Dans le domaine de l’assainissement non collectif, les filières dites traditionnelles représentaient encore en 2014 78 % des dispositifs réalisés avec une tendance à la baisse puisqu’ils avoisineraient les 55 % en 2017. Mais quand une réhabilitation s’impose, que faire et comment le faire ? Deux solutions s’offrent aux usagers?: soit conserver le dispositif traditionnel, soit le remplacer par une installation agréée. Quelles sont les raisons motivant l’une ou l’autre option ? Tour d’horizon.
D’après le syndicat des Industries et entreprises Françaises de l’Assainissement Autonome (IFAA), il s’est précisément vendu 88.397 dispositifs d’ANC en France en 2014, avec, dans le détail, 68.771 installations dites traditionnelles et 19.626 équipements agréés. Comptabilisant environ 78 % du total des commercialisations, les filières traditionnelles restent donc largement majoritaires.
Mais comme toute installation d’assainissement non collectif, elles peuvent être soumises à réhabilitation dans certaines situations : « Plusieurs raisons peuvent motiver, voire imposer une rénovation : le contrôle réglementaire du Service public d’assainissement non-collectif, (SPANC) qui constatera un besoin éventuel de travaux, ou une visite d’entretien réalisée par une société de maintenance qui en arrivera au même constat », explique Jérémie Steininger, secrétaire général de l’IFAA. « Des nuisances provoquées par une installation en mauvais état ou en fin de vie peuvent également attirer l’attention du particulier. Mais le plus souvent, ce sont les transactions immobilières qui débouchent sur la réalisation de travaux de rénovation ». Le SPANC préconise au propriétaire de réaliser des travaux de rénovation dans un délai de 4 ans, qui tombe même à un an si la propriété est mise en vente.
L’étude à la parcelle, une solution éclairante
Suite au constat établi par le SPANC ou le vidangeur, le contact avec un installateur ou un bureau d’études se met en place. Pour y voir plus clair, le particulier peut en effet solliciter un bureau d’études spécialisé dans la ressource en eau et l’assainissement, afin que celui-ci effectue une étude dite à la parcelle. André Coelho, gérant du bureau d’études EACS (Eau, Assainissement, Conseil et Services), détaille le rôle et l’intérêt de cette étape : « Une étude de conception prend en compte un ensemble de données techniques et de caractéristiques relatives à l’habitation, à la superficie, à la topographie, à la nature et à la composition du sol, bref à l’environnement et aux contraintes locales. Nous proposons tout ce qui est possible techniquement, en présentant les avantages et les inconvénients pour chaque solution. Le but étant de mettre en adéquation les desiderata du client avec les possibilités envisageables sur le plan technique ».
Les bureaux d’études sont donc là pour prodiguer un conseil le plus objectif possible. L’étude à la parcelle est perçue comme un élément technico-économique permettant à l’usager de faire un choix éclairé. Puis les installateurs, en fonction des recommandations formulées par le bureau d’études, vont proposer différents modèles de filières d’ANC au particulier. « Les dispositifs agréés ne nécessitent pas d’étude de sol car l’épuration ne dépend pas du type de sol, précise cependant Sébastien Louvet chez mon-assainissement.fr. Une étude de perméabilité suffit pour vérifier la capacité d’infiltration du sol pour rejet les eaux traitées. C’est aussi pour éviter les frais liés à l’étude de sol que les particuliers s’orientent vers les filières agréées ».
« Dans tous les cas, la décision finale appartient à l’usager, décision qui doit bien évidemment être conforme à la réglementation », précise Stéphane Bavavéas, président d’Eparco.
Quelle surface pour son assainissement ?
Mais dès lors qu’une réhabilitation doit être réalisée, comment procéder ? « Quand l’usager doit rénover son ANC, il doit se poser deux questions : qu’est-ce que je peux faire et qu’est-ce que je veux faire », précise Luc Lary, directeur stratégie produits chez Sebico. « La notion de surface est primordiale : c’est le premier critère à prendre en compte. Ensuite intervient la capacité de l’habitation, traduite en EH, et de son évolution dans le temps ; ceci pour déterminer la taille du système à installer. S’ajoutent à cela les contraintes de la parcelle, ainsi que la notion environnementale : on prend en compte la proximité ou non d’une nappe phréatique, et les capacités épuratoires du sol pour traiter et filtrer les eaux usées, avec notamment son coefficient de perméabilité et sa nature ».
L’usager doit cependant aussi se demander quelle surface il veut consacrer à son assainissement. Il s’agit également d’étudier la technicité du produit, qui se caractérise par plusieurs critères : le bon dimensionnement du stockage de boues, la consommation énergétique, ainsi que l’entretien et la maintenance. Par ailleurs, la notion d’accessibilité au site est non-négligeable : il faut effectivement penser à l’acheminement des engins de terrassement et des matériaux, à l’évacuation des déblais engendrés par le chantier, et plus tard aux opérations de maintenance.
La pérennité de l’installation
Une question primordiale au moment du choix est également le devenir de l’installation après un certain nombre d’années. Toutes les stations, quelle que soit la filière choisie, ont une durée de vie limitée, ne fût-ce qu’au niveau des médias filtrants utilisés comme le sable, le xylit ou le coco. Olivier Eloy, administrateur délégué d’Eloy Water, précise : « Quand le particulier installe une solution ANC, il doit se demander quel sera le devenir de son média après 10, 15 ou 20 ans car ils ont tous une fin de vie. Certains de ces médias pollués sont compostables, comme le xylit, mais les autres non acceptés par des centres de compostages doivent soit être laissés sur place, retraités, incinérés ou enfouis ailleurs. Dans ces derniers cas, on rate totalement la mission de l’assainissement et du respect de la nature dans son sens le plus noble et la facture initiale pour l’utilisateur est gravement alourdie sans que cela n’ait été prévu à l’installation ».
L’entretien, une étape indispensable
Car s’il est un sujet désormais incontournable dans le domaine de l’assainissement non collectif, quel que soit le type de filière retenue, c’est bien celui de l’entretien et de la maintenance, qui doivent être impérativement assurés pour éviter tout problème. Pour bénéficier d’un fonctionnement optimal de son installation, l’usager doit l’entretenir, soit en assumant toutes les démarches, soit en souscrivant, volontairement, un contrat d’entretien. Une négligence prolongée peut déboucher sur une réhabilitation forcée. Néanmoins, si toutes les études, dont celle publiée par l’Irstea au mois de septembre dernier (Voir EIN n° 404) ou celle réalisée par le Satese d’Indre et Loire (Voir EIN n° 404) démontrent que toutes les installations, quelle que soit leur nature, requièrent un entretien régulier, toutes les filières ne nécessitent pas le même entretien : chacune en a besoin, mais de manière différente et à une fréquence dépendant de la configuration en présence.
Rénover en conservant…
Toujours est-il que l’importance de la rénovation dépendra du constat : lorsqu’il s’agit de dégâts marginaux (comme des regards endommagés), la réhabilitation intégrale ne se justifie pas. « Il est en réalité assez difficile de parler de réhabilitation partielle, car la plupart du temps on entend par là le remplacement de consommables, comme les couvercles de boîtes », tempère Jérémie Steininger. « Mais il est évident que réhabiliter seulement une partie de l’ANC revient moins cher que d’en rénover la totalité », assure Pascal Bombardieri, gérant de Stoc Environnement. Et c’est aussi, en théorie, la solution la moins contraignante en termes de temps et de travaux. En revanche, cette option risque malgré tout de conduire à une rénovation totale du système si le reste de l’assainissement présente une non-conformité ou des dysfonctionnements. Mais dans le cas d’une réhabilitation intégrale, quel choix faut-il faire entre une installation traditionnelle renouvelée et une filière agréée ?
…ou rénover en remplaçant
Les installations traditionnelles requièrent une emprise foncière importante, la logique extensive joue donc en leur faveur.
« Nous pensons que cela joue en leur défaveur, car l’emprise au sol est énorme et en plus, elle doit éventuellement se répéter au remplacement du sable souillé » estime-t-on cependant chez Eloy Water.
Mais les filières compactes subissent la contrainte de l’entretien-maintenance, parfois jugée plus lourde que pour les équipements traditionnels. « Les différences de coûts entre les filières traditionnelles et agréées sont à relativiser », assure pourtant Jérémie Steininger. « En fait, l’aspect financier est à considérer en fonction de la robustesse du système, des travaux d’installation et des contraintes d’entretien-maintenance ». Doit également être pris en considération le cahier des charges de l’Agence de l’eau dont dépend le particulier.
Depuis leur lancement, les systèmes agréés auraient pour but théorique de conférer davantage de garanties et de sécurité que les filières traditionnelles. « En fait, les filières agréées se traduisent par des solutions standardisées, industrialisées, au fonctionnement plus intensif et aux dimensions plus compactes, ce qui leur permet de trouver plus facilement leur place en réhabilitation qu’en installations neuves », précise Stéphane Bavavéas chez Eparco, spécialisé dans les filtres compacts depuis plus de 40 ans.
Les atouts des filières compactes doivent être toutefois nuancés, car il semblerait que leurs coûts induits soient plus élevés qu’estimé a priori, avec notamment les phases de terrassement et d’évacuation des déblais, sans oublier l’acheminement du matériel sur site en fonction de la filière choisie. André Coelho, EACS, abonde en ce sens : « A l’heure actuelle, les filtres compacts représentent certes un choix plus économique que les filtres à sable, notamment en raison du prix croissant de ce dernier, et de ses contraintes de transport et de mise en œuvre. Mais des filières agréées comme les microstations ont des exigences propres : leur maintenance peut s’avérer tout de même assez lourde à assumer dans le temps ».
Eloy Water fait cependant valoir un point de vue différent. « En terrassement pour une filière compacte, on parle de quelques m³ contre plusieurs dizaines pour un filtre à sable. Les coûts de terrassement et de remblais/déblais sont donc nettement en défaveur du filtre à sable, indique Nicolas Schroeder. Par ailleurs, en matière d’entretien, si l’on considère ce qui n’est jamais fait en filières traditionnelles, notamment les coûts de réhabilitation des médias souillés comme le sable, les coûts de maintenance s’envolent. Ils sont donc nettement en faveur des filières agréées et plus encore si l’on prend en compte l’empreinte carbone des médias qui sont compostables ». D’où la démarche proactive initiée par certains fabricants de microstations comme Eloy Water, Tricel ou encore Kingspan pour simplifier leurs produits tout en renforçant l’accompagnement technique autour de l’utilisateur. « Chez Eloy Water, il nous a semblé primordial de se pencher dès le départ sur le devenir des médias de nos filtres compacts pour le respect des usagers et de l’environnement, indique Nicolas Schroeder, directeur commercial France. Le Xylit est donc, lui, compostable, selon la norme NF U44 095 ».
Tricel, qui depuis des années affiche le slogan « simple - robuste - fiable », distribue ses produits par un réseau de concessionnaires exclusifs. « Ces Partenaires Tricel ne se contentent pas de livrer sur chantier les microstations d’épuration et filtres compacts Tricel sur leurs secteurs respectifs, souligne François Le Lan. Ils en assurent aussi systématiquement la mise en route, expliquent à cette occasion le fonctionnement du dispositif à l’usager, et proposent des contrats d’entretien avec visite annuelle et, si nécessaire, le SAV. Un système bien rôdé qui couvre tout le territoire hexagonal ». Phytoplus renforce également l’accompagnement technique autour de l’utilisateur au travers de sa microstation Stepurbio et de sa Connexion Box qui permet 100 % de traçabilité : des alertes informatiques sont ainsi envoyées aux particuliers afin de rappeler à date anniversaire des conseils de bon usage.
Renforcer l’accompagnement technique
En fait, il n’y a aucun intérêt à opposer les filières traditionnelles aux systèmes compacts ou à promouvoir les unes par rapport aux autres. Chaque famille d’installations possède ses avantages et ses inconvénients, en fonction des caractéristiques et de la configuration globale du site. Au bout du compte, il n’existe pas de solution parfaite, encore moins de solution idéale ; il s’agit en réalité de trouver la meilleure adéquation possible entre les caractéristiques du terrain et ce que souhaite faire l’usager en parfaite connaissance de cause.
« L’usager ne doit pas prendre sa décision en fonction d’un tarif, faute de quoi il a de grandes chances d’être insatisfait dans la durée, mais bien en fonction de la meilleure équation budget, contraintes, simplicité et performance épuratoire, et ceci sur le très long terme », précise Rodolphe Godet chez Dbo Expert France qui distribue L’Enviro))Septic, une technologie se situant entre les filières traditionnelles et les filières agréées.
C’est pourquoi l’objectif prioritaire de la profession est de faire correctement circuler l’information, et de renforcer l’accompagnement technique des particuliers.
« Les associations de consommateur se plaignent de voir nombre de leurs adhérents utilisateurs découvrir a postériori les contraintes techniques, sanitaires et financières des dispositifs qui leur ont été placés, souligne Marcel Hartenstein chez Epur. À titre d’exemple, le CLCV devient un acteur proactif dans les centres de réflexion et c’est une bonne chose car les dispositifs d’assainissement sont des éléments de construction qui devront sur le long terme être suivis en termes de maintenance, voire de réhabilitations lourdes pour certaines filières non pérennes ».
Dans la conception de ses filières, outre la pérennité des performances et des équipements, Epur intègre les notions constructives nécessaires pour assurer la sécurité sanitaire des prestataires de maintenance et des utilisateurs. Pour assurer un service après-vente de qualité, l’entreprise mise sur un réseau d’une cinquantaine de prestataires accrédités au travers tout le territoire national. « Ils ont suivi les formations de notre Centre de Formation Maintenance pour l’ensemble de nos gammes et sont tous signataires de notre Charte Qualité Maintenance », souligne Marcel Hartenstein.
Même son de cloche chez Kinsgpan, inventeur en 1974 de la BioDisc, première microstation d’épuration au monde à traiter les eaux usées en utilisant la technologie des disques biologiques. « Au cours de ces 40 dernières années, nos produits n’ont cessé d’évoluer afin de satisfaire les exigences les plus strictes en matière de qualité de rejet de par le monde, souligne Sébastien Atlan, Country Manager chez Kingspan France. Les diverses avancées technologiques du marché montrent un niveau assez élevé d’avancement et la plupart des filières y trouvent aujourd’hui leur place. Il est donc temps de concentrer nos efforts vers l’utilisateur en lui offrant des services simples et rassurants. Nous avons aussi un rôle de conseil sur le terrain afin de sensibiliser le grand public à la bonne utilisation des dispositifs de traitement ».
Au sein de ce secteur d’activité, qui se technicise, se structure et se professionnalise de plus en plus, une sécurisation tant juridique que technique des systèmes d’ANC est souhaitée par l’ensemble des acteurs.