La méthanisation des boues de STEU urbaines est désormais sur les rails en France, avec un cadre réglementaire stable et des technologies éprouvées. Le choix de filières plus ou moins sophistiquées dépend du contexte local. Petit tour de ce qui se pratique dans la «vraie vie»…
La méthanisation des boues de STEU urbaines est entrée dans les mœurs en France. Il ne se conçoit plus guère de construction ou de réhabilitation d’usine de quelque importance sans installation de digestion. L’idée n’est certes pas nouvelle puisque, dès 1940, la station d’épuration d’Achères (Yvelines), en aval de Paris, digérait ses boues. Le tournant est cependant survenu en 2014, lorsque l’injection du biométhane purifié à partir du biogaz sortant du digesteur dans le réseau de gaz de ville a été autorisée. La STEU de Strasbourg (Bas-Rhin), une usine d’un million d’équivalent-habitants (Eh), a lancé le mouvement dès 2015.
«Aujourd’hui toutes les grosses STEU ont fini de s’équiper. Les unités de plus de 100000 Eh non pourvues de digesteur commencent à se raréfier. Nous voyons maintenant arriver des appels d’offre pour des usines plus petites: Carcassonne, Narbonne, Pau par exemple» affirme Germain Bredin, expert Boues à la direction technique de Veolia Water Technologies. Le groupe peut citer en référence des réalisations récentes à La Teste-de-Buch (Gironde), Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), Avignon (Vaucluse) ou Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes), entre autres. Un mouvement important, donc, que confirme Florian Routhier, Directeur général adjoint de Sources. Le Syndicat national des entreprises du traitement de l’eau (Synteau) a publié en février 2024 un retour d’expérience sur les 47 STEU (en janvier 2024) produisant et injectant du biométhane à partir de leurs boues. En mentionnant d’ailleurs qu’il existe une cinquantaine d’autres stations d’épuration qui digèrent leurs boues pour utiliser le biogaz sur place ou faire de la cogénération. Le rapport comptabilise de plus «une vingtaine» de projets au stade de l’étude détaillée, pour une mise en service de l’injection entre 2024 et 2026.
Le cadre économique a été clarifié par l’arrêté du 10 juin 2023 «fixant les conditions d’achat du biométhane injecté dans les réseaux de gaz naturel». Les tarifs, un temps insuffisants, sont alors redevenus attractifs. Cependant, l’arrêté fixe en complément certaines conditions en matière d’efficacité énergétique et environnementale des installations. Tout d’abord, il prohibe l’utilisation du charbon, du gaz naturel d’origine fossile ou d’un autre hydrocarbure d’origine fossile pour satisfaire les besoins en énergie de l’installation (préparation des intrants, chauffage du digesteur, épuration du biogaz). Et en ce qui concerne l’efficacité énergétique, les STEU ne doivent pas consommer plus de 0,15 MWh d’électricité par MWh PCS de biométhane injecté. Au-delà de ce seuil, le tarif d’achat du biométhane est recalculé à la baisse. Au-delà de 0,25 MWh, il est même diminué de moitié. Or de tels seuils peuvent être délicats à atteindre pour une STEU urbaine, sauf à investir dans des technologies optimisant le processus de méthanisation. Le projet de révision de la Directive européenne sur les eaux résiduaires urbaines (Deru), récemment approuvé par le Parlement européen, fixe également des objectifs d’efficacité énergétique pour les STEU. Le cadre est donc désormais fixé. Reste à déterminer, au cas par cas, le point d’équilibre économique de chaque projet.
«L’arrêté de juin 2023 a incité les
acteurs à revisiter leur méthode de calcul
de production nette de biométhane, à
revoir la balance énergétique de chaque
projet de méthanisation» estime ainsi
Julien Chauzy, Sales Director APAC &
Project Development chez Cambi, une
société spécialiste de l’hydrolyse thermique. D’autres facteurs que le tarif
d’injection ou l’efficacité énergétique
globale entrent en jeu. Par exemple, une
des motivations essentielles de ce type
d’opération est le fait que la digestion
diminue fortement de l’ordre de 30%
au moins le volume final des boues.
Le choix d’une filière de méthanisation sera donc influencé par les coûts
d’évacuation des boues. Avec un temps
de retour sur investissement de l’ordre
d’une dizaine d’années, les collectivités
ont donc à faire des arbitrages entre
investissement et résultat, à la lumière
des retours d’expérience des autres.
Les filières éprouvées ont ainsi souvent
l’avantage sur des technologies certes
plus performantes sur le papier mais
pas forcément adaptées au contexte
local. Les constructeurs comme John
Cockerill, OTV (Veolia), Stereau (Saur) ou
Suez ou Sources peuvent réaliser tous
types d’installations, selon les préconisations des bureaux d’études.
DÉCANTATION PRIMAIRE : LE RETOUR ?
Contrairement à ce qui se passe dans des pays voisins, par exemple l’Allemagne, la majorité des STEU françaises ne comportent pas d’étape de traitement primaire et passent directement au traitement biologique. Or les boues fraîches de décantation, avec leur concentration élevée en matières organiques, sont très facilement digestibles et possèdent un bien meilleur pouvoir méthanogène que les boues biologiques, déjà partiellement minéralisées. Mélanger les premières aux secondes on parle alors de boues «mixtes » améliorerait le rendement de la méthanisation. La question d’un traitement primaire redevient donc d’actualité, que ce soit pour les projets de STEU nouvelles ou de réhabilitation d’usines existantes. Reste que cela demande de la place… et un certain investissement. «La décantation primaire revient dans les calculs économiques. Il faut toutefois tenir compte de sa faisabilité, en termes de place sur le site et de composition des eaux usées. On voit en effet des usines munies d’une décantation primaire mais qui doivent envoyer une bonne part de leurs boues fraîches non pas dans le digesteur mais dans le bassin biologique, qui sinon n’aurait pas assez carbone pour la dénitrification. La composition des eaux usées varie en effet d’une ville à l’autre, en particulier selon les industries rejetant leurs effluents dans le réseau d’assainissement» précise Germain Bredin (Veolia).
Sources a par exemple intégré une
décantation primaire sur la STEU de
Limoges (285000 Eh), mise en service l’année dernière. «Nous achevons
la remise à niveau de la STEU du Puyen-Velay (75000 Eh). Elle dispose d’une
décantation primaire et digèrera un
mélange de boues primaires et de boues
biologiques granulaires. C’est un projet
complexe, sur une emprise réduite et en
zone inondable» ajoute Florian Routhier
(Sources).
«Pour les STEP qui n’ont pas encore de
traitement primaire, les traitements primaires mécaniques sont très intéressants
car ils permettent d’éliminer les solides en
suspension à un taux comparable à celui
d’un bassin de pré-sédimentation. Par
exemple, aux Pays-Bas la station d’épuration d’Aarle Rixtel équipé des tamis
a bande rotatifs IntenSieve® de CirTec
produisent un potentiel de production de
biogaz de 2 à 3 fois supérieur au biogaz
issus des boues du traitement en aval.
Le tout avec un emplacement au sol très
réduit (exemple d’installation: pour un
débit moyen de 1650 m3
/h, l’empreinte
au sol nécessaire pour deux décanteurs
primaires serait d’environ 2500 m2
contre
environ 150 m2
pour trois filtres à bande
rotatifs», rapportent les équipes de KWR
Water NI qui ont mené à bien le projet
de suivi Screencap en 2017.
DIGESTION : UNE FILIÈRE DOMINANTE
La digestion mésophile (entre 35° C et 40° C) en culture libre, avec un fonctionnement en «batch», reste de très loin la méthode la plus utilisée pour les STEU urbaines, par exemple par 28 des 29 STEU ayant répondu à cette question dans le rapport du Synteau. D’autres options existent toutefois. «Nous croyons beaucoup à la digestion boostée, soit en couplant une hydrolyse thermique avec une méthanisation mésophile, soit avec une digestion bi-étagée associant une méthanisation thermophile puis une méthanisation mésophile dans deux réacteurs successifs. Cela optimise la dégradation de la matière organique» explique par exemple Florian Routhier (Sources). Il est également possible d’utiliser une digestion thermophile (à 50-60 ° C). «Le fonctionnement en thermophile a l’avantage de réduire les temps de séjour et le volume du digesteur d’environ 40%. Les boues sortantes sont plus difficilement déshydratables et peuvent nécessiter d’augmenter la consommation de polymère de façon conséquente pour une même siccité cible. Ainsi, le fonctionnement thermophile est plutôt réservé à des contextes particuliers qu’il convient d’analyser au cas par cas» explique, prudent, le rapport du Synteau.
Xylem, qui fournit une multitude de solutions et appareils pour le traitement de l’eau, a créé à Stockholm (Suède) un Centre d’excellence du biogaz (Biogas CoE), groupe de spécialistes dédié à l’assistance aux clients du secteur du biogaz. Farokh Sahraei Nezhad, gestionnaire d’applications au Biogas CoE, estime de manière plus théorique que «la digestion thermophile CSTR (réacteur à cuve agitée en continu) accélère le processus de digestion, augmente le taux de production de biogaz et favorise la destruction des agents pathogènes. Elle pourrait convenir aux zones urbaines ayant des exigences spécifiques en matière de traitement rapide ou d’élimination des agents pathogènes.» L’entreprise française AQUAM Solutions est quant à elle spécialisée dans le traitement des eaux industrielles, des lixiviats et la valorisation du biogaz, au service des industriels et des collectivités afin de leur permettre de traiter et/ou de valoriser leurs déchets et recycler les effluents industriels. Elle « accompagne ainsi ses clients, en France et à l’étranger, pour réduire les interfaces entre les différentes solutions de traitement et/ou de valorisation et adapter les solutions en fonction de l’évolution des sites et de la composition des déchets. AQUAM Solutions a déjà construit quelques installations en Afrique du Nord, notamment au Maroc dont les lixiviats sont réputés pour être très chargés et compliqués à traiter », explique son fondateur Abderrahmane MALOUM.
CHAUFFAGE DU DIGESTEUR : LES POMPES À CHALEUR SUR LA SELLETTE.
Même en digestion mésophile, il faut chauffer le méthaniseur. Actuellement plus de la moitié du parc existant en France utilise pour cela des pompes à chaleur récupérant les thermies de l’eau traitée… et consommant de l’électricité. Le reste, souvent de plus anciennes unités, se répartit également entre autoconsommation d’une partie du biogaz produit (qui ne sera donc pas valorisé en méthane injecté) et récupération de chaleur de la fumée du four d’incinération des boues, pour les STEU qui en possèdent. De fait, les pompes à chaleur sont devenues l’option «par défaut». Depuis plusieurs décennies, Wangen Pumpen conçoit ainsi des pompes, en priorisant notamment la durabilité des équipements. Solidement implanté en Allemagne, en Autriche, en Suisse, le groupe entend s’élargir en France sur le marché du traitement des eaux usées et boues d’épuration avec ses gammes à vis excentrée, ainsi qu’une gamme de pompes dans le domaine du traitement des substrats et du transport pour les installations de biogaz. Or leur consommation électrique, même modérée, peut remettre en cause le bilan énergétique assez fragile des STEU urbaines.
«La plupart des usines construites entre 2015 et 2022 ont installé des pompes à chaleur. L’arrêté de 2023 nous a obligés à penser au rendement énergétique global. La solution a été de produire sur site de l’électricité ou de la chaleur solaire, afin de ne pas diminuer par autoconsommation la quantité de méthane injectée sur le réseau, et bénéficier du meilleur tarif» rapporte Germain Bredin. Veolia a ainsi installé des panneaux solaires thermiques sur la STEU de Cagnes-sur-Mer pour chauffer le digesteur. «Les pompes à chaleur sont très fréquemment utilisées car c’est un système optimal, permettant de récupérer la chaleur fatale de l’eau usée. On peut y associer la récupération de thermies de l’air compressé alimentant le bassin biologique. La plupart des installations fonctionnent ainsi, sans apport extérieur, sans utilisation de biogaz ou de gaz naturel pour chauffer le digesteur » plaide Florian Routhier. C’est d’ailleurs la solution que Sources a déployée au Puy-en-Velay. Autre possibilité évoquée par Germain Bredin: «établir des synergies avec des producteurs de combustibles solides de récupération (CSR) pour pouvoir implanter une chaudière à biomasse sur le site de la STEU». Un mode opératoire qui convient certes à Veolia, qui dispose d’une branche Energie, mais que tout le monde ne peut pas envisager.
HYDROLYSE THERMIQUE : UNE OPTION À GÉNÉRALISER ?
L’hydrolyse thermique peut s’installer en amont du digesteur pour en augmenter les performances. Elle consiste à chauffer les boues à 160-170° C, à une pression de 5-7 bars, puis les refroidir brutalement, ce qui fait éclater les parois cellulaires et rend la matière organique plus accessible aux bactéries du digesteur. Outre une augmentation significative de la production de biogaz, elle permet de réduire la taille du digesteur pour un même flux d’intrants et augmente la siccité des boues lors de la déshydratation finale du digestat. C’est le domaine de spécialistes comme Cambi ou Haarslev, rejoints aujourd’hui par John Cockerill. Elle représente cependant un investissement non négligeable et consomme de l’énergie. Là encore, tout dépendra donc du contexte du projet. «Cette solution n’est pas encore généralisée. L’investissement ne se rentabilise que lentement et le bilan n’est pas forcément positif. L’hydrolyse thermique présente l’avantage de diminuer le volume de boues, et ce sont les tarifs d’évacuation de celles-ci qui déterminent sa pertinence, au cas par cas » estime Germain Bredin (Veolia).
Le groupe l’a par exemple installée sur le STEU de Château Gontier (Mayenne), une «petite » (37 500 Eh) usine ne pratiquant pas l’injection, et qui a la particularité de disposer d’une digestion thermophile. A une tout autre échelle, Veolia en a équipé la STEU de Toulouse Ginestous-Garonne (Haute-Garonne, 950000 Eh, aujourd’hui exploitée par Suez). «L’hydrolyse thermique a été installée uniquement sur les boues biologiques à Toulouse : c’était inutile sur les boues primaires » précise Germain Bredin (Veolia). Cambi, spécialiste de cette technologie, voit évidemment les choses un peu différemment. «L’arrêté de juin 2023 ouvre de nouvelles perspectives pour l’hydrolyse thermique, qui utilise une partie du biogaz produit sur place, et non de l’électricité comme les pompes à chaleur. Les cartes sont rebattues et la situation devient plus favorable pour l’hydrolyse thermique» estime Julien Chauzy. Cambi a ainsi obtenu son premier contrat en France, pour l’ingénierie d’une installation d’hydrolyse thermique sur la future STEU de Grande-Synthe (Hauts-de-France), près de Dunkerque, qui va être construite par Suez. «Une partie du biogaz produit sera certes utilisée pour l’hydrolyse thermique, mais les boues seront chauffées donc il ne sera pas nécessaire de chauffer le digesteur» précise Julien Chauzy.
A l’international, Cambi installe plutôt ce type d’unités dans de grandes STEU, comme par exemple à Honolulu (Hawaï, Etats-Unis) ou Louisville (Kentucky, Etats-Unis). «Nous en avons installé à Valenton (Valde-Marne) pour le projet Cométha du SIAAP, avec d’ailleurs une digestion biétagée. Cela augmente la production de biogaz, et hygiénise les boues. En revanche cela demande de l’énergie donc il est préférable d’avoir une source sur le site, par exemple une unité de valorisation thermique, sinon il faut utiliser une partie du biogaz produit, donc injecter moins de méthane sur le réseau» explique pour sa part Florian Routhier (Sources), qui met également en avant la maturité du procédé. «Tout déchet organique présentant un fort pouvoir méthanogène peut être traité dans une usine de biogaz et utilisé à d’autres fins. Dès lors, pour une usine de méthanisation, le digestat issu de l’extraction du biogaz en phase de digestion anaérobie devient un élément clé à prendre en compte dans l’étude de projet. Cette substance riche en éléments nutritifs nécessite souvent une phase de concentration et/ou de clarification des jus pour pouvoir être valorisé en aval du process de digestion, ou pour diminuer les coûts de stockage ou de transport», rappelle par ailleurs Christian Dousset, Process Manager, chez Andritz.
Farokh Sahraei Nezhad (Xylem) met
plutôt l’accent sur la composition des
boues, estimant que «ce processus peut
être particulièrement bénéfique pour les
eaux usées contenant de fortes concentrations de matières organiques complexes, telles que les eaux usées provenant
de zones densément peuplées». Parmi les
autres procédés existants, il cite également le prétraitement chimique, la
perturbation mécanique, les processus
combinés et le prétraitement par microondes. «Nous avons installé une lyse par
ultrasons à Vienne. C’est une technologie
consommatrice d’électricité. Nous expérimentons aussi les lyses biologique, enzymatique et mécanique, mais il faut que la consommation électrique soit au minimum compensée par l’augmentation de
production de biogaz. L’intérêt provient
alors de la moindre quantité de boues»
détaille Germain Bredin (Veolia).
En partenariat avec d’autres entreprises,
Atlantique Industrie propose le système
Landia GasMix, celui-ci a notamment
été choisi pour une station d’épuration située en Bretagne, exploitée par
la société SAUR.
«Ce système a été sélectionné pour un
petit digesteur anaérobie en raison de la
simplicité et de la fiabilité du système de
mélange. Le TCO (coût total de possession) est très important lors de l’exploitation d’une usine de traitement des eaux
usées et jusqu’à présent, les GasMix se
sont comportés avec brio. Les exploitants
de l’usine sont très satisfaits des performances du système et, pour cette raison,
SAUR a décidé de moderniser une autre
de ses usines près de Nice avec Landia
GasMix en 2015», explique Atlantique
Industrie.
PURIFIER LE BIOGAZ
Le biogaz sortant du digesteur est un mélange de méthane (CH4 , environ 65%), de dioxyde de carbone (CO2 , environ 35%), avec des traces d’hydrogène (H2 ) et de sulfure d’hydrogène (H2 S). Pour en extraire le méthane pur en vue de l’injection, les procédés membranaires se sont imposés, malgré leur consommation électrique. Ils sont en général fournis par Prodeval, Biothane, Aristot. Biome intervient également à cette étape. La quasi-totalité des STEU de France utilisent ce procédé, à l’exception de l’usine de Bègles-Clos-de-Hilde (Gironde, 410000 Eh) opérée par Veolia. «Il existe des alternatives moins énergivores que les membranes mais elles sont peu répandues car plutôt adaptées aux très grosses STEU. Nous avons toutefois installé un procédé de lavage aux amines, fourni par Wärtzilä, sur l’usine de Clos de Hilde. Le gaz n’étant pas comprimé avant les membranes, la consommation électrique est assez faible. Il faut en revanche de la chaleur pour régénérer les amines. A Clos-de-Hilde, il existe une unité de valorisation énergétique des ordures ménagères juste de l’autre côté de la route. Nous avons donc juste tiré une ligne vapeur pour alimenter le sécheur boues et le lavage aux amines» se souvient Germain Bredin (Veolia). Dans la même optique, Stereau, filiale Ingénierie du groupe Saur, accompagne les collectivités dans leurs projets de valorisation énergétique des boues sur des installations de toute taille, comme pour la station d’épuration de Furania (Saint-Étienne Métropole) avec la construction d’une unité de purification du biogaz produit sur la station pour une injection dans le réseau de gaz urbain.
Mais aussi pour de plus petites collectivités locales à l’instar d’Aubenas (Ardèche) pour laquelle Stereau a conçu la station d’épuration de Bourdary, qui assure depuis 2021 le traitement des effluents des particuliers et des professionnels du bassin. La méthanation du CO2 , avec de l’hydrogène (H2 ) reste actuellement une possibilité plus théorique que réelle. La seule installation existante en France a été installée par Suez sur la STEU de Pau-Lescar (Pyrénées-Atlantiques, 190000 Eh). «Le procédé n’a pas de réalité économique aujourd’hui: un producteur d’hydrogène le vendra tel quel plutôt que le transformer en méthane en ajoutant du CO2» affirme Germain Bredin. Florian Routhier (Sources) ajoute que le prix de l’hydrogène compromet l’intérêt économique de l’opération. Depuis plusieurs décennies, Wangen Pumpen conçoit des pompes, en priorisant notamment la durabilité des équipements. Implanté en Allemagne, en Autriche, en Suisse, le groupe entend s’élargir en France sur le marché du traitement des eaux usées et boues d’épuration avec ses gammes à vis excentrée, ainsi qu’une gamme de pompes dans le domaine du traitement des substrats et du transport pour les installations de biogaz.
De même, PEMO Pumps propose des pompes centrifuges anti-abrasion sont parfaitement adéquates pour la production de biogaz, biométhane et pour les procédés de digestion anaérobie pour recirculation des fractions organiques des déchets solides des municipalités (OFMSW). La société EXPLORAIR analyse le biogaz sur l’ensemble de sa chaîne de valeur, depuis la sortie du digesteur (biogaz brut) jusqu’au biométhane avant son injection dans le réseau de gaz. Ces analyses sont déterminantes pour le dimensionnement et le suivi de l’efficacité des systèmes de traitement, afin d’éviter de futurs problèmes au niveau des épurateurs ou des moteurs de cogénération. De plus, EXPLORAIR offre la possibilité de déployer des analyseurs sur site (µGC/TCD/MS) pour aider les clients à améliorer leur efficacité d’épuration.
RETOURS EN TÊTE : SOULAGER LA STEU ?
En sortie de méthaniseur, le digestat est déshydraté par centrifugation (souvent) par filtration (parfois). Il en résulte un effluent liquide chargé en phosphore (P) et azote (N), qui est renvoyé en tête de la filière de traitement. Afin de soulager cette dernière, et valoriser au passage l’azote et/ou le phosphore, plusieurs techniques de récupération existent. Là encore, elles sont intéressantes sur le papier mais pas forcément pertinentes dans la réalité. La struvite, qui précipite parfois dans les lignes de centrats des boues digérées de façon involontaire et non maîtrisée, est à l’origine de problématiques d’exploitation (arrêts, coûts importants de nettoyage).
SOLENIS propose ainsi des solutions préventives et
curatives pour ces situations. «La récupération du phosphore sous forme de
struvite n’est pas une obligation réglementaire en France, et n’a pas de réalité économique avec les effluents de
méthanisation de STEU, beaucoup moins
concentrés que ceux de la méthanisation
agricole. De plus le taux de récupération
du phosphore est assez faible, de même
d’ailleurs que celui de l’azote dans les
procédés de stripping de l’ammoniac»
affirme Germain Bredin. Veolia préfère
mettre en avant son système Anitamox,
qui consiste à traiter les centrats (ou filtrats) de digestat par un procédé biologique, avec des bactéries particulières,
et permet de récupérer 80% de l’azote.
Veolia en a installé un, par exemple, à
Nancy-Maxéville (Meurthe-et-Moselle,
500000 Eh).
Sources a pour sa part installé un
procédé de stripping de l’ammoniac
à Valenton, dans le cadre du projet
Cométha avec son partenaire John
Cockerill.
LES CAS DES « PETITES » STEU
La méthanisation des boues représente un investissement important qui se rentabilise difficilement sur les petites STEU, dont la production de méthane est forcément limitée. «Qui plus est, la location du poste d’injection à GRDF représente un coût fixe, quelle que soit la production. Et en dessous d’un débit de 40 Nm3 /h de méthane, GRDF n’assure plus l’odorisation: c’est à l’exploitant de la STEU de réaliser cette opération délicate. C’est pourquoi on entrevoit un retour à la cogénération à partir du biogaz sur les petites usines» révèle Germain Bredin (Veolia). Une solution pour préserver l’injection consisterait à centraliser les boues de plusieurs petites STEU sur le site d’une plus grande où elles seraient méthanisées. Une pratique courante dans certains pays, par exemple au Royaume-Uni, et qui fait son apparition en France. Un tel système est en place à Valence Romans Agglo (Drôme): l’usine de Valence méthanise ses propres boues et celles des STEU de Romans-sur-Isère et Portes-lèsValence. Julien Chauzy (Cambi) comme Florian Routhier (Sources) confirment voir arriver d’autres projets de ce type en France.
Il faut toutefois signaler une
difficulté réglementaire: recevant des
déchets de l’extérieur, la STEU centrale
change de statut et devient une ICPE,
avec les contraintes que cela suppose.
Par exemple, le digesteur doit être situé
à plus de 35 mètres d’un cours d’eau et
200 mètres de la première habitation.
Il faudra aussi que l’usine centrale soit
en mesure d’accepter l’afflux d’azote des
retours en tête.
Les extensions des Stations de
Traitement des Eaux Usées (STEU)
peuvent être équipées de trémies spéciales recevant les boues en provenance
de stations périphériques de taille plus
réduite ou moins équipées. Afin de les
intégrer au processus de méthanisation,
SERIP FRANCE se positionne en fournisseur et installateur de ces trémies
équipées de cadres coulissants et de
systèmes d’extraction-mélangeur. Ces
dispositifs permettent de décharger en
sécurité et de diluer les boues venant
des «petites» STEU avant leur acheminement vers le méthaniseur, favorisant
ainsi une intégration optimale dans le
processus global.