Pour des nécessités de sécurité et d’environnement, le transvasement d’acides, de bases, de solvants, d’huiles, d’hydrocarbures ou de tout autre liquide nécessite un outil spécial, la pompe vide-fût. Suivant les caractéristiques physiques du fluide, ses propriétés chimiques, les volumes à transférer, et l’environnement de la pompe, plusieurs modèles sont proposés.
Pour remplir les petits bidons à partir de citernes ou de fûts, on peut bien sûr plonger directement le bidon ou le tonnelet comme quand on veut puiser de l’eau dans un puits. Mais dans le domaine de l’eau, il n’y a pas que de l’eau. Les eaux des réseaux d’eau potable ou d’assainissement comme les stations d’épuration sont analysées continuellement. Le plus souvent, ces analyses fonctionnent sur des réactifs liquides plus ou moins corrosifs et plus ou moins visqueux qu’il convient de manipuler avec précaution.
Dans son guide sur le transvasement, l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité) préconise : « Le poste est aménagé afin de permettre le transfert en circuit fermé dans un environnement sécurisé ». Pour ce faire, l’INRS propose plusieurs solutions comme la pompe immergée, le transfert par gravité à l’aide de tuyauteries ou flexibles adaptés et… la pompe vide-fût. C’est, comme son nom l’indique, un système qui aspire les fluides d’un contenant. Il repose sur une pompe équipée d’un moteur, qui crée une dépression dans une canne plongée dans le fût, aspire le fluide et le rejette dans un contenant plus petit à l’aide d’un pistolet ou d’un bec verseur.
Centrifuge ou volumétrique ?
La plus simple des pompes vide-fûts est la pompe manuelle, mais son efficacité est relative et non continue. Les fabricants tels Becot, Flux, Grün, Lewa, Lutz, Pollard ou Prominent privilégient des pompes plus sophistiquées dans lesquelles l’huile de coude est remplacée par un moteur. Elles commencent à se généraliser dans le secteur de l’eau. « C’est désormais un outil parmi les autres, explique Christophe Rossigneux, directeur commercial chez Lutz. Elles sont présentes au sein de petites et moyennes exploitations d’eau potable ou d’eaux usées. Les plus importantes ont installé des pompes automatisées à demeure ».
Pour choisir la pompe vide-fût la mieux adaptée aux besoins de l’exploitant, le chargé d’affaires du fabricant ou le spécialiste des réseaux de l’opérateur entame une étude technique qui déterminera le type de pompe, sa motorisation, la longueur des cannes (ou tubes) et leurs matériaux. « La plupart des préconisations reposent sur des pompes qui figurent dans les catalogues, explique Hervé Le Bail, responsable technique chez Redwood Industries. Mais Grün, que nous distribuons, propose aussi des pompes sur mesure, par exemple des pompes à 4, 5 ou 6 étages et des cannes pouvant mesurer jusqu’à 2,50 mètres ».
Deux types de pompes sont couramment proposés. Les premières, centrifuges (mono ou multicellulaires, ces dernières offrant plus de capacité de hauteur de relevage), sont utilisées pour des fluides peu visqueux comme la soude ou l’acide chlorhydrique. Le liquide arrive dans l’axe de la pompe puis dans la roue à aube ou en spirale où la force centrifuge le projette vers l’extérieur. Il acquiert une grande énergie cinétique qui se transforme en énergie de pression dans le collecteur où la section est croissante. Des fabricants les proposent en mono-étages ou multi-étages. Ce système ne peut être utilisé pour les boues des stations d’épuration, bien trop visqueuses. Il faut alors passer à des pompes dites volumétriques dans lesquels un organe déplaceur réduit l’espace de travail du fluide et l’achemine en direction de la conduite. Leur rendement, voisin de 90 %, est bien meilleur que celui des pompes centrifuges (60 à 70 %) mais leur coût est aussi bien plus élevé. Comme la plupart des usages concernent des fluides peu visqueux, 90 % du marché des pompes vide-fûts dans le secteur de l’eau concerne les pompes centrifuges.
Les pompes à vis excentrée, ou pompes à rotor excentré ou encore pompes à queue de cochon, sont des pompes volumétriques. Les pompes à vis d’Archimède, sont elles aussi des pompes volumétriques, même si parfois elles peuvent être mues par un moteur universel à vitesse rapide (8.500 tr/min environ) pour relever un liquide non visqueux, mais leur rendement est mauvais dans ce cas. Elles constituent alors une solution de dépannage plutôt qu’un outil de process.
Choisir une motorisation adaptée
Le choix de la motorisation dépend largement de l’énergie disponible. Les moteurs électriques nécessiteront un raccordement au réseau électrique, alors que les moteurs pneumatiques peuvent être actionnés n’importe où du moment qu’une bouteille d’air comprimé est disponible. Ces modèles sont moins encombrants. Ils sont adaptés à des environnements ATEX, aux zones humides, mais, en fonctionnement, l’électricité reste moins onéreuse que l’air comprimé. Par ailleurs, l’échelle des débits possibles est toujours supérieure avec des moteurs électriques. Les pompes de la série PF de Finish Thompson, commercialisées par Europumps, par exemple, permettent une hauteur manométrique (HMT) de 24 m et un débit maximal de 151 litres par minute (lpm) avec un moteur électrique alors que la HMT est de 11 m et le débit maximal de 80 lpm avec un moteur pneumatique. Des caractéristiques sensiblement les mêmes pour la pompe vide-fûts Flygt de Xylem avec un moteur de 600 watts ou la série SP de Standard Pump Inc., commercialisée par Iwaki. C’est davantage que les 30 lpm de l’entrée de gamme Grün, la pompe GLP 25, avec un moteur de seulement 130 watts, qui est déjà bien suffisante pour les transvasements de réactifs et de colorants des opérateurs d’eau.
De même, avantage au moteur électrique par rapport au moteur pneumatique quant à la limite de viscosité du fluide pompé. Chez Finish Thompson, elle est de 2.000 centipoises (cP) avec un moteur électrique et de 330 cP avec un moteur pneumatique. Chez Lutz, le moteur électrique de 550 watts de la pompe HD-E est compatible avec des fluides dont la viscosité varie entre 500 et 4.000 cP. Les moteurs électriques pourraient ainsi pomper du mercure (viscosité de 1.500 cP) mais heureusement pour l’environnement, rares sont les utilisations de mercure dans le secteur de l’eau où les produits utilisés n’atteignent jamais ces valeurs. Pour exemple, l’eau pure a une viscosité de 1 cP, l’eau de javel (hypochlorite de sodium) utilisée pour tester l’ammonium a une viscosité de 2,6 cP. Les deux types de moteurs sont donc valables pour les réseaux d’eau potable dont les fluides sont à faible viscosité. En revanche, en ce qui concerne les stations d’épuration, la viscosité des boues varie selon la quantité de matière solide (MS) qu’elles contiennent, leur nature et leur température. Elle atteint 750 cP pour des boues à 10 °C contenant 6 % de MS. C’est pourquoi les fabricants conseillent dans ce cas des pompes volumétriques comme les pompes monovis 751 et 752 de la série SP 700 d’Iwaki (Standard Pump Inc.) dont le moteur permet même de pomper des fluides dont la viscosité maximale est de 100.000 cP.
Chez Lutz, la pompe vide-fût type HDE ou B70 permet d’alimenter les unités de préparation de polymère utilisant de l’émulsion en solution mère et devant être diluée et préparée avant dosage à l’amont de table d’égouttage, d’un filtre à bande ou d’une centrifugeuse de déshydratation des boues. La pompe vide-fût mise en place sur le conteneur IBC ou le bidon inhibe les pertes de charges à l’aspiration dues à ces floculants hautement visqueux.
Le matériau : un choix capital
La grande différence entre l’eau pure et l’eau de javel est que la seconde est très corrosive contrairement à la première. C’est cette tendance qui induit le choix des matériaux où vont circuler les fluides dans la pompe (boîtier, turbine, garnitures mécaniques, arbre moteur ou cannes). Les fluides les moins acides pourront circuler dans du polypropylène (PP) ou de l’inox. Quand il s’agira de vider des fûts contenant des acides forts, les fabricants de pompe vide-fûts préconiseront des arbres et des cannes en Hastelloy C, un alliage essentiellement à base de nickel, ou en polyfluorure de vinylidène (PVDF), deux matériaux bien plus résistants mais aussi bien plus onéreux.
Si le matériau n’est pas adéquat, la pompe tend à s’user prématurément et le risque de fuite devient important. C’est une préoccupation majeure des fabricants. Les fluides pompés étant souvent agressifs, chacun conseille de nettoyer les pompes et leurs accessoires (crépines, raccords, adaptateur pour fût, système anti-évaporation…) avec des solvants idoines. Mais avant tout, il faut éviter que des réactions chimiques se produisent sur les parois, d’où le choix du bon matériau. Les joints étant les parties les plus fragiles de ces outils, plusieurs fabricants comme Lutz avec ses modèles B2 Vario, Grün ou Finish Thompson ont opté pour des conceptions sans joints, de même que Jessberger distribué en France par Techniques des Fluides. « Nous tendons à faire disparaître les joints par un canal de reflux interne à la pompe. C’était optionnel, cela devient un standard, indique Hervé Le Bail chez Grün, Redwood Industries Cela affranchit les parties métalliques du haut de pompe, ce qui réduit les risques de détérioration du fait d’une corrosion ou d’une cristallisation, et donc diminue le temps et le coût de maintenance ». « Les pompes vide-fût centrifuges de la marque Lutz fonctionnent sans garniture mécanique », confirme Christophe Rossigneux chez Lutz.
Georges Caroti, chez Techniques des Fluides, préconise de ne mettre un tube à garniture mécanique que lorsque le fût est sous pression, dans le cas d’une neutralisation à l’azote par exemple. « Dans ce cas, un tube sans garniture verrait le produit remonter par le tube interne et provoquer une fuite au niveau de l’accouplement moteur », explique-t-il.
Pour arrimer la canne à la pompe, Grün a conçu ses pompes pour que la canne s’arrime à la pompe en un quart de tour ou, en option, par un couplage magnétique.
Une efficacité qui varie selon les modèles
Reste l’efficacité de ce type de pompe. Elle n’est jamais de 100 % du fait du reflux du fluide restant dans la pompe lorsqu’on l’arrête. Optimistes, la plupart des fabricants annoncent des résidus inférieurs à 2 % ce qui fait 2 litres pour un fût de 200 litres. Netzsch, qui se spécialise davantage sur le dosage fin, descend jusqu’à 1 % avec ses modèles NBE 200 et NBE 20, tout en garantissant une sortie continue du fluide pompé en cas de changement de fût grâce à l’introduction d’un ballon intermédiaire. Avec sa pompe RE-Niro, Lutz garantit quant à elle une perte de seulement 0,1 litre grâce à l’installation d’un bouchon d’obturation mobile qui verrouille le pied de pompe.
Quoiqu’il en soit, la sécurité des employés et la protection de l’environnement valent bien quelques pertes de produits.
Un dernier point, et non des moindres, les prix de ces outils, aussi divers que les fonctionnalités qui les caractérisent.
Les pompes vide-fûts les plus simples coûtent moins de cent euros, les plus sophistiquées avoisinant les cinq mille euros. Il y a donc le choix.