Les enregistreurs autonomes ou «data loggers» envahissent progressivement les réseaux d’eau potable et d’assainissement. À quoi servent-ils ? Comment fonctionnent-ils ? Comment évoluent-ils ? État des lieux.
Ils sont développés par de nombreux fabricants parmi lesquels Perax Technologies, Lacroix Sofrel, Ijinus, Hydreka, nke Instrumentation, SDEC, Sewerin, C2AI, PLM Equipements ou encore Prosensor. Et ceci pour des applications très diverses, en eau potable, en assainissement, ou en eaux industrielles.
En eau potable, ils sont présents à toutes les étapes des process de production et de distribution. Implantés sur les réservoirs de stockage, sur les conduites de distribution, dans les postes de réduction de pression ou de relevage, près des vannes, ils interagissent de manière autonome en surveillant un ou plusieurs paramètres ou accompagnent des débitmètres, capteurs de niveau, enregistreurs sonores… Côté assainissement, ils sont installés sur les déversoirs et bassins d’orage, sur les collecteurs et les points de délestage. Ainsi associés aux capteurs d’H2S, de qualité de l’eau (chlore, pH, conductivité, turbidité), aux pluviomètres… Ils participent au dimensionnement des réseaux, à leur exploitation, à la prévention des rejets, à la détection de pollutions et à la préservation de leur intégrité. Pour préserver les réseaux des risques de casse, Digital Utility exploite ainsi les capteurs Syrinix pour accompagner les exploitants dans la mise en œuvre d’un système de détection et dans l’analyse des régimes transitoires de pression.
Mais ils ne se contentent pas d’enregistrer et de communiquer des données brutes en une sorte de flux continu. Parce qu’ils sont programmables, ils ajustent leur mode (seuil, comptage…) et leur rythme d’acquisition afin de transmettre des informations adaptées à chaque situation. Ainsi, sur un réservoir, le data logger ne va pas se contenter d’envoyer des données sur la hauteur d’eau, il peut également déclencher des alertes si le niveau est trop bas. En cas de coup de bélier, le rythme d’acquisition de la pression s’accélère et atteint quelques millisecondes. Afin de détecter des fuites, les data loggers n’enregistrent les bruits que pendant quelques minutes chaque nuit.
Anatomie d’un data logger
On n’utilise pas dans un réseau un instrument qui n’a pas été spécifiquement conçu pour résister aux conditions particulières qui y règnent. Raison pour laquelle, les fabricants d’outils de télégestion, tels Lacroix Sofrel, Perax Technologies, IP Systèmes ou Primayer ont très tôt compris la nécessité de développer des équipements spécialement conçus pour résister aux environnements sévères qui caractérisent les regards ou réseaux, notamment en assainissement.
Puis, de simples enregistreurs qu’il fallait relever manuellement par connexion filaire ou liaison radio de proximité, ils sont devenus de plus en plus intelligents, de mieux en mieux connectés.
Des durées de vie allongées
Leurs batteries ont-elles aussi évolué ces dernières années. Désormais, les piles au Lithium permettent d’atteindre des autonomies de quatre à dix ans. « Nous voyons arriver des commandes de nouvelles piles pour des data loggers installés il y a plus de dix ans » confirme Benoît Quinquenel, chef de projet digital et communication chez Lacroix Sofrel. Pour cette entreprise, leader sur ce marché, le message est clair : « Nos produits doivent être “plug and forget”, explique Christophe Magniez, Chef de produits Data loggers. L’installation et la mise en œuvre doivent être rapides, et surtout, l’équipement doit fonctionner et remonter ses données sans autre intervention et sans interruption, durant de nombreuses années ». Mais les batteries, quoique toujours plus performantes, ne font pas tout. Les data loggers eux-mêmes, plus intelligents, se font aussi plus sobres, prolongeant d’autant les progrès accomplis en matière de batteries. Chez Ijinus, et grâce à une gestion inertielle, les enregistreurs de surverse fonctionnent durant 9 à 10 ans sur la base d’une mesure toutes les 30 secondes.
« L’électronique basse consommation permet une autonomie de batterie interne de plus de dix ans, avec double batterie, pour une utilisation standard et une transmission de données toutes les 24 heures, explique-t-on chez Primayer. Une gamme de batterie externe est disponible en option afin d’augmenter significativement la durée d’autonomie du produit et une transmission des données plus fréquente ». Le XiLog+, qui regroupe une nouvelle gamme d’enregistreurs de données avec communication 3G et GPRS, est disponible en différentes versions (1 à 9 voies d’entrées) pour une utilisation variée de capteurs en réseaux d’eau potable et d’assainissement affiche une autonomie de 10 ans avec double batterie.
Des communications plus élaborées
Ainsi, les industriels proposent des matériels compatibles avec différents modes de communication. Les dataloggers développés par Ijinus sont par exemple disponibles avec ou sans modem intégré, permettant la télémétrie des données par de multiples protocoles de communication, au choix, GSM, GPRS (2G, 3G) et Sigfox vers des plateformes web ou superviseurs. Les nouveaux réseaux bas débit comme Sigfox ou Lora sont bien adaptés à des envois de données peu fréquents (quelques activations par jour maximum) et peu importants (quelques bits à chaque fois). Les possibilités, en termes de communications sont nombreuses. Certains capteurs nécessitent d’envoyer des fichiers beaucoup plus lourds (audio par exemple), qui impliquent des communications à plus haut débit.
Les protocoles de communication, comme le Modbus, largement utilisé, autorisent des échanges de données plus sophistiqués. « Température, pression, débit, vitesse… il faudrait 50 entrées pour récupérer toutes les informations d’un débitmètre sans Modbus, explique Éric Laumonier chez Primayer. De plus, on récupère des données complémentaires comme l’état de la batterie. Cela permet des diagnostics bien plus complets ». Ces informations sont importantes car elles facilitent l’exploitation et améliorent la maintenance de l’instrumentation du réseau. Récupérer la température d’un débitmètre peut ainsi aider à prévenir des casses en cas de gel ou des contaminations bactériologiques lors de fortes chaleurs. « La liaison modbus nous permet de lire l’intégralité des informations internes des débitmètres électromagnétiques ou de radars de hauteur. Concernant ce dernier, la mesure sera beaucoup plus précise qu’avec du 4-20 mA » précise par ailleurs Christophe Magniez chez Lacroix Sofrel. « Ce que les exploitants apprécient en particulier, c’est de pouvoir, grâce au modbus, réaliser un diagnostic à distance de leur équipement et d’en anticiper la maintenance ».
Des outils de plus en plus intelligents
Devenus de véritables petites centrales d’acquisition, les data loggers peuvent aussi bien alimenter des systèmes de supervision sophistiqués (voir dossier « télégestion, supervision : mieux gérer la masse de données collectées » n° 421) que des interfaces web dédiées pour des besoins spécifiques. « Notre plateforme Cloud Sofrel Web LS concentre tous les jours des données sécurisées provenant de dizaines de milliers de data loggers Sofrel, explique Benoit Quinquennel. Des dashboards “métiers” ont été implémentés dans la plateforme afin d’offrir aux exploitants une parfaite lisibilité de leur réseau. La data est clairement restituée et immédiatement exploitable par les utilisateurs de nos systèmes ».
Très logiquement, les outils d’exploitation se développent. Fluksaqua, la plateforme internet des exploitants de l’eau et de l’assainissement a ainsi développé à l’intention des exploitants des tableaux de bord “eau potable” et “assainissement” permettant d’analyser et d’optimiser le fonctionnement des installations. Dans le domaine des eaux industrielles, Aquassay a développé un SaaS 100% cloud, 100 % web, associé à des solutions “plug and play”, capables de collecter et de formater des données quelles que soient leurs natures et sources : data loggers, capteurs, automates, enregistreurs, afficheurs, analyses ponctuelles, bases de données, déclarations, etc. Au-delà des fonctions de base (visualisation, rapport, alertes qualifiées, qualification des données, …), ce service dispose de fonctions de calculs en temps réel (modèles prédictifs et prescriptifs, systèmes experts, normalisation), ainsi que des capacités d’étude comparée et intégrée sur tous types de périmètres : historiques longs, période de référence, géographique, type d’installation ou d’opération, etc..
La simplicité d’installation et d’exploitation des data loggers et des outils d’exploitation associés permet d’aborder de nouveaux marchés. « Grâce aux data loggers “ready to use”, nous voyons apparaître de nouveaux clients comme les gestionnaires de camping qui veulent simplement suivre leur consommation d’eau, se félicite Éric Laumonier, ainsi que des résidences hôtelières, des galeries marchandes, la SNCF pour le suivi du nettoyage des wagons ».
Sur des sites dépourvus d’énergie, les enregistreurs Paratronic permettent de réaliser des mesures ponctuelles tant sur des réseaux d’eau (débit de fuite, pression, comptage) que sur des piézomètres ou forages (surveillance de nappes souterraines).
Les LHC (M) qui s’intègrent directement dans les têtes de puits ou les piézomètres ont une autonomie de 10 ans.Ainsi, en quelques années, les data loggers ont su s’adapter à de nouvelles applications, et s’insérer dans l’Internet des Objets. À l’heure de la ville et des réseaux intelligents, ils sont devenus des relais indispensables entre les capteurs et les systèmes de surveillance, même si leur principale qualité est de savoir se faire oublier… pendant des années.