Le concept d’eaux très chargées correspond à une grande diversité d’effluents qui appellent des réponses différenciées. Les fabricants de pompes centrifuges ou volumétriques ont engagé de gros efforts pour aider les exploitants à faire face à ces effluents difficiles. Les caractéristiques des liquides à transporter et l’environnement du pompage déterminent le choix de la technique de pompage à mettre en œuvre et des matériaux à utiliser.
Inutile d’en rechercher une quelconque définition, il n’en existe pas. « C’est un concept très vaste qui correspond à des caractéristiques différentes selon qu’il s’agisse, par exemple, d’eaux urbaines ou d’eaux industrielles », explique Stanislas Grivet, Chargé d’affaires hydraulique chez Atlantique Industrie. « En eaux usées urbaines comme en eaux industrielles, une eau très chargée peut être une eau pâteuse, fibreuse, visqueuse, sableuse, voire même tout cela à la fois », renchérit Augustin Berge, PDG d’Hidrostal France. « En invoquant la notion d’eaux très chargées, on se livre à une simplification grossière de la concentration en taux de matières sèches ou en taux de matières en suspension, poursuit Julien Gaonach, responsable du marché eaux usées chez KSB, qui donne une idée très partielle de la solution à apporter au client ».
Autant dire que le terme recouvre des réalités souvent très différentes.
Caractériser l’effluent auquel on est confronté
Autre problème, les appels d’offres sont généralement peu diserts sur le sujet. « Dans la plupart des cas, ils ne font état que de la simple mention “eau usée”, indique Augustin Berge chez Hidrostal. Beaucoup de déconvenues proviennent d’une insuffisante prise en compte des particularités du ou des postes à équiper ». Les descriptions, lorsqu’elles sont plus détaillées, ne sont pas forcément explicites pour le soumissionnaire. « Des eaux sableuses peuvent aussi bien désigner beaucoup d’eau avec un peu de sable que beaucoup de sable avec un peu d’eau argumente Augustin Berge. C’est pour cette raison qu’il est intéressant de connaître l’environnement global du poste de pompage. On n’aura pas les mêmes contraintes en bord de mer, qu’en montage, en pleine campagne qu’en milieu urbain ».
« Il y a les demandes, les études, et puis il y a l’expérience acquise sur le terrain, analyse de son côté Stanislas Grivet chez Atlantique Industrie. Seules l’expérience et la multitude de cas rencontrés permettent de définir la bonne approche ».
Sur les installations nouvelles, les choses sont plus compliquées. Xylem s’appuie sur l’expérience acquise en municipal et en industrie. Précurseur des pompes submersibles depuis plus de 50 ans, le fabricant dispose d’une expertise et d’un capital confiance qui lui permet de conseiller ses clients dans l’élaboration des cahiers des charges, quels que soient l’environnement et la situation considérée. « Nos années d’expérience nous ont appris à concevoir et fabriquer un équipement submersible à haut rendement. En municipal ou en industriel, les retours-terrains nous permettent de travailler très en amont avec les bureaux d’études pour compléter les cahiers des charges. Les remontées des exploitants nous permettent de proposer des aménagements pertinents » poursuit Jean-François Serrault, responsable pompage des eaux usées chez Xylem.
Lutter contre les mauvaises pratiques
Le deuxième écueil est lié au fait que celui qui achète la pompe n’est (hélas) pas toujours celui qui l’exploite. Il sera donc tenté d’acheter au meilleur prix, même si son choix occasionne des interventions à répétition qui pèseront parfois lourdement sur le coût d’exploitation.
De son côté, Atlantique Industrie puise dans son parc d’équipements en location pour proposer des essais lorsqu’un doute subsiste sur la pertinence d’une solution. « Nous valorisons notre bonne connaissance des effluents pour préconiser le bon type de pompe sans être captif ni d’une famille, ni d’une marque » souligne Stanislas Grivet.
Choisir la pompe qui convient
Thierry Chorier, Weir Minerals, confirme qu’il est essentiel de faire le distinguo entre les solides contenus dans une eau très chargée et la rhéologie résultant de ce mélange liquide-solide. « L’influence du solide sur le slurry, c’est à dire le mélange diphasique liquide/solide, détermine la rhéologie du fluide, explique-t-il. En eaux très chargées, par exemple, on peut avoir affaire à de l’eau contenant jusqu’à 800 g/l de sable, ce qui n’empêchera pas de considérer encore ce mélange comme newtonien. A l’inverse, en station d’épuration, la présence de boues biologiques à hauteur de 50 à 80 g/l a pour effet de porter le produit à la limite de la pompabilité, ce qui implique bien souvent le recours à une pompe volumétrique ».
« Le choix reste d’abord lié à l’application, abonde Frédéric Giordan, Managing Director chez Vogelsang, spécialisé dans les pompes volumétriques. Ou va être installée la pompe ? En tête ou en sortie de process, avec ou sans prétraitement ? Est-ce qu’elle est en amorçage ? Quelles sont les charges à pomper ? Le débit, la HMT ? Il est difficile de fixer un seuil sans disposer de l’ensemble de ces paramètres ».
Outre la nature réelle des MES, les données liées à la densité et à la viscosité sont indispensables pour identifier la pompe et déterminer sa puissance. Mais il faut également disposer d’informations précises sur la variabilité des effluents et sur la conception du poste de pompage pour décider de la solution la plus satisfaisante. « Aujourd’hui, ce qui coûte cher en exploitation, ce sont les problématiques de bouchage, souligne Nicolas Smagghe. En municipal, le colmatage est fréquemment lié à la variation de la charge lors des épisodes pluvieux, qui augmente mécaniquement le volume de m³ d’eau usée à traiter, et à la quantité en volume horaire et journalier. Ainsi, si le ratio entre le volume et la surface en de la base de pompage est insuffisant, vous allez déposer dans la bâche. A l’inverse, si le ratio est trop grand, le temps de séjour de la charge sera donc très faible. Il occasionnera une accumulation de graisses et de dépôts de matières sur les parois du poste de pompage et augmentera les besoins en hydrocurage ».
Les fluides pompés peuvent aussi avoir des densités différentes qui varient elles-mêmes en fonction de certains paramètres comme la température.
Pompes centrifuges : des réponses optimisées
Les fabricants de pompes centrifuges ont beaucoup travaillé leurs hydrauliques ces dernières années.
Dans sa gamme de pompes centrifuges à faible débit pour eaux chargées, Xylem propose deux matériaux différents : la fonte pour les fluides faiblement agressifs et l’inox pour les fluides agressifs et corrosifs. La fonte au chrome brevetée de Flygt a été spécialement mise au point pour les applications difficiles en matière de pompage des eaux usées. « Nous lançons en février une nouvelle pompe submersible, la 3069 Adaptive-N qui est tout en inox 313 et est destinée au pompage de fluides agressifs sur les applications industriels telles que les mines, laiteries, applications pharmaceutiques, ou l’énergie, souligne Jean-François Serrault. Cette pompe, qui existe depuis de nombreuses années en version fonte, bénéficie de bons retours sur les pompages d’eaux chargées en municipal. Équipée de l’hydraulique autonettoyante de la roue N, elle évite que les déchets se coincent dans la volute et la roue de la pompe, et est efficace sur les applications les plus courantes. Les retours des exploitants sont très bons : ils économisent de nombreuses interventions de débouchage par rapport aux hydrauliques traditionnelles ». Une fonction optimisation de l’énergie associée à l’hydraulique N Adaptive et au rendement d’un moteur Super Premium (équivalent IE4) veille automatiquement à ce que toutes les pompes fonctionnent aux points de fonctionnement les plus efficaces. Ce qui signifie qu’il n’est plus nécessaire, de ventiler, de refroidir ou de réchauffer les armoires.
Chez Sulzer, les roues Contrablock Plus facilitent également la gestion des filasses et les niveaux de résistance aux blocages (section de passage minimale de 75 mm). Par conception, le bord d’attaque de l’aube est autonettoyant et 80 % des filasses passent dans la roue, le reste par la plaque de fond rainurée. Le rendement hydraulique sur une pompe multicanal Contrablock Plus est de 86 % et les moteurs intègrent le rendement Premium IE3.
« Dès que l’on doit faire face à des concentrations en matières solides de 200 à 300 g/l ou à des problèmes de lingettes, les traiteurs d’eau obligent les constructeurs à avoir des solutions qu’ils appellent bi-performantes, c’est-à-dire associant des hydrauliques qui permettent de passer des charges tout en ne jouant pas trop sur la section de passage, donc tout en conservant un certain rendement » prévient Nicolas Smagghe. Face à de l’abrasion, Sulzer propose deux solutions : « soit on durcit la métallurgie et on opte pour des pompes EMWR qui sont des pompes métallisées, soit on ramollit l’impact en privilégiant des pompes revêtues en caoutchouc naturel ». Selon les modèles, le durcissement du matériau offre une très bonne tenue aux fluides abrasifs et une diminution des frottements, ce qui garantit des économies d’eau et d’énergie. A l’inverse, le revêtement caoutchouc apporte davantage d’élasticité, une très grande performance mécanique et permet de s’affranchir des problèmes de corrosion interne.
Deux variantes de roues existent : la roue Solid-G semi-ouverte qui assure un rendement constant élevé et une faible tendance au colmatage même en présence de composants à fibres longues ; la roue Solid-T fermée destinée à transporter des eaux chargées brutes avec une efficacité maximale. Elle présente des passages largement dimensionnés permettant de fournir un rendement particulièrement élevé. Grâce à sa géométrie optimisée, elle est réputée silencieuse et vibre peu.
Spécialement conçue pour éliminer les blocages dus à la présence d’éléments fibreux ou volumineux, la roue S-Tube de Grundfos associe une grande section de passage, jusqu’à 160 mm, avec un angle très large de 30°qui entraîne facilement les solides. De plus, des interstices sur la roue et sur la volute agissent comme des ciseaux quand ils se croisent et découpent les lingettes récalcitrantes. Cette roue équipe les pompes de la gamme SE/SL, immergées ou en fosse sèche, avec des débits pouvant atteindre 1.000 m³/h.
Opter pour des solutions spécifiques
C’est le cas de Hidrostal dont les pompes sont dotées d’une roue à vis centrifuge constituée de deux parties. La première partie, la vis, a une fonction de gavage. Elle assure des NPSH très bas et une bonne prise en charge des particules du liquide pompé. La deuxième partie génère la pression et le débit. « Cette construction présente plusieurs avantages, explique Augustin Berge. Elle permet d’abord de pomper le produit sans l’abîmer, ce qui peut avoir son importance quand il faut transférer des denrées alimentaires fragiles. La roue offre ensuite un grand passage libre, même sur des petites tailles ce qui réduit considérablement le risque de blocage et repousse les capacités de pompage. Enfin en plus des gros passage libres, nos pompes offrent de très bons rendements hydrauliques allant jusqu’à 85 % et des passages libres garantissant une très bonne prise en charge des particules ».
Weir Minerals développe également une large gamme de pompes centrifuges dédiées à ces problématiques. La gamme WRR, anciennement Wemco, est plutôt dédiée aux installations de petites tailles confrontés au transfert de liquides chargés. « On est le plus souvent sur des eaux sableuses, des eaux industrielles, ou, en station d’épuration, sur des boues biologiques jusqu’à 50 g/l mais pas au-delà à cause de la viscosité », explique Thierry Chorier. La gamme Warman AH et AHF trouve quant à elle de nombreuses applications en eaux chargées industrielles. Elle permet de traiter des concentrations très importantes de l’ordre de 600 à 700 g/l en industries minières… On les trouve également sur des applications liées aux boues de curage qui se traduisent parfois par des concentrations instantanées très élevées, notamment en phase de démarrage et contiennent souvent des solides très divers. « Sur ce type d’application, les épaisseurs de fonte au chrome conjuguées avec la faible vitesse de la pompe permettent d’obtenir de très bonnes longévités » souligne Thierry Chorier. L’exploitant peut ainsi renoncer à la pompe consommable et investir dans une pompe qui va durer jusqu’à 15 à 20 ans. « C’est une question de moyens. Certains exploitants acceptent d’investir un peu plus pour optimiser leurs coûts d’exploitation. C’est un choix, notre rôle se limite à l’expliquer ».
Le principe de fonctionnement de la pompe Warman AHF repose sur le roue brevetée Warman® : les aubes viennent chercher le fluide à l’aspiration de la pompe grâce à leur profil qui gave la roue. Ce principe d’aspiration est proche du principe de la pompe volumétrique. La bride d’aspiration élargie deux fois plus grande que la bride d’une pompe centrifuge standard) facilite d’autant plus l’entrée du fluide et réduit le NPSH requis. Ainsi, elle propose des solutions à différents problèmes tout en assurant une tenue des matières intéressante : écoulement de boues à hautes concentrations et/ou hautes viscosités (type fluide de Bingham), transferts de mousses (mélange solide/liquide/gaz) pouvant intégrer jusqu’à 25 % de gaz. « Cette pompe va bien au-delà des possibilités d’une pompe centrifuge classique en termes de capacité, d’aspiration et de pompage » souligne Thierry Chorier.
Pompes volumétriques : des réponses adaptées à des problématiques spécifiques
A l’origine de nombreux développements dans le domaine des pompes à lobes, Vogelsang propose ainsi une gamme capable de répondre à la totalité des problématiques rencontrées en stations d’épuration. « Compactes, économiques, auto-amorçantes, insensibles à la marche à sec, elles constituent souvent un bon compromis technico-économique en matière de pompage d’eaux très chargées », explique Fréderic Giordan. Les composants hydrauliques et les lobes reposent sur des élastomères sélectionnés en fonction des caractéristiques du liquide à pomper. « On utilise le NBR pour sa capacité à résister à la majorité des boues de station, aux graisses et huiles, le Polyuréthane pour son excellente tenue à l’abrasion, nous avons à ce titre de très bons résultats sur des laits de chaux, l’EPDM pour des applications sur certains liquides plus corrosifs, l’Hypalon et le Viton sur des problématiques particulières, détaille Frédéric Giordan. En station d’épuration, le pompage de boues primaires ne pose aucun problème pour une pompe à lobes jusqu’à 120 g/l et même au-delà pour une pompe à rotor excentré ».
Les pompes péristaltiques, très utilisées en exploitation minière, en industries chimiques et en traitement des eaux, sont également capables de pomper des liquides très chargés, épais, et/ou comportant des particules solides. On les retrouve donc fréquemment en stations d’épuration sur des applications telles que le gavage de filtres-presses, le pompage de lait de chaux, de charbon actif, des media très abrasifs ou encore des boues concentrées jusqu’à 850 g/l, selon la densité. Leur limite ? « Le débit, celui-ci pouvant atteindre 150 m³/h, l'ensemble des pompes haute et basse pression pouvant être équipées d’une double tête pour doubler leur débit initial », comme l’explique Emmanuel Rolland, directeur des ventes chez Albin Pump. Les pompes Albin Pump sont auto-amorçantes jusqu'à -9,8 m et acceptent des pressions de refoulement jusqu’à 15 bar. Ces performances sont bien sûr fonction des installations et de l’emplacement de la pompe. Cette dernière peut être installée en aspiration ou en charge, selon la nature de l’effluent, sa viscosité, sa densité, et sa concentration en matières en suspension. « Les effluents chargés urbains ou industriels sont pompés selon un cahier des charges rigoureux entre le client utilisateur et notre équipe de technico-commerciaux afin de valider les conditions de pompage et les compatibilités chimiques avec les matières de tuyaux disponibles, explique Emmanuel Rolland. La technologie péristaltique exploitée par Albin Pump ne comporte qu’une seule pièce en contact avec le fluide : le tuyau, qui est, par la-même la seule pièce d’usure sur la pompe. Albin Pump avec ses deux séries de pompes ALH & ALP peut répondre à de très nombreuses applications grâce à une large gamme d’élastomères compatibles avec les différents effluents ».
La conception sans presse-étoupes, clapets, ni valves des pompes péristaltiques Watson-Marlow leur confère un réel avantage pour le transfert de fluides visqueux fortement chargés. Elle réduit les coûts d’exploitation grâce à une baisse des temps d’arrêt et au transfert des boues primaires ou épaissies optimisés vers les digesteurs ou les appareils d’assèchement. Les pompes péristaltiques Abaque distribuées par Mouvex sont adaptées elles aussi aux environnements les plus exigeants, tels que l’exploitation des mines et carrières, le traitement de l’eau potable et des eaux usées.
Hydrauliques : les développements se poursuivent
Sur ses pompes à lobes, Vogelsang a développé l’injection dynamique, un système qui permet, sur des produits très chargés, de canaliser les particules au cœur de la pompe pour remédier au vortex qui se crée à l’entrée de la pompe. « Le système se présente sous la forme, suivant les charges contenues dans le liquide, “d’une rampe de lancement”, c’est-à-dire une inclinaison à 30 ou 40 degrés de la partie basse ou de la partie haute qui permet de canaliser la particule dans le flux du produit, pour la remettre au centre en évitant ce fameux vortex, explique Frédéric Giordan. Cela permet d’augmenter la durée de vie des lobes d’un facteur 2 à 2,5 ».
Associés aux pompes, les variateurs régulent le débit de sortie des effluents et maintiennent ainsi un niveau constant dans le poste de relevage. Pour offrir plus de souplesse à leurs clients, Wilo et Sulzer privilégient la conception d’équipements avec ‘intelligence débarquée’ « Toutes nos technologies se prêtent à l’intégration de variateurs de fréquence. La plage de variation étant très large, et pour laisser l’autonomie de pilotage à nos clients, nos pompes peuvent être équipées de variateurs externes » souligne Nicolas Smagghe. Ainsi, une attention particulière est portée à l’accessibilité et à la facilité de service. Situé dans le prolongement de la pompe, le variateur permet une connexion sans ouvrir la boîte à bornes.