d’aération et les périodes de brassage strict, explique-t-on chez Aqseptence. La mise en œuvre de déflecteurs immergés judicieusement disposés à l’aval des rotors permettra d’élever sensiblement l’apport d’oxygène et le rendement énergétique global du dispositif ».
« De plus, il existe des contraintes d’espace imposées par leur mode de fonctionnement qui nécessite la construction de réservoirs de forme particulière ayant une surface spécifique très importante, explique Claudio Sereni, Gérant de SCM Tecnologie. Ces raisons rendent cette technologie, bien que très performante, peu attrayante pour les nouvelles installations et incitent les exploitants à remplacer les aérateurs brosses existants par des technologies plus récentes lorsqu'ils agrandissent ou restructurent leurs stations d’épuration ». Un exemple a été donné dans le numéro 400 de votre revue avec le remplacement des ponts-brosses par un système à vis hélicoïdal Isma-Fuchs à la station d’épuration de Corbie, gérée par la Communauté de communes du Val de Somme, une station de type boues activées d’une capacité de 15.000 EH.
Certains fabricants ont opté ni pour l’axe vertical, ni pour l’axe horizontal, mais oblique comme l’aérateur à vis hélicoïdale WBL de Isma-Fuchs, le nouveau Hydropulse de Faivre ou l’Oloïde d’Ozeau (Inversions Tecnik). En atteignant l’hélice, l’air est transformé en fines bulles dirigées vers le fond du bassin en évitant la création de gerbes d’eau, et donc la production d’aérosols et de bruit, les deux étant liés. Car le bruit et la projection d’aérosols sont des nuisances qu’il faut s’attacher à éviter. Tant que la station d’épuration est située loin des zones habitées ou industrielles, les exploitants s’en soucient peu, hormis pour la protection de leurs employés. Mais les phénomènes de pressions urbaines s’accentuant, les fabricants ont mis sur le marché des systèmes de capotage d’insonorisation qu’ils proposent bien souvent en option.
Et la maintenance ?
Sur le plan de la maintenance, les aérateurs de surface à turbine rapide sont réputés les plus sûrs car dépourvus de motoréducteur, ils sont, en théorie, moins sujets aux risques de pannes. Isma-Fuchs annonce par exemple que la maintenance des modèles WBL se limite au remplacement des roulements des paliers du moteur électrique tous les 25 à 30.000 heures de fonctionnement, ce qui, sur le terrain, a pu être vérifié. La durée de vie des paliers de l’EC Eau Turbine, commercialisée par Atlantique Industrie, est de 100.000 heures, tout comme l’AIRMAX de KAMPS, avec une vidange tous les quatre ans.
Mais sur le long terme, le risque concerne également les flotteurs, souvent constitués de polyester empli de polyuréthane. Comme ils peuvent être endommagés, les fabricants tentent d’en créer de plus solides.