Depuis plusieurs années, les filtres compacts et les microstations grignotent des parts de marché en assainissement non-collectif. Devant la profusion de produits disponibles sur le marché, les solutions se diversifient pour pouvoir coller au mieux aux attentes des clients. Sur le plan technique, pas de grande révolution, mais une multitude d’améliorations permettant de sécuriser le fonctionnement en allégeant l’entretien et la maintenance, clé de la pérennité des installations.
Quand aucun raccordement au réseau de collecte des eaux usées n’est possible, un propriétaire doit pouvoir traiter ses eaux usées de façon autonome. Surtout quand il s’agit de maisons individuelles. Depuis longtemps, les 5 millions d’habitations concernées en France ne peuvent faire n’importe quoi. Au début du XXe siècle, il fut interdit de rejeter ses eaux usées dans des puisards (ou puits perdu). Sous la montée des préoccupations environnementales, la réglementation a évolué de façon régulière par étapes successives, notamment en 1996 puis 2009. L’assainissement individuel ou assainissement non collectif (ANC) obéit aujourd’hui à règles très précises.
Des règles très précises
En effet, l’arrêté du 7 septembre 2009, modifié par l’arrêté du 7 mars 2012, fixe les prescriptions techniques applicables aux installations d’assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique inférieure ou égale à 1,2 kg/j de demande biochimique en oxygène mesurée à cinq jours (DBO5). Bien entendu, le nombre d’habitants peut être variable au sein d’une habitation. C’est pourquoi il est usuel d’utiliser la notion d’équivalent habitant (EH) en intégrant, en matière de dimensionnement, la norme Afnor NF P16-006. Cette valeur est directement fonction du nombre de pièces principales (salle à manger, salon, chambres), sauf si le nombre de pièces est disproportionné par rapport à celui des habitants. Dans le cas des hôtels, campings et autres lieux accueillant du public, c’est la capacité d’accueil qui détermine le nombre d’EH. Selon les textes officiels, les installations d’assainissement non collectif « ne doivent pas porter atteinte à la salubrité publique, à la qualité du milieu récepteur ni à la sécurité des personnes. Elles ne doivent pas présenter de risques pour la santé publique. En outre, elles ne doivent pas favoriser le développement de gîtes à moustiques susceptibles de transmettre des maladies vectorielles, ni engendrer de nuisance olfactive. Tout dispositif de l’installation accessible en surface est conçu de façon à éviter tout contact accidentel avec les eaux usées ».
Les installations d’assainissement non collectif ne doivent pas non plus présenter de risques de pollution des eaux souterraines ou superficielles, particulièrement celles prélevées en vue de la consommation humaine ou faisant l’objet d’usages particuliers, tels que la conchyliculture, la pêche à pied, la cressiculture ou la baignade.
Trois grandes familles de filières
Il existe actuellement trois grandes familles de filières susceptibles de répondre aux exigences de la réglementation. La plus ancienne - et la plus commune - regroupe les filières dites traditionnelles qui utilisent le sol en place comme moyen de traitement. Typiquement, une fosse toutes eaux permet de décanter les eaux usées, avant que l’eau, plus claire, ne soit filtrée en percolant dans le sol, qu’il soit drainé, reconstitué ou planté de joncs ou de roseaux. La surface nécessaire à cette étape de filtration est importante : entre 40 et 100 m² pour un système valable pour 5 EH. C’est cet inconvénient qui a incité les fabricants à développer de nouvelles solutions : les filtres compacts et les microstations. Mais contrairement aux filières traditionnelles, ces filières, plus compactes, doivent être agréées par les organismes notifiés que sont le CERIB ou le CSTB. Ils existent depuis 2010, date de mise en place des premiers agréments. Aujourd’hui, ce sont ces dispositifs qui ont le vent en poupe, même si, sur les 100 000 systèmes installés chaque année, 62.000 reposent encore sur des filières traditionnelles, le reste étant réparti de manière sensiblement équivalente entre les deux filières agréées.
En France, une soixantaine de fabricants proposent des solutions compactes. Ils sont regroupés au sein de l’IFAA comme Biorock®, DBOexpert, Premier Tech, Sotralentz, Sebico, Stradal, Tricel, Simop ou STOC Environnement ou à l’APMS comme Kessel ou Aliaxis. Alors que le marché était auparavant segmenté entre fabricants de filtres compacts et fabricants de microstations, il tend aujourd’hui à s’unifier, chacun s’efforçant de proposer les deux familles de filières compactes pour pouvoir répondre à l’ensemble des besoins.
Le fonctionnement du filtre compact est assez simple : l’effluent arrive dans le filtre de façon gravitaire au fil de l’eau ou via une chasse à auget. L’eau s’écoule et percole sur le media filtrant et est épurée lors de son passage sur le lit bactérien préalablement développé sur le matériau. Mais le procédé n’est pas aussi rustique qu’il y paraît : l’épuration sera d’autant efficace que l’eau passe suffisamment de temps sur le lit bactérien (temps de séjour) et que l’air circule facilement au sein du massif filtrant pour apporter l’oxygène nécessaire aux bactéries et évacuer les gaz émis. Ces conditions d’écoulement de l’eau et de l’air dans le massif filtrant sont fortement influencées par la taille effective du média, élément clé du procédé, par sa porosité et par la capacité d’absorption/adsorption du media filtrant.
La microstation repose sur un fonctionnement similaire à celui d’une station d’épuration biologique classique. Généralement, une première cuve permet de décanter les eaux usées, les boues s’accumulant au fond, puis l’eau décantée passe dans un réacteur biologique dans lequel des bactéries aérobies libres ou fixées sur des supports consomment la pollution en absorbant l’oxygène apporté par un compresseur d’air. Les boues résultantes sont redirigées vers le décanteur primaire, tandis que les eaux clarifiées sont rejetées au milieu naturel via une infiltration dans le sol. C’est sur ce principe que fonctionnent l’Aquamax® d’ATB, l’Oxyfix® d’Eloy Water, Biofrance® d’Epur ou la microstation mono-cuve Topoxy® de STOC Environnement.
D’autres technologies, comme celle développée par Graf sur sa microstation easyOne, reposent sur une cuve SBR unique.
Comme cette filière nécessite l’apport d’électricité, elle n’est pas éligible à l’éco-prêt à taux zéro, financé par l’État.
D’autre part, elle n’est pas toujours adaptée à l’assainissement des résidences secondaires, car la flore bactérienne doit toujours être en activité, ce qui, a priori, devrait exclure un fonctionnement par intermittence. Certaines microstations, comme par exemple Biofrance® d’Epur ou la PureStation® PS6 d’Aliaxis, ont cependant montré qu’elles pouvaient supporter une intermittence courte, c’est-à-dire traiter les effluents d’une habitation dont les occupants ne sont présents que le week-end (Voir EIN 393).
Différence importante entre les deux filières, la sortie de l’eau claire se fait par le haut dans les microstations et par le bas dans les filtres compacts. La pente du sol et la présence ou non de la nappe phréatique affleurant la surface sont donc des éléments importants du choix.
Des optimisations régulières
L’apparition de ces filières agréées étant relativement récente, la recherche et le développement apportent régulièrement des améliorations à chacune de ces filières.
La tendance est à la protection de l’environnement et des milieux sensibles. Comme le média filtrant des filières compactes doit être changé régulièrement, il faut savoir que faire des déchets. « La durée de vie et la compostabilité d’un media en fin de vie devraient être des conditions sine qua non du choix de la filière », prévient François Le Lan chez Tricel. La laine de roche reste appréciée pour sa capacité à constituer des filtres très compacts. Les médias organiques progressent. La boxEparco utilise par exemple des écorces de pin maritime même si le filtre historique d’Eparco reste basé sur la zéolite. Les filières Ecoflo® de Premier Tech Aqua ou encore Stratepur® de Stradal reposent sur des copeaux de coco, tandis que Tricel utilise pour son filtre Seta® de la fibre de coco (fibres intérieures des noix de coco). Simop avec Bionut® mise sur des coquilles de noisettes, et Eloy Water sur la xylit, une fibre naturelle dérivée du bois sous-produit de l’extraction du lignite, pour son filtre X-Perco.
Ouest Environnement a choisi de son côté de rester fidèle à la zéolithe, un média qui a fait ses preuves et dont la durée de vie moyenne approche les 25 ans. Pour sa filière Biofrance Passive®, Epur a opté pour un brûlé d’argile, un produit naturel non biodégradable, pérenne et sans nécessité de remplacement, mécaniquement résistant, imputrescible, qui ne présente pas de coefficient de tassement et ne nécessite pas de sarclage. Sa densité adaptée permet une optimisation de la percolation et de l’oxygénation. De plus, l’organisation des structures du brûlé d’argile qui compose le substrat de percolation permet une oxygénation multidirectionnelle sans nécessiter d’énergie.
Biorock® a également opté pour un média minéral, que ce soit pour ses Monoblock, des solutions compactes associant le traitement primaire et le traitement secondaire en une seule et même cuve, ou les Ecorock-Solution, des filières composées de deux cuves. « Contrairement aux supports d’origine végétale, le média minéral inerte Biorock® ne se désagrège pas dans le temps. Il offre une surface d’accrochage bactériologique importante et nécessite très peu d’entretien », assure Emanuelle Delormes de Biorock®.
Les autres évolutions concernent la maintenance, la facilité d’entretien des critères clés pour assurer la pérennité des installations (voir article p. 78). La Bioxymop nouvelle génération (6 EH) de Simop, issue de plusieurs années de recherche et développement, illustre bien cette tendance. Encore plus simple d’utilisation, elle est dotée d’un décanteur XXL de 3 m³ permettant d’espacer les vidanges. La consommation d’énergie, quoique peu importante, fait également l’objet de soins attentifs. La troisième génération d’Oxyfix, sortie en 2015 par Eloy Water traduit bien ses optimisations.
« Ce sont des évolutions techniques comme des changements de matériaux afin d’assurer plus de résistance structurelle, de moteur pour réduire la consommation électrique, ou ralentir le rythme des vidanges. Le but est de traiter autant en diminuant le coût de fonctionnement », explique Pierre Bemelmans chez Eloy.
Des solutions bien adaptées au semi-collectif
Ces filières d’assainissement non collectif ne se limitent pas au seuil des 20 EH. Mais au-delà, la réglementation applicable change. L’arrêté du 21 juillet 2015, applicable depuis le 1er janvier 2016, insiste sur l’autosurveillance de ces installations semi-collectives, la prise en compte le plus en amont possible des eaux pluviales afin qu’elles ne se mélangent pas aux eaux usées à traiter et indiquent les conditions de gestion et de suivi des boues résiduelles.
Coté microstations, Tricel, Graf, Hydrheco, Stradal, Eloy, Sebico, Epur, L’Assainissement Autonome, Kessel, Biorock®, Sotralentz, BioKLar ou encore Obio ont développé des versions XL, voire XXL de leurs microstations, capables de traiter jusqu’à 50 EH et dans certains cas au-delà. C’est par exemple le cas des microstations d’ATB avec Aquamax® Classic Z de 21 à 50 EH et Aquamax® Pro G et XL de 51 à 250 EH. Elles fonctionnent selon le principe des boues activées (SBR) avec des cycles de 8 heures comprenant 6 heures durant lesquelles les cuves se remplissent, les eaux se mélangent, s’aèrent, décantent et sont évacuées, puis 2 heures de repos pour permettre la sédimentation des boues. L’AQUAmax® Professional XL (jusqu’à 1.000 EH) a été développée pour les petits lotissements et villages ainsi que pour la restauration, l’hôtellerie, voire les petites industries. Sa conception illustre l’attention portée par les fabricants sur l’allègement de l’entretien et de la maintenance. Ses “ensembles flottants” modulaires, extractibles de l’extérieur, permettent de sécuriser le fonctionnement en réattribuant la répartition des tâches en cas de panne grâce à un système de détection intelligent. Dans ce cas, l’intervention en urgence de techniciens spécialisés n’est plus une nécessité, la réparation est tout simplement réalisée lors de la prochaine visite de maintenance.
Les filtres compacts, seuls agréés en intermittence, sont également adaptables au semi-collectif car des astuces permettent d’augmenter leur utilisation jusqu’à 200 voire 400 EH. Une bonne solution pour les hôtels, campings, golfs, bases de vie et autres établissements recevant du public de façon intermittente. La modularité est un atout supplémentaire et une autre façon de faire face aux variations de fréquentation. « Le filtre compact Biomeris® est adapté jusqu’à 20 EH mais est adaptable au-delà, assure Fabrice Mouton, chez Sebico. Il suffit de mettre plusieurs Biomeris® en parallèle ». C‘est également le concept de Biorock® qui propose des solutions modulaires pour le semi-collectif de 30 à 200 EH. Il s’agit d’une fosse toutes eaux et de plusieurs unités de traitement Ecorock® montées en parallèle.
Mais certains fabricants proposent des solutions spécialement développées pour le semi-collectif. C’est le cas d’Epur avec Biofrance® (jusqu’à 2.000 EH), de Tec’Bio avec une gamme de mini-stations modulaires plug & play de 21 à 600 EH de Premier Tech avec ses filières Coco, SBR, etc..., ou encore de NEVE Environnement avec HYBRIDO© (de 25 à 1.200 EH) une solution combinant un filtre planté à une microstation. L’association de ces deux technologies permet de répondre aux problématiques de variations de charge ou d’intermittence par exemple. Le concept répond également aux problèmes de surcharge ou de sous dimensionnement auxquels les campings, lotissements, hôtels ou encore centres de vacances peuvent être confrontés.
Mais dans tous les cas, l’entretien, la maintenance et l’exploitation, notamment la surveillance régulière des paramètres fonctionnels, sont essentiels.